Your cart is currently empty!
29 juin 2023
Cour d’appel de Rouen
RG n°
21/03052
N° RG 21/03052 – N° Portalis DBV2-V-B7F-I25T
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 29 JUIN 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DU HAVRE du 07 Juillet 2021
APPELANT :
Monsieur [P] [S] [V]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par Me Nathalie VALLEE de la SCP VALLEE-LANGUIL, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Virginie CAREL, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEES :
S.A.S.U. COBEIMA
[Adresse 6]
[Localité 4]
représentée par Me Yoann GONTIER de la SELARL EPONA CONSEIL, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Cyril CAPACCI, avocat au barreau de ROUEN
S.A.S. INTERACTION SEINE MARITIME
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Vincent LE FAUCHEUR de la SELEURL Cabinet Vincent LE FAUCHEUR, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Thibaud BEJAT, avocat au barreau de
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 11 Mai 2023 sans opposition des parties devant Madame POUGET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ALVARADE, Présidente
Madame POUGET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 11 Mai 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 29 Juin 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 29 Juin 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [P] [S] [V] (le salarié) a été mis à la disposition de la société Cobeima (entreprise utilisatrice, EU) par la société Interaction Seine-Maritime (entreprise de travail temporaire, ETT) dans le cadre d’un contrat de travail temporaire à compter du 29 juin et jusqu’au 10 juillet 2020, renouvelé jusqu’au 24 juillet suivant.
Le 9 juillet 2020, à la suite d’un accident du travail, le salarié a été en arrêt de travail, régulièrement renouvelé jusqu’au 13 décembre suivant.
Le 15 janvier 2021, il a saisi le conseil de prud’hommes du Havre afin de voir prononcer la requalification de ses contrats de mission en un contrat à durée indéterminée.
Par jugement du 7 avril 2021, ledit conseil de prud’hommes a :
– débouté M. [V] de l’intégralité de ses demandes formées à l’encontre de la société Interaction Seine-Maritime et de la société Cobeima,
– débouté la société Cobeima de ses demandes,
– laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Le 23 juillet 2021, M. [V] a interjeté appel de cette décision et par conclusions remises le 22 octobre 2021, demande à la cour de :
– infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
– requalifier son contrat de travail en contrat à durée indéterminée à l’égard de la société Interaction Seine-Maritime ou à tout le moins, de constater que son contrat de travail ne lui a pas été transmis régulièrement,
– condamner la société Interaction à lui payer la somme de 2 549,51 euros au titre des indemnités de prévoyance,
– requalifier son contrat de travail à l’égard de la société Cobeima et juger que la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement nul,
– condamner « conjointement et solidairement » les sociétés à lui payer la somme de 1 539,45 euros au titre de l’indemnité de requalification,
– condamner la société Cobeima à lui payer les sommes suivantes :
1 539,45 euros au titre de l’indemnité pour procédure irrégulière,
9 236,70 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
– condamner « conjointement et solidairement » les mêmes sociétés à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700-2 du code de procédure civile et aux dépens.
Par conclusions remises le 21 janvier 2022, la société Cobeima demande à la cour de :
à titre principal,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [V] de l’intégralité de ses demandes formées à son encontre,
– rejeter la demande en requalification de ses contrats de missions temporaires en contrat à durée indéterminée ainsi que toutes celles subséquentes,
à titre subsidiaire et en cas de requalification du contrat de mission,
– déclarer irrecevables les demandes nouvelles tendant à obtenir qu’il soit jugé que la rupture du contrat s’analyse en un licenciement nul et des dommages-intérêts à ce titre,
à titre très subsidiaire,
– rejeter la demande de dommages-intérêts pour licenciement nul,
à titre infiniment subsidiaire et dans l’hypothèse où la demande de dommages-intérêts pour licenciement nul serait retenue,
– rejeter la demande d’indemnité pour procédure irrégulière celle-ci étant comprise dans l’évaluation globale du préjudice résultant de la nullité du licenciement,
en tout état de cause,
– condamner M. [V] ou tout autre succombant à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions remises le 20 janvier 2022, la société Interaction Seine-Maritime demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris,
– débouter M. [V] de ses demandes,
– le condamner à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles et aux dépens.
L’ordonnance de clôture a été fixée au 13 avril 2023.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé détaillé de leurs moyens et arguments.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de requalification à l’égard de la société Interaction Seine-Maritime
Si, en vertu de l’article L. 1251-17 du code du travail, le contrat de mission est transmis au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant sa mise à disposition, la méconnaissance de cette obligation de transmission ne saurait, à elle seule, entraîner la requalification en contrat à durée indéterminée, mais seulement ouvrir droit, pour le salarié, à une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire, selon les dispositions de l’article L. 1251-40 alinéa 2, dans sa version résultant de l’ordonnance du 20 décembre 2017 applicable au litige.
Aussi, peu important la date exacte de transmission au salarié de son contrat de mission temporaire, puisque cet élément ne peut justifier la requalification dudit contrat telle que revendiquée par M. [V], lequel ne forme, au surplus, aucune demande indemnitaire à ce titre. Surabondamment, la cour constate qu’il ressort de l’enveloppe portant envoi dudit contrat produite par le salarié, que celle-ci a été envoyée dès le 1er juillet 2019, de sorte que la transmission a bien été effectuée dans le délai légal considéré, étant rappelé que le jour de l’embauche ne compte pas dans ledit délai, non plus que le dimanche qui n’est pas un jour ouvrable.
Par ailleurs, il convient de rappeler qu’il incombe à la seule entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé au contrat.
Par conséquent, ce moyen est inopérant pour solliciter la requalification à l’égard de la société Interaction Seine-Maritime, entreprise de travail temporaire.
La décision déférée est confirmée sur ces chefs.
Sur la demande de requalification à l’égard de la société Cobeima
Aux termes de l’article L. 1251-5 du même code, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice.
M. [V] invoque de manière inappropriée ce texte pour faire valoir que l’EU doit démontrer et justifier du motif du recours au contrat de mission temporaire.
Il ressort du contrat de mission que l’appelant a été mis à disposition pour faire face à un accroissement temporaire d’activité lié à des travaux urgents sur le chantier Les Pépinières au Havre.
Il n’est pas contesté que le marché de l’étanchéité au sein de la société est très épisodique si bien qu’elle ne dispose que de deux étancheurs sur 108 salariés, qu’elle a, dans le cadre d’un groupement d’entreprises exceptionnellement remporté deux importants chantiers de réhabilitation portant sur 22 immeubles Logiseine, comprenant notamment d’importants travaux d’étanchéité (plus de 7400 m2) sur le chantier considéré. Au surplus, ce chantier dont le démarrage était fixé au 13 mai 2019, a pris du retard en raison du premier confinement puisque l’entreprise a été fermée du 17 mars au 11 mai 2020. Enfin, il ressort des deux attestations de salariés produites que sur la période à laquelle la société a eu recours à M. [V], il existait un besoin de main d”uvre ponctuel pour la «dépose, l’arrachage et la mise en big bag de l’ancienne étanchéité »
Ainsi, la société Cobeima justifie d’un accroissement d’activité dans le secteur de l’étanchéité en raison de l’obtention de marchés publics importants nécessitant de tels travaux et des conditions particulières de réalisation de ceux-ci.
Le jugement déféré est confirmé sur ce chef et en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes en découlant.
Sur les indemnités de prévoyance
Aux termes de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Comme le relève justement la société Interaction, la cour constate que le salarié qui forme une demande en paiement d’indemnités de prévoyance ne vise aucun fondement textuel à l’appui de sa demande et détermine le quantum de sa prétention via un raisonnement déductif, qui ne saurait prospérer, selon lequel la somme de 1 008,35 euros qu’il a perçu, serait « versée chaque mois pour 30 jours » si bien qu’il n’aurait pas été rempli de ses droits par ce seul versement.
Faute du moindre commencement de preuve permettant de considérer que tel serait le cas, c’est à juste titre que cette prétention a été rejetée, d’autant que l’ETT justifie des dispositions applicables, en l’occurrence l’accord du 10 juillet 2009 relatif aux garanties de prévoyance des intérimaires non cadres, ainsi que des versements ultérieurs dont a bénéficié l’appelant.
La décision déférée est confirmée sur ce chef.
Les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie succombante, le salarié est condamné aux dépens d’appel et débouté de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il n’apparaît pas inéquitable d’accorder la somme de 150 euros à chacune des sociétés intimées au titre de leurs frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement et en dernier ressort ;
Confirme le jugement du conseil de prud’hommes du Havre du 7 juillet 2021,
Y ajoutant,
Condamne M. [V] à payer à chaque société intimée la somme de 150 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne M. [V] aux dépens d’appel.
La greffière La présidente