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23 juin 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
17/08039
AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 17/08039 – N° Portalis DBVX-V-B7B-LLIN
[F] [X]
C/
Association ASSIST’DOM
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 15 Septembre 2017
RG : 16/03831
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 23 JUIN 2023
APPELANTE :
[C] [F] [X]
née le 25 Mai 1983 à [Localité 9] (CONGO)
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par Me Hervé DESCOTES de la SELARL HERVE DESCOTES NOUVELLE PARTICIPATION, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 69123/2/2017/28828 du 15/02/2018 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)
INTIMÉE :
Association ASSIST’DOM
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Jean-baudoin kakela SHIBABA, avocat au barreau de LYON
PARTIE INTERVENANTEES :
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 7]
[Adresse 4]
[Localité 7]
représentée par Me Cécile ZOTTA de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON
S.E.L.A.R.L. JEROME ALLAIS ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de l’Association ASSIST’DOM
PARTIE INTERVENANTE FORCEE
[Adresse 2]
[Localité 6]
non représentée
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 23 Mars 2023
Présidée par Régis DEVAUX, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Béatrice REGNIER, présidente
– Catherine CHANEZ, conseillère
– Régis DEVAUX, conseiller
ARRÊT : REPUTE CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 23 Juin 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Béatrice REGNIER, Présidente et par Mihaela BOGHIU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Faits
Assist’Dom est une association dont l’objet est le service d’aide et de maintien de particuliers à leur domicile. Elle applique la convention collective nationale de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile (IDCC 2941).
Elle a embauché Mme [C] [F] [X], dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel (à hauteur de 15 heures par semaine), signé le 23 novembre 2014, afin d’occuper un emploi d’auxiliaire de vie, à compter du 1er décembre 2014. A compter du 2 janvier 2015, la relation contractuelle s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 août 2016, la présidente de l’association Assist’Dom a mis en demeure Mme [F] [X] de justifier de son absence à son poste de travail, constatée depuis le 4 juillet 2016.
A la suite d’un entretien préalable qui a eu lieu le 26 octobre 2016, l’association Assist’Dom a notifié à Mme [F] [X] son licenciement pour faute grave, par lettre recommandée dont la salariée a accusé réception le 24 novembre 2016.
De son côté, par lettre recommandée avec accusé de réception, reçue par l’employeur le 23 novembre 2016, Mme [F] [X] a formalisé la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail.
Procédure de première instance
Par requête enregistrée le 22 décembre 2016, Mme [F] [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon aux fins principalement de voir requalifier son contrat de travail à durée déterminée du 24 novembre 2014 en contrat de travail à durée indéterminée, de faire produire à sa prise d’acte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de faire valoir plusieurs créances à caractère salarial.
Par jugement du 15 septembre 2017, le conseil de prud’hommes de Lyon a :
– fixé le salaire mensuel moyen de Mme [F] [X] à 638,22 euros bruts, congés payés inclus ;
– dit que le licenciement de Mme [F] [X] pour faute grave est fondé ;
– requalifié le contrat à durée déterminée de Mme [F] [X] en contrat à durée indéterminée à compter du 1er décembre 2014 ;
– condamné l’association Assist’Dom à payer à Mme [F] [X] 638,22 euros à titre d’indemnité de requalification ;
– condamné l’association Assist’Dom à payer à Mme [F] [X] 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
– condamné l’association Assist’Dom aux dépens.
Par jugement du 24 octobre 2017, le tribunal de grande instance de Lyon a ouvert une procédure de redressement judiciaire de l’association Assist’Dom et a désigné Me [L] en qualité de mandataire judiciaire.
Par déclaration enregistrée le 2 novembre 2017, Mme [F] [X] a interjeté appel à l’encontre du jugement du conseil de prud’hommes, critiquant celui-ci en ce qu’il a fixé son salaire mensuel moyen à 638,22 euros bruts, congés payés inclus, a dit que son licenciement pour faute grave était fondé et l’a déboutée de ses demandes, qui étaient expressément rappelées. L’intimée était désigné en la seule personne de l’association Assist’Dom.
Par acte du 16 novembre 2017, Mme [F] [X] a réitéré sa déclaration d’appel à l’encontre du jugement du conseil de prud’hommes, critiquant les mêmes chefs du dispositif. Etaient alors désignés en qualité d’intimés l’association Assist’Dom et Me [L], en qualité de mandataire judiciaire de cette dernière.
Procédure devant la cour d’appel
Par ordonnance du 12 février 2018, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures enregistrées à la suite des déclarations d’appel de Mme [F] [X].
Mme [F] [X] a assigné en intervention forcée, par actes du 21 février 2018 et du 26 février 2018, respectivement Me [L] et l’UNEDIC – délégation AGS-CGEA de [Localité 7].
Par jugement du 17 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Lyon a prononcé la liquidation judiciaire de Me [L].
Par jugement du 15 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Lyon a désigné la SELARL Jérôme Allais en qualité de commissaire à l’exécution du plan de l’association Assist’Dom, en remplacement de Me [L].
Par ordonnance du 10 mai 2019, le conseiller de la mise en état a débouté Me [L] et l’association Assist’Dom de leur demande tendant à l’irrecevabilité de la déclaration d’appel de Mme [F] [X].
Par ordonnance du 14 novembre 2019, le procédure de mise en état était clôturée.
L’audience de plaidoiries s’est tenue le 12 décembre 2019.
Par arrêt du 13 mars 2020, la cour d’appel a :
– ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture et la réouverture des débats pour permettre l’intervention du nouveau mandataire judiciaire de l’association Assist’Dom, suite à la liquidation judiciaire de Me [L] et aux transferts des mandats détenus par ce dernier ;
– renvoyé l’affaire à la mise en état ;
– réservé l’examen des demandes.
Par acte du 2 octobre 2020, Mme [F] [X] a fait assigner la SELARL Jérôme Allais en intervention forcée.
Par courrier du 7 octobre 2020 adressé à la cour, la SELARL Jérôme Allais a fait savoir qu’elle n’avait pas qualité pour intervenir dans la présente procédure, dans la mesure où l’association Assist’Dom a obtenu un plan de redressement le 9 octobre 2018. Elle n’a pas conclu.
Par ordonnance du 14 février 2023, la procédure de mise en état a de nouveau été clôturée.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique du 27 juin 2018, Mme [C] [F] [X] demande à la Cour de réformer pour l’essentiel le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon du 15 septembre 2017 et de :
– requalifier le CDD à temps partiel à compter du 24 novembre 2014 en CDI à temps complet,
– fixer la créance salariale de Mme [F] [X] sur le redressement judiciaire de l’association Assist’Dom sur la base des sommes suivantes :
1 466,65 euros à titre d’indemnité de requalification du CDD en CDI,
1 182 euros à titre de rappel de salaire du 1er janvier 2015 au 31 juillet 2015,
5 656,95 euros à titre de rappel de salaire du 1er janvier 2016 au 31 juillet 2016, outre 565,70 euros de congés payés afférents,
790 euros à titre de règlement des acomptes non versés de décembre 2014, janvier 2015 et juin 2015,
2 932 euros à titre de rappel de salaire d’octobre et novembre 2014, outre 293,20 euros de congés payés afférents,
8 799,90 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,
2 933,30 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 293,33 euros à titre de congés payés afférents,
585,66 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
8 796 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– déclarer commun et opposable l’arrêt à intervenir au mandataire judiciaire Me [L] et à l’UNEDIC Délégation AGS-CGEA,
– statuer ce que de droit sur les dépens.
Mme [F] [X] soutient qu’elle a commencé à travailler pour le compte de l’association Assist’Dom en octobre et novembre 2014, sans être payée. Elle fait valoir que son contrat de travail signé le 23 novembre 2014 ne porte pas mention du motif de recours à un contrat à durée déterminée, pas plus que de la répartition de ses heures de travail au cours de chaque mois. Elle ajoute qu’à plusieurs reprises, son employeur ne lui a pas payé effectivement des acomptes sur salaire, malgré les mentions portées sur les bulletins de paie. Mme [F] [X] fait valoir que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail est antérieure à son licenciement pour faute grave, et que l’employeur ayant commis divers manquements dans l’exécution de son contrat de travail, celle-ci doit produire les effets d’un licenciement injustifié.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 novembre 2019, Me [L], sous administration provisoire de Me [I] et Me [E], et l’association Assist’Dom, intimés, demande pour sa part à la Cour de :
– confirmer le jugement en ce que le conseil de prud’hommes a jugé le licenciement justifié par une faute grave,
– infirmer le jugement dans son dispositif concernant la requalification du CDD en CDI à compter du 1er décembre 2014 et en ce qu’il a condamné l’association Assist’Dom au paiement de la somme de 638,22 euros de dommages-intérêts ainsi qu’à la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouter Mme [F] [X] pour le surplus de ses demandes,
– réformer le jugement et condamner Mme [F] [X] aux sommes suivantes :
3 000 euros au titre de l’amende civile pour falsification de documents,
10 000 euros de dommages-intérêts du chef de la falsification des documents officiels,
5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux dépens.
L’association Assist’Dom et Me [L], en qualité de mandataire judiciaire de celle-ci, affirment que la salariée a falsifié l’exemplaire de son contrat de travail à durée indéterminée, versé aux débats, en modifiant la durée hebdomadaire du travail (en mentionnant 35 heurs au lieu de 15 heures). Ils ajoutent que toutes les heures travaillées ont été régulièrement rémunérées. Selon eux, le contrat à durée déterminée a été transformé en un contrat à durée indéterminée, le 2 janvier 2015, ce qui fait qu’il n’y a pas lieu de requalifier ce contrat, ainsi que l’appelante le sollicite, sans qu’il y ait lieu de tenir compte de l’erreur matérielle qui entache le contrat signé le 23 novembre 2014. Ils font valoir que Mme [F] [X] a déserté son poste de travail à compter du 4 juillet 2016 et n’a jamais repris le travail, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 mai 2018, l’UNEDIC – délégation AGS-CGEA de [Localité 7], intimée, demande à la Cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que le licenciement pour faute grave est fondé,
– infirmer le jugement en ce qu’il a requalifié le CDD en CDI à compter du 1er décembre 2014 et a alloué une indemnité de ce chef,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [F] [X] de l’intégralité de ses autres demandes,
– débouter Mme [F] [X] de l’intégralité de ses demandes,
– subsidiairement, réduire le quantum des dommages-intérêts dans la limite du préjudice démontré,
– en tout état de cause, dire et juger que l’article 700 du code de procédure civile n’est pas garanti par l’AGS,
– la mettre hors dépens.
L’UNEDIC – délégation AGS-CGEA de [Localité 7] s’en rapporte, pour l’essentiel, aux explications fournies par l’association Assist’Dom. Elle fait valoir que Mme [F] [X], par sa prise d’acte de rupture de son contrat, a voulu se prémunir d’un licenciement pour faute.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la Cour se réfère aux conclusions de ces dernières, en application de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre préliminaire, il est rappelé aux parties que, conformément à l’article 954 troisième alinéa du code de procédure civile, la Cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif de leurs conclusions et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Ainsi, la Cour relève que la recevabilité de l’appel interjeté à titre principal par Mme [F] [X] ne fait plus, en l’état des dispositif des dernières conclusions des parties, l’objet d’une contestation. Il n’y a donc pas lieu à statuer sur cette question.
Par ailleurs, en conséquence des jugements du tribunal de grande instance rendus les 17 décembre 2018 et 15 janvier 2019, Me [L] sera mis hors de cause.
1.1. Sur la demande en rappel de salaire pour les mois d’octobre et novembre 2014
Il résulte des articles L. 1221-1 et suivants du même code que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Par principe, en l’absence de présomption légale de salariat, c’est à la partie qui invoque l’existence d’une relation salariale d’apporter la preuve du contrat de travail. En l’absence de contrat de travail apparent, il appartient à celui qui se prévaut de son existence d’en rapporter la preuve (Cass. soc., 4 février 2015 – pourvoi n° 13-25.621).
En l’espèce, Mme [F] [X] allègue avoir effectué des prestations d’agent d’aide à domicile au cours dès les mois d’octobre et novembre 2014, sans avoir été déclarée, ni rémunérée.
Toutefois, alors qu’elle se prévaut d’un contrat de travail qui n’a pas été écrit, elle ne propose aucun moyen de preuve du fait d’avoir fourni des prestations de travail en étant placée dans un lien de subordination à l’égard de l’association Assist’Dom, avant le 1er décembre 2014 (date de prise d’effet du premier contrat de travail versé aux débats).
Dès lors, le rejet de sa demande en versement d’un rappel de salaire pour les mois d’octobre et novembre 2014, outre les congés payés afférents, mérite d’être confirmé.
1.2. Sur la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel en contrat de travail à durée indéterminée et à temps plein, ainsi que les demandes pécuniaires subséquentes
‘ En premier lieu, il résulte de l’article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et applicable au 21 novembre 2014, que le contrat de travail du salarié à temps partiel, qui est nécessairement écrit, mentionne notamment « les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié »
En outre, l’article 37 du titre V de la convention collective nationale de branche du 21 mai 2010, applicable en l’espèce, ajoute que : « Les horaires de travail sont précisés aux salariés par écrit lors de la notification du planning d’intervention pour le personnel d’intervention (‘)
La notification du planning a lieu selon une périodicité mensuelle, par remise en main propre au salarié ou par courrier. Les plannings sont notifiés aux salariés au moins 7 jours avant le 1er jour de leur exécution. (‘) »
En l’absence de stipulations relatives au jour du mois auquel sont communiqués par écrit les horaires de travail des salariés des entreprises et associations d’aide à domicile, ceux-ci doivent l’être avant le début de chaque mois ; l’absence d’une telle communication fait présumer que l’emploi est à temps complet et il incombe alors à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de l’employeur (Cass. Soc., 20 février 2013 ‘ pourvoi n° 11-24.012).
En l’espèce, il n’est pas contesté que le contrat de travail signé par Mme [F] [X] le 23 novembre 2014 était à temps partiel, puisque prévoyant 15 heures de travail effectif par semaine, sans que ne soit mentionné le jour du mois auquel seraient communiqués par écrit les horaires de travail de la salariée. En outre, l’employeur ne soutient pas avoir communiqué à Mme [F] [X] ses horaires de travail avant le début de chaque mois, de sorte que le contrat de cette dernière est présumé à temps plein. L’employeur ne rapportant pas la preuve ni de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, ni que la salariée n’était pas placée dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu’elle n’était pas tenue de se tenir constamment à sa disposition, Mme [F] [X] est bien fondée à demander la requalification de son contrat en contrat à temps complet.
‘ En second lieu, aux termes de l’article L.1242-12 premier alinéa du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif, et notamment les mentions énumérées par ce texte ; à défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée.
En l’espèce, il n’est pas contesté que le contrat de travail signé par Mme [F] [X] le 23 novembre 2014 était à durée déterminée, sans que cette durée ne soit déterminée, ni que le motif précis de recours à un contrat de ce type ne soit mentionné.
En conséquence, ce contrat est réputé être conclu pour une durée indéterminée, avec effet dès le 23 novembre 2014, sans que la conclusion d’un contrat de travail à durée indéterminée le 2 janvier 2015 ait une quelconque incidence sur le jeu de cette présomption.
Dès lors, Mme [F] [X] a droit à l’indemnité prévue à l’article L. 1245-2 du code du travail, dont le montant ne peut être inférieur à un mois de salaire.
‘ En prenant en compte le fait que Mme [F] [X] occupait un emploi à temps plein et un taux horaire de 9,53 euros (tel que mentionné par le contrat de travail signé le 2 janvier 2015), le montant du salaire mensuel est fixé, dans le cadre du premier contrat de travail, à : 151,67 heures x 9,53 euros = 1 445,41 euros.
Mme [F] [X] a donc droit à la somme de 1 445,41 euros, au titre de l’indemnité prévue à l’article L. 1245-2 du code du travail.
S’agissant de la période allant du 1er janvier 2015 au 31 juillet 2015, à l’exception du mois de juin 2015, soit six mois, Mme [F] [X] a été payée pour un total de 787 heures travaillées (selon les mentions portées sur les bulletins de paye ‘ pièces n° 12 de l’appelante). Du fait que son emploi était à temps plein, elle a le droit de recevoir la rémunération pour : 6 x 151,67 heures = 910,02 heures. En retenant un taux horaire de 9,61 euros, la créance de Mme [F] [X] pour cette période s’élève à : (910,02 ‘ 787) x 9,61 = 1 182 euros, à titre de rappel de salaire, outre 118,20 euros au titre des congés payés afférents.
S’agissant de la période allant du 1er janvier 2016 au 31 juillet 2016, à l’exception du mois de juin 2016, soit six mois, Mme [F] [X] a été payée pour un total de 319 heures travaillées (selon les mentions portées sur les bulletins de paye ‘ pièces n° 12 de l’appelante). Du fait que son emploi était à temps plein, elle a le droit de recevoir la rémunération pour : 6 x 151,67 heures = 910,02 heures. En retenant un taux horaire de 9,61 euros, la créance de Mme [F] [X] pour cette période s’élève à : (910,02 ‘ 319) x 9,61 = 5 679,70 euros, à titre de rappel de salaire, ramené à 5 656,95 euros, dans la limite de ce qui est demandé, outre 565,69 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement déféré sera infirmé en conséquence.
1.3. Sur la demande en paiement des acomptes non versés en décembre 2014, janvier 2015 et juin 2015
Il apparaît, sur les bulletins de paye de Mme [F] [X], des mentions concernant des acomptes : en décembre 2014, d’un montant de 350 euros ; en janvier 2015, d’un montant de 350 euros, et en juin 2015, d’un montant de 90 euros (pièces n° 12 de l’appelante). La salariée conteste que ces sommes d’argent lui aient été effectivement payées.
Il incombe à l’employeur de rapporter la preuve qu’il a payé le salaire, ce qu’en l’espèce il ne fait part, aucune pièce n’étant produite au sujet du paiement de ces trois acomptes.
Dès lors, il convient de faire droit à la demande de Mme [F] [X] ; le jugement déféré sera infirmé en conséquence.
1.4. Sur la demande en dommages et intérêts pour travail dissimulé
Il résulte de l’article L. 8221-5 du code du travail qu’ « est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
(‘)
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales. »
En l’espèce, Mme [F] [X] reproche à l’association Assist’Dom de ne pas avoir justifié du paiement des cotisations dues à l’URSSAF pour l’intégralité des heures travaillées, ainsi que de l’accomplissement de la formalité de déclaration préalable à l’embauche la concernant.
L’association Assist’Dom ne développe, dans ses conclusions, aucun moyen à ce sujet. Elle verse toutefois aux débats l’accusé de réception de la déclaration préalable à l’embauche concernant Mme [F] [X], daté du 8 décembre 2014 (pièce n° 6 de l’intimée).
Par ailleurs, il ne résulte pas des débats que l’association Assist’Dom se soit soustraite intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires de Mme [F] [X] ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci.
Dès lors, le conseil de prud’hommes ayant omis de statuer sur la demande aux fins d’indemnité pour travail dissimulé, la Cour rejettera celle-ci.
2.1. Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail
Il résulte de l’analyse des pièces versées aux débats que :
– d’une part, l’association Assist’Dom a envoyé le 18 novembre 2016 à Mme [F] [X] la lettre de licenciement pour faute grave, sous forme recommandée dont la salariée a accusé réception le 24 novembre 2016 (pièce n° 11 de l’intimée) ;
– d’autre part, Mme [F] [X] a formalisé la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail dans une lettre recommandée envoyée le 22 novembre 2016 à son employeur, qui en a accusé réception le 23 novembre 2016 (pièce n° 8 de l’appelante).
Or la date de rupture d’un contrat de travail à durée indéterminée est celle à laquelle l’employeur a manifesté sa volonté d’y mettre fin, c’est à dire au jour de l’envoi de la lettre recommandée notifiant la rupture (en ce sens : Cass. Soc., 11 mai 2005 ‘ pourvoi n° 03-40.650).
En conséquence, le contrat de travail de Mme [F] [X] a pris fin dès le 18 novembre 2016, si bien que la prise d’acte de la rupture de ce même contrat, matérialisée quatre jours plus tard, était sans objet.
Il y a lieu de confirmer l’analyse des premiers juges à ce sujet.
2.2. Sur le bien-fondé du licenciement
En application de l’article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
La cause réelle du licenciement est celle qui présente un caractère d’objectivité. Elle doit être exacte. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.
Aux termes de l’article L. 1232-6 alinéa 2 du code du travail, la lettre de licenciement comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur. Ces motifs doivent être suffisamment précis et matériellement vérifiables. La datation dans cette lettre des faits invoqués n’est pas nécessaire. L’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier des motifs. Si un doute subsiste, il profite au salarié, conformément aux dispositions de l’article L. 1235-1 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce.
Si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.
En l’espèce, Mme [F] [X] a été licenciée par lettre recommandée avec accusé réception, notifiée le 24 novembre 2016, dans les termes suivants :
« Vous êtes absente de votre poste de travail depuis le 4 juillet 2016.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 6 août 2016, nous vous avons mise en demeure de justifier votre absence ou de reprendre votre poste de travail dans les plus brefs délais.
Or force est de constater que vous n’en avez pas tenu compte, puisque depuis le 4 juillet 2016 vous êtes en absence injustifiée et non autorisée de notre part.
Malheureusement, à aucun moment, vous ne nous avez ni informé des raisons de votre absence, ni fourni de justificatif, ni repris votre poste de travail.
Lors de l’entretien préalable du 26 octobre dernier, vous n’avez pas non plus donné d’explications à votre absence, ni fourni de justificatifs susceptibles de modifier notre point de vue quant aux faits qui vous sont reprochés.
Etant dans la plus totale expectative de votre éventuel retour, nous avons été contraints, au pied levé, de vous suppléer dans votre fonction et de modifier par voie de conséquence les plannings du personnel.
Vous n’êtes pas sans savoir que, compte tenu de la spécificité de notre activité, votre absence a entraîné une forte désorganisation et a nui à la dynamique de nos équipes de travail.
Par conséquent, nous sommes amenés à vous licencier pour faute grave. »
Est versée aux débats la mise en demeure adressée le 6 août 2016 à Mme [F] [X] de reprendre le travail, alors que celle-ci avait indiqué le 4 juillet 2016 vouloir arrêter son activité, selon les termes mêmes de ce courrier (pièce n° 8 de l’intimée).
Par courrier du 12 août 2016, Mme [F] [X] a répondu, en imputant à son employeur plusieurs manquements contractuels : le fait de l’avoir placée indument, sur les bulletins de salaire, en situation de congés payés en juin et juillet 2016 ; le fait de ne pas lui avoir versé les acomptes, comme annoncé, en décembre 2014, janvier 2015 et juin 2015 ; le fait de ne pas avoir payé toutes les heures travaillées, depuis 2015 (pièce n° 3 de l’appelante).
Par courrier du 7 septembre 2016, la présidente de l’association Assit’Dom adressait à Mme [F] [X] ses fiches de paie pour les mois de janvier à juillet 2016, ainsi qu’un chèque de régularisation. Elle ajoutait qu’un autre courrier lui serait prochainement adressé, suite à son refus de reprendre le travail (pièce n° 4 de l’appelante).
Sont versés aux débats les bulletins de salaire de Mme [F] [X] pour les mois de janvier à juillet 2016, ainsi que pour novembre 2016 (pièces n°12 de l’appelante). En revanche, aucune des parties ne produit les bulletins de salaire de Mme [F] [X] concernant les mois d’août, septembre et octobre 2016, alors que son contrat de travail n’était pas encore rompu.
Par courrier du 22 septembre 2016, un syndicat, saisi par Mme [F] [X], demandait à l’association Assist’Dom d’apporter une solution aux problèmes rapportés par la salariée, notamment le non-versement des acomptes et le non-paiement d’une partie des heures travaillées entre janvier et juillet 2015 (pièce n° 5 de l’appelante).
Par courrier du 14 octobre 2016, l’avocat de l’association répondait que celle-ci n’était débitrice d’aucune somme d’argent envers Mme [F] [X] (pièce n° 6 de l’appelante).
Dans de telles circonstances, alors que le contrat de travail de Mme [F] [X] à temps partiel est requalifié en contrat à temps complet, que l’association n’est pas en mesure de démontrer qu’elle a effectivement versé à la salariée les acomptes qu’elle réclamait, et encore que l’employeur n’a transmis à celle-ci qu’en septembre 2016 les fiches de paie pour les mois de janvier à juillet 2016, le refus de Mme [F] [X] de reprendre le travail peut être légitimé par des manquements de l’employeur à ses obligations essentielles.
En conséquence, le refus de la salariée de reprendre le travail tant que l’employeur n’avait pas régularisé la situation n’était pas fautif ; son licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé en ce sens.
S’agissant des conséquences pécuniaires du licenciement, en premier lieu, il résulte de l’article 26.1.a de la convention collective que la durée du délai-congé de Mme [F] [X], qui justifiait d’une ancienneté d’au moins six mois et de moins de deux ans, était de 1 mois.
Mme [F] [X] aurait dû recevoir, pendant ce mois, son salaire de base, calculé en tenant compte d’un emploi à temps complet. Dès lors, le montant de l’indemnité compensatrice de préavis est de 1 445,41 euros. L’employeur doit en outre 144,54 euros, au titre des congés payés afférents.
En deuxième lieu, il résulte de l’article 26.1.b de la convention collective que Mme [F] [X] a droit à une indemnité de licenciement calculée comme suit : 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à 10 ans.
Mme [F] [X] comptait, au jour de son licenciement, une ancienneté d’une seule année complète. En conséquence, le montant de l’indemnité de licenciement se calcule ainsi : 1 445,41 / 4 = 361,35 euros.
En troisième lieu, s’agissant des dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en considération de l’âge de la salariée (33 ans) et de son ancienneté dans l’entreprise (22 mois) au moment du licenciement, de son aptitude à retrouver un travail, le préjudice subi par Mme [C] [F] [X] sera justement indemnisé par le versement de la somme de 8 796 euros, dans la limite de ce que l’appelante demande, au visa des articles L. 1235-3 et L. 1235-5 du code du travail, dans leur rédaction applicable au 24 novembre 2016.
S’agissant de l’ensemble des conséquences pécuniaires du licenciement, le jugement déféré sera réformé en ce sens.
L’association Assist’Dom souligne que, sur le contrat de travail versé aux débats par l’appelante, il est indiqué une durée de travail de 35 heures par semaine (pièce n° 2 de l’appelante), alors que l’exemplaire en sa possession mentionne une durée de 15 heures (pièce de l’intimée). Elle impute à Mme [F] [X] la falsification de ce nombre, étant précisé qu’il est constant que le nombre « 35 » est manuscrit et que l’exemplaire du contrat produit par Mme [F] [X] n’est pas signé par le représentant de l’association Assist’Dom.
La demande de l’association Assist’Dom aux fins de condamnation à une amende civile pour falsification sera déclarée irrecevable, faute pour elle d’intérêt à agir.
L’association Assist’Dom justifie sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts par le fait que Mme [F] [X] a engagé la présente procédure sur la foi d’un document tronqué, ce qui a aggravé ses propres difficultés financières. Toutefois, l’association Assist’Dom ne démontre pas avoir subi un préjudice causé par la falsification alléguée du contrat de travail. Le rejet de cette demande reconventionnelle doit dès lors être confirmé.
4.1. Sur les dépens
La SELARL Jérôme Allais, partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens.
4.2. Sur l’article 700 du code de procédure civile
La demande de l’association Assist’Dom en application de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Déclare le présent arrêt opposable à l’UNEDIC – délégation AGS-CGEA de Chalon- sur-Saône ;
Met hors de cause Me [B] [L], pris en sa qualité de mandataire judiciaire de l’association Assist’Dom ;
Infrme le jugement du 15 septembre 2017 rendu par le conseil de prud’hommes de Lyon, en ses dispositions déférées, sauf en ce qu’il a requalifié le contrat à durée déterminée de Mme [F] [X] en contrat à durée indéterminée à compter du 1er décembre 2014 ;
Statuant sur les dispositions infirmées, sur les demandes omises par le conseil de prud’hommes et ajoutant,
Déclare irrecevable la demande de l’association Assist’Dom aux fins de condamnation à une amende civile pour falsification ;
Rejette la demande de Mme [C] [F] [X] en indemnité pour travail dissimulé ;
Dit que le licenciement par l’association Assist’Dom de Mme [C] [F] [X] pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Fixe au passif du redressement judiciaire de l’association Assist’Dom les créances dont Mme [C] [F] [X] est titulaire, pour les montants suivants :
– 1 445,41 euros, au titre de l’indemnité prévue à l’article L. 1245-2 du code du travail ;
– 1 182 euros, à titre de rappel de salaires pour les mois de janvier 2015, février 2015, mars 2015, avril 2015, mai 2015 et juillet 2015, outre 118,20 euros au titre des congés payés afférents ;
– 5 656,95 euros, à titre de rappel de salaires pour les mois de janvier 2016, février 2016, mars 2016, avril 2016, mai 2016 et juillet 2016, outre 565,69 euros au titre des congés payés afférents ;
– 790 euros en paiement des acomptes non versés en décembre 2014, janvier 2015 et juin 2015 ;
– 1 445,41 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 144,54 euros, au titre des congés payés afférents ;
– 361,35 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;
– 8 796 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SELARL Jérôme Allais aux dépens de l’instance d’appel ;
Rejette la demande de l’association Assist’Dom en application de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,