Requalification en CDI : 22 juin 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/00742

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Requalification en CDI : 22 juin 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/00742
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22 juin 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/00742

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 JUIN 2023

N° RG 21/00742 –

N° Portalis DBV3-V-B7F-ULNT

AFFAIRE :

[Y] [K]

C/

S.A.S. PREDICTIS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Février 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Section : C

N° RG : 19/01579

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Christophe FERREIRA SANTOS

Me Jacques BELLICHACH

le :

Copie numérique délivrée à :

Pôle emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, devant initialement être rendu le 08 juin 2023 et prorogé au 22 juin 2023, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Madame [Y] [K]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Christophe FERREIRA SANTOS, Plaidant/Constitution, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0575

APPELANTE

****************

S.A.S. PREDICTIS

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Jacques BELLICHACH, Constituté, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0334 et Me Karine ASSANT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0413

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 31 mars 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle CHABAL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN,

La société Predictis, dont le siège social est situé [Adresse 1], dans le département des Hauts-de-Seine, exerce une activité de courtier en assurance. Elle emploie plus de 10 salariés et applique la convention collective du courtage en assurance et/ou de réassurance du 18 janvier 2002.

Le 1er janvier 2020, les sociétés Predictis et Arca Santé ont procédé à une transmission universelle de patrimoine, la société Predictis absorbant la société Arca Santé, toutes deux appartenant au groupe Premium.

Mme [Y] [K], née le 19 juin 1978, a été engagée par la société Arca Santé selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (28 heures par semaine), en date et à effet du 9 octobre 2017, en qualité de comptable général, statut classe D.

Par avenant du 1er février 2018, la durée du travail de la salariée est passée à 32 heures hebdomadaires.

Par courrier en date du 27 juin 2019, la société Arca Santé a convoqué Mme [K] à un entretien préalable qui s’est déroulé le 4 juillet 2019.

Par courrier en date du 15 juillet 2019, la société Arca Santé a notifié à Mme [K] son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

‘Par courrier remis en mains propres contre décharge le 27 juin 2019, nous vous avons convoqué à un entretien préalable, étant amené à envisager une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’à un licenciement pour faute grave suite aux faits qui se sont déroulés le 24 juin 2019.

Au regard de la gravité des faits et après avoir entendu les personnes concernées et témoins, nous vous avons notifié votre mise à pied à titre conservatoire dans l’attente de la décision définitive qui pourrait découler de cet entretien.

Pour faire suite à cet entretien qui s’est tenu le 4 juillet 2019, au cours duquel vous étiez assistée d’un conseiller du salarié, nous avons le regret de vous notifier votre licenciement pour faute grave.

Ainsi que je vous l’ai exposé les motifs de votre licenciement sont les suivants :

Le 24 juin 2019, vous avez provoqué une grave altercation à l’encontre de votre collègue, Mme [X] [C], gestionnaire administrative et commerciale au sein de la société.

Suite à l’ouverture, par Mme [X] [C], de courriers adressés à la société Arca Santé, et non à vous personnellement, vous l’avez agressée en hurlant à son intention : « De quel droit vous permettez-vous d’ouvrir mon courrier » !

Mme [X] [C] vous a suivi dans le bureau afin de vous expliquer légitimement qu’elle ne pouvait pas deviner le contenu du courrier.

De manière totalement disproportionnée et bien décidée à ne pas en rester là, vous vous en êtes pris à elle en continuant d’hurler [sic] à son encontre de plus en plus fort, en allant jusqu’à l’insulter en lui rétorquant « connasse » !

Vos hurlements étaient tels qu’ils étaient audibles jusque dans le couloir.

Alertée par les cris, Mme [M] [F], stagiaire, s’est rendue dans le bureau afin de venir en aide à Mme [X] [C], craignant que vous en veniez aux mains tellement vous paraissiez incontrôlable et incalmable.

Mme [X] [C], extrêmement affectée, s’est effondrée au regard de ce nouvel élan d’agressivité à son encontre.

Vos collègues vous ont entendu l’insulter et l’agresser verbalement. Les personnes présentes étaient outrées par votre attitude.

Au regard de votre poste, vous livrer à un tel débordement est inacceptable et se trouve totalement inadapté à un environnement de travail.

La situation est d’autant plus préoccupante que votre comportement agressif s’avère réitérant.

Pour rappel, au mois d’avril 2019, Mme [A] [J] avait été amenée à vous mettre en garde oralement sur la nécessité de modifier votre comportement, votre agressivité et vos changements d’humeurs au quotidien affectant sérieusement le travail et la sérénité morale de vos collègues, Mmes [X] [C] et [L] [W].

Celles-ci, à bout, nous ont fait part longuement de leurs difficultés à collaborer avec vous tant vos réactions s’avéraient agressives, imprévisibles et déstabilisantes, et qu’elles handicapaient sérieusement leur travail et leur santé.

Nous ne pouvons cautionner ce type d’agissements et de débordements alarmants et persistants qui préjudicient sérieusement à la bonne organisation du service et à la santé et à la sécurité des salariés que nous nous devons de garantir.

De manière pour le moins malhonnête et choquante, vous avez cru devoir prétendre que Mme [X] [C] vous aurait agressée et frappée, sans doute dans le but de minimiser vos agissements fautifs.

Votre bureau est vitré et aucun des témoins de cette grave altercation n’a vu Mme [X] [C], ni vous agresser, ni porter le moindre coup à votre encontre ; ce d’autant plus qu’en huit ans d’ancienneté, cette dernière n’a jamais témoigné du moindre signe d’agressivité ou de violence contrairement à vous.

Nous considérons que l’ensemble des faits énoncés ci-avant constitue une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l’entreprise.

Votre licenciement prend effet immédiatement à la date du 15 juillet 2019 sans préavis ni indemnité de rupture.

Nous vous précisons par ailleurs qu’en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés le salaire correspondant à la période pendant laquelle vous avez fait l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé.’

Par requête du 5 décembre 2019, Mme [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de voir juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de voir condamner la société Predictis, venant aux droits de la société Arca Santé, à lui verser les sommes à caractère salarial et/ou indemnitaire suivantes :

– 9 912,88 euros bruts à titre de rappel de salaire pour heures complémentaires d’octobre 2017 à juin 2019,

– 991,28 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– 1 483,89 euros bruts à titre de rappel de salaire à temps plein,

– 148,38 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– 18 600 euros nets à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– 6 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

– 1 582,38 euros bruts à titre de salaire pendant la mise à pied conservatoire,

– 158,23 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– 6 200 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 620 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– 3 100 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 645,55 euros bruts à titre de rappel sur prélèvement des indemnités journalières de sécurité sociale (ou IJSS),

– 64,55 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– à titre principal, 18 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– à titre subsidiaire, 6 200 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 6 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et brutal,

– 2 500 euros nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– fixer le salaire moyen à la date de la rupture à 3 100 euros,

– ordonner la remise des documents suivants conformes à la décision sous astreinte de 15 euros par jour et par document, le conseil s’en réservant la liquidation :

. attestation de salaire rectifiée pour la régularisation des IJSS,

. bulletins de salaire,

. certificat de travail,

. attestation Pôle emploi.

La société Predictis avait quant à elle demandé la condamnation de Mme [K] au versement d’une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire rendu le 10 février 2021, la section commerce du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a :

– dit que les motifs du licenciement sont constitutifs de fautes graves privatif [sic] de préavis et d’indemnité de licenciement,

– dit que les heures complémentaires ne sont pas démontrées,

– dit qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande au titre du travail dissimulé et de l’exécution déloyale du contrat de travail,

– débouté Mme [K] de l’ensemble de ses demandes,

– débouté la société Predictis de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– mis les dépens à la charge de chacune des parties pour la part lui incombant.

Mme [K] a interjeté appel de la décision par déclaration du 4 mars 2021.

Par conclusions n°5 notifiées par voie électronique le 1er mars 2023, Mme [Y] [K] demande à la cour de :

– dire et juger Mme [K] recevable et bien fondée en son appel du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 10 février 2021,

En conséquence,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [K] de l’ensemble de ses demandes,

Statuant à nouveau,

– écarter le barème de l’article L. 1235-3 du code du travail en vertu des dispositions de l’article 24b de la Charte Sociale Européenne,

– condamner la société Predictis à verser à Mme [K], avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes et anatocisme sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil, les sommes suivantes :

. à titre de rappel d’heures complémentaires pour la période d’octobre 2017 à juin 2019 : 9 912,88 euros, et de congés payés afférents : 991,27 euros,

. à titre de rappel de salaires sur temps plein : 1 483,89 euros, et de congés payés afférents : 148,38 euros,

. à titre d’indemnité pour travail dissimulé : 18 600 euros nets,

. à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale : 6 000 euros nets,

. à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied : 1 582,38 euros, et de congés payés afférents : 158,23 euros,

. à titre d’indemnité compensatrice de préavis : 6 199,92 euros et de congés payés afférents : 619,99 euros,

. à titre d’indemnité légale de licenciement : 3 099,96 euros,

. à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 24 799,68 euros ou, à titre subsidiaire : 6 199,92 euros,

. à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire : 6 000 euros nets,

– ordonner la remise, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, d’une attestation d’employeur destinée à Pôle emploi et de bulletins de paie conformes à la décision à intervenir,

– se réserver le pouvoir de liquider l’astreinte,

– ordonner le remboursement par la société Predictis à Pôle emploi des allocations d’aide au retour à l’emploi sur le fondement de l’article L. 1235-4 du code du travail,

– condamner la société Predictis à verser à Mme [K] la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des deux instances,

– débouter la société Predictis de toutes ses demandes, fins et prétentions,

– condamner la société Predictis aux entiers dépens, ainsi qu’aux éventuels frais d’exécution de la décision à intervenir.

Par conclusions n°5 notifiées par voie électronique le 6 mars 2023, la société Predictis demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que les motifs du licenciement sont constitutifs de fautes graves privatif [sic] de préavis et d’indemnité de licenciement,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que les heures complémentaires ne sont pas démontrées,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande au titre du travail dissimulé et de l’exécution déloyale du contrat de travail,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [K] de l’ensemble de ses demandes,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Predictis de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– prendre acte du versement, par la société Predictis, de la somme nette de 579,18 euros à titre de rappel

de salaire sur prélèvement IJSS,

Et statuant à nouveau :

A titre principal,

– voir dire et juger que Mme [K] n’a pas réalisé d’heures complémentaires ni supplémentaires,

– voir dire et juger que le licenciement de Mme [K] est parfaitement fondé sur une faute grave,

– voir dire et juger que la société Arca Santé devenue Predictis ne s’est pas livrée à une exécution déloyale du contrat de travail,

Par suite,

– débouter Mme [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– débouter Mme [K] de ses demandes tenant à voir la société Predictis condamnée au paiement des sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes et anatocisme sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil :

. 9 912,88 euros à titre de rappel d’heures complémentaires pour la période d’octobre 2017 à juin 2019 et 991,27 euros au titre des congés payés afférents,

. 1 483,89 euros à titre de rappel de salaires sur temps plein et 148,38 euros au titre des congés payés afférents,

– débouter Mme [K] de sa demande tenant à l’annulation de sa mise à pied à titre conservatoire et au versement de la somme de 1 582,38 euros à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire et 158,23 euros au titre des congés payés y afférents,

– débouter Mme [K] de sa demande tenant au versement de la somme de 6 199,92 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 619,99 euros au titre des congés payés y afférents,

– débouter Mme [K] de sa demande tenant au versement de la somme de 3 099,96 euros (1 mois) à titre d’indemnité légale de licenciement,

– débouter Mme [K] de sa demande tenant au versement de la somme de 24 799,68 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formulée à titre principal,

– débouter Mme [K] de sa demande tenant au versement de la somme de 6 199,92 euros (2 mois) à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, formulée à titre subsidiaire,

– débouter Mme [K] de sa demande tenant à la remise du certificat de travail, attestation Pôle emploi et bulletin de paie conformes à l’arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour devait infirmer le jugement entrepris et entrer en voie de condamnation concernant le licenciement notifié à Mme [K] :

– voir dire et juger que le licenciement de Mme [K] repose sur une cause réelle et sérieuse,

Et le cas échéant :

– limiter la condamnation de la société Arca Santé devenue Predictis à verser à Mme [K] la somme de 5 808,88 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 580,88 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

– limiter la condamnation de la société Arca Santé devenue Predictis à verser à Mme [K] la somme de 2 904,44 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– débouter Mme [K] de sa demande tenant au versement de la somme de 24 799,68 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formulée à titre principal,

– débouter Mme [K] de sa demande tenant au versement de la somme de 6 199,92 euros (2 mois) à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, formulée à titre subsidiaire,

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, la cour devait infirmer le jugement entrepris et entrer en voie de condamnation en jugeant le licenciement de Mme [K] sans cause réelle et sérieuse :

– faire application du barème de l’article L. 1235-3 du code de travail en vertu des dispositions de l’article 24b de la Charte sociale Européenne,

– limiter la condamnation de la société Arca Santé devenue Predictis à verser à Mme [K] la somme de 5 808,88 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 580,88 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

– limiter la condamnation de la société Arca Santé devenue Predictis à verser à Mme [K] la somme de 2 904,44 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– débouter Mme [K] de sa demande tenant au versement de la somme de 24 799,68 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formulée à titre principal,

– débouter Mme [K] de sa demande tenant au versement de la somme de 6 199,92 euros (2 mois) à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, formulée à titre subsidiaire,

– limiter la condamnation de la société Arca Santé devenue Predictis à verser à Mme [K] la somme de 1 452,22 euros bruts à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause :

– prendre acte du versement, par la société Predictis, de la somme nette de 579,18 euros à titre de rappel de salaire sur prélèvement IJSS,

– débouter Mme [K] de ses demandes tenant à voir la société Predictis condamnée au paiement des sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes et anatocisme sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil :

. 9 912,88 euros à titre de rappel d’heures complémentaires pour la période d’octobre 2017 à juin

2019 et 991,27 euros au titre des congés payés afférents,

. 1 483,89 euros à titre de rappel de salaires sur temps plein et 148,38 euros au titre des congés payés afférents,

– débouter Mme [K] de sa demande tenant au versement de la somme de 18 600 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé (6 mois),

– débouter Mme [K] de sa demande tenant au versement de la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail,

– débouter Mme [K] de sa demande tenant au versement de la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,

– débouter Mme [K] de sa demande tenant au versement de la somme de 634,80 euros à titre de rappel de salaire sur prélèvement IJSS et 63,48 euros au titre des congés payés y afférents, – débouter Mme [K] de sa demande tenant à voir la société condamnée au remboursement à Pôle emploi des allocations d’aide au retour à l’emploi sur le fondement de l’article L. 1235-4 du code du travail,

– débouter Mme [K] de sa demande tenant au versement de la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter Mme [K] de sa demande de capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil,

– condamner Mme [K] à payer à la société Predictis la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des deux instances,

– condamner Mme [K] aux entiers dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Par ordonnance rendue le 8 mars 2023, le magistrat de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 31 mars 2023.

MOTIFS DE L’ARRET

Il convient d’indiquer à titre liminaire qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes tendant à ‘prendre acte’ ou ‘dire et juger’ qui ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile, mais sont la reprise des moyens des parties.

Mme [K] forme des demandes indemnitaires liées à l’exécution de son contrat de travail et conteste le licenciement dont elle a fait l’objet.

Sur les demandes liées à l’exécution du contrat de travail

Sur les heures complémentaires

Mme [K] expose qu’elle a été engagée le 9 octobre 2017 par M. [Z], gérant d’Arca Santé qui a été remplacé par Mme [A] [J] à compter du 1er décembre 2017, pour remplacer la précédente comptable qui a quitté l’entreprise le 31 octobre 2017 ; qu’elle a dû répondre aux nombreuses sollicitations de Mme [J] qui découvrait l’entreprise et qui a eu un rôle important dans la transformation du groupe Premium ; que Mme [J] ne consacrait que peu de temps à Arca Santé, n’était pas régulièrement présente au sein de l’entreprise et la sollicitait énormément, lui confiant toujours plus de nouvelles tâches non prévues au contrat de travail, ce qui l’a contrainte à réaliser de nombreuses heures complémentaires, en dépit de l’augmentation de son temps de travail par avenant du 1er février 2018 ; que ces heures n’ont pas été payées malgré ses multiples demandes et les promesses de Mme [J], laquelle avait parfaitement connaissance des heures accomplies et ne s’y est jamais opposée.

Elle fait valoir que la société Predictis ne produit aucun élément de contrôle de la durée du temps de travail, que l’avenant à son contrat de travail avait prévu la possibilité de réaliser des heures complémentaires, compte tenu de l’ampleur des tâches et missions qu’il était envisagé de lui confier, qui étaient supérieures à celles de la précédente comptable, qu’elle gérait la comptabilité d’une autre filiale du groupe, Dyna Santé, qui n’était pas un établissement de Arca Santé mais une société juridiquement distincte dont Mme [J] était également la gérante. Elle soutient que les tâches qui lui étaient confiées nécessitaient un temps complet.

Elle conteste avoir adressé des courriels en dehors de son temps de travail depuis son domicile, indiquant n’avoir jamais eu accès à sa boîte mail professionnelle en dehors de son bureau. Elle fait valoir que sa qualité de comptable ne lui donnait pas toute liberté pour inscrire des heures complémentaires en paie car elle n’avait pas de logiciel de paie et adressait à un prestataire extérieur chargé de la paie les éléments qui avaient reçu l’approbation de Mme [J]. Elle soutient que les attestations de salariés produites par l’employeur sont mensongères et contradictoires.

La société Predictis s’oppose fermement à la demande et répond que Mme [K] a sollicité une rupture conventionnelle de son contrat de travail et qu’elle souhaitait obtenir une indemnité de 6 500 euros ; que la société ayant refusé ce montant exorbitant, la salariée a subitement et opportunément réclamé la régularisation d’heures complémentaires pour un montant correspondant, en arrondissant quelque peu, à l’indemnité sollicitée et refusée. Elle fait valoir que Mme [K] ne prouve pas avoir réclamé le paiement d’heures complémentaires avant le mois de mars 2019, qu’elle n’a communiqué aucun décompte des heures complémentaires qu’elle prétend avoir réalisées avant la première instance et que ses demandes ont varié.

Elle soutient que Mme [K] ne démontre pas qu’elle a effectué des heures complémentaires, les courriels et tableaux qu’elle produit se contredisant ; qu’elle était en charge d’informer le cabinet comptable et Mme [J] des heures complémentaires et supplémentaires et autres variables de paie concernant les salariés de la société, dont celles qu’elle était amenée à réaliser et qu’elle n’a jamais fait état d’heures complémentaires à lui devoir, sauf au mois de mai 2018, la société en ayant honoré le règlement, alors que la salariée était rigide sur les règles applicables à tous.

Elle souligne que Mme [K] n’avait pas une surcharge de travail et que si tel avait été le cas, elle aurait rompu sa période d’essai ou demandé un temps complet et non pas un avenant de 32 heures par semaine. Elle fait valoir que lorsque Mme [K] a été arrêtée pour maladie, elle a été remplacée par une personne qui a effectué une bonne partie de ses tâches en une journée de 7 heures par semaine, ce qui montre que son activité n’était pas débordante. Elle soutient que les tâches présentées comme supplémentaires par la salariée sont incluses dans son contrat de travail, que la comptabilité générale a été entièrement confiée au cabinet NSA à compter de mi-2018 ; que la cession du groupe ne concernait pas directement Arca Santé et Dyna Santé, que sa préparation a duré tout au plus 3 mois et a été gérée par des professionnels extérieurs, Mme [K] ayant tout au plus recensé et transmis des documents internes. Elle relève que le médecin du travail a déclaré la salariée apte à son poste le 3 avril 2019 alors qu’elle dénonçait une surcharge de travail.

Elle fait valoir enfin qu’elle n’a pas donné d’autorisation à la réalisation d’heures complémentaires, que Mme [K] partait très souvent en avance et envoyait parfois un mail une fois rentrée chez elle, de son propre chef, ce qui ne saurait constituer des heures complémentaires.

L’article L. 3123-6 du code du travail dispose que :

“Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

Il mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif conclu en application de l’article L. 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au delà de la durée de travail fixée par le contrat.

L’avenant au contrat de travail prévu à l’article L. 3123-22 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d’heures peuvent être accomplis au delà de la durée fixée par le contrat.”

Le régime de la preuve en matière d’heures complémentaires est le même que celui qui est applicable en matière d’heures supplémentaires.

L’article L. 3171-4 du code du travail dispose que ‘en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.’

Il appartient donc au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences légales ainsi rappelées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures complémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires ou complémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que leur réalisation a été rendue nécessaire par les tâches qui ont été confiées au salarié.

En l’espèce, le contrat de travail initial de Mme [K] conclu le 9 octobre 2017 prévoyait un temps de travail de 28 heures par semaine réparties à raison de 7 heures par jour les lundi, mardi, jeudi et vendredi, de 8 h 30 à 12 h 30 et de 13 h 30 à 16 h 30 et la possibilité d’effectuer des heures complémentaires dans la limite de 2,80 heures par semaine en fonction des besoins de l’entreprise (pièce 1).

Le contrat précise en son article III que les fonctions de comptable général sont “notamment” les suivantes :

“- tenue et enregistrement de la comptabilité générale (fournisseurs, clients, paiement banques, trésorerie, salaires, etc),

– établissement des règlements, des factures, avoirs, relances, etc,

– relations avec les établissements bancaires pouvant conduire au dépôt de chèques, retraits de chéquiers et toutes autres opérations bancaires sollicitées par la direction,

– établissement des déclarations charges fiscales et sociales,

– gestion du personnel,

– préparation des fichiers paies et contrôle des bulletins après réception,

– assistance de la direction dans le suivi des obligations légales concernant les salariés (titres restaurants, heures supplémentaires, véhicules, etc),

– commissionnement des agents commerciaux,

– commissionnement des courtiers et autres partenaires,

– gestion et enregistrement des immobilisations,

– préparation de la comptabilité pour le bilan qui sera effectué par le cabinet d’expertise comptable,

– saisie des écritures de fin d’exercice,

– et plus généralement assister la direction dans toutes les tâches et fonctions ayant trait à la comptabilité, la fiscalité et le social.

La salariée travaillera sous le contrôle direct de la direction de la société.”

Mme [K] a remplacé Mme [B] [E], engagée selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de 17,50 heures par semaine à compter du 11 octobre 2010 pour exercer les mêmes missions, hormis les suivantes :

– relations avec les établissements bancaires pouvant conduire au dépôt de chèques, retraits de chéquiers et toutes autres opérations bancaires sollicitées par la direction,

– gestion du personnel,

– assistance de la direction dans le suivi des obligations légales concernant les salariés (titres restaurants, heures supplémentaires, véhicules, etc),

– commissionnement des courtiers et autres partenaires.

Le contrat précise toutefois que la liste des fonctions n’est pas limitative et peut être sujette à modifications.

En raison de l’accroissement de la charge de travail de Mme [E], son temps de travail a été porté à 21 heures par semaine selon avenant du 1er mars 2013 et à 28 heures par semaine selon avenant du 1er mai 2016, la salariée se voyant attribuer des missions complémentaires de gestion des relations avec les mandataires.

Mme [K] devait ainsi exécuter des tâches supplémentaires par rapport à l’ancienne comptable générale.

Selon avenant à son contrat du 1er février 2018, le temps de travail de Mme [K] a été porté à 32 heures par semaine réparties du lundi au jeudi de 8 h 30 à 12 h 30 et de 13 h 30 à 17 h 30 soit 8 heures par jour. La possibilité d’effectuer des heures complémentaires était portée à la limite de 3,2 heures par semaine en fonction des besoins de l’entreprise (pièce 2).

Les fonctions de Mme [K] étant inchangées, la signature de cet avenant, quatre mois après l’embauche de la salariée, traduit nécessairement le fait que ses tâches ne pouvaient être accomplies dans leur intégralité pendant la durée de temps de travail précédente, de 28 heures par semaine.

Par courriel du 3 avril 2019, Mme [K] a fait la liste des tâches qu’elle effectuait, qui ne sont pas mentionnées dans son contrat de travail (pièce 6 de la salariée). Or elles relèvent toutes des missions figurant dans le contrat de travail, ainsi que le fait valoir l’employeur, dont la liste n’est pas exhaustive. La salariée a en outre invoqué le travail supplémentaire lié à la cession du groupe concernant les deux sociétés Arca Santé et Dyna Santé (établissement de la trésorerie, transmission des documents sociaux, fiscaux et comptables, compléter des tableaux pour l’audit social sur plusieurs années, questionnaires à remplir).

La société Arca Santé ayant été absorbée par la société Predictis, il en est résulté un travail supplémentaire pour la comptable, ne serait-ce que pour rechercher et transmettre des documents et remplir des tableaux fournis. En outre, Mme [K] a été embauchée par la société Arca Santé et non par la société Dyna Santé, qui est une société distincte ainsi qu’il ressort des extraits Kbis versés au débat, Mme [J] étant la gérante des deux sociétés.

Pour justifier de l’accomplissement d’heures complémentaires, Mme [K] produit :

– un tableau récapitulatif des heures complémentaires accomplies mensuellement du mois d’octobre 2017 au mois de juin 2019, soit 425,50 heures (pièce 12),

– des décomptes mensuels détaillant les heures réalisées jour par jour (pièce 13),

– des échanges de courriels professionnels (pièces 19, 27 et 52). Ces messages ont parfois été envoyés par Mme [K] à plus de 17 h 30, alors que l’employeur ne prouve ni que la salariée pouvait accéder à sa messagerie professionnelle depuis son domicile à l’aide d’un ordinateur personnel ni qu’elle disposait d’un ordinateur portable. Ils corroborent les horaires indiqués sur le tableau produit en pièce 13.

La salariée fournit ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La société Predictis nie l’existence des heures complémentaires mais ne produit aucun décompte des heures de travail effectives de Mme [K], tout en prétendant qu’elle avançait très souvent son heure de départ.

Elle écrit que “le seul moyen de contrôle du temps de travail mis en place était la transmission chaque mois des variables de paie établis par et sous le contrôle de Mme [K]” (page 28 de ses conclusions) et produit les courriels par lesquels Mme [K] transmettait les variables de paie au cabinet Naim qui traitait les salaires (pièces 7, 8, 20 et 25). Il ressort de sa pièce n°13 que les salariés devaient adresser à Mme [K] leurs fiches de décompte hebdomadaire des heures de travail, afin que celle-ci établisse les variables de paie, avec copie à Mme [J].

La société Predictis produit des attestations de :

– Mme [L] [W], responsable administrative, qui indique que “Mme [J] était présente chaque jour mais à des heures irrégulières, elle ne contrôlait pas les horaires d’arrivée et de départ de Mme [K], celle-ci gérait son temps de présence sans que Mme [J] ne lui impose d’horaire” (pièce 14),

– Mme [X] [C], gestionnaire administrative et commerciale, qui écrit que “depuis la prise de poste de Mme [K], je n’ai pas constaté qu’elle effectuait des heures supplémentaires partant à 17 heures. Les tâches semblables à celle de la précédente comptable ne nécessitaient pas de temps pleins d’où le 4/5ème. La précédente partait tous les soirs à 16 h 30 les lundi, mardi, jeudi et vendredi.” (pièce 18). Mme [C] partant à 17 heures, elle ne peut attester des horaires de départ de Mme [K] au-delà de 17 h 30 pour la période postérieure au 1er février 2018,

– M. [G] [S], hôte d’accueil chez Predictis, qui relate que d’octobre 2018 à juin 2019 Mme [K] prenait son poste à 8 h 30 et prenait sa pause déjeuner de 12 h 30 à 13 h 30 (pièce 26), sans toutefois préciser une quelconque heure de sortie,

– M. [R] [P], responsable relation client et souscription, qui relate que les horaires de Predictis étaient du lundi au jeudi de 9 h à 12 h 30 et de 13 h 30 à 18 h, la journée du vendredi s’achevant à 16 h 30 et qu’il était interrogé sur le fait que Mme [K] partait avant les autres, aux environs de 17 h / 17 h 30 (pièce 27). Or Mme [K] devait en principe nécessairement partir avant les autres en raison de son temps partiel.

Ces pièces sont insuffisantes à contredire les éléments que produit la salariée démontrant qu’elle effectuait des heures complémentaires.

S’agissant de la connaissance par l’employeur du fait que Mme [K] effectuait des heures complémentaires réalisées et de son accord implicite, ils résultent de l’envoi de courriels ayant un objet professionnel par la salariée après la fin de son horaire contractuel de travail, à Mme [J] ou à des personnes extérieures à la société avec copie à Mme [J].

A titre d’exemple :

– Mme [J] a été la destinataire de courriels envoyés par Mme [K] les 4 janvier 2018 à 18 h 10, 1er mars 2018 à 18 h 06 puis à 19 h 04, 26 mars 2018 à 18 h 04, 28 mars 2018 à 18 h 54, 3 juillet 2018 à 18 h 26, 12 juillet 2018 à 20 h 02, 18 juillet 2018 à 19 h 03, 23 juillet 2018 à 19 h 27, 4 octobre 2018 à 18 h 42, 31 octobre 2018 à 18 h 20,

– Mme [J] était en copie de courriels envoyés par Mme [K] à des personnes extérieures les 12 février 2018 à 18 h 24, 6 mars 2018 à 18 h 06, 25 septembre 2018 à 19 h 12, 26 septembre 2018 à 19 h 11.

Mme [J] et Mme [Y] ont par ailleurs échangé des courriels au-delà de 17 h 30, de sorte que la gérante était bien informée que la salariée se trouvait encore sur son lieu de travail :

– le 28 mars 2018 Mme [J] a envoyé un courriel à Mme [Y] à 18 h 26 en l’interrogeant sur des formalités à établir et Mme [Y] lui a répondu à 18 h 51,

– le 25 avril 2018 Mme [J] a écrit à Mme [Y] à 18 h 25 et cette dernière lui a répondu à 18 h 50,

– le 2 mai 2018 Mme [J] a écrit à Mme [Y] à 17 h 50 et Mme [Y] lui a répondu à 18 h 29.

La société Predictis ne justifie par aucune pièce que la personne qui a remplacé Mme [K] durant son arrêt maladie a réalisé l’ensemble des tâches de cette dernière en seulement 7 heures par semaine.

L’argument de la société qui fait valoir que la salariée a été déclarée apte sans réserves à son poste par le médecin du travail est inopérant dès lors qu’une surcharge de travail et la réalisation de nombreuses heures complémentaires ne conduit pas nécessairement à l’inaptitude du salarié.

S’agissant de la réclamation du paiement des autres heures complémentaires par la salariée, il ressort des pièces versées au débat que Mme [K] a sollicité le paiement d’heures supplémentaires réalisées le vendredi 25 mai 2018 en les portant immédiatement sur la fiche de variable de paie du mois de mai 2018 (pièce 7 de la société).

Elle ne justifie avoir formé une demande de paiement des heures complémentaires effectuées de 2017 à 2018 que par courriel du 7 mars 2019 adressé à Mme [J], avant le deuxième entretien concernant la rupture conventionnelle de son contrat de travail qui s’est tenu le 11 mars 2019 (pièce 3 de la salariée).

Elle a formalisé une demande de paiement de 259,95 heures complémentaires par courriel du 26 mars 2019 (pièce 5 de la salariée). En réponse à Mme [J] qui contestait avoir eu connaisance de la demande, elle lui a rappelé le 3 avril 2019 qu’elle lui avait montré son calcul le 11 mars et que Mme [J] l’avait noté sur son portable (pièce 6 de la salariée). Mme [K] a écrit en outre “aussi vous me demandez pourquoi je n’ai pas réclamé le paiement de mes heures complémentaires alors que je suis moi-même en charge de la paie. Mais comme je ne suis pas décisionnaire, il était donc impossible de régulariser ma situation sans votre accord. Et avec la charge de travail, je n’ai pas pu prendre le temps de discuter de la régularisation de mes heures complémentaires dont vous avez connaissance depuis l’année 2017”, reconnaissant ainsi qu’elle n’a jamais réclamé le paiement des heures complémentaires durant l’exécution du contrat de travail avant le 7 mars 2019. La réclamation tardive ne rend pas pour autant la salariée irrecevable à demander le paiement des heures accomplies.

Le principe du paiement d’heures complémentaires sera en conséquence retenu.

Mme [K] a sollicité pour la période d’octobre 2017 à juin 2018 le paiement de 259,95 heures complémentaires dans son courriel du 26 mars 2019 et elle demande désormais le paiement de 425,50 heures complémentaires pour la période d’octobre 2017 à juin 2019.

Au regard des pièces produites par la salariée, il convient, en infirmant la décision de première instance, de lui allouer la somme de 4 567,50 euros à titre de rappel des heures complémentaires outre la somme de 456,75 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la requalification du contrat en temps complet et la demande de rappel de salaire

Mme [K] fait valoir qu’elle a dépassé la durée légale de travail de 35 heures dès décembre 2017 et sur une période continue et demande la requalification de ses deux contrats de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et le versement d’un rappel de salaire et des congés payés afférents.

La société sollicite le débouté de la demande dès lors qu’elle considère que la salariée n’a réalisé ni heures complémentaires ni heures supplémentaires.

Aux termes de l’article L. 3123-9 du code du travail “les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement.”

La requalification du contrat de travail à temps complet est justifiée lorsque les heures effectuées par le salarié à temps partiel ont eu pour effet de porter la durée du travail de l’intéressé au-delà de la durée légale.

En l’espèce, il ne ressort pas des heures complémentaires retenues que Mme [K] a dépassé la durée légale de travail de 35 heures lorsque son contrat à temps partiel prévoyait 28 heures de travail par semaine.

Au mois de février 2018, la durée de travail contractuelle est passée à 32 heures. Elle a excédé 35 heures durant plusieurs semaines durant les mois de février à novembre 2018.

Il convient en conséquence de requalifier en contrat à temps plein le contrat de travail à temps partiel de Mme [K] portant sur une durée de 32 heures à compter du 1er février 2018.

Une somme de 1 008,78 euros sera allouée à titre de rappel de salaire à temps plein, outre 100,88 euros au titre des congés payés, par infirmation de la décision entreprise.

Sur le travail dissimulé

Mme [K] fait valoir que l’employeur s’est toujours opposé au règlement des heures complémentaires dont il était informé, ce qui constitue une dissimulation d’emploi et qu’en outre, la société n’a majoré qu’à 10 % les 6 heures complémentaires qu’elle a réalisées en mai 2018.

La société répond que ni l’élément matériel ni l’élément intentionnel de la dissimulation d’emploi ne sont constitués.

L’article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié.

Aux termes de l’article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L’article L. 8221-5, 2° du code du travail dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

En l ‘espèce, l’intention de la société Predictis de dissimuler le travail de la salariée pendant la relation contractuelle n’est pas caractérisée.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [K] de sa demande indemnitaire.

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

Mme [K] fait valoir que l’employeur, qui avait parfaitement connaissance de son importante charge de travail a refusé de la rémunérer à hauteur des heures réellement effectuées et n’a pas protégé la santé physique et morale de la salariée qui a été en arrêt maladie du 9 janvier au 27 février 2019 ; que Mme [J] a tout fait pour tenter d’obtenir son départ à moindre coût, dans un contexte d’absorption de la société Arca Santé par Predictis, n’hésitant pas à la menacer si elle ne signait pas une rupture conventionnelle ; qu’alors que l’employeur avait perçu de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) une somme de 579,18 euros le 3 avril 2019 au titre des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) pour la période du 14 au 27 février 2019, il a prélevé cette somme sur les bulletins de salaire de Mme [K], qui a été contrainte de la rembourser également à la CPAM, et que la société a attendu 4 ans avant de restituer la somme à la salariée.

La société répond que Mme [K] n’a subi aucune surcharge de travail et ne s’en est jamais plainte avant mars 2019 ; que les heures complémentaires n’étaient pas la cause de l’arrêt de travail, qui a suivi l’altercation qu’elle a provoquée à l’encontre d’une collègue. Elle s’explique sur le remboursement des IJSS, auquel elle a procédé une fois assurée que Mme [K] avait remboursé la CPAM.

L’article L. 1222-1 du code du travail dispose que ‘le contrat de travail est exécuté de bonne foi.’

L’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur constitue une faute de sa part ouvrant un droit à réparation pour le salarié qui en subit un préjudice.

Il est constant que Mme [K] a effectué des heures complémentaires et supplémentaires depuis le mois d’octobre 2017, ce que la société ne pouvait ignorer mais qu’elle n’a pas payées, hormis celles qui ont été réalisées le 25 mai 2018. La salariée ne justifie cependant pas avoir demandé le paiement des heures qui lui étaient dues avant le mois de mars 2019.

Il ressort de l’attestation établie le 25 juillet 2019 par le médecin traitant de Mme [K] que cette dernière n’a pas consulté un médecin pour des troubles anxieux entre mai 2015 et janvier 2019 et qu’elle a été amenée à prendre des traitements anxiolytiques depuis janvier 2019, la patiente faisant “le lien entre son état anxieux actuel et une souffrance au travail depuis cette date de janvier 2019, liée à une surcharge de travail et à une pression de la part de l’entreprise” (pièce 18 de la salariée).

Il ressort des bulletins de salaires de janvier et février 2019 que Mme [K] a bénéficié d’un maintien de salaire durant sa maladie du 9 janvier au 27 février 2019.

En raison de la transmission tardive de la prolongation de l’arrêt maladie à la CPAM, la société Predictis n’a pas bénéficié de la subrogation pour cette période et la CPAM a réglé directement à Mme [K] les indemnités journalières (IJSS). Le cabinet comptable Naïm a signalé cette anomalie le 27 mars 2019 et Mme [K] avait conscience le 1er avril 2019 que la somme allait être retirée de son salaire (pièces 22 et 24 de la société). Un échéancier de paiement de 204 euros par mois sur 5 mois a été mis en place (pièce 14 de la salariée).

Cependant, par courriel du 29 avril 2019, Mme [K], tout en mettant en place la reprise des IJSS sur son salaire, a signalé à Mme [J] que la société avait reçu le 3 avril 2019 de la CPAM la somme de 579,18 euros au titre des IJSS la concernant et a demandé si cela était normal (pièce 47 de la salariée).

La CPAM a réclamé à Mme [K] le 25 septembre 2019 paiement des IJSS versées (pièce 16 de la salariée). Suite à la réclamation de la salariée, la commission de recours amiable en sa séance du 16 mars 2020 lui a fait savoir qu’elle devait rembourser la somme de 579,18 euros puis en réclamer le paiement à son employeur, qui l’avait perçue le 3 avril 2019 (pièce 43 de la salariée).

Mme [K] a payé la somme de 579,18 euros à la CPAM le 14 mai 2020 et a été remboursée de la somme par la société Predictis en cours d’instance, alors que la société était informée qu’elle avait reçu cette somme depuis le mois d’avril 2019.

Au regard de ces éléments, il sera retenu que la société Predictis n’a pas exécuté de manière loyale le contrat de travail. Une indemnisation de 300 euros sera allouée à Mme [K], par infirmation de la décision entreprise.

Sur la contestation du licenciement

Sur le bien-fondé du licenciement

Mme [K] soutient que les motifs invoqués à l’appui du licenciement pour faute grave ne sont pas fondés ni justifiés dès lors qu’elle n’a pas agressé Mme [C] mais qu’elle a été victime de l’agression de cette dernière, dont elle a immédiatement informé Mme [J], en vain.

Elle fait valoir que lorsqu’elle a fait remarquer que les lettres destinées au service de la comptabilité avaient été ouvertes, elle a été violemment interpellée par Mme [C], qui l’a rattrapée alors qu’elle regagnait son poste de travail, l’a frappée à l’épaule et lui a tordu le bras.

Elle souligne qu’elle n’a pas été reçue avant l’engagement de la procédure de licenciement et que rien n’est versé au débat pour justifier de la réalisation d’une enquête les 24 et 27 juin 2019.

Elle fait valoir qu’il est fait état de problèmes relationnels avec elle, qui n’avaient jamais été évoqués avant, alors que Predictis veut conclure une rupture conventionnelle avec elle depuis février 2019 et qu’elle réclame paiement de ses heures complémentaires.

Elle estime que compte tenu du contexte de transformation du groupe Premium, qui devait conduire à la suppression de son poste, et de réclamation des heures complémentaires, le doute doit lui profiter et que l’incident minime ne devait pas conduire au licenciement.

La société répond que les courriers ouverts n’étaient pas destinés à un service mais à Arca Santé, de sorte que Mme [C] ne pouvait savoir à qui ils étaient destinés avant de les ouvrir, ajoutant que Mme [C] étant cadre et ayant une ancienneté de plus de 8 ans, il n’était pas anormal qu’elle ouvre des courriers ; que la réaction de Mme [K] a été totalement disproportionnée et inacceptable ; que Mme [K] s’est contredite dans les faits qu’elle aurait subis et que c’est elle qui a agressé et insulté Mme [C]. Elle souligne que la société a procédé à une enquête préalable pour s’assurer de la matérialité des faits avant la convocation à l’entretien préalable, que le licenciement suit de trois mois la réclamation d’heures complémentaires, qui n’a pas été réitérée.

Elle ajoute que Mme [K] adoptait régulièrement un comportement agressif à l’encontre de ses collègues, ce qui lui a valu un rappel à l’ordre oral de sa hiérarchie en décembre 2018.

Il résulte de l’article L. 1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.

La cause du licenciement, qui s’apprécie au jour où la décision de rompre le contrat de travail est prise par l’employeur, doit se rapporter à des faits objectifs, existants et exacts, imputables au salarié, en relation avec sa vie professionnelle et d’une certaine gravité qui rend impossible la continuation du travail et nécessaire le licenciement.

L’article L. 1235-1 du code du travail prévoit que le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie son départ immédiat. L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement.

En l’espèce, la lettre de licenciement fait tout d’abord grief à Mme [K] d’avoir provoqué une grave altercation à l’encontre de sa collègue Mme [X] [C] le 24 juin 2019 en hurlant à son encontre et en l’insultant.

L’employeur produit pour en justifier :

– le courriel adressé par Mme [C] à Mme [J] le 24 juin 2019 à 14 h 30 dans lequel elle écrit : “Je tiens à vous signaler que je viens d’avoir une vive altercation avec [Y] à propos de deux courriers que j’ai ouverts malencontreusement alors qu’il n’était pas indiqué dessus service comptabilité, je ne vois pas comment j’aurais pu le savoir. Elle a commencé à me faire des réflexions très désagréables, je lui ai dit que je n’avais aucun moyen de savoir que c’était pour le service comptabilité au vu de l’enveloppe… agressive et maugréant elle a tourné les talons en entrant dans son bureau me traitant de connasse !!! C’est inacceptable !!! je lui ai demandé en colère de quel droit elle me traitait de connasse ! la stagiaire est arrivée derrière moi et là [Y] me rétorque qu’elle n’a jamais dit cela et me traite de menteuse sort son téléphone certainement pour enregistrer et affirme que je l’ai frappée ”” on frise la paranoïa !!!! C’est un manque de respect total et d’éducation d’être aussi vulgaire et méchante. Aussi je vous demande d’intervenir car elle dépasse vraiment les bornes !” (pièce 15),

– l’attestation établie le 21 octobre 2020 par Mme [C] qui indique notamment : “j’ai été très choquée par la teneur des paroles insultantes de l’agressivité qui en découle et de la vulgarité de son attitude à mon égard. J’ai eu beaucoup de mal à m’en remettre tant physiquement que psychologiquement.”, soulignant qu’elle est traitée pour de l’hypertension (pièce 19),

– l’attestation établie par Mme [T] [O], conseillère clientèle, qui écrit : “Je me situais à l’imprimante quand l’événément s’est déroulé. J’ai vu [Y] et [X] se disputer dans leur bureau à cause d’un courrier qui aurait été ouvert par [X].

[Y] reprochait à [X] d’avoir ouvert son courrier alors qu’il ne lui était pas destiné. [X] lui a alors indiqué que sur le courrier il n’était pas mentionné qu’il était pour [Y].

[Y] est alors partie dans son bureau en insultant [X] de “connasse”.

[X] est allée dans le bureau d'[Y] pour lui demander des explications sur cette insulte. Le ton est monté. La stagiaire a essayé de raccompagner [X] dans son bureau.

[X] a regagné son bureau.

L’altercation a été virulente, le ton est monté fortement mais je n’ai vu aucune violence physique entre les deux parties.

Le ton est monté si fort que tout l’étage les entendait, les bureaux étant vitrés, nous avons tous assisté à cette altercation.” (pièce 3),

– l’attestation établie par Mme [M] [F], stagiaire, qui indique : “J’atteste sur l’honneur avoir assisté à une altercation agressive entre [Y] [K] et [X] [C]. Le lundi 24 juin vers 14 h 00, suite à l’ouverture du courrier destiné au service comptabilité par [X] [C], Mme [K] s’est énervée à l’encontre de Mme [C] en criant : “de quel droit vous permettez-vous d’ouvrir mon courrier”. Mme [C] s’est expliquée en disant qu’elle ne pouvait pas savoir à qui était destiné le courrier. Mme [K] est repartie dans son bureau en criant et insultant : “connasse”. [X] a réagi en rejoignant Mme [K] dans son bureau, elles ont continué à se disputer vivement, elles étaient très proches. J’ai cru qu’elles allaient en venir aux mains. Je me suis levée pour aller chercher Mme [C] et la ramener à son bureau. Je peux confirmer qu’il y a eu aucun coup porté entre les deux protagonistes.” (pièce 4).

Mme [K] produit quant à elle le courriel qu’elle a adressé à Mme [J] le 24 juin 2019 à 14 h 18 en indiquant : “Mme [C] [N] m’a agressé dans mon bureau, je lui dis tout simplement de ne pas ouvrir le(s) courriers qui ne la concernent pas et qui concernent la comptabilité, suite à cela elle a commencé à me crier fort et me suivre dans mon bureau puis elle m’a agressé et m’a frappé, je ne peux jamais accepter ce comportement envers moi dans un lieu de travail et je vous demande de faire le nécessaire suite à ce comportement intolérable envers moi.” (pièce 8). Mme [J] lui a donné rendez-vous le 26 juin à 10 heures.

Le 27 juin 2019, Mme [K] s’est vu remettre une convocation à un entretien préalable qui s’est déroulé le 4 juillet 2019 avec M. [V], président de la société (pièce 20 de la salariée).

Evoquant les faits, Mme [K] a indiqué “J’ai rouspété car encore une fois les courriers confidentiels de la comptabilité avaient été ouverts. C’est elle qui m’a poursuivie jusqu’à mon bureau et qui m’a agressée en me tordant le bras et en criant “tu m’as traitée de connasse” dans les locaux. Je suis restée tétanisée, choquée et sans réaction par cette agression.”

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que Mme [K] s’est emportée contre Mme [C] car cette dernière avait ouvert du courrier qui lui était destiné, étant souligné qu’il n’est pas démontré que le courrier avait été adressé spécifiquement au service comptabilité de la société. Elle a d’abord soutenu que Mme [C] l’avait frappée avant de dire qu’elle lui avait tordu le bras et relate qu’elle est restée sans réaction face à cette agression.

Or les témoins de la scène relatent de manière concordante que Mme [K] était énervée lorsqu’elle a fait une réflexion à Mme [C] sur l’ouverture du courrier, qu’elle a traité sa collègue de “connasse”, qu’elle a crié fort sur elle et qu’aucun coup n’a été échangé.

Dans une attestation rédigée le 20 décembre 2019, Mme [F] relate que Mme [K] lui a demandé début septembre 2019 de dire qu’elle s’était fait agresser par Mme [C], ce qu’a refusé Mme [F] dès lors que c’était faux et que c’est Mme [K] qui avait crié et insulté Mme [C] (pièce 5 de la société).

Mme [K] est donc l’auteur d’insultes et de violence verbale à l’encontre de sa collègue Mme [C].

La lettre de licenciement évoque par ailleurs un comportement agressif réitérant de la part de Mme [K].

Par courriel du 4 avril 2019, Mme [L] [W] a indiqué à Mme [J] que Mme [K] ne communiquait plus verbalement avec elle et Mme [C], ce qui engendrait une ambiance délétère ; que les bureaux étant proches, au lieu de poser une question, elle envoyait un message ; qu’elles avaient eu une altercation quelques mois auparavant au sujet d’une absence (pièce 11). Par courriel du 11 avril 2019, Mme [C] s’est également plainte auprès de Mme [J] en indiquant que “depuis quelques mois, ma collègue Mme [W] et moi-même subissons l’attitude agressive et revendicative de Mme [K] instaurant un climat de tension permanente difficile à vivre au quotidien”, relatant une altercation verbale avec Mme [W], des claquages de portes, une attitude nonchalante à leur égard, des sautes d’humeur, une agressivité lors d’échanges téléphoniques avec ses interlocuteurs (pièce 12). Les deux salariées relatent encore les relations conflictuelles dans des attestations, en particulier après le retour de congé maladie de Mme [K], Mme [C] invoquant un “harcèlement moral” (pièces 14 et 19).

Il est ainsi établi que Mme [K] avait depuis quelques temps un comportement désagréable avec ses collègues.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la matérialité des griefs évoqués dans la lettre de licenciement est établie. Il s’agit d’un ensemble de faits imputables à la salariée qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise et justifie son départ immédiat.

La décision de première instance sera confimée en ce qu’elle a débouté Mme [K] des demandes afférentes au caractère infondé de son licenciement, à savoir le paiement de sommes au titre du salaire pendant la mise à pied conservatoire et des congés payés afférents, d’une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, d’indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour licenciement vexatoire et brutal.

Sur les intérêts moratoires

Le créancier peut prétendre aux intérêts de retard calculés au taux légal, en réparation du préjudice subi en raison du retard de paiement de sa créance par le débiteur.

Les condamnations prononcées produisent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le Bureau de Conciliation et d’Orientation pour les créances contractuelles et à compter du jugement, qui en fixe le principe et le montant, pour les créances indemnitaires (à l’exception de la créance au titre de l’absence de formation, dont les intérêts de retard courront à compter du prononcé de l’arrêt qui en a fixé le principe et le montant).

En application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil, il y a lieu de préciser que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt.

Sur la demande de remise des documents de fin de contrat

Mme [K] est bien fondée à se voir remettre par la société Predictis un bulletin de paye récapitulatif et une attestation Pôle emploi conformes à la décision, les circonstances de l’espèce ne nécessitant pas d’assortir cette obligation d’une astreinte.

Sur les demandes accessoires

La décision de première instance sera infirmée en ses dispositions relatives aux dépens prévus par l’article 695 du code de procédure civile et aux frais irrépétibles.

Les dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de la société Predictis, qui est condamnée en paiement, qui devra en outre payer la somme de 1 500 euros à Mme [K] au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour les procédures de première instance et d’appel.

La demande formée du même chef par la société Predictis sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 10 février 2021 par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt sauf en ce qu’il a débouté Mme [Y] [K] de sa demande en paiement d’une indemnité au titre du travail dissimulé,

Condamne la société Predictis à payer à Mme [Y] [K] les sommes de :

– 4 567,50 euros à titre de rappel des heures complémentaires pour la période d’octobre 2017 à juin 2019,

– 456,75 euros au titre des congés payés afférents,

– 1 008,78 euros à titre de rappel de salaire à temps plein,

– 100,88 euros au titre des congés payés afférents,

– 300 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Condamne la société Predictis à payer à Mme [Y] [K] les intérêts de retard au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le Bureau de Conciliation et d’Orientation sur les créances contractuelles et à compter du jugement sur les créances indemnitaires dont les intérêts courront à partir de l’arrêt,

Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt,

Condamne la société Predictis à remettre à Mme [Y] [K] un bulletin de paye récapitulatif et une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt,

Dit n’y avoir lieu d’assortir cette obligation d’une astreinte,

Condamne la société Predictis aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne la société Predictis à payer à Mme [Y] [K] une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour les procédures de première instance et d’appel,

Déboute la société Predictis de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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