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16 juin 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
20/02533
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 16 JUIN 2023
N° 2023/206
Rôle N° RG 20/02533 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFT5G
[Z] [C]
C/
[U] [X]
Copie exécutoire délivrée le :
16 JUIN 2023
à :
Me Laure DAVIAU, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Betty KHADIR-CHERBONEL, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 23 Janvier 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 19/01151.
APPELANT
Monsieur [Z] [C], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Laure DAVIAU, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
Madame [U] [X] exerçant sous l’enseigne ‘BAR LE PETIT PERNOD ‘ immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le numéro 483 799 755, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Betty KHADIR-CHERBONEL, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 27 Février 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Mme Stéphanie BOUZIGE , Conseiller , a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2023
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Monsieur [Z] [C] a été embauché en qualité de serveur le 1er octobre 2012 par Madame [U] [X], exploitant le bar « Le Petit Pernod », jusqu’au 30 juin 2013, puis à partir du 15 juillet 2013 jusqu’en mars 2016.
Le 2 mai 2017, Monsieur [Z] [C] était à nouveau embauché par Madame [U] [X] à temps partiel.
Il a été en congé du 1er au 30 octobre 2018, puis en absence injustifiée du 31 octobre jusqu’au 7 novembre 2018.
Il est mentionné, sur le bulletin de salaire de novembre 2018, en absence maladie à partir du 8 novembre 2018.
Il a refusé de signer une convention de rupture conventionnelle en date du 14 novembre 2018.
Monsieur [C] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur le 31 décembre 2018.
Il a saisi la juridiction prud’homale, par requête du 3 mai 2019, d’une demande en requalification du contrat de travail à durée déterminée du 2 mai 2017 en contrat à durée indéterminée et de demandes en paiement d’une indemnité de requalification, d’heures complémentaires, d’heures supplémentaires, d’indemnité pour travail dissimulé, de dommages-intérêts pour manquement aux dispositions relatives au repos compensateur obligatoire et au repos hebdomadaire et d’indemnités de rupture.
Par jugement du 23 janvier 2020, le conseil de prud’hommes de Marseille a débouté Monsieur [Z] [C] de l’ensemble de ses demandes, a débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires et a condamné Monsieur [Z] [C] aux entiers dépens.
Monsieur [Z] [C] a interjeté appel du jugement prud’homal par déclaration d’appel du 18 février 2020. Il a signifié sa déclaration d’appel et ses conclusions d’appelant à Madame [U] [X] par acte d’huissier de justice du 14 mai 2020.
Maître Aurélie SOPHIE s’est constituée pour Madame [U] [X] le 10 juin 2020.
Monsieur [Z] [C] demande à la Cour, aux termes de ses conclusions n° 3 notifiées par voie électronique le 24 janvier 2023, de :
INFIRMER le jugement rendu le 23 janvier 2020 par le conseil de prud’hommes de Marseille en ce qu’il a débouté Monsieur [C] des demandes suivantes :
PRONONCER la requalification du contrat à durée déterminée du 2 mai 2017 en contrat à durée indéterminée;
En conséquence,
CONDAMNER la société Madame [U] [X] à verser à Monsieur [C] la somme de 3627 euros nets à titre d’indemnité de requalification ;
PRONONCER la requalification du contrat à durée indéterminée à temps partiel en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ;
FIXER le salaire brut mensuel de Monsieur [C] à 3627 euros ;
CONDAMNER la société Madame [U] [X] à verser à Monsieur [C] les sommes suivantes:
-Rappel d’heures complémentaires : 14’018 euros bruts
-Congés payés y afférents : 1402 euros bruts
-Rappel d’heures supplémentaires : 38’104,26 euros bruts
-Congés payés y afférents : 3810,43 euros bruts
-Indemnité pour travail dissimulé : 21’762 euros nets
-Indemnité pour manquement aux dispositions relatives au repos compensateur obligatoire : 5000 euros nets
-Indemnité pour manquement aux dispositions relatives au repos hebdomadaire : 5000 euros nets
DIRE ET JUGER que la prise d’acte de Monsieur [C] du 4 janvier 2019 produit les effets d’un licenciement abusif ;
CONDAMNER la société Madame [U] [X] à verser à Monsieur [C] les sommes suivantes:
-Indemnité compensatrice de préavis (1 mois) : 3627 euros bruts
-Congés payés y afférents : 363 euros bruts
-Indemnité légale de licenciement : 1511,25 euros nets
-Dommages et intérêts pour licenciement abusif :
. A titre principal (6 mois) : 21’762 euros nets
. A titre subsidiaire (2 mois) : 7254 euros nets
ORDONNER à la société Madame [U] [X] de remettre à Monsieur [C] des documents de fin de contrat en concordance avec le jugement à intervenir (Attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée, certificat de travail rectifié et bulletins de salaire), sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
CONDAMNER la société Madame [U] [X] à verser à Me DAVIAU la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
ORDONNER l’anatocisme ;
CONDAMNER la société Madame [U] [X] aux entiers dépens.
STATUER à nouveau ;
DÉCLARER irrecevables toutes pièces et conclusions qui seraient produites par la société Madame [U] [X]
SUR LA REQUALIFICATION EN CDI :
PRONONCER la requalification du contrat à durée déterminée du 2 mai 2017 en contrat à durée indéterminée;
En conséquence,
CONDAMNER la société Madame [U] [X] à verser à Monsieur [C] la somme de 3627 euros nets à titre d’indemnité de requalification ;
SUR LA REQUALIFICATION EN CONTRAT A TEMPS PLEIN :
PRONONCER la requalification du contrat à durée indéterminée à temps partiel en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ;
FIXER le salaire brut mensuel de Monsieur [C] à 3627 euros ;
CONDAMNER la société Madame [U] [X] à verser à Monsieur [C] les sommes suivantes:
– Rappel d’heures complémentaires : 14’018 € bruts
– Congés payés y afférents : 1402 euros bruts
– Rappel d’heures supplémentaires : 38’104,26 euros bruts
– Congés payés y afférents : 3810,43 euros bruts
– Indemnité pour travail dissimulé : 21’762 euros nets
– Indemnité pour manquement aux dispositions relatives au repos compensateur obligatoire :
5000 euros nets
– Indemnité pour manquement aux dispositions relatives au repos hebdomadaire : 5000 euros nets
SUR LA PRISE D’ACTE DE LA RUPTURE :
DIRE ET JUGER que la prise d’acte de Monsieur [C] du 4 janvier 2019 produit les effets d’un licenciement abusif ;
CONDAMNER la société Madame [U] [X] à verser à Monsieur [C] les sommes suivantes:
– Indemnité compensatrice de préavis (1 mois) : 3627 euros bruts
– Congés payés y afférents : 363 euros bruts
– Indemnité légale de licenciement : 1511,25 euros nets
– Dommages et intérêts pour licenciement abusif :
. A titre principal (6 mois) : 21’762 euros nets
. A titre subsidiaire (2 mois) : 7254 euros nets
ORDONNER à la société Madame [U] [X] de remettre à Monsieur [C] des documents de fin de contrat en concordance avec l’arrêt à intervenir (Attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée, certificat de travail rectifié et bulletins de salaire) sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
CONDAMNER la société Madame [U] [X] à verser à Monsieur [C] les sommes suivantes:
– Rappel de salaire (31/10/2018 au 17/11/2018) : 2176 euros bruts
– Congés payés y afférents : 218 euros bruts
CONDAMNER la société Madame [U] [X] à verser à Monsieur [C] la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
ORDONNER l’anatocisme ;
CONDAMNER la société Madame [U] [X] aux entiers dépens.
Madame [U] [X] a notifié pour la première fois, par RPVA le 14 février 2023, des conclusions en réponse.
La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 16 février 2023.
SUR CE :
Sur la recevabilité des conclusions de l’intimée :
Monsieur [Z] [C] fait valoir que le conseil de l’employeur n’a pris aucune conclusion et n’a produit aucune pièce dans le délai qui expirait le 14 août 2020 et qu’il y a lieu de déclarer irrecevables toutes conclusions qui seraient prises par l’intimée et de rejeter des débats toutes les pièces qui seraient communiquées.
Madame [U] [X] ne réplique pas à la demande de l’appelant d’irrecevabilité de ses conclusions et pièces.
*
Alors que Monsieur [Z] [C] a notifié sa déclaration d’appel et ses conclusions d’appelant à Madame [U] [X] par signification d’huissier de justice en date du 14 mai 2020, l’intimée, qui a constitué avocat par RPVA le 10 juin 2020, n’a toutefois pas déposé de conclusions dans le délai prévu par l’article 909 du code de procédure civile.
Les seules conclusions et pièces communiquées par l’intimée par RPVA le 14 février 2023 sont donc irrecevables.
Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée :
Monsieur [Z] [C] fait valoir que ses bulletins de salaire à partir du mois de mai 2017 mentionnent un contrat à durée déterminé saisonnier ; qu’il n’a jamais signé de tel contrat ; que cette absence de contrat écrit n’est d’ailleurs pas contestée par l’employeur ; qu’en l’absence de contrat écrit, le CDD de Monsieur [C] du 2 mai 2017 sera requalifié en contrat à durée indéterminée ; que manifestement, le salarié n’a pas été embauché pour une activité saisonnière, mais que son emploi était lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ; qu’il est fondé à solliciter le versement d’une indemnité de requalification d’un montant de 3627 euros nets, soit l’équivalent d’un mois de salaire tel que développé ci-dessous.
*
Il n’a pas été discuté devant le premier juge, ni en cause d’appel, que Monsieur [Z] [C] a été embauché à partir du 2 mai 2017 sans contrat de travail écrit. Il importe peu que les bulletins de paie mentionnent un recrutement du salarié le 2 mai 2017 “sous le statut d’un CDD à temps partiel (saisonnier)” car en l’absence de contrat de travail écrit, le contrat de travail est réputé conclu pour une durée indéterminée.
Le contrat étant réputé conclu à durée indéterminée dès l’embauche du salarié en date du 2 mai 2017, il n’y a pas lieu d’ordonner la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée. Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [C] de sa demande en paiement d’une indemnité de requalification.
Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet :
Monsieur [Z] [C] fait valoir qu’en l’absence de contrat de travail écrit, le contrat est présumé conclu à temps complet ; que Monsieur [C] se trouvait à la disposition permanente de l’employeur et travaillait en réalité à temps complet, tel que cela résulte des nombreuses attestations de clients et de voisins qu’il produit, dont il ressort qu’il travailait de 16 heures à 2 heures du matin, sept jours sur sept, et qu’il est bien fondé à solliciter la requalification de son contrat à temps partiel en contrat à temps plein.
*
Il ressort des bulletins de paie versés par Monsieur [C] qu’il a été rémunéré au titre de 60 heures mensuelles de mai à juillet 2017, de 36 heures mensuelles en août 2017, de 44 heures mensuelles en septembre 2017 et de 74 heures mensuelles à partir de janvier 2018.
En l’absence de contrat de travail écrit, le contrat de travail de Monsieur [C] est présumé conclu à temps complet. L’employeur qui conteste cette présomption doit rapporter la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle de travail convenue entre les parties et que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler.
Alors que Madame [U] [X] ne verse aucun élément de nature à combattre la présomption d’un temps complet, la Cour ordonne la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet.
Au vu du décompte détaillé fourni par Monsieur [C] dans ses conclusions (pages 18 et 19), décompte exact et vérifié par la Cour, il convient de lui accorder la somme brute de 14’018 euros à titre de rappel de salaire sur la base d’un temps complet, déduction faite des salaires déjà réglés, sur la période de mai 2017 à octobre 2018, ainsi que la somme brute de 1401,80 euros au titre des congés payés y afférents.
Sur les heures supplémentaires :
Monsieur [Z] [C] produit plusieurs attestations de clients et de voisins du bar « Le Petit Pernod » certifiant l’avoir vu travailler de 16 heures jusqu’à 2 heures du matin, tous les jours, “sept jours sur sept ” (ses pièces 15 à 22 et 30 à 33).
Ainsi, Monsieur [C] fournit des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés, à l’appui de sa réclamation. Il appartient à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre en produisant ses propres éléments.
Madame [U] [X], qui ne verse aucun élément relatif à la durée du travail en réplique au décompte pourtant suffisamment précis et explicite fourni par le salarié en pages 19 et 20 de ses conclusions, encourt une condamnation sur les seuls éléments produits par Monsieur [C].
En conséquence, la Cour fait droit à la réclamation de Monsieur [Z] [C] et accorde à celui-ci la somme brute de 38’104,26 euros au titre des heures supplémentaires effectuées de mai 2017 à octobre 2018 et la somme brute de 3810,43 euros au titre des congés payés y afférents
Eu égard au montant mensuel brut des heures supplémentaires accordées s’élevant à 2128,42 euros, il y a lieu de fixer le salaire mensuel brut total de Monsieur [C] à la somme de 3627 euros.
Sur le travail dissimulé :
Au vu de l’importance des heures supplémentaires allouées à Monsieur [C], non inscrites sur ses bulletins de paie, il est établi que l’employeur a intentionnellement dissimulé l’emploi du salarié à temps complet et les heures supplémentaires effectuées de la 35ème à la 70ème heure hebdomadaires de travail.
En conséquence, la Cour condamne l’employeur à verser à Monsieur [C] la somme brute de 21’762 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé (3627 x 6 mois).
Sur les manquements de l’employeur relatifs à la durée légale de travail :
Au vu des témoignages versés par le salarié rapportant que celui-ci travaillait sept jours sur sept, il est établi que l’employeur n’a pas respecté les dispositions légales relatives au repos hebdomadaire, en violation des articles L.3132-1 et L.3132-2 du code du travail.
La Cour accorde à Monsieur [C], qui ne verse aucun élément probant sur l’étendue de son préjudice relatif à la mise en danger de sa santé, la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.
Par ailleurs, le salarié a exécuté 35 heures supplémentaires par semaine, soit 151,55 heures supplémentaires par mois. En conséquence, il a accompli, en 2017 (de mai à décembre 2017) et en 2018 (de janvier à octobre 2018), des heures supplémentaires bien au-delà du contingent annuel conventionnel de 180 heures, tel que fixé par l’article 5 de l’avenant n° 1 du 13 juillet 2004 relatif à la durée et à l’aménagement du temps de travail, sans bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos.
La Cour accorde à Monsieur [C], qui ne verse aucun élément probant sur l’étendue de son préjudice relatif à la mise en danger de sa santé, la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.
Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail :
Monsieur [Z] [C] a adressé à son employeur un courrier recommandé du 31 décembre 2018, réceptionné le 4 janvier 2019, en ces termes :
« Nous étions convenus lors de ma « reprise » au sein de votre bar en mai 2017, que ma situation serait régularisée auprès de l’État. J’ai accepté un contrat à temps partiel pour vous arranger et me montrer flexible compte tenu de l’activité saisonnière du bar. Cela n’empêche pas le paiement de mes heures complémentaires.
J’ai travaillé quasiment chaque jour, 7j/7j, de 16h à 2h du matin, quand mon contrat de travail prévoit 20h par semaine. Je vous demande le paiement de mes heures complémentaires.
Également, votre chèque n°6683925 d’un montant de 549,60 euros a été rejeté par la banque. Mon salaire du mois d’octobre reste donc impayé.
Pour ces motifs, dont la responsabilité incombe entièrement à votre établissement, je suis contraint de vous notifier la présente prise d’acte de la rupture de mon contrat de travail’ ».
Monsieur [Z] [C] produit le chèque du 17 novembre 2018 d’un montant de 549,60 euros, correspondant au salaire du mois d’octobre 2018, revenu impayé pour défaut ou insuffisance de provision (selon attestation de rejet de la banque de M. [C] en date du 21 décembre 2018 – sa pièce 10).
Au vu du règlement du salaire partiel du mois d’octobre 2018 par chèque sans provision et du défaut de paiement par l’employeur de l’intégralité des heures de travail effectuées par le salarié, outre les manquements de Madame [U] [X] à ses obligations légales relatives au respect de la contrepartie obligatoire en repos sur heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent conventionnel et au respect du repos hebdomadaire, la Cour constate que les manquements de l’employeur sont suffisamment graves pour justifier la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par Monsieur [C] en date du 31 décembre 2018, à effet du 4 janvier 2019.
En conséquence, la Cour accorde à Monsieur [C] la somme brute de 3627 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, correspondant à un mois de salaire en application de l’article 30.2 de la Convention collective nationale des Hôtels, Cafés, Restaurants du 30 avril 1997, et la somme brute de 362,70 euros au titre des congés payés y afférents.
Eu égard à l’ancienneté de 1 an et 8 mois du salarié au sein de l’entreprise, la Cour accorde à Monsieur [Z] [C] la somme nette de 1511,25 euros à titre d’indemnité légale de licenciement [(3627 x 1/4) + (906,75/12 x 8 mois)].
Sur l’indemnisation de la rupture du contrat de travail
Monsieur [Z] [C] sollicite que soit écarté le barème prévu par l’article L.1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, le plafonnement prévu par ce texte violant les dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne et des articles 4 et 10 de la Convention 158 de l’OIT, ainsi que le droit à un procès équitable.
*
Il appartient au juge du fond de vérifier la compatibilité des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui fixent un un barème applicable à la détermination par le juge du montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec les normes supra-nationales que la France s’est engagée à respecter et qui ont une autorité supérieure à celle des normes nationales.
Monsieur [Z] [C] soutient en premier lieu que le barême d’indemnisation prévu par l’article L.1235-3 s’oppose au droit du salarié à un procés équitable au motif que le pouvoir du juge est drastiquement limité par l’ordonnance du 22 septembre 2017.
Les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, qui garantissent à toute personne le droit à un recours effectif en cas de violation des droits et libertés reconnus par ladite Convention et le droit à un procés équitable, ne s’appliquent pas aux limitations matérielles d’un droit consacré par la législation interne, comme la limitation du montant de l’indemnité susceptible d’être allouée à un salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Une telle limitation ne constitue pas un obstacle procédural entravant l’accès du salarié à la justice ou une violation du droit à un procés équitable.
Il n’y a donc pas lieu d’écarter les dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail qui ne violent pas les dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des drots de l’Homme.
Monsieur [Z] [C] invoque par ailleurs l’article 10 de la Convention internationale du travail n° 158 qui dispose que “si les organismes mentionnés à l’article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée”.
Cet article de la Convention n° 158 de l’OIT est d’application directe en droit interne.
Le terme “adéquat” doit être compris comme réservant aux Etats parties une marge d’appréciation.
En droit français, si le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise.
Lorsque la réintégration est refusée par l’une ou l’autre des parties, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur dans les limites de montants minimaux et maximaux édictés sur la base de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l’entreprise. Le juge français garde une marge d’appréciation quant à l’évaluation de l’indemnité adéquate ou d’une réparation appropriée, entre une limite minimale et une limite maximale exprimées en mois de salaire brut, de telle sorte que l’indemnisation réponde à la situation particulière du salarié, par la prise en compte de critères autres que l’ancienneté, tels que l’âge, la situation de famille, la difficulté à retrouver un emploi.
Le barème prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail est écarté en cas de nullité du licenciement, par application des dispositions de l’article L.1235-3-1 du même code.
Il s’en déduit que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail.
Monsieur [Z] [C] invoque également l’article 24 de la Charte sociale européenne, révisée le 3 mai 1996.
Selon la partie II de cette Charte : « Les Parties s’engagent à se considérer comme liées, ainsi que prévu à la partie III, par les obligations résultant des articles et des paragraphes ci-après.
[…]
Article 24 ‘ Droit à la protection en cas de licenciement
En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître :
a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service ;
b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée. A cette fin les Parties s’engagent à assurer qu’un travailleur qui estime avoir fait l’objet d’une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial ».
Eu égard à l’importance de la marge d’appréciation laissée aux parties contractantes par les termes précités de la Charte sociale européenne révisée, rapprochés de ceux des parties I et III du même texte, les dispositions de l’article 24 de ladite Charte ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.
Enfin, le renforcement de la prévisibilité des conséquences qui s’attachent à la rupture du contrat de travail, organisé par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, texte de valeur législative, a poursuivi un objectif d’intérêt général qu’il n’appartient pas au juge judiciaire de discuter. En tout état de cause, la fourchette de l’indemnisation entre une indemnité minimale et une indemnité maximale ne saurait, en raison de sa progression réelle, être considérée comme incitant en elle-même au licenciement d’un salarié.
Par ailleurs, la condamnation de l’employeur peut s’accompagner de la sanction prévue à l’article L.1235-4 du code du travail lorsque les conditions en sont réunies.
En outre, une possibilité de voies de droit alternatives non soumises à un plafond est ouverte pour demander la réparation de licenciements nuls et de préjudices distincts de celui tiré de la perte d’emploi. Le champ de ces voies de droit alternatives est étendu.
Par conséquent, le plafonnement instauré par l’article L.1235-3 du code du travail présente des garanties qui permettent d’en déduire qu’au regard de l’objectif poursuivi, l’atteinte nécessaire aux droits fondamentaux n’apparaît pas, en elle-même, disproportionnée et de conclure à la conventionnalité de ce texte.
Monsieur [Z] [C] produit une attestation de paiement des indemnités journalières versées par la CPAM des [Localité 3] sur la période du 17 novembre 2018 au 5 avril 2019, l’attestation de la CAF de paiement du RSA de mai 2019 à septembre 2019, un courrier du 7 janvier 2019 de résiliation de son bail, faisant état d’une dette locative et de son incapacité à payer l’arriéré, et une attestation d’hébergement à titre gratuit de connaissances de Monsieur [C] sur la période du 20 janvier 2019 au 31 août 2019.
Monsieur [C] ne verse pas d’élément sur ses recherches d’emploi, ni sur ses ressources postérieurement à septembre 2019.
Au vu des éléments versés par le salarié, de son ancienneté d’un an et huit mois au sein de l’entreprise occupant moins de 11 salariés et du montant de son salaire mensuel brut, la Cour accorde à Monsieur [Z] [C] la somme brute de 2000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur le salaire du 31 octobre au 17 novembre 2018 :
Monsieur [Z] [C] soutient qu’à son retour de congé le 31 octobre 2018, l’employeur a refusé qu’il reprenne son poste de travail et lui a imposé de reprendre une semaine de congé, tout en mentionnant sur le bulletin de paie qu’il était en « absence injustifiée » du 31 octobre au 7 novembre 2018, puis l’employeur a mentionné sur le bulletin de paie qu’il était en arrêt maladie du 8 au 30 novembre 2018, alors qu’il n’a été placé en arrêt maladie qu’à compter du 17 novembre 2018. Il réclame le paiement de son salaire du 31 octobre au 17 novembre 2018 et des congés payés afférents.
Alors que l’employeur ne justifie pas que Monsieur [C] était en absence injustifiée du 31 octobre au 7 novembre 2018 et en absence maladie du 8 au 30 novembre 2018, telles que mentionnées sur les bulletins de salaire d’octobre et novembre 2018, il est donc redevable du salaire dû sur la période du 31 octobre au 16 novembre 2018, le salarié ayant été en arrêt de travail pour maladie à partir du 17 novembre 2018 (sa pièce 36).
En conséquence, la Cour accorde à Monsieur [C] la somme brute de 2176 euros à titre de rappel de salaire sur la période du 31 octobre au 16 novembre 2018, outre la somme brute de 217,60 euros de congés payés y afférents.
Sur la remise des documents sociaux :
Il convient d’ordonner la remise par Madame [U] [X] d’un bulletin de paie récapitulatif, du certificat de travail et de l’attestation Pôle emploi rectifiée en conformité avec le présent arrêt, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette condamnation d’une astreinte.
Sur l’article 700 du code de procédure civile :
Il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et en matière prud’homale,
Déclare irrecevables les conclusions et pièces de l’intimée,
Infirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté Monsieur [Z] [C] de sa demande en paiement d’une indemnité de requalification,
Statuant à nouveau sur les points infirmés,
Dit que les parties étaient liées par un contrat de travail à durée indéterminée en date du 2 mai 2017,
Ordonne la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet,
Dit que la prise d’acte de rupture du contrat de travail par Monsieur [Z] [C] produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Fixe le salaire mensuel brut de Monsieur [Z] [C] à 3627 euros,
Condamne Madame [U] [X] à payer à Monsieur [Z] [C] les sommes suivantes :
– 14’018 euros de rappel de salaire au titre d’un temps complet,
– 1401,80 euros de congés payés sur rappel de salaire,
– 38’104,26 euros d’heures supplémentaires,
– 3810,43 euros de congés payés sur heures supplémentaires,
– 2176 euros de rappel de salaire du 31 octobre au 16 novembre 2018,
– 217,60 euros de congés payés sur rappel de salaire,
– 21’762 euros d’indemnité pour travail dissimulé,
– 500 euros de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur aux dispositions relatives à la contrepartie obligatoire en repos,
– 500 euros de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur aux dispositions relatives au repos hebdomadaire,
– 3627 euros d’indemnité compensatrice de préavis,
– 362,70 euros de congés payés sur préavis,
– 1511,25 euros d’indemnité légale de licenciement,
– 2000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Dit que les sommes allouées de nature salariale produiront des intérêts au taux légal à compter de la citation devant le bureau de conciliation, soit à compter du 19 mai 2019, et dit que les sommes allouées de nature indemnitaire produiront des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions légales,
Ordonne la remise par Madame [U] [X] d’un bulletin de paie récapitulatif, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle emploi rectifiée en conformité avec le présent arrêt,
Condamne Madame [U] [X] aux dépens de première instance et d’appel et à payer à Monsieur [Z] [C] 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction