Requalification en CDI : 15 juin 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/00304

·

·

Requalification en CDI : 15 juin 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/00304
Ce point juridique est utile ?

15 juin 2023
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
21/00304

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION B

————————–

ARRÊT DU : 15 JUIN 2023

PRUD’HOMMES

N° RG 21/00304 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-L4PF

Monsieur [P] [L]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 33063/02/21/2490 du 04/03/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

S.E.L.A.R.L. EKIP’

C.G.E.A. DE [Localité 3]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée aux avocats le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 décembre 2020 (R.G. n°F18/01751) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d’appel du 18 janvier 2021,

APPELANT :

[P] [L]

né le 10 Février 1982 à [Localité 6] (31)

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Pierre CASTERA substituant Me Camille LENOBLE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

S.E.L.A.R.L. EKIP’ Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SAS METROPOLYS » prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

C.G.E.A. DE [Localité 3] prise en la personne de son directeur domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 5]

Représentée par Me Philippe DUPRAT de la SCP DAGG, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 907 et 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 30 mars 2023 en audience publique, devant Monsieur Eric VEYSSIERE, Président chargé d’instruire l’affaire, qui a retenu l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Eric Veyssière, président,

Madame Cybèle Ordoqui, conseillère,

Madame Sophie Lésineau, conseillère

greffière lors des débats : Evelyne Gombaud

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.

Exposé du litige

Selon un contrat de travail à durée déterminée du 1er juillet 2016 au 31 août 2016, la société Metropolys, exploitant une activité de discothèque à [Localité 4] (33) a engagé M. [L] en qualité de responsable de la sécurité.

Par jugement du tribunal de commerce du 18 janvier 2019, la société a été placée en liquidation judiciaire.

Le 7 mars 2017, M. [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Bordeaux en sa formation de référé aux fins de rappel de salaires, indemnités de congés payés, indemnités de fin de contrat et remise des documents de fin de contrat.

Par ordonnance de référé du 11 mai 2017, le conseil de prud’hommes de Bordeaux a condamné l’employeur à verser 4 150,10 euros bruts à titre de rappel de salaire, 533,30 euros au titre d’indemnité compensatrice de congés payés, 455,01 euros au titre d’indemnité de fin de contrat et la remise sans délai du bulletin de salaire du mois d’août 2016 et des documents de fin de contrat.

L’employeur n’a pas fait appel de la décision mais ne l’a pas exécutée.

Le 20 novembre 2018, M. [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Bordeaux afin de :

– voir fixer ses créances à la liquidation judiciaire de la société comme suit :

Pour le contrat à durée déterminée :

– heures supplémentaires : 6 589,21 euros,

– repos non pris : 1 083,60 euros,

– dommages et intérêts pour travail dissimulé : 13 650 euros,

– préavis : 853,23 euros,

– dommages et intérêts pour non respect de la procédure : 1 820,04 euros,

– indemnité de requalification : 2 275,05 euros,

Pour le contrat à durée indéterminée :

– rappel de salaire : 1 800 euros,

– préavis : 450,07 euros,

– congés payés sur préavis : 328,13 euros,

– dommages et intérêts pour licenciement abusif : 1 200 euros,

– dommages et intérêts pour travail dissimulé : 7 200 euros,

– ordonner le remise de documents de rupture sous astreinte journalière de 10 euros,

– ordonner l’exécution provisoire.

Par jugement du 14 décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Bordeaux a :

– pris acte du désistement de M. [L] sur sa demande de rappel de salaire des mois de juillet et août 2016,

– pris acte du désistement de M. [L] sur sa demande de rappel de congés payés des mois de juillet et août 2016,

– débouté M. [L] de sa demande de paiement d’heures supplémentaires,

– débouté M. [L] de sa demande de paiement de jours de repos,

– dit prescrit la demande de requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et a débouté M. [L] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires,

– dit prescrit la demande au titre du travail dissimulé sur le contrat de travail à durée déterminée et déboute M. [L] de sa demande indemnitaire,

– qualifié la relation des parties en contrat de travail du 2 au 30 septembre 2016,

– fixé la créance au passif de la liquidation judiciaire les sommes de :

– salaire septembre 2016 : 1 200 euros,

– salaire octobre 2016 : 600 euros,

– congés payés sur salaire de septembre : 180 euros,

– préavis : 450,07 euros,

– dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 1 200 euros,

– dit que doit se soustraire des sommes dues les trop perçues de 1 036,10 et 104,73 euros en remboursement du trop versé à M. [L] par le mandataire liquidateur de l’employeur,

– dit prescrit la demande au titre du travail dissimulé au titre du contrat à durée indéterminée et déboute M. [L] de sa demande indemnitaire,

– fixé au passif de la liquidation judiciaire au paiement de la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné la production des documents de fin de contrat : certificat de travail, attestation pôle emploi, bulletins de paie et solde de tout compte,

– fixé la créance au passif de la liquidation judiciaire les dépens,

– rendu le jugement opposable à l’AGS-CGEA dans la limite légale de sa garantie, laquelle exclut l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté les autres demandes, plus amples ou contraires,

– fixé au passif de l’employeur les entiers dépens.

Par déclaration du 18 janvier 2021, M. [L] a relevé appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions du 29 septembre 2021, M. [L] sollicite de la cour qu’elle :

Sur le contrat à durée déterminée du 1er juillet au 31 août 2016 :

– infirme le jugement en ce qu’il a débouté M. [L] de ses demandes de rappel d’heures supplémentaires, d’indemnisation des jours de repos non pris, de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée avec toutes conséquences de droit et d’indemnisation pour le travail dissimulé,

– infirme le jugement en ce qu’il a dit que devait se soustraire des sommes dues des trop perçus de 1 063,10 euros et 104,73 euros en remboursement du trop versé à M. [L] par le mandataire liquidateur,

Et statuant à nouveau :

– inscrive au passif de la liquidation judiciaire les sommes suivantes :

– 7,95 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

– 6 697,50 euros bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires outre 669,75 euros bruts de congés payés afférents,

– 2 000 euros de dommages et intérêts au titre de la violation des règles relative au temps de travail et de l’atteinte manifeste aux règles visant à préserver la santé et la vie privée et familiale,

– 2 273,25 euros à titre d’indemnité de requalification du contrat à durée déterminée,

– 5 000 euros pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 853,28 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis sur le licenciement, outre 85,32 euros bruts au titre des congés payés afférent,

– 13 639,50 euros à titre de dommages intérêts pour travail dissimulé,

Sur le contrat à durée indéterminée à compter du 2 septembre 2016 :

– confirme le jugement déféré en ce qu’il a constaté l’existence d’une relation de travail entre le 2 septembre 2016 et le 16 octobre 2016,

– réévalue les créances à inscrire au passif de la liquidation judiciaire à :

– 1 948,50 euros bruts au titre de rappel de salaires pour la période du 2 septembre au 16 octobre 2016 outre 103,92 euros bruts de congés payés afférents,

– 2 600 euros à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 487,20 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés sur préavis de 48,72 euros bruts.

– ordonne la remise des documents de fin de contrat,

– ordonne la remise de bulletin de paie de juillet 2016 rectifié outre la remise des bulletin paie d’août à octobre 2016,

– infirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [L] de sa demande d’indemnisation pour travail dissimulé,

Et statuant à nouveau :

– inscrive au passif de la liquidation judiciaire la somme de 7 794 euros à titre de dommages intérêts pour travail dissimulé,

En tout état de cause :

– inscrive au passif de la liquidation judiciaire la somme de 2 000 euros au titre de l’article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991,

– fixe au passif de la liquidation de l’employeur les dépens,

– rende l’arrêt opposable à l’AGS CGEA

Par ses dernières conclusions du 30 juin 2021, l’AGS CGEA demande à la cour de :

– déclarer mal fondé l’appel de M. [L],

– confirmer le jugement du 14 décembre 2020 en ce qu’il a dit que M. [L] a un trop perçu de rappel de salaire de 1 063,10 euros bruts,

– confirmer le jugement du 14 décembre 2020 en ce qu’il a dit que M. [L] a un trop perçu au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sauf à condamner M. [L] à restituer à la société Ekip’ es qualité de mandataire liquidateur, la somme de 173,30 euros bruts indûment perçue au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés, en exécution de l’ordonnance de référé,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [L] de sa demande de rappel d’heures supplémentaires et pour jours de repos non pris et en ce qu’il a dit prescrit ses autres demandes au titre de la rupture du 31 août 2016,

Subsidiairement,

– en cas d’heures supplémentaires admises, fixer la créance de M. [L] au passif de la liquidation judiciaire sur la base majorée à 25 % de 14,825 euros et sur la base majorée à 50% de 17,79 euros, soit au plus, la somme de 5 295,49 euros, outre les congés payés y afférents,

– déclarer prescrite sa demande de dommages et intérêts pour violation des règles relatives au temps de travail et atteinte à la préservation de la santé « des salariés » et la vie privée et familiale,

– déclarer prescrite sa demande indemnitaire pour travail dissimulé au titre du contrat à durée déterminée,

– déclarer prescrite sa demande de requalification du contrat en contrat à durée indéterminée,

– en toute hypothèse débouter M. [L] de requalification du contrat en contrat à durée indéterminée à raison du motif légal de recours,

– en conséquence débouter M. [L] de l’indemnité de requalification et des demandes au titre de la rupture,

Encore plus subsidiairement,

Vu le taux horaire,

– fixer la créance de M. [L] au passif de l’employeur à :

– 1800 euros à titre d’indemnité de requalification,

– 480 euros, à titre de préavis, (1 466,64 x 8/30) sauf reconnaissance du nouvel emploi,

– 48 euros à titre de congés payés sur préavis,

– en cas de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, réduire les dommages et intérêts à la somme maximale de 750 euros et sauf reconnaissance du nouvel emploi anéantissant le préjudice de perte d’emploi,

Concernant le contrat à durée indéterminée du 1er septembre au 16 octobre 2016 :

– débouter M. [L] de sa demande de reconnaissance d’une relation contractuelle après le 31 août 2016,

– réformer en conséquence le jugement dont appel en ce qu’il a reconnu une relation contractuelle de travail du 2 au 30 septembre 2016 et en ce qu’il a alloué à M. [L] un rappel de salaire sur cette période et des indemnités de rupture et des dommages et intérêts,

– débouter M. [L] de sa demande de salaire faute de preuve d’une relation contractuelle que le contrat non signé par les parties ne peut établir ni présumer,

– débouter en toute hypothèse M. [L] de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture, à raison de la prescription,

– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé prescrite sa demande pour travail dissimulé,

– en cas de confirmation de la relation contractuelle, réduire les dommages et intérêts à la somme maximale de 400 euros faute de préjudice établi supérieur,

– débouter en toute hypothèse M. [L] de sa demande pour travail dissimulé,

Sur la garantie de l’AGS,

Vu les articles L.3253-6 et suivants du code du travail

– en toute hypothèse, déclarer opposable l’arrêt à intervenir à l’AGS – CGEA de [Localité 3] dans la limite légale de sa garantie, laquelle exclut l’astreinte et l’indemnité allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

Motifs de la décision

Sur la demande d’indu relatif au paiement des salaires

Le contrat de travail de M. [L] prévoit une rémunération mensuelle de 1800 euros bruts.

A défaut de prévoir une durée du travail, ce contrat est présumé avoir été souscrit à temps complet, soit 35 heures par semaine.

Le seul bulletin de paie délivré au salarié mentionne un salaire d’un montant de 1207,50 euros pour 80,50 heures travaillées. M. [L] n’a perçu, en réalité, qu’un virement de 400 euros nets ou 513 euros bruts.

Se référant à l’ordonnance de référé qui a fait droit à sa demande de rappel de salaires pour un montant de 4150,10 euros pour la période du contrat à durée déterminée, M. [L] demande à la cour d’entériner cette décision qui a retenu un taux horaire de 15 euros tel que résultant du bulletin de paie et de rejeter la demande d’indu formée par le liquidateur judiciaire.

Mais, il convient de relever que le bulletin de paie, qui mentionne un taux horaire de 9,67 euros et une durée de travail inférieure à celle que revendique par ailleurs le salarié, est manifestement erroné et ne peut, dans ces conditions, être créateur de droits.

C’est donc à bon droit que le CGEA soutient qu’il convient de retenir la rémunération mensuelle de 1800 euros bruts prévue au contrat de travail et que, dés lors, M. [L] à qui le liquidateur a versé une somme de 4150,50 euros bruts ou 3060,08 euros en net en exécution de l’ordonnance de référé est redevable à la liquidation judiciaire de la somme de 1063,10 euros en brut ou 805,61 euros en net compte tenu de la somme de 400 euros nets versés par l’employeur.

Sur ce point, le jugement sera confirmé.

Sur la demande d’indemnité compensatrice de congés payés au titre du contrat à durée déterminée

En exécution de l’ordonnance de référé, le liquidateur a versé à M. [L] la somme de 533,30 euros à titre d’indemnité de congés payés que le CGEA a avancée. Ce montant a été calculé sur la base non discutée de 5 jours de congés payés pour 2 mois de travail et d’un taux horaire de 15 euros.

Compte tenu du montant total des salaires (3600 euros) retenu par la cour ci-dessus, le salarié pouvait prétendre à une indemnité de congés payés de 360 euros.

Le liquidateur est donc créancier d’un indu de 173,30 euros bruts.

De ce chef, le jugement sera réformé.

Sur la demande au titre des heures supplémentaires

Il résulte des articles L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Au soutien de sa demande de rappel de salaire d’un montant de 6697,50 euros pour les mois de juillet et août 2016, M. [L] produit les éléments suivants :

– une décompte hebdomadaire des heures supplémentaires effectuées,

– des attestations sur sa présence dans la discothèque et ses différentes attributions (responsable de la sécurité distributeur de flyers, relations avec les prestataires…)

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre.

Le CGEA qui conteste la valeur probante des éléments fournis par le salarié ne justifie pas des horaires de travail du salarié (hormis les jours d’ouverture de la discothèque) ni des dispositifs mis en place pour contrôler le temps de travail de l’intéressé. Il est donc défaillant dans la partie de l’administration de la preuve qui lui incombe.

Au regard des pièces du dossier, la cour évalue le volume des heures supplémentaires comme suit :

– 64 heures majorées à 25% soit la somme de 948,80 euros (14,825 euros x 64)

– 150 heures majorée à 50% soit la somme de 2668,50 euros(17,79 euros x 150)

Soit un total de 3617,30 euros auquel il convient d’ajouter les congés payés afférents.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur la demande indemnitaire au titre des jours de repos non pris

Contrairement à ce que soutient le CGEA, cette demande n’est pas nouvelle en cause d’appel. Elle n’est pas non plus prescrite par application de l’article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 relatif à l’aide juridique compte tenu du dépôt d’une demande d’aide juridictionnelle en date du 30 avril 2018 qui a interrompu le délai de prescription, de la décision du bureau de l’aide juridictionnelle intervenue le 24 mai 2018 et de la saisine du conseil de prud’hommes le 15 novembre 2018,

En vertu des dispositions de la convention collective HCR, M. [L] avait droit à deux jours de repos par semaine. Il soutient qu’il n’a pu en bénéficier.

L’employeur sur qui repose la charge de la preuve ne justifie pas les avoir accordés.

Ce manquement de l’employeur a causé un préjudice au salarié dont la protection de la santé et de la sécurité n’a pas été assurée. Ce préjudice sera réparé par l’allocation d’une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur la demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et les demandes subséquentes relatives à la rupture du contrat de travail

Pour les motifs évoqués ci-dessus relatifs à l’effet interruptif du délai de prescription en cas de dépôt d’une demande d’aide juridictionnelle, cette demande n’est pas prescrite.

M. [L] soutient que le contrat à durée déterminée doit être requalifié en contrat à durée indéterminée car le contrat n’est signé que de l’employeur.

Aux termes de l’article L 1242-12 du code du travail, le contrat à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

Faute de comporter la signature du salarié, le contrat à durée déterminée ne peut-être considéré comme ayant été établi par écrit.

Selon l’article L 1245-1 du code du travail est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions de l’article L 1242-12.

En l’espèce, le contrat de travail est revêtu de la seule signature de l’employeur.

Il encourt, en conséquence, la requalification en contrat à durée indéterminée.

En application de l’article L 1245-2 du code du travail, il sera alloué à M. [L] la somme de 1800 euros à titre d’indemnité de requalification.

Par ailleurs, l’employeur ne justifiant la rupture que par l’échéance du terme du contrat à durée déterminée, c’est à juste titre que la salariée soutient que la rupture est abusive compte tenu de la requalification intervenue.

M. [L] peut ainsi prétendre au versement :

– d’une indemnité compensatrice de préavis de 8 jours en vertu de la convention HCR, soit la somme de 480 euros et les congés payés afférents,

– d’une indemnité pour perte injustifiée de son emploi sur le fondement de l’article L 1235-3 du code du travail que la cour fixera à la somme de 900 euros.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur la demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

Pour les motifs évoqués ci-dessus relatifs à l’effet interruptif du délai de prescription en cas de dépôt d’une demande d’aide juridictionnelle, cette demande n’est pas prescrite.

Aux termes de l’article L8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

En l’espèce, il ressort d’un courrier de l’Urssaf Aquitaine du 21 avril 2021 adressé à M. [L] que la société Metropolys n’a pas déclaré ses rémunérations à l’organisme de sécurité sociale. En tout état de cause, l’employeur a établi des bulletins de paie comportant des mentions erronées et n’a pas versé l’intégralité des salaires.

En application des dispositions légales sus-visées, l’infraction de travail dissimulé est donc caractérisée.

Conformément aux dispositions de l’article L 8223-1 du code du travail, M. [L] peut prétendre à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaires, soit la somme de 10.800 euros.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur le contrat à durée indéterminée à temps partiel

M. [L] produit un contrat de travail par lequel il a été engagé à compter du 2 septembre 2016 en contrat à durée indéterminée à temps partiel par la société Métropolys à raison d’un temps de travail de 16 heures par semaine (2 soirées par semaine).

Faisant valoir que l’employeur ne lui a versé aucune rémunération et qu’il a mis fin à la relation de travail sans préavis et sans respecter le procédure prévue en matière de licenciement, le salarié sollicite des rappels de salaires et des indemnités pour rupture abusive du contrat de travail.

Le CGEA soutient que le contrat de travail n’est pas signé des parties et qu’il est dénué en conséquence de valeur probante et qu’en tout état de cause, la preuve de la relation de travail n’est pas rapportée.

La cour observe qu’il importe peu que le contrat de travail ne soit pas signé. Il incombe au salarié de démontrer qu’il a exécuté une prestation de travail sous les directives de l’employeur.

En l’espèce, l’inspection du travail qui a procédé le 9 septembre 2016 à un contrôle dans la discothèque a noté dans son rapport la présence de M. [L] en situation de travail. Il ressort par ailleurs des échanges de sms entre ce dernier et le gérant de discothèque que ceux-ci ont convenu d’une rémunération de 150 euros par soirée.

Ces éléments corroborent les dispositions figurant au contrat de travail.

Il en résulte que la preuve de l’existence d’un contrat de travail est rapportée.

L’employeur qui ne justifie pas du paiement du salaire est, en conséquence, débiteur d’une somme de 1800 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 2 septembre 2016 au 16 octobre 2016.

De ce chef, le jugement sera confirmé.

En revanche, s’agissant de la rupture, le salarié ne peut prétendre à de nouvelles indemnités alors que la cour lui a alloué, du fait de la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, une indemnité de préavis et une indemnité pour perte injustifiée de son emploi. Il sera, en conséquence, débouté de ses demandes. De ce chef, le jugement sera réformé.

De même, il ne peut bénéficier d’une double indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Il sera débouté de ce chef de demande; le jugement qui a déclaré la demande prescrite sera réformé.

Sur les autres demandes

Le présent arrêt sera déclaré opposable au CGEA dans la limite légale de sa garantie.

Le liquidateur remettra à M. [L] un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés conformément aux dispositions de la présente décision.

Il sera opéré une compensation entre les sommes dues au salarié et celles dont il est redevable.

Les dépens seront supportés par la liquidation judiciaire.

L’équité ne commande pas de faire droit aux demandes d’indemnités sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :

– dit que M. [L] est redevable à la liquidation judiciaire de la somme de 1063,10 euros en brut

– alloué à M. [L] la somme de 1800 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 2 septembre 2016 au 16 octobre 2016.

– statué sur les dépens et les frais irrépétibles,

statuant à nouveau sur les points infirmés

Dit que M. [L] est redevable d’un indu de 1628,29 euros nets

Fixe les créances de M. [L] à inscrire au passif de la société Metropolys aux sommes suivantes :

– 3617,30 euros au titre des heures supplémentaires sur la période du 1er juillet au 31 août 2016 et les congés payés afférents,

– 500 euros à titre de dommages et intérêts pour jour de repos non pris,

– 10.800 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

– 1800 euros à titre d’indemnité de requalification

– 480 euros à titre d’indemnité de préavis et les congés payés afférents

– 900 euros à titre d’indemnité pour rupture abusive du contrat de travail,

– 1800 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 2 septembre au 16 octobre 2016

Ordonne la compensation des dites sommes

Ordonne à la société Ekip’es qualité de liquidateur, de remettre à M. [L] un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés conformément aux dispositions de la présente décision,

Déboute M. [L] du surplus de ses demandes;

Rejette les demandes d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déclare la présente décision opposable au CGEA de [Localité 3] dans la limite légale de sa garantie,

Dit que les dépens seront supportés par la liquidation judiciaire.

Signé par Eric Veyssière, président et par Evelyne Gombaud, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

E. Gombaud E. Veyssière

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x