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14 juin 2023
Cour d’appel de Reims
RG n°
21/02014
Arrêt n°
du 14/06/2023
N° RG 21/02014
MLB/ML
Formule exécutoire le :
à :
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 14 juin 2023
APPELANT :
d’une décision rendue le 08 juillet 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de REIMS, section COMMERCE (n° F21/00122)
Monsieur [E] [G]
[Adresse 2]
[Localité 5]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/003622 du 14/10/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de REIMS)
Représenté par la SCP ACG & ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS
INTIMÉE :
S.A.S.U. DISTRIFAST
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par la SELARL FOSSIER NOURDIN, avocats au barreau de REIMS
PARTIES INTERVENANTES :
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA [Localité 7]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Défaillante
Maître [S] [X] agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SASU DISTRIFAST
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par la SELARL FOSSIER NOURDIN, avocats au barreau de REIMS
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 mars 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller, et Madame Isabelle FALEUR, conseiller, chargées du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 17 mai 2023 prorogée au 14 juin 2023.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président
Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller
Madame Isabelle FALEUR, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Madame Allison CORNU-HARROIS, greffier
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller en remplacement du président régulièrement empêché, et Madame Maureen LANGLET, greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Aux termes d’un contrat de travail à durée déterminée en date du 18 mars 2019, la SAS Distrifast a engagé Monsieur [E] [G] pour une durée prévue du 18 mars 2019 au 19 avril 2019 en qualité de chauffeur-livreur.
Par mail du 8 avril 2019, Monsieur [E] [G] a informé son employeur qu’il exerçait son droit de retrait.
Soutenant que ses droits n’avaient pas été respectés, il a saisi le conseil de prud’hommes de Châlons-en-Champagne le 5 septembre 2019.
Le dirigeant de la SAS Distrifast exerçant un mandat au sein du conseil de prud’hommes de Châlons-en-Champagne, la cause a été délocalisée au conseil de prud’hommes de Reims par jugement du 25 octobre 2019.
Dans le dernier état de ses écritures, Monsieur [E] [G] a formulé diverses demandes salariales et indemnitaires à l’encontre de la SAS Distrifast au titre essentiellement de la rupture du contrat de travail requalifié et de rappels de salaires.
Par jugement du 8 juillet 2021, le conseil de prud’hommes a :
– requalifié le contrat de travail de Monsieur [E] [G] en contrat à durée indéterminée,
– dit que la rupture de la relation contractuelle était à l’initiative de Monsieur [E] [G] à la date du 19 avril 2019,
– condamné la SAS Distrifast à payer à Monsieur [E] [G] les sommes de :
1521,25 euros à titre d’indemnité de requalification,
1500,79 euros à titre de rappel de salaire,
150,08 euros à titre de congés payés afférents,
300 euros à titre de dommages-intérêts pour dépassement de la durée hebdomadaire maximum de travail,
150 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté Monsieur [E] [G] du surplus de ses demandes,
– débouté la SAS Distrifast de sa demande au titre des frais irrépétibles,
– condamné la SAS Distrifast au entiers dépens.
Le 10 novembre 2021, Monsieur [E] [G] a interjeté appel du jugement en ce qu’il a dit que la rupture de la relation contractuelle est à son initiative, des chefs de condamnation prononcées à l’encontre de la SAS Distrifast et en ce qu’il l’a débouté du surplus de ses demandes.
Par jugement en date du 5 mai 2022, le tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la SAS Distrifast et désigné Maître [S] [X] en qualité de liquidateur judiciaire, laquelle est intervenue volontairement à l’instance.
Monsieur [E] [G] a fait procéder, par acte d’huissier du 23 juin 2022, à l’assignation forcée de l’Unédic délégation AGS-CGEA d'[Localité 7] et, par acte d’huissier du 15 septembre 2022 à la signification de ses dernières écritures.
L’Unédic délégation AGS-CGEA d'[Localité 7] n’a pas constitué avocat.
Par conclusions en date du 26 juillet 2022, auxquelles il sera expressément renvoyé pour plus ample exposé du litige, l’appelant demande à la cour :
– de confirmer le jugement en ce qu’il a:
requalifié son contrat de travail en contrat à durée indéterminée,
débouté la SAS Distrifast de sa demande au titre des frais irrépétibles,
condamné la SAS Distrifast aux entiers dépens,
– d’infirmer le jugement pour le surplus,
et, statuant à nouveau :
A titre principal :
– de juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Distrifast à hauteur des sommes suivantes :
3388 euros à titre de dommages-intérêts,
782,34 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
78,23 euros à titre des congés payés afférents,
A titre subsidiaire :
– de juger son licenciement irrégulier,
en conséquence,
– de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Distrifast à la somme de 3388 euros à titre d’indemnité pour licenciement irrégulier,
En tout état de cause :
– de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Distrifast à hauteur des sommes suivantes :
3388 euros à titre de dommages-intérêts pour requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
3065,47 euros à titre de rappel de salaire,
306,54 euros au titre des congés payés afférents,
20325,19 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés du travail dissimulé,
1000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés du dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail,
2000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,
1200 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,
3240 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 pour la procédure de première instance,
– de juger la décision opposable à l’Unédic délégation AGS-CGEA d'[Localité 7],
– de condamner Maître [S] [X], ès qualités, aux entiers dépens de l’instance.
Par conclusions en date du 10 mai 2022, auxquelles il sera expressément renvoyé pour plus ample exposé du litige, la SAS Distrifast et Maître [S] [X] ès qualités demandent à la cour :
– de déclarer irrecevables toutes demandes de condamnation à l’encontre de la SAS Distrifast,
– de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que la rupture de la relation contractuelle est à l’initiative de Monsieur [E] [G] et en ce qu’il l’a débouté du surplus de ses demandes,
– de limiter les sommes pouvant être allouées en prenant comme base de calcul le salaire contractuellement prévu,
– de réformer le jugement en ce qu’il a requalifié la relation contractuelle, a condamné l’employeur au paiement de diverses sommes ainsi qu’aux frais irrépétibles et aux dépens.
Elles demandent à la cour, statuant à nouveau de débouter Monsieur [E] [G] en l’ensemble de ses demandes et subsidiairement de limiter à la somme de1521,25 euros l’indemnité de requalification.
En tout état de cause, elles lui demandent de déclarer la décision à intervenir commune et opposable à l’Unédic délégation AGS-CGEA d'[Localité 7], de la condamner à garantir dans les limites légales et de condamner Monsieur [E] [G] au paiement de la somme de 1000 euros à titre de frais irrépétibles de première instance et d’appel et aux dépens.
MOTIFS
1. Sur les demandes liées à l’exécution du contrat de travail :
– Sur le rappel de salaire :
* sur le rappel de salaire pendant les jours non travaillés au titre du droit de retrait :
Le dernier jour travaillé de Monsieur [E] [G] a été le 5 avril 2019.
En effet, par mail du 8 avril 2019, il avait informé son employeur qu’il exerçait son droit de retrait car selon lui, le mauvais état du camion qu’il conduisait mettait sa vie et celle des autres usagers en danger.
Monsieur [E] [G] n’étant pas payé au-delà du 5 avril 2019, il demandait dans ces conditions aux premiers juges de condamner la SAS Distrifast à lui payer la somme de 1564,68 euros correspondant aux jours non travaillés par la faute de son employeur, en application de l’article L.4131-3 du code du travail.
Les premiers juges l’ont débouté de sa demande à ce titre au motif que son droit de retrait ne se justifiait pas dans la mesure où un autre véhicule était à sa disposition, ce que prétendait la SAS Distrifast qui contestait au demeurant l’état dangereux du véhicule et ce que la société et le mandataire liquidateur reprennent à hauteur d’appel. Monsieur [E] [G] soutient à hauteur d’appel qu’il ne disposait pas d’un véhicule de remplacement.
Il est établi au vu des pièces produites par Monsieur [E] [G], et en particulier du contrôle technique qu’il a fait réaliser, que le véhicule qu’il devait conduire était un véhicule en très mauvais état, le plaçant dans une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. C’est dans ces conditions que par mail du 8 avril 2019 à 15h32, il écrivait à son employeur : ‘sans réponse de votre part pour le camion, je préfère vous prévenir officiellement je prend mon droit de retrait car le camion est en mauvais état et je mets ma vie et celles des autres usagers de la route en danger’.
A 15 h 51, il lui était répondu : ‘Nous vous informons une nouvelle fois qu’un véhicule est à disposition dans nos bureaux. Nous vous demandons de bien prendre votre poste ce jour’.
Monsieur [E] [G] produit une attestation de son épouse en date du 29 août 2020, dans laquelle celle-ci écrit qu’au moment où ils ont reçu le mail, le responsable d’exploitation était au téléphone avec son mari, lui indiquant qu’il n’aurait pas de camion de remplacement, l’insultant et le menaçant. Or, il ne résulte pas des termes de l’attestation que Madame [G] a entendu la conversation, de sorte qu’il n’est pas établi que les termes du mail ont été contredits.
Dans ces conditions, et alors qu’il était mis à la disposition de Monsieur [E] [G] un véhicule de remplacement, l’exercice de son droit de retrait n’est pas justifié.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [E] [G] de sa demande de rappel de salaire sur la période en cause.
* sur les heures supplémentaires :
Les premiers juges ont condamné la SAS Distrifast à payer à Monsieur [E] [G] la somme de 1500,79 euros au titre des heures supplémentaires, outre les congés payés y afférents.
La SAS Distrifast et Maître [S] [X] ès qualités demandent à la cour d’infirmer une telle disposition au motif que Monsieur [E] [G] ne satisfait pas à la preuve qui lui incombe au vu des documents qu’il produit, que le temps de trajet A-R [Localité 9] [Localité 8] n’est pas celui qu’il indique et soutiennent que la base hebdomadaire de travail de Monsieur [E] [G] était de 47h30 et qu’il a été réglé des heures supplémentaires accomplies au moyen des décomptes qu’elles établissent et des sommes versées.
Monsieur [E] [G] demande à la cour de confirmer le jugement du chef de la condamnation intervenue, au regard des règles applicables et des éléments qu’il produit.
Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, l’employeur tient à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L.8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
La demande de Monsieur [E] [G] au titre des heures supplémentaires comprend deux semaines au mois de mars et deux semaines au mois d’avril 2019. C’est à tort toutefois que les premiers juges ont accueilli la demande de Monsieur [E] [G] du 8 au 12 avril 2019, alors même que sur cette période il avait exercé son droit de retrait.
Monsieur [E] [G] produit un décompte compris entre le 18 mars et le 5 avril 2019, reprenant pour chaque heure travaillée l’heure de début de travail -16h45- et l’heure de fin de travail. Il met en évidence 62h30 travaillées la première semaine, 61h40 la deuxième semaine et 60h25 entre le 1er et le 5 avril 2019, temps de pause déduit.
Or, la SAS Distrifast et Maître [S] [X] ès qualités produisent un mail de Monsieur [E] [G] en date du 15 mai 2019 dans lequel celui-ci reprend les heures de début -17h15- et de fin de travail pour chaque jour travaillé entre le 1er le 5 avril 2019 et écrit qu’il a effectué 60 h01 dont 45 minutes de pause par jour.
Un tel décalage au titre de la première semaine du mois d’avril 2019, tant sur le début des heures travaillées que sur leur quantum, sur lequel le salarié -qui a lui-même établi de telles pièces- ne s’explique pas ôte toute force probante au décompte qu’il produit.
Il ressort toutefois des écritures de la SAS Distrifast et Maître [S] [X] ès qualités que celles-ci reconnaissent que Monsieur [E] [G] travaillait sur une base hebdomadaire de 47h30 alors que la durée reprise à son contrat de travail est de 35 heures.
Contrairement à ce qu’elles soutiennent, Monsieur [E] [G] n’a pas été rempli de ses droits à ce titre, puisque sur les bulletins de paie de mars et avril 2019, comme le fait exactement remarquer ce dernier, il n’y a aucune mention des heures supplémentaires.
Au vu de ces éléments, et sur la base de 12h30 d’heures supplémentaires accomplies par Monsieur [E] [G] pendant 3 semaines, la cour évalue le rappel de salaire à la somme de 504 euros, outre les congés payés y afférents, lesdites sommes étant fixées au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Distrifast.
Le jugement doit être infirmé en ce sens.
– Sur l’indemnité de travail dissimulé :
Les premiers juges ont débouté Monsieur [E] [G] de sa demande au titre de l’indemnité de travail dissimulé, ce que la SAS Distrifast et Maître [S] [X] ès qualités demandent à la cour de confirmer, en l’absence d’élément intentionnel.
Or, Monsieur [E] [G] soutient à juste titre que l’élément intentionnel de la dissimulation est établi.
En effet, la SAS Distrifast connaissait les heures supplémentaires effectuées par Monsieur [E] [G] affecté sur le trajet A-R [Localité 9] [Localité 8], alors même que les intimées reconnaissent a minimum un temps de trajet entre les deux villes de 4h30, soit 9h de trajet A-R si les conditions de route sont optimales, soit au minimum 45 heures par semaine et in fine 47h30 comme elles l’admettent elles-même dans leurs écritures.
C’est donc sciemment que l’employeur n’a pas fait figurer les heures supplémentaires sur les deux bulletins de salaire des mois de mars et avril 2019.
Dans ces conditions et sur la base d’un salaire reconstitué de 2248,69 euros intégrant les heures supplémentaires, la créance de Monsieur [E] [G] au titre de l’indemnité de travail dissimulé doit être fixée à la somme de 13492,14 euros au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Distrifast, correspondant à 6 mois de salaire, en application de l’article L.8223-1 du code du travail.
Le jugement doit être infirmé en ce sens.
– Sur les dommages-intérêts au titre du dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail :
Les premiers juges ont retenu que la SAS Distrifast n’avait pas respecté les dispositions de l’article L.3121-20 du code du travail dès lors que Monsieur [E] [G] avait travaillé plus de 48 heures par semaine.
Monsieur [E] [G] soutient que les premiers juges ont sous-évalué son préjudice tandis que la SAS Distrifast et Maître [S] [X] ès qualités soutiennent à raison qu’elles n’ont pas commis de manquement.
Il vient en effet d’être retenu que sur les 3 semaines travaillées, l’horaire hebdomadaire de Monsieur [E] [G] était de 47h30.
Monsieur [E] [G] doit donc être débouté de sa demande de dommages-intérêts et le jugement infirmé en ce sens.
– Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral :
Monsieur [E] [G] reprend à hauteur d’appel la demande dont il a été débouté en première instance. Il soutient en effet qu’il a subi un préjudice moral lié à l’anxiété et à la crainte de subir et causer un accident au regard du très mauvais état du véhicule qu’il devait conduire.
La SAS Distrifast et Maître [S] [X] ès qualités s’opposent à la demande de Monsieur [E] [G] alors que le véhicule, entretenu, ne faisait l’objet, ni de défauts majeurs, ni d’une interdiction de circuler et qu’en toute hypothèse il n’y a pas de préjudice d’anxiété, dont l’indemnisation est soumise à un régime de preuve particulier.
Monsieur [E] [G] établit, à la date du 9 avril 2019, au vu du procès-verbal de contrôle technique volontaire du véhicule Renault Master comptabilisant 683031 kilomètres, que celui-ci, nonobstant les entretiens passés réalisés par l’employeur, étaient affectés de 16 défauts donnant lieu à la prescription d’une contre-visite, parmi lesquels des défauts concernant la visibilité des vitrages, notamment avant fortement entravée, l’état défectueux de certains feux ou phares, une ceinture de sécurité endommagée à l’avant gauche, un avertisseur sonore totalement inopérant, un système de réduction du bruit néfaste.
La SAS Distrifast, qui a fait conduire Monsieur [E] [G] dans un tel véhicule pour faire les trajets A-R [Localité 9] [Localité 8], de nuit, d’une durée minimum de 9 heures, a manqué aux obligations qui pèsent sur elle en application des articles L.4121-1 et suivants du code du travail, à l’origine d’un préjudice moral causé par la crainte de subir ou provoquer un accident.
En réparation de ce préjudice moral, la créance de dommages-intérêts de Monsieur [E] [G] sera fixée à la somme de 300 euros au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Distrifast.
Le jugement doit être infirmé en ce sens.
2. Sur les demandes liées à la requalification du contrat de travail :
Les premiers juges ont fait droit à la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée dès lors que le motif du recours au contrat de travail à durée déterminée n’était pas mentionné.
La SAS Distrifast et Maître [S] [X] ès qualités sollicitent vainement l’infirmation du jugement de ce chef au motif que Monsieur [E] [G] a été recruté pour le remplacement d’un salarié absent, dès lors qu’un tel motif n’est pas repris dans le contrat de travail, et ce en violation de l’article L.1242-12 du code du travail.
Le jugement doit donc être confirmé du chef de la requalification prononcée sur le fondement de l’article L.1245-1 du code du travail.
Sur le fondement du même article, les premiers juges ont condamné la SAS Distrifast à payer à Monsieur [E] [G] une indemnité de requalification d’un montant de 1521,25 euros, ce que la SAS Distrifast et Maître [S] [X] ès qualités demandent à la cour de confirmer tandis que l’appelant demande qu’une telle indemnité soit arrêtée à la somme de 3388 euros sur la base du salaire reconstitué.
Or, il vient d’être retenu que le salaire reconstitué s’élève à la somme de 2 248,69 euros, de sorte que la créance de Monsieur [E] [G] au titre de l’indemnité de requalification doit être fixée au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Distrifast à ce montant, correspondant à un mois de salaire.
Le jugement doit être infirmé en ce sens.
3. Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail :
– Sur le licenciement :
Les premiers juges ont débouté Monsieur [E] [G] de sa demande tendant à voir dire sans cause réelle et sérieuse son licenciement.
Ils ont à tort retenu que le contrat avait été rompu à son initiative, l’exercice même non fondé d’un droit de retrait ne constituant pas un mode de rupture d’un contrat de travail à durée indéterminée.
Le contrat à durée déterminée étant requalifié en contrat à durée indéterminée, la rupture devient sans cause réelle et sérieuse sauf s’il a été mis fin par l’employeur au contrat à durée déterminée pour des motifs portés à la connaissance du salarié et qui sont reconnus comme étant réels et sérieux.
Or, la SAS Distrifast et Maître [S] [X] ès qualités soutiennent vainement que la rupture a une cause réelle et sérieuse au regard de l’abandon de poste de Monsieur [E] [G], alors même que la SAS Distrifast n’a pas mis fin au contrat à durée déterminée, ayant même reconnu dans un écrit daté du 11 mai 2019 avoir ‘fait le choix de ne pas entreprendre de procédure de sanction voir de licenciement (…) compte tenu du fait que son contrat en CDD se terminait le 19 avril 2019″.
La rupture du contrat de travail intervenue dans de telles conditions constitue donc un licenciement sans cause réelle et sérieuse et le jugement doit être infirmé en ce sens.
– Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse :
En application de l’article 5 de l’annexe 1 de la convention collective nationale des transports routiers, Monsieur [E] [G] est bien-fondé en sa demande d’indemnité de préavis à hauteur d’une semaine de salaire, soit la somme de 523,90 euros, outre les congés payés y afférents.
Au regard de son ancienneté inférieure à 1 an, Monsieur [E] [G] peut prétendre à une indemnité maximale correspondant à un mois de salaire en application de l’article L.1235-3 du code du travail. La SAS Distrifast et Maître [S] [X] ès qualités soutiennent à tort que l’existence du préjudice n’est pas établie alors que la perte injustifiée de son emploi par le salarié lui cause un préjudice dont il appartient au juge d’apprécier l’étendue.
Monsieur [E] [G] était âgé de 29 ans lors de son licenciement. Il établit avoir été inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi jusqu’au 31 mai 2019, puis du 22 juin au 1er août 2019.
Au vu de ces éléments, la créance de Monsieur [E] [G] au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sera fixée au passif de la liquidation judiciaire dela SAS Distrifast à la somme de 1800 euros, en ce qu’elle répare intégralement le préjudice subi.
Le jugement doit être infirmé en ces sens.
**********
Il y a lieu de dire que les créances sont fixées au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Distrifast sous déduction des éventuelles cotisations sociales salariales applicables.
Il y a lieu de dire opposable à l’Unédic délégation AGS CGEA d'[Localité 7] la présente décision, qui devra garantie des créances ainsi fixées, dans les limites de son champ d’application de garanties, conformément aux dispositions législatives et plafonds réglementaires applicables.
Partie succombante, Maître [S] [X] ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Distrifast, doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel et déboutée de sa demande d’indemnité de procédure au titre des deux instances.
Monsieur [E] [G] étant bénéficiaire de l’aide juridictionnelle en première instance, et au vu de sa demande, il y a lieu en équité de fixer la créance de la SELAS ACG au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Distrifast à la somme de 2000 euros en application de l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.
Il y a lieu en équité de fixer la créance de Monsieur [E] [G], bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle à hauteur d’appel, au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Distrifast à la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a requalifié le contrat de travail à durée déterminée de Monsieur [E] [G] en contrat de travail à durée indéterminée et sauf en ce qu’il a débouté Monsieur [E] [G] de sa demande de rappel de salaire au titre des jours non travaillés et sauf en ce qu’il a débouté la SAS Distrifast de sa demande d’indemnité de procédure ;
Le confirme de ces chefs ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :
Fixe les créances de Monsieur [E] [G] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Distrifast aux sommes de :
– 504 euros au titre des heures supplémentaires ;
– 50,40 euros au titre des congés payés y afférents ;
– 13492,14 euros au titre de l’indemnité de travail dissimulé ;
– 2248,69 euros au titre de l’indemnité de requalification ;
– 300 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ;
Dit que le licenciement de Monsieur [E] [G] est sans cause réelle et sérieuse ;
Fixe les créances de Monsieur [E] [G] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Distrifast aux sommes de :
– 523,90 euros au titre de l’indemnité de préavis ;
– 52,39 euros au titre des congés payés y afférents ;
– 1800 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Déboute Monsieur [E] [G] de sa demande de dommages-intérêts pour dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail ;
Fixe la créance de la SELAS ACG au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Distrifast à la somme de 2000 euros en application de l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, au titre de la procédure de première instance ;
Fixe la créance de Monsieur [E] [G] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Distrifast à la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;
Déboute Maître [S] [X], ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Distrifast de sa demande d’indemnité de procédure à hauteur d’appel ;
Dit que les créances de Monsieur [E] [G] sont fixées au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Distrifast sous déduction des éventuelles cotisations sociales salariales applicables ;
Dit opposable à l’Unédic délégation AGS CGEA d'[Localité 7] la présente décision, qui devra garantie des créances ainsi fixées, dans les limites de son champ d’application de garanties, conformément aux dispositions législatives et plafonds réglementaires applicables ;
Condamne Maître [S] [X], ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Distrifast, aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier Le conseiller