14 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/01188
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 3
ARRET DU 14 JUIN 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/01188 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBNTY
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Novembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/00184
APPELANTE
Madame [X] [C]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Aurélie CAGNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D2102
INTIMES
SOCIETE OCTANIC ENERGY SRL venant aux droits de la société GEO FRANCE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
N’ayant pas constitué avocat, signification à étude le 21/08/2020
PARTIE INTERVENANTE :
SAS GEO FRANCE FINANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Marine SERY, avocat au barreau de PARIS, toque : E0684
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Anne MENARD, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne MENARD, présidente
Madame Fabienne ROUGE, présidente
Madame Véronique MARMORAT, présidente
Lors des débats : Madame Sarah SEBBAK, greffière
ARRÊT :
– Par défaut
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Anne MENARD, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Madame [C] a été engagée par la société GEO PLC en qualité de chargée d’affaires le 17 février 2014. Le 20 juin 2014, la société GEO PLC a cédé la branche d’activité à la société GEO FRANCE.
Madame [C] a été convoquée à un entretien préalable le 21 janvier 2015, et a été mise à pied à titre conservatoire. Elle a été licenciée pour faute grave le 6 février 2015 aux motifs suivants :
« Nous avons décidé de vous licencier pour faute grave successivement à un abandon de poste.
Depuis le mercredi 6 janvier 2015, vous ne vous êtes plus présentée à votre poste de travail.
Par courrier recommandée en date du 13 janvier 2015, nous vous avons mis en demeure de nous adresser un justificatif d’absence sous 48 heures, ou à défaut de reprendre votre travail. Ce courrier est resté lettre morte.
Par suite, vous avez été convoquée à un entretien préalable à un licenciement par courrier en date du 21 janvier 2015, assorti d’une mise à pied conservatoire.
Lors de cet entretien, lors duquel vous étiez assistée d’un conseiller du salarié, vous vous êtes présentée en bonne santé et n’avez pas apporté de justificatifs à votre absence.
Par ailleurs, cet entretien a été l’occasion d’aborder d’autres difficultés que nous rencontrons avec vous. Notamment que vous ne semblez pas avoir été en mesure de vous intégrer au sein de l’équipe en charge de la communication externe ou interne, avec laquelle vous auriez du collaborer. En effet, vos collègues se sont régulièrement plaints de la difficulté à travailler avec vous.
De plus, dans le cadre de votre fonction de chargée de communication extérieure, votre travail depuis l’origine de votre embauche n’a donné lieu à quasiment aucun résultat concret en termes de développement de notre activité auprès de partenaires extérieurs.
Les explications recueillies auprès de vous, au cours de notre entretien du 2 février 2015 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à votre sujet.
Dès lors, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible ».
Madame [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 7 avril 2015.
Le 29 juin 2016, la société GEOFRANCE, devenue OCTANIC ENERGY FRANCE, a fait l’objet d’une radiation par suite d’une transmission universelle de patrimoine à son associé unique, la société OCTANIC ENERGY SRL, société de droit roumain.
Madame [C] a été déboutée de ses demandes par jugement du 19 novembre 2019, dont elle a interjeté appel le 11 février 2020.
Par conclusions récapitulatives du 1er avril 2023, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, elle demande à la cour d’infirmer le jugement, et de condamner la société Octanic Energy SLR à lui payer les sommes suivantes :
10.260 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié
1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier
7.695 euros à titre de rappel de salaire sur préavis
769,50 euros au titre des congés payés afférents
1.538,75 euros au titre du salaire de la mise à pied conservatoire
153,87 euros au titre des congés payés afférents
1.420,44 euros à titre de rappel de salaire du 8 au 20 janvier 2015
142,04 euros au titre des congés payés afférents
7.965 euros au titre de la remise tardive des documents sociaux
595,08 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement
14.108,50 euros à titre de rappel de salaire pour requalification du contrat de travail en temps plein
1.410,85 euros au titre des congés payés afférents
5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Octanic Energy SRL n’a pas conclu.
Madame [C] a fait assigner en intervention forcée la société GEO France, puis s’est désistée des demandes formées contre elle par conclusions du 1er avril 2023, ce désistement ayant été accepté le 3 avril 2023.
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
MOTIFS
– Sur le désistement
Le désistement à l’égard de la société Geo France a été accepté, il est parfait et dessaisi la cour de l’action engagée contre cette société.
– Sur la demande au titre de la requalification du contrat de travail en temps plein
Madame [C] expose qu’elle était rémunérée sur la base d’un temps partiel, mais qu’aucun contrat de travail écrit n’a été régularisé lui permettait de connaître ses jours et heures de travail, et qu’ainsi, elle devait se tenir en permanence à la disposition de son employeur.
Toutefois, il ressort des explications qu’elle donne elle-même au sujet de ses absences à partir du 6 janvier 2015, qu’elle travaillait en totalité à partir de son domicile, et n’avait aucune obligation de présence à son poste. Dans sa lettre de contestation de son licenciement, elle décrit son travail comme un travail de lobbying, et elle écrit par ailleurs à son employeur : ‘le terme ‘poste de travail’ est inadapté à mes fonctions, qui n’ont rien à voir avec une activité technique ou de bureau stricte, et ne correspond pas à la réalité de l’espace octroyé’.
Il ressort de ses explications qu’elle n’avait aucun compte à rendre sur ses horaires et choisissait son rythme de travail, de sorte qu’il est démontré qu’elle ne se tenait pas en permanence à la disposition de son employeur.
– Sur l’irrégularité du licenciement
Madame [C] soutient que son licenciement est en réalité un licenciement verbal, qui serait intervenu lors d’une entrevue le 6 janvier 2015.
Elle ne rapporte aucun élément de preuve de ce licenciement verbal, de sorte qu’elle sera déboutée de sa demande à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier.
– Sur le caractère réel et sérieux du motif de licenciement
En vertu des dispositions de l’article L 1232-1 du Code du travail, tout licenciement motivé dans les conditions prévues par ce code doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pendant la durée du préavis ; l’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
En vertu des dispositions de l’article L 1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur.
La motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
Madame [C] conteste la totalité des griefs, et fait valoir qu’elle a permis par son activité de lobbying la signature d’importants contrats.
La cour relève que les griefs tenant au défaut d’intégration dans l’équipe et à l’insuffisance de résultat, qui ne sont de toute façon pas justifiés, ne peuvent pas justifier un licenciement disciplinaire pour faute grave.
En ce qui concerne l’absence depuis le 6 janvier 2015, madame [C] expose qu’elle n’avait pas de bureaux au sein de la société, qu’elle n’était que très rarement dans ses locaux, et que son activité se faisait depuis son domicile. Elle ajoute n’avoir jamais reçu le courrier visé par la lettre de licenciement, par lequel il lui aurait demandé de justifier de son absence ou de reprendre son travail.
La cour constate que ce courrier n’est pas versé aux débats par l’employeur défaillant, et que rien ne vient contredire les allégations de la salariée selon lesquelles elle travaillait depuis son domicile, de sorte que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
– Sur les demandes au titre de la rupture
L’absence de la salariée n’étant pas établie, la demande au titre de la rémunération du 8 au 20 janvier 2015 est fondée, ainsi que celle au titre du salaire de la mise à pied conservatoire, en l’absence de faute grave.
Madame [C] percevait une rémunération de 2.565 euros, et elle avait moins d’une année d’ancienneté au moment de son licenciement. N’étant pas cadre, elle peut prétendre à un préavis de un mois, soit la somme de 2.565 euros.
Par ailleurs, elle a droit à une indemnité de licenciement égale à un quart de mois par année de présence. Il sera fait droit à la demande qu’elle forme à hauteur de 595,08 euros.
Madame [C], qui avait moins d’une année d’ancienneté, ne donne aucun élément sur sa situation professionnelle à la suite de son licenciement. Il lui sera alloué une indemnité de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L1235-5 du code du travail dans sa rédaction applicable.
– Sur la demande au titre de la remise tardive des documents sociaux
Madame [C] ne justifie ni de la remise tardive des documents sociaux, qui sont quérables et non portables, ni du préjudice qu’elle aurait subi, de sorte qu’elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONSTATE le désistement de madame [C] à l’égard de la société GEO France, le déclare parfait, et se déclare dessaisie des demandes formées contre cette société.
INFIRME le jugement, sauf en ce qu’il a débouté madame [C] de ses demandes au titre de la requalification en temps plein du contrat de travail, de l’irrégularité du licenciement, et de dommages et intérêts pour remise tardive des documents sociaux.
Statuant à nouveau pour le surplus,
CONDAMNE la société Octanic Energy à payer à madame [C] les sommes suivantes:
5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
2.565 euros à titre de rappel de salaire sur préavis
256,50 euros au titre des congés payés afférents
1.538,75 euros au titre du salaire de la mise à pied conservatoire
153,87 euros au titre des congés payés afférents
1.420,44 euros à titre de rappel de salaire du 8 au 20 janvier 2015
142,04 euros au titre des congés payés afférents
595,08 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE la société Octanic Energy à payer à madame [C] en cause d’appel la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.
CONDAMNE la société Octanic Energy aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE