Requalification en CDI : 14 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/01606

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Requalification en CDI : 14 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/01606
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14 juin 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
20/01606

AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 20/01606 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M4RR

Société ATOUT’AGE

C/

[D]

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 31 Janvier 2020

RG : F18/02830

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 14 JUIN 2023

APPELANTE :

Société LAVERCO anciennement dénommée société ATOUT’AGE

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Olivier GRET de la SELARL A PRIM, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

[F] [D] épouse [U]

née le 12 Décembre 1978 à [Localité 4] (GUINEE)

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Stéphane TEYSSIER de la SELARL TEYSSIER BARRIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Erika COUDOUR, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Avril 2023

Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Joëlle DOAT, présidente

– Nathalie ROCCI, conseiller

– Anne BRUNNER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 14 Juin 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société Atout’age est une société par actions simplifiées spécialisée dans le secteur d’activité de l’aide à domicile.

Mme [D] épouse [U] a, dans un premier temps, été embauchée suivant contrat de travail à durée déterminée à temps partiel à compter du 1er novembre 2014 par la Société Atout’age, en qualité d’assistante de vie.

Suivant contrat de travail à temps partiel signé le 28 novembre 2014, la relation de travail s’est poursuivie pour une durée indéterminée.

Par un avenant du 31 mars 2015, les parties sont convenues de porter la durée mensuelle de 112 heures à 143 heures par mois à compter du 1er avril 2015.

Le contrat de travail était soumis à la Convention collective nationale des services à la personne.

Au dernier état de ses fonctions Mme [U] occupait le poste d’Assistante de vie de niveau 1 et percevait un salaire de base de 1 402,83 euros.

A compter du 1er mars 2016, Mme [U] faisait l’objet de plusieurs périodes d’arrêt de travail pour maladie d’origine non professionnelle :

– une première période du 1er mars 2016 au 7 avril 2016,

– une deuxième période du 27 juillet 2016 au 31 juillet 2016,

– une troisième période du 04 août 2016 au 12 août 2016,

– une ultime période du 13 janvier 2017 au 16 juin 2017.

Entre temps, par courrier du 16 mai 2017, la médecine du travail alertait la SAS Atout’age sur le risque d’inaptitude de Mme [U] à l’issue d’une visite de pré-reprise organisée le même jour.

Mme [U] était convoquée à une visite de reprise le 19 juin 2017 à l’issue de laquelle le médecin du travail la déclarait définitivement inapte à son poste de travail dans les termes suivants :

« Inapte au poste art R.4624-42. Fiche d’entreprise, étude de poste et des conditions de travail réalisés le 1er juin 2017. L’état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi dans l’entreprise »

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 juillet 2017, la société Atout’age a convoqué Mme [U] le 17 juillet 2017 à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 juillet 2017, la société Atout’Age a notifié à Mme [U] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par acte du 21 septembre 2018, Mme [U] a saisi le conseil des prud’hommes de Lyon.

Par jugement rendu le 31 janvier 2020, le conseil de prud’hommes de Lyon a :

« Dit et jugé que le licenciement notifié à Mme [U] par la société Atout’age est un licenciement sans cause réelle et sérieuse

– Ordonné la requalification du contrat de travail à temps partiel en temps complet

– Ordonné à la société Atout’age de produire des bulletins de salaire rectifiés dans les 15 jours suivant la notification du jugement sous astreinte de 50 euros par jours de retard »

– condamné la SAS Atout’age au paiement des sommes suivantes :

*8 412 euros nets au titre de dommage et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2 804 euros bruts au titre des indemnités de préavis outre 280 euros brut de congés payés afférents,

* 1 328,90 euros bruts de rappel de salaire outre 132,89 euros brut de congés payés,

* 515,70 euros de rappel de paiement de congés payés du 15 au 27 février 2016,

* 2 500 euros nets pour non-respect de l’obligation de sécurité de résultat,

* 2 500 euros nets de dommages et intérêts pour non-respect de mise en place de plan de préventions des risques,

* 1 500 euros nets de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de formation,

* 5 000 euros nets de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

* 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– Condamné la société Atout’age aux entiers dépens.

– Débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires

La cour est saisie de l’appel interjeté le 27 février 2020 par la société Atout’age.

Par conclusions notifiées le 22 octobre 2020, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, la société Atout’age demande à la cour de :

– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il a requalifié le contrat de travail à temps partiel de Mme [U] en contrat de travail à temps plein,

– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il a condamné la Société Atout’age au paiement d’un rappel de salaire sur la base d’un temps plein d’un montant de 1 328,90 euros outre 132,89 euros au titre des congés payés afférents,

– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il a condamné la Société Atout’age au paiement d’un rappel de salaire d’un montant de 515,70 euros au titre des congés payés prétendument décomptés en congés sans solde du 15 au 27 février 2016,

– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il a condamné la Société Atout’age au paiement d’une somme de 2 500 euros nets à titre de dommages- intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité,

– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il a condamné la Société Atout’age au paiement d’une somme de 2 500 euros nets à titre de dommages intérêts pour absence de mise en place d’un plan de prévention des risques,

– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il condamné la Société Atout’age au paiement d’une somme de 2 500 euros nets à titre de dommages intérêts pour non-respect de son obligation de formation,

– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il condamné la Société Atout’age au paiement d’une somme de 5 000 euros nets à titre de dommages intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

– Sur l’infirmation des condamnations relatives à la rupture du contrat de travail :

– Dire et juger que la Société Atout’age a respecté les dispositions légales et réglementaires en matière d’inaptitude,

– Dire et juger que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Mme [U] est fondé sur une cause réelle et sérieuse

En conséquence,

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon en qu’il a condamné la Société Atout’age au paiement d’une somme de 8 412 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Sur la confirmation partielle du jugement du conseil de prud’hommes de Lyon :

– Confirmer le jugement querellé en ce qu’il a débouté Mme [U] de sa demande de dommages et intérêts d’un montant de 2 500 euros nets pour non-respect des temps pause,

– Confirmer le jugement querellé en ce qu’il a débouté Mme [U] de sa demande au titre de l’indemnité de travail dissimulé d’un montant 8 412 euros nets

– Confirmer le jugement querellé en ce qu’il a débouté Mme [U] de sa demande de rappel d’heures complémentaires d’un montant de 669,94 euros bruts outre 66,39 euros au titre des congés payés afférents.

– En tout état de cause :

– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il a ordonné à la société Atout’age de produire des bulletins de salaire rectifiés dans les 15 jours suivant la notification du jugement sous astreinte de 50 euros par jours de retard

– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il a condamné la Société Atout’age à verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il a condamné la Société Atout’age à succomber aux entiers dépens de l’instance

– Débouter Mme [U] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

– Condamner en cause d’appel Mme [U] à verser à la Société Atout’age la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

– Condamner Mme [U] aux entiers dépens de l’instance.

Par conclusions notifiées le 16 février 2023, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, Mme [U] demande à la cour de :

– Confirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il :

– a limité les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à

la somme de 8 412 euros ;

– l’a déboutée de sa demande de dire et juger que l’employeur a dissimulé une partie de son activité ;

– l’a déboutée de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé ;

– l’a déboutée de sa demande de dire et juger que l’employeur n’a pas payé l’intégralité des heures complémentaires ;

– l’a déboutée de sa demande de rappel de salaire au titre des heures complémentaires non rémunérées ;

– l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des temps de pause ;

– l’a déboutée de sa demande de voir ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l’article 1343-2 du code civil

Statuant à nouveau sur ces chefs de jugement :

– Condamner la Société Atout’age à lui payer les sommes suivantes :

*outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud’hommes en vertu

de l’article 1231-7 du code civil

– 11 216 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et

sérieuse

– 8 412 euros nets de dommages et intérêts pour travail dissimulé

– 663,94 euros bruts de rappel de salaire au titre des heures complémentaires

– 66,39 euros au titre des congés payés afférents

– 2 500 euros nets de dommages et intérêts pour non-respect des temps de pause

– Ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l’article 1343-2 du code civil

– Condamner la Société Atout’age à lui remettre des documents de rupture (attestation POLE EMPLOI) et des bulletins de salaire rectifiés conformes à la décision, dans les 15 jours du prononcé de l’arrêt et passé ce délai sous astreinte de 150 euros par jour de retard

– Se réserver le contentieux de la liquidation de l’astreinte

– Condamner la Société Atout’age à lui payer une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’appel

– Condamner la Société Atout’age aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 février 2023.

MOTIFS

– Sur la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein :

Mme [U] soutient que :

– son temps partiel est irrégulier dés lors que le contrat de travail ne mentionne pas les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit ;

– la seule indication dans le contrat de travail de la mention ‘selon le planning remis au salarié’, sans aucune autre forme de détail est totalement insuffisante à caractériser les modalités de communication des dits plannings ;

– la société Atout’age ne démontre pas qu’elle lui adressait les plannings avant le début de chaque mois ;

– l’absence de démonstration d’une telle communication fait dés lors présumer que l’emploi est à temps plein et la société Atout’age ne renverse pas cette présomption ;

– les plannings produits en pièces n°12 et 13 ne sont pas les plannings qui lui ont été remis au cours de la relation contractuelle et les ajouts pour les besoins de la cause sont totalement mensongers.

La société Atout’age fait valoir en réponse que :

– le contrat de travail prévoit expressément les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués ;

– Mme [U] disposait à la fois des plannings mensuels et hebdomadaires qu’elle lui remettait préalablement à ses interventions, ce dont attestent plusieurs salariés ;

– l’ensemble des plannings de Mme [U] comportent des plages d’indisponibilité ou d’absence imposées par elle, lui permettant de concilier son activité professionnelle avec sa vie personnelle et familiale ;

– les modifications apportées aux plannings de Mme [U] s’inscrivent dans le strict respect des stipulations conventionnelles de l’accord du 13 octobre 2016 relatif à l’aménagement du temps de travail dans les entreprises de service à la personne, qui permet en son article 9.2, en cas d’urgence, de modifier le planning dans un délai compris entre 2 jours et 1 heure ;

– les quelques modifications opérées sur les plannings prévisionnels de Mme [U] étaient pour l’essentiel liées aux propres indisponibilités et annulations de dernière minute de la salariée.

****

L’article L. 3123-14, devenu L. 3123-6 du code du travail énonce que le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne, notamment, ‘les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiquées par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié.’

L’accord du 13 octobre 2016 relatif à l’aménagement du temps de travail, conclu dans le cadre de la convention collective nationale des entreprises de services à la personne a été étendu par arrêté du 28 juin 2021 publié au journal officiel le 28 juillet 2021, de sorte que ses dispositions sont applicables à compter de cette date.

Mme [U] ayant été licenciée le 21 juillet 2017, les dispositions de l’accord permettant de réduire, en cas d’urgence, le délai d’information de la modification apportée au planning, ne sont pas applicables au litige.

Le contrat de travail prévoit que « La durée du travail de Mme [U] [K] [F] sera de 26 heures hebdomadaires soit 112 H 58 mensuelles réparties selon le planning remis au salarié. Le planning d’intervention doit être respecté dans le cadre d’une amplitude horaire de 8h à 20h pour le travail de jour et de 20h à 7h pour le travail de nuit. ».

La société Atout’age produit en pièce n°12 des plannings hebdomadaires pour la période du 31 août 2015 au 25 juin 2017 et en pièce n°13 les plannings mensuels du mois de septembre 2015 au mois de janvier 2017, documents que Mme [U] conteste avoir reçus.

La cour observe que les plannings objet de la pièce n°12 ont tous été édités le 1er mai 2019 et les plannings objet de la pièce n°13, le 19 février 2018, et que la société Atout’age ne justifie par aucun élément objectif que leur communication à Mme [U] est bien intervenue avant le début de chaque période, étant précisé que le contrat de travail de travail ne comporte aucune stipulation relative au jour du mois auquel le planning doit être remis à la salariée.

Les témoignages de salariés indiquant que les horaires leur étaient communiqués suffisamment en avance ou que l’employeur donnait les plannings en temps et en heure, ne valent que pour la situation propre à chacun de ces salariés, mais ne permettent en aucun cas d’apprécier ni le respect, en général, d’une communication mensuelle des dits plannings, ni le respect de cette communication en ce qui concerne Mme [U].

Au terme des débats, il n’est pas établi que les pièces n°12 et 13 de l’employeur sont conformes aux plannings effectivement délivrés à Mme [U], de sorte que les absences ou indisponibilités qui y sont mentionnées et qui sont contestées par Mme [U], ne sont pas opposables à cette dernière.

Enfin, les messages par sms produits par la société Atout’age en pièces n° 17 à 26, par lesquels Mme [U] avisait son employeur, à différentes dates, de son indisponibilité pour raison familiale ou médicale, ne sont pas de nature à établir que Mme [U] ne devait pas se tenir en permanence à la disposition de son employeur.

Dans ces conditions, l’emploi occupé est présumé à temps complet et il incombe à la société Atout’age de rapporter la preuve que Mme [U] ne se trouvait pas dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler, et qu’elle n’était pas tenue de se tenir constamment à sa disposition.

La société Atout’age étant défaillante dans la charge de cette preuve, Mme [U] est en conséquence fondée à solliciter la requalification de son contrat de travail en contrat de travail à temps complet et à réclamer un rappel de salaires à ce titre.

La société Atout’age, qui ne critique pas, même à titre subsidiaire, les bases de calcul de ce rappel de salaires, objet de la pièce n° 9 de la salariée, sera condamnée à payer à Mme [U] la somme de 1 328,90 euros, outre la somme de 132,90 euros de congés payés afférents, à titre de rappel de salaire pour la période de septembre 2015 à décembre 2016.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a ordonné la requalification du contrat de travail à temps partiel en temps plein et en ce qu’il a condamné la société Atout’age à payer à Mme [U] la somme de 1 328, 90 euros de rappel de salaire, outre la somme de 132,89 euros brut de congés payés afférents.

– Sur la demande au titre du travail dissimulé et des heures complémentaires :

Mme [U] demande le paiement de l’indemnité fixée par l’article L. 8 223-1 du code du travail au titre du travail dissimulé aux motifs que :

– les heures accomplies par elle ne correspondaient pas aux heures rémunérées sur ses bulletins de salaire ;

– la société Atout’age a volontairement mentionné un temps de travail inférieur à celui réellement accompli en ne payant pas les heures complémentaires accomplies ;

– cette omission est nécessairement intentionnelle puisque la société lui transmettait les plannings hebdomadaires à respecter ;

– la société Atout’age ne payait pas l’intégralité des temps de trajet entre deux clients alors qu’il s’agit d’un temps de travail effectif.

Mme [U] demande en outre la somme de 663, 94 euros à titre de rappel de salaire, outre les congés payés afférents au motif que la société Atout’age ne lui a pas payé les heures complémentaires réalisées et que les majorations ‘heures 25%’ correspondent au paiement du travail le dimanche. Elle produit en page 29 de ses conclusions un tableau dont il ressort qu’elle aurait accompli : 130,5 h en septembre 2015; 137,15 h en novembre 2015 ; 118,56 h en décembre 2015 ; 116,53 h en janvier 2016 ; 109,15 h en juin 2016 ; 82,45 h en août 2016 et 112,48 h en octobre 2016, alors qu’elle aurait été payée sur la base de 112 heures.

La société Atout’age fait valoir que ni l’élément matériel, ni l’élément intentionnel du travail dissimulé ne sont démontrés par Mme [U]. La société expose que :

– à compter du 1er avril 2015, la durée du travail mensuel a été portée à 143 heures,

– au regard du décompte produit par Mme [U], la durée du travail réellement effectué n’a jamais été supérieure à 143 heures,

– l’ensemble de ses heures de travail lui ont été payées dés lors que le 31 mars 2015, un avenant à son contrat de travail a été signé et a porté sa durée du travail de 122 heures mensuelles à 143 heures mensuelles ;

– par suite d’une erreur du service social de son expert-comptable, elle s’est rendue compte que nonobstant l’avenant en date du 31 mars 2015 qui a été régularisé, Mme [U] était toujours rémunérée sur la base de 112 heures par mois, de sorte qu’elle a aussitôt régularisé la situation par le bulletin de salaire de février 2017 qui mentionne précisément un ‘rappel de salaire d’avril 2015 à janvier 2017″, d’un montant de 5 102,78 euros ;

– après régularisation de la dite erreur, Mme [U] a bien été remplie de ses droits.

En ce qui concerne les temps de trajet, la société Atout’age soutient qu’il appartient à Mme [U] de démontrer d’une part l’existence des déplacements dont elle sollicite l’indemnisation, d’autre part qu’elle n’avait pas la capacité de retrouver son autonomie, ni de vaquer à des occupations personnelles durant ses déplacements. Elle soutient que Mme [U] est défaillante dans la charge de la preuve dés lors qu’elle demande l’indemnisation de 54 déplacements du mois de septembre 2015 à janvier 2017, alors qu’elle ne cite que deux déplacements dans ses écritures.

****

L’article L 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé, et l’article L 8 221-5 2° du même code dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures inférieur à celui réellement accompli.

Aux termes de l’article L 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 précité a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes et ouvrant droit à indemnité forfaitaire n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle et l’élément intentionnel ne peut se déduire de la seule mention sur le bulletin de paie d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

Au terme des débats, il apparaît que Mme [U] a perçu au mois de février 2017 un rappel de salaire brut de 5 102,78 euros, soit 4 374,53 euros net à titre de rappel de rémunération correspondant à la différence entre les 112 heures mensuelles initiales et les 143 heures résultant de l’application de l’avenant du 31 mars 2015, non prises en compte, à tort.

Si cette régularisation apparaît tardive, elle est cependant survenue pendant la relation contractuelle, à la suite de la réclamation formulée par Mme [U] suivant un courrier du 16 novembre 2016, de sorte que ces circonstances ne permettent pas de caractériser l’élément intentionnel de l’omission mise à jour.

En ce qui concerne le paiement supposé anarchique des temps de trajets entre deux clients, Mme [U] s’appuie exclusivement sur la pièce adverse n°12, que la cour a jugé ci-avant comme étant inopposable à la salariée en raison de sa date d’édition et de la remise en cause d’une partie de ses mentions.

Faute de tout autre élément relatif aux modalités de décompte et de prise en charge des temps de trajet entre deux clients, Mme [U] n’établit pas la volonté de l’employeur de dissimuler du temps de travail effectif.

Compte tenu de ces éléments, Mme [U] ne démontre pas qu’elle aurait accompli des heures complémentaires qui n’auraient pas été intégralement payées par la société Atout’age.

La cour confirme par conséquent le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme [U] de sa demande d’indemnité au titre du travail dissimulé et de sa demande au titre des heures complémentaires et des congés payés y afférent.

– Sur la demande de dommages-intérêts pour non respect des temps de pause :

Mme [U] fait grief à la société Atout’age de ne pas démontrer qu’elle a permis à sa salariée de bénéficier de temps de pause, ce qui a contribué à la dégradation de son état de santé. Elle soutient à titre d’illustration que son temps de travail atteignait ou dépassait même 6 heures sans qu’elle ne bénéficie de pause le 4 septembre 2015, le 11 septembre 2015, le 30 novembre 2015, le 26 mai 2016, le 30 mai 2016 ou encore le 7 octobre 2016. La salariée s’appuie sur les plannings hebdomadaires objet de la pièce n°12 de l’employeur.

La société Atout’age conclut au rejet de cette demande.

****

L’ article L. 3121-1 du code du travail définit le temps de travail effectif comme étant celui pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

L’article L. 3121-2 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi no 2016-1088 du 8 août 2016, applicable en la cause, dispose :

« Le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis à l’article L. 3121-1 sont réunis. Même s’ils ne sont pas reconnus comme du temps de travail effectif, ces temps peuvent faire l’objet d’une rémunération prévue par une convention ou un accord collectif de travail ou par le contrat de travail. »

L’article L. 3121-33 du même code, également dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, prévoit :

« Dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes. Des dispositions conventionnelles plus favorables peuvent fixer un temps de pause supérieur. ».

Le temps de pause s’analyse en un arrêt de travail de courte durée sur le lieu de travail ou à proximité.

Si la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l’employeur, en revanche, il incombe au salarié qui soutient que, durant son temps de pause, il était tenu de rester à la disposition de l’employeur sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ou qu’il effectuait des interventions, de l’établir.

Or, en l’espèce, à l’exception de la pièce adverse n°12, dont elle a par ailleurs dénoncé le caractère inexact et mensonger, Mme [U] n’apporte aucun élément établissant qu’elle était à la disposition de l’employeur pendant ses temps de pause.

Le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a débouté Mme [U] de sa demande de dommages-intérêts au titre du non respect des temps de pause.

– Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail:

Mme [U] invoque, au titre de l’exécution fautive du contrat de travail :

– le non respect du coefficient hiérarchique correspondant aux missions qui lui étaient imparties, lesquelles relevaient du niveau 3 et non du niveau 1 ;

– le non respect du délai de prévenance de transmission des plannings et du temps partiel au visa de l’article 9 de l’accord du 13 octobre 2016 de la branche des services à la personne et des articles L. 3123-14 devenu L. 3123-6 et L 3123-21 devenu L. 3123-31 du code du travail ;

– le décompte déloyal des congés payés ;

– l’absence de paiement de très nombreuses heures de travail ;

– l’absence de mise en place des délégués du personnel qui l’a privée d’une possibilité de représentation et de défense de ses intérêts.

Compte tenu des développements précédents, la cour écarte le grief tiré de l’absence de paiement de très nombreuses heures de travail.

1°) Sur la question du coefficient hiérarchique, la société Atout’age soutient que l’avenant du 31 mars 2015 a remplacé en toutes ses dispositions le contrat initialement conclu du 30 octobre 2014 par l’effet de la novation, et que ce contrat ne comporte aucune contractualisation des tâches de la salariée. La société Atout’age indique que Mme [U] n’a jamais assumé des fonctions visant à pallier la perte d’autonomie de personnes âgées ou en situation de handicap relevant des niveaux 2 et 3 de l’emploi d’assistante de vie.

En cas de litige, il appartient au juge d’apprécier les fonctions effectivement exercées par le salarié, indépendamment des mentions du contrat de travail ou des bulletins de salaire

La cour observe que si le contrat à durée indéterminée signé le 28 novembre 2014 ne comporte effectivement aucune contractualisation des missions de l’emploi d’assistante de vie de niveau 1, en revanche, le CDD initial précisait que Mme [U] exercerait les activités suivantes :

‘Accompagnement et aide aux personnes âgées ( aide à la toilette; transferts, changes aide aux repas; aux déplacements…) Entretien ménager’.

En ce qui concerne l’avenant du 31 mars 2015, il porte exclusivement sur l’augmentation de la durée mensuelle de 112 heures à 143 heures par mois à compter du 1er avril 2015.

La société Atout’age s’en tient à l’absence de contractualisation des missions résultant du CDI, mais il apparaît que Mme [U] s’est plainte, à deux reprises au cours de la relation contractuelle, par courrier du 16 novembre 2016 ( reçu en main propre contre décharge par l’employeur) et par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 juillet 2017, d’avoir à effectuer des tâches relevant de la qualification de niveau 2 ou de niveau 3 de la convention collective, telles que les douches et les transferts ou encore l’accompagnement de personnes dans son véhicule personnel, sans que l’employeur n’ait jugé utile de répondre à cette réclamation, que ce soit pour la réfuter, ou pour la prendre en compte.

Il apparaît encore que la société Atout’age justifie avoir dispensé à Mme [U] une action de formation relative au dialogue avec les personnes en situation de handicap, de sorte que l’employeur ne saurait soutenir que Mme [U] n’était pas amenée à assumer des fonctions visant à pallier la perte d’autonomie ou des situations de handicap.

Dès lors, il résulte de ces éléments qu’en l’absence de stipulations contraires, la poursuite de la relation de travail suivant contrat à durée indéterminée s’est réalisée sur le même poste et les mêmes missions que celles confiées à Mme [U] en vertu du contrat à durée déterminée initial, que Mme [U] a bien été amenée à effectuer, notamment, des actes d’hygiène de vie au profit de personnes en perte d’autonomie ou dont l’autonomie était altérée, conformément à la description des activités des emplois d’assistante de vie de niveau 2 ou de niveau 3 de la convention collective nationale des entreprise de services à la personne du 20 septembre 2012. Et la société Atout’age n’apporte aucun élément contraire.

2°)A compter du 10 août 2016, l’article L. 3121-31 du code du travail issu de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 énonce que ‘A défaut d’accord prévu à l’article L. 3123-24, toute modification de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois est notifiée au salarié au moins sept jours ouvrés avant la date à laquelle elle doit avoir lieu.’

La société Atout’age soutient que les modifications portées aux plannings de Mme [U] s’inscrivent dans le strict respect des stipulations conventionnelles, sans apporter aucun élément permettant de savoir quel délai de prévenance elle appliquait dans la transmission des dits plannings. L’affirmation de la société Atout’age, reposant sur des sms, selon laquelle les quelques modifications opérées sur les plannings prévisionnels de Mme [U] étaient pour l’essentiel liées aux propres indisponibilités et annulations de dernière minute de la salariée, n’est nullement établie et ne répond pas, en tout état de cause, à la question relative au respect d’un délai de prévenance.

3°)S’agissant du décompte des congés payés, il n’est pas contesté que Mme [U] s’est absentée en urgence du 15 au 27 février 2016, pour raisons familiales, ce qui a manifestement été accepté par l’employeur qui ne justifie d’aucune observation à la salariée à ce sujet. La société Atout’age ne saurait dés lors se prévaloir de l’absence de demande de congés en bonne et due forme, étant précisé qu’une telle demande n’est soumise à aucun formalisme, pour refuser la prise en charge de ces jours de congés au titre de congés payés.

4°) Sur l’absence de délégués du personnel, la société Atout’age fait valoir que :

– elle ne disposait pas de l’effectif requis pour mettre en place une telle institution au jour de la procédure de licenciement de Mme [U] ;

– l’effectif de 18 salariés évoqué dans la fiche d’entreprise n’est pas un effectif en ETP ;

– elle n’a dépassé le seuil de 11 salariés en ETP que sur l’année 2018, raison pour laquelle elle a organisé des élections conformément à ses obligations légales et dispose depuis lors d’un comité social et économique.

Avant l’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017, qui a substitué aux différentes instances représentatives du personnel, le comité social et économique, les élections professionnelles concernaient la mise en place et le renouvellement des délégués du personnel dans les entreprises ou établissements d’au moins 11 salariés.

Il résulte des pièces versées aux débats que la fiche d’entreprise établie par le service de santé au travail Agemetra, le 30 juin 2017, mentionne un effectif de 18 salariés, tandis que l’attestation d’employeur destinée à Pôle Emploi mentionne au 31 décembre écoulé, soit le 31 décembre 2016, un nombre total de 28 salariés. Dés lors, la société Atout’age, qui ne produit aucun élément contraire, n’est pas fondée à contester le seuil de onze salariés faisant peser sur elle l’obligation relative à l’organisation des élections des délégués du personnel. Faute pour elle de justifier d’un procès-verbal de carence pour la période couvrant la relation contractuelle, la société Atout’age est défaillante dans la mise en oeuvre des diligences nécessaires à la mise en place des institutions représentatives du personnel.

Mme [U], privée en conséquence d’une possibilité de représentation et de défense de ses intérêts, se trouve fondée à invoquer ce manquement au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail.

****

En définitive, l’exécution déloyale du contrat de travail résulte de l’attribution à Mme [U] de tâches ne relevant pas de sa classification contractuelle, du défaut de justification d’un délai de prévenance dans la transmission des plannings, du décompte déloyal de 16,5 jours de congés payés, ainsi que du défaut de mise en place de l’institution des délégués du personnel.

L’ampleur et la nature de ces manquements justifient la condamnation de la société Atout’age à payer à Mme [U] la somme de 3 000 euros de dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail. Le jugement déféré qui lui a alloué la somme de 5 000 euros à ce titre est infirmé en ce sens et Mme [U] est déboutée de sa demande pour le surplus.

Mme [U] est en outre fondée en sa demande de rappel de 16,5 jours de congés payés du 15 février au 27 février 2016, ces jours ayant été décomptés à tort au titre d’un congé sans solde.

Le jugement est par conséquent confirmé en ce qu’il a condamné la société Atout’age à payer à Mme [U] la somme de 515,70 euros à titre de rappel de congés payés pour la période du 15 au 27 février 2016.

– Sur la demande de dommages-intérêts pour non respect de l’obligation de formation :

L’article L 6321-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige énonce que ‘L’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail.

Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme, notamment des actions d’évaluation et de formation permettant l’accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.

Les actions de formation mises en ‘uvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l’article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d’obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l’acquisition d’un bloc de compétences.’

En l’espèce, la société Atout’age soutient qu’elle a organisé des formations internes et externes au bénéfice de Mme [U] en s’appuyant exclusivement sur ses pièces n°12 et 13, ainsi que sur une attestation de formation.

Les pièces n°12 et 13, examinées ci-avant, ne permettent pas d’établir l’effectivité des formations qui y sont mentionnées. En revanche ,l’attestation individuelle de fin de formation du 2 février 2016, produite en pièce n°16, établit que Mme [U] a suivi un module n°1 d’une durée de 14 heures, intitulé: ‘ Dialoguer avec les personnes en situation de handicap, levier d’action pour une prestation de qualité’, entre le 1er décembre 2015 et le 19 janvier 2016.

Compte tenu de la durée relativement courte de la relation contractuelle, la justification de cette seule action de formation par l’employeur l’autorise à se prévaloir du respect de son obligation de formation et il n’en résulte pas que la société Atout’age n’aurait pas garanti l’adaptation de sa salariée à son poste de travail, ni son employabilité.

Mme [U] est déboutée de sa demande de dommages-intérêts au titre du manquement à l’obligation de formation.

– Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité :

Mme [U] soutient que :

– l’employeur n’a pas mis en oeuvre les préconisations du médecin du travail à l’issue de la visite médicale d’embauche au terme de laquelle elle était déclarée ‘apte avec EPI adaptés aux risques professionnels’ ;

– les mesures de prévention pour limiter les risques d’atteinte à la santé des salariés étaient insuffisantes, notamment pour la manipulation des personnes ;

– elle n’a bénéficié d’aucune formation lui permettant d’apprendre les gestes et postures adéquates pour ne pas se blesser en manipulant des personnes âgées ;

– elle a, dans ces conditions, rapidement souffert de son dos et vu son état de santé se dégrader.

La société Atout’age soutient au contraire que :

-elle a respecté les préconisations du médecin du travail qui se limitaient à la mise à disposition des EPI, en fournissant à Mme [U], gants, masques, blouses ;

– Mme [U] a bénéficié de formations internes sur les gestes et postures adéquates, avec une auxiliaire de vie, Mme [Z] et ces formations sont mentionnées sur les plannings ;

– Mme [U] a en outre été formée par des professionnels de santé ;

– elle a établi une fiche d’entreprise mentionnant les facteurs de risques et les actions de prévention, ainsi qu’un document unique d’évaluation des risques ;

– elle a également mis à disposition des salariés, une grille de prévention des risques à domicile, ainsi que des brochures d’information sur les risques professionnels.

La société Atout’age souligne par ailleurs que Mme [U], qui disposait d’une expérience d’aide à domicile avant son embauche, effectuait principalement des tâches de ménage, de sorte que la manipulation de clients n’intervenait que dans des cas d’extrême urgence.

****

La convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012 comporte une annexe I relative à la description des emplois repères, dont il résulte que l’emploi d’assistante de vie de niveau 1 s’exerce auprès d’un particulier à son domicile afin d’accompagner une personne dans la réalisation des tâches quotidiennes, liées à l’entretien des espaces de vie et à la réalisation de repas simples. L’emploi prévoit la réalisation d’activités sociales et occupationnelles et consiste également à effectuer les courses pour le compte de la personne.

Il a été jugé ci-avant qu’en vertu de son contrat de travail, Mme [U] était également tenue de procéder à l’aide à la toilette, aux transferts, changes et déplacements, de sorte que la société Atout’age ne peut valablement soutenir que la manipulation des clients n’intervenait qu’en cas d’urgence.

L’exposition de la salariée à des troubles musculo-squelettiques liés au port de charges lourdes, ainsi qu’à la répétition de gestes contraignants dans des environnements par définition changeants, ne peut raisonnablement être contestée par la société Atout’age.

Or, les pièces que l’employeur verse aux débats pour justifier de formations spécifiques à la prévention de tels troubles sont inopérantes et la société Atout’age ne justifie pas de la mise en oeuvre d’actions de prévention, alors même que son document unique d’évaluation des risques présente les manutentions et manipulations comme étant la principale cause d’accidents du travail avec arrêt.

Par ailleurs, si la société Atout’age indique qu’elle a fourni à Mme [U] les équipements individuels de protection ordinaires, tels que gants, masques et blouses, la cour observe d’une part qu’elle ne produit aucune facture permettant d’identifier le matériel effectivement acheté auprès de la société Saint Priest Médical, mais seulement un relevé bancaire attestant d’une dépense de 68,10 euros le 22 juin 2017 auprès de ce fournisseur ; d’autre part, qu’il n’est à aucun moment question de la mise à disposition des assistantes de vie, de matériel d’intervention spécifique tel qu’une ceinture de transfert par exemple.

Et la cour observe que la fiche d’entreprise établie par le service de santé au travail Agemetra, le 30 juin 2017 à la suite de la visite de l’entreprise, mentionne que certains bénéficiaires sont équipés de lit médicalisé ou de lève malade, sans préciser si tel est le cas des personnes âgées ou malades affectés à Mme [U].

Les insuffisances de la société Atout’age en matière de prévention des risques sont avérées. Le jugement déféré est par conséquent confirmé en ce qu’il a condamné la société Atout’age à payer à Mme [U] la somme de 2 500 euros de dommages-intérêts au titre du manquement à l’obligation de sécurité.

– Sur la demande de dommages-intérêts pour défaut de plan de prévention des risques :

La société Atout’age verse aux débats un document unique d’évaluation des risques mais ce document n’est pas daté et il résulte de la visite du service Agemetra qu’à la date de sa visite, soit le 30 juin 2017, il n’existait pas de document unique d’évaluation des risques dans la société, ce qui a donné lieu à une injonction du service de santé afin que l’employeur se conforme à cette obligation légale.

Le manquement est caractérisé , mais Mme [U] ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui déjà réparé au titre du manquement à l’obligation de sécurité, de sorte que le jugement est infirmé en ce qu’il a condamné la société Atout’age à payer à Mme [U] la somme de 2 500 euros pour non respect de mise en place du plan de prévention des risques.

– Sur le licenciement :

Il résulte des articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail que le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse et résulte d’une lettre de licenciement qui en énonce les motifs.

En vertu de l’article L.1235-1 du code du travail, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure de licenciement suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles; si un doute subsiste, il profite au salarié.

L’article L1226-2 du code du travail dispose que :

‘Lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise.

L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.’

Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse lorsque le comportement fautif de l’employeur est à l’origine de l’inaptitude du salarié.

En l’espèce, Mme [U] conteste son licenciement en soutenant d’une part que son inaptitude a été provoquée par la faute de l’employeur, d’autre part que l’absence de justification par l’employeur de la consultation des délégués du personnel a pour effet de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société Atout’age soutient que l’inaptitude de Mme [U] est d’origine non professionnelle et fait suite à des arrêts de travail pour maladie d’origine non professionnelle; que la société a respecté l’ensemble de ses obligations en matière de sécurité et de prévention des risques professionnels; que Mme [M], présidente de la société a reçu des témoignages de salariés louant sa bienveillance à leur égard ,ainsi que la qualité des conditions de travail; que ne dépassant pas le seuil de 11 salariés avant l’année 2018, elle n’était pas tenue d’organiser des élections de représentants du personnel.

La société Atout’age fait valoir enfin que le médecin du travail a émis en bonne et due forme un avis d’inaptitude définitif en date du 19 juin 2017, que l’étude de poste et des conditions de travail sont mentionnées dans l’avis d’inaptitude qui est conforme aux prescriptions de l’article R 4624-42 du code du travail, que Mme [U] n’a jamais contesté.

La société Atout’age en déduit que la mention, par le médecin du travail selon laquelle l’état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi dans l’entreprise l’exonérait d’une part de son obligation préalable de recherche de reclassement, d’autre part de son obligation de consultation des délégués du personnel.

****

Mme [U] a fait l’objet d’un avis d’inaptitude rendu au visa de l’article R 4624-42 du code du travail dans sa version issue du décret n°2016-1908 du 27 décembre 2016, qui prévoit dans son dernier alinéa que la médecin du travail peut mentionner dans cet avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Il résulte de cette mention que la société Atout’age a été dispensée d’effectuer des recherches de reclassement, de sorte que la consultation des délégués du personnel est en conséquence caduque. Dés lors, le défaut de consultation des délégués du personnel est en l’espèce sans conséquence sur le licenciement.

S’agissant des causes de l’inaptitude, la cour observe qu’à l’exception des avis d’inaptitude, Mme [U] ne produit aucun élément médical de nature à établir un lien entre l’inaptitude et les manquements qui ont été retenus à l’encontre de la société Atout’age dans le cadre de l’exécution du contrat de travail.

Le licenciement notifié à Mme [U] en raison de son inaptitude et de l’impossibilité de son reclassement, repose par conséquent sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé en ce qu’il a condamné la société Atout’age à payer à Mme [U] la somme de 8 412 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que la somme de 2 804 euros au titre des indemnités de préavis et des congés payés afférents.

– Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis à la charge de la société Atout’age les dépens de première instance et en ce qu’il a alloué à Mme [U] une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Atout’age, partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens d’appel.

L’équité et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :

– requalifié le contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein et condamné en conséquence la société Atout’age aux droits de laquelle vient la société Laver’co, à payer à Mme [U] la somme de 1 328,90 euros brut de rappel de salaire, outre 132,89 euros de congés payés afférents,

– condamné la société Atout’age aux droits de laquelle vient la société Laver’co à payer à Mme [U] les somme suivantes :

* 2 500 euros de dommages-intérêts au titre du manquement à l’obligation de sécurité

* 515,70 euros à titre de rappel de congés payés du 15 au 27 février 2016

* 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens

– débouté Mme [U] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé

– débouté Mme [U] de sa demande en paiement d’heures complémentaires

– débouté Mme [U] de sa demande de dommages-intérêts pour non respect des temps de pause

INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :

– condamné la société Atout’age, aux droits de laquelle vient la société Laver’co, à payer à Mme [U] les sommes suivantes :

* 5 000 euros de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

* 2 500 euros de dommages-intérêts pour non respect de mise en place du plan de prévention des risques

* 1 500 euros de dommages-intérêts pour non respect de l’obligation de formation

– dit que le licenciement notifié à Mme [U] par la société Atout’age est un licenciement sans cause réelle et sérieuse

– condamné la société Atout’age, aux droits de laquelle vient la société Laver’co, à payer à Mme [U] la somme de 8 412 euros net de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– condamné la société Atout’age, aux droits de laquelle vient la société Laver’co, à payer à Mme [U] la somme de 2 804 euros brut à titre d’indemnité de préavis outre les congés payés afférents.

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant

CONDAMNE la société Atout’age aux droits de laquelle vient la société Laver’co, à payer à Mme [U] la somme de 3 000 euros de dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail

DIT que le licenciement notifié à Mme [U] repose sur une cause réelle et sérieuse

DÉBOUTE Mme [U] de sa demande de dommages-intérêts au titre du licenciement

DÉBOUTE Mme [U] de sa demande de dommages-intérêts au titre du défaut de plan de prévention des risques

DÉBOUTE Mme [U] de sa demande de dommages-intérêts au titre du non respect de l’obligation de formation

CONDAMNE la société Atout’age, aux droits de laquelle vient la société Laver’co, à payer à Mme [U] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel,

CONDAMNE la société Atout’age, aux droits de laquelle vient la société Laver’co, aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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