Requalification en CDI : 13 juin 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 19/00393

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Requalification en CDI : 13 juin 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 19/00393
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13 juin 2023
Cour d’appel de Metz
RG n°
19/00393

Arrêt n° 23/00329

13 juin 2023

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N° RG 19/00393 –

N° Portalis DBVS-V-B7D-E6TP

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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de METZ

29 Janvier 2019

17/916

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Treize juin deux mille vingt trois

APPELANT :

M. [X] [P]

[Adresse 1]

Représenté par Me Marion DESCAMPS, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

SARL HK COURSES représentée par son représentant légal

[Adresse 7]

Représentée par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 février 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 12 décembre 2005, la société HK Courses a embauché M. [X] [P] en qualité de chauffeur-livreur, à raison de 25 heures par semaine.

La convention collective applicable était celle des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

A compter de l’année 2008, M. [P] a rejoint le service ‘urgences’ de l’entreprise.

Depuis l’année 2010, la relation de travail s’est poursuivie à temps complet.

Par courrier du 6 mars 2013, M. [P] a été convoqué à un entretien préalable fixé le 25 mars 2013.

Du 13 mars 2013 au 14 avril 2013, M. [P] a été placé en arrêt de travail pour notamment épuisement psychologique et burn-out professionnel.

Auparavant, par lettre du 9 avril 2013, M. [P] a été licencié pour faute grave, en raison du non-respect des temps de conduite et de coupure, du non-respect des procédures clients avec infraction aux règles sanitaires, ainsi que soustraction frauduleuse de documents.

Estimant que la société HK Courses restait lui devoir des sommes de nature salariale et que son licenciement était en réalité sans cause réelle et sérieuse, M. [P] a saisi, par courrier posté le 14 mai 2013, la juridiction prud’homale.

Par jugement contradictoire prononcé le 29 janvier 2019, la formation paritaire de la section commerce du conseil de prud’hommes de Metz a notamment dit l’instance périmée, déclaré la demande irrecevable, déclaré les demandes de M. [P] périmées, débouté M. [P] de ses demandes, débouté la société HK courses de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et laissé les dépens à la charge de chacune des parties.

Le 12 février 2019, M. [P] a interjeté appel par voie électronique.

Par arrêt avant-dire-droit du 15 juin 2021, la présente juridiction a :

– débouté la société HK courses du moyen tiré de la péremption de l’instance ;

au fond,

– ordonné le rabat de l’ordonnance de clôture et la réouverture des débats ;

avant-dire-droit,

– enjoint aux parties, et plus particulièrement à la société HK Courses :

* d’expliquer et justifier le fonctionnement des astreintes de semaine et de week-end pour le service des transports urgents ;

* de produire toute pièce utile permettant de démontrer comment les chauffeurs d’urgence étaient informés des horaires de leurs missions et de leurs périodes d’astreintes ;

* d’expliquer si les salariés affectés aux transports d’urgence exerçaient cette mission occasionnellement ou de façon régulière ;

– invité également la société HK Courses à produire aux débats l’autorisation qui lui avait été donnée en 1999 par la direction du travail de décompter les heures supplémentaires au mois ;

– invité la société HK Courses à s’expliquer sur une éventuelle convention de forfait et à en justifier le cas échéant ;

– invité la société HK Courses à s’expliquer sur les heures de ‘non accident’ et sur la prime correspondante attribuée occasionnellement à M. [P], et à préciser la nature et le mode d’attribution de cette prime ;

– réservé à statuer au fond ;

– renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état électronique pour vérification de l’accomplissement des diligences demandées.

Dans ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 6 février 2023, M. [P] requiert la cour :

– d’infirmer le jugement, en ce qu’il a dit que les parties n’avaient pas accompli les diligences qui avaient été expressément mises à leur charge par le conseil dans le délai imparti à chacun, en ce qu’il a dit, au visa des articles 386 et suivants du code de procédure civile, l’instance périmée, en ce qu’il a dit irrecevable sa demande, en ce qu’il a déclaré périmées ses demandes, en ce qu’il l’a débouté de l’intégralité de ses demandes et en ce qu’il a laissé les dépens à la charge de chacune des parties.

– de confirmer le jugement, en ce qu’il a débouté la société HK Courses de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

statuant à nouveau,

– de dire que l’indemnisation de l’ensemble des temps d’astreinte est due ;

– de fixer le montant de l’indemnisation à hauteur de 4 euros brut par heure d’astreinte;

– de requalifier la relation de travail à temps plein depuis l’embauche au 1er décembre 2005 ;

– de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

en conséquence,

– de condamner la société HK Courses à lui payer les sommes suivantes :

* 84 655,00 euros brut au titre de l’indemnité d’astreinte ;

* 15 530,31 euros brut au titre du travail effectué non rémunéré à compter du 1er janvier 2010 ;

* 1 553,03 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés de 10 % sur cette somme ;

* 313,64 euros brut à titre de rappel de prime d’ancienneté ;

* 31,36 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés de 10% sur le rappel de prime d’ancienneté ;

* 11 868,76 euros net au titre de l’indemnité de travail dissimulé ;

* 13 846,89 euros net au titre de l’indemnité réparant le préjudice résultant du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

* 3 956,25 euros brut d’indemnité de préavis de deux mois ;

* 395,63 euros brut d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

* 2 911,80 euros net d’indemnité légale de licenciement ;

– de condamner la société HK Courses à lui payer, au titre du temps plein :

* une somme au titre des rappels de salaire pour la période du 1er mai 2008 au 31 décembre 2009, soit 10 015,98 euros brut, ce à quoi il faut rajouter la prime d’ancienneté de 2 % (200,32 euros brut) et une indemnité compensatrice de congés payés de 10 % sur la prime et les rappels de salaire (1 021,63 euros brut) ;

* en sus, si par extraordinaire, les rappels d’heures supplémentaires ne sont pas alloués par le ‘Conseil’, une somme au titre des rappels de salaire pour la période du 01 janvier 2010 au 31 mai 2010 s’élevant à 1 685,71 euros brut, ce à quoi il faut rajouter la prime d’ancienneté de 2 % (33,71 euros brut) et une indemnité compensatrice de congés payés de 10 % sur la prime et les rappels de salaire (171,94 euros brut) ;

– de condamner la société HK Courses à la délivrance, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter d’un délai de 5 jours courant à partir de la notification de la décision à intervenir, des documents suivants, établis conformément au ‘jugement’ à intervenir : fiche de paye ;

– de se réserver le pouvoir de liquider l’astreinte prononcée ;

– de condamner la société HK Courses à lui payer les intérêts au taux légal depuis la date d’introduction de la demande en justice devant le conseil de prud’hommes, soit le 15 mai 2013;

– de condamner la société HK Courses à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’instance et la même somme à hauteur d’appel ;

– de débouter la société HK Courses de ses demandes.

A l’appui de ses prétentions, il expose :

– qu’eu égard à la date de saisine du conseil, soit le 15 mai 2013, la prescription quinquennale est applicable, de sorte que ses demandes peuvent remonter jusqu’au 1er mai 2008 ;

– que le contingent d’heures supplémentaires donnant droit au repos compensateur étant décompté en début d’année pour toute l’année civile précédente, le repos compensateur peut être calculé pour toute l’année 2008, dans la mesure où il aurait dû être déterminé au début de l’année 2009 seulement.

Il précise, s’agissant des astreintes :

– que rien n’avait été prévu entre les parties s’agissant tant du principe de la mise en place des astreintes que de leur indemnisation ;

– que l’intimée n’a produit aucun élément pour justifier de la légalité des astreintes ;

– qu’alors que la société HK Courses prétendait que des astreintes n’étaient prévues que pendant les week-ends, le responsable d’exploitation de l’entreprise l’a qualifié de ‘chauffeur d’urgence’ ‘appelé si besoin’ et a parlé ‘d’astreinte à son domicile, prêt à une éventuelle livraison’, y compris en semaine ;

– que, selon le responsable d’exploitation de la société, il était censé travailler si on le sollicitait;

– qu’il n’était pas informé de ses trajets à l’avance ;

– qu’en semaine, il ne disposait d’aucun planning de travail et devait se tenir prêt à travailler à tout moment ;

– que seuls les week-ends faisaient l’objet d’une planification avec répartition de l’astreinte entre les salariés ;

– qu’il a été intégré par son employeur au système des astreintes des week-ends à partir de l’année 2008 ;

– qu’il avait, dès lors, l’obligation d’être d’astreinte au moins un week-end par mois ;

– que la société HK Courses sollicitait les salariés qui ne figuraient pas sur le planning des astreintes en cas de besoins supplémentaires, de sorte qu’il a travaillé plusieurs fins de semaine sur un même mois ;

– qu’il devait théoriquement travailler huit heures par jour du lundi au vendredi en journée, mais était d’astreinte tout le reste du temps, soit seize heures par jour ;

– qu’il a été empêché de bénéficier d’une vie personnelle, familiale et intime normale;

– que la ‘prime de disponibilité’ n’était pas liée aux astreintes et était versée lorsque l’employeur ne parvenait pas à fournir aux chauffeurs un volume de travail correspondant au temps de travail contractuel ;

– que les autres primes (‘prime de découcher’, ‘prime pour heures de non accident’, prime de travail un jour férié, prime de nuit, prime d’ancienneté et prime de Noël) n’ont rien à voir avec les contraintes générées par les astreintes ;

– que la pratique dans les entreprises correspond à une indemnisation de 96 euros par tranche complète de 24 heures d’astreinte, soit 4 euros brut par heure d’astreinte.

Sur les rappels de salaire, il soutient :

– qu’il était prétendument sous contrat de travail à temps partiel, à raison de 25 heures par semaine, jusqu’au mois de juin 2010, date à laquelle un plein temps a été porté sur ses fiches de paie ;

– qu’aucun contrat de travail n’a été établi par écrit ;

– que les horaires de travail n’ont pas été fixés, pas plus que leur répartition entre les jours de la semaine, ni encore le volume journalier d’heures de travail ;

– qu’il devait donc se tenir en permanence à la disposition de son employeur et se trouvait dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme et à quels horaires il devrait travailler ;

– qu’il n’a jamais bénéficié de la communication d’un planning de travail ni d’un délai de prévenance ;

– que le contrat de travail à temps partiel doit être requalifié en contrat de travail à temps complet à raison de 35 heures par semaine, dès son entrée dans l’entreprise le 1er décembre 2005.

Il ajoute :

– qu’il n’était rémunéré que pour les heures de travail demandées par l’employeur et réellement effectuées ;

– que les heures non couvertes par des trajets étaient dues et pouvaient être reportées sur les mois suivants pour compenser d’éventuelles heures supplémentaires ;

– que de nombreuses heures supplémentaires sont mises en évidence tant par ses feuilles de trajet que par le récapitulatif des heures travaillées du 4 janvier 2010 au 6 janvier 2013 et doivent être rémunérées ;

– qu’il a cessé toute activité annexe à compter de la fin de l’année 2009, en raison de l’incompatibilité avec son emploi pour la société HK Courses ;

– que l’employeur ne justifie pas avoir reçu l’autorisation administrative de procéder à un décompte des heures supplémentaires au mois – et non à la semaine ;

– que l’employeur ne justifie pas davantage avoir recueilli l’avis des instances représentatives du personnel ;

– qu’il a retenu une majoration horaire de 25 % pour chacune des huit premières heures et de 50 % pour les heures suivantes, le taux horaire étant celui figurant sur les bulletins de salaire.

Sur le licenciement, il soutient :

– que les temps de conduite ont été respectés ;

– que, s’agissant des faits du 2 mars 2013, il était stressé et épuisé par son rythme de travail ;

– que la livraison litigieuse concernait non une livraison réfrigérée, mais un échantillon à température ambiante ;

– qu’il n’a pas volé les feuilles d’heures à l’employeur, étant observé que la plainte de celui-ci a été classée pour infraction non caractérisée ;

– que la réalisation de copies des documents était nécessaire pour qu’il puisse assurer la défense de ses intérêts et formuler des demandes de rappel de rémunération.

Dans ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 16 janvier 2023, la société HK Courses sollicite que la cour confirme toutes les dispositions du jugement, déboute M. [P] de l’ensemble de ses prétentions et condamne celui-ci au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle expose, en réponse à l’arrêt avant-dire-droit :

– qu’elle gère 250 transports urgents par jour ;

– que les ‘chauffeurs urgence’ effectuent ce service de manière régulière, dans le respect de la réglementation ;

– qu’un tableau des astreintes est affiché dans le local des chauffeurs et que ces derniers s’y inscrivent eux-mêmes ;

– que, s’agissant de l’autorisation administrative donnée pendant l’année 1999 de décompter les heures supplémentaires au mois, elle n’en est plus en possession, une telle demande d’autorisation n’ayant plus lieu d’être depuis l’année 2005 ;

– que, depuis cette date, le calcul des temps de service peut aller jusqu’à trois mois, étant précisé qu’elle calcule sur un mois ;

– que le principe de la prime de ‘non accident’ est simple : si, sur un trimestre, un chauffeur n’a pas ‘fait’ d’accident, une prime d’un montant pouvant aller jusqu’à 150 euros lui est versée.

Elle réplique concernant les astreintes :

– que les ‘chauffeurs urgence’ sont soumis à deux catégories de périodes : d’une part, les périodes ‘classiques’ pendant lesquelles des missions leur sont proposées au cas par cas et peuvent être acceptées par le salarié en fonction de ses disponibilités et, d’autre part, d’éventuels temps d’astreinte n’intervenant que le week-end sur la base d’un volontariat selon un tableau mis en place et rempli par les salariés eux-mêmes ;

– M. [P] effectuait des navettes régulières avec un horaire régulier du lundi au vendredi de 5h00 à 10h00 ;

– que, quand le salarié choisit d’être d’astreinte, il bénéficie d’un forfait d’astreinte appelé ‘prime de disponibilité’ ;

– que, lorsque le salarié n’est pas d’astreinte, un planning général des interventions est dressé pour déterminer les heures accomplies avec une possibilité de report le mois suivant ;

– que la ‘prime de disponibilité’ est versée lorsque le salarié est volontaire pour se rendre disponible.

Sur la durée du travail et les heures supplémentaires, elle fait valoir :

– que la demande de requalification apparaît mal fondée, alors que M. [P] travaillait aussi par ailleurs ;

– que le volume horaire n’a pas fortement fluctué et n’a pas été modifié ‘à la dernière minute’ ;

– qu’il résulte des tableaux que l’ensemble des heures, y compris les heures supplémentaires, a été réglé à M. [P].

Sur le licenciement, elle affirme :

– que, le 13 mars 2016, M. [P] a pénétré dans le bureau du responsable d’exploitation et a dérobé, devant témoins, les originaux des relevés d’heures ;

– que les documents dérobés sont la propriété de l’entreprise et doivent s’y trouver en permanence;

– que M. [P] a emporté ces documents chez lui sans autorisation, puis les a ramenés à l’issue de quelques jours en raison de l’insistance de la société ;

– que des classeurs et feuilles d’heures appartenaient à d’autres chauffeurs ;

– que le salarié n’a pas respecté les règles qui lui ont été rappelées sur le temps de conduite ;

– que le chauffeur doit prendre les temps de repos non comme bon lui semble, mais au bout d’un certain temps de conduite, pour des raisons évidentes de sécurité et d’organisation ;

– que, concernant la livraison du 2 mars 2013, des prélèvements biologiques ont été oubliés par M. [P] dans le véhicule après avoir été récupérés par ses soins et n’ont pas été placés sous conditionnement spécifique, de sorte que ces prélèvements sont devenus inutilisables, ce qui était susceptible de mettre en jeu la responsabilité de l’entreprise et d’entraîner le mécontentement du client.

Le 14 février 2023, la conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction.

MOTIVATION

A titre liminaire, la cour constate que la société HK Courses ne soulève aucune fin de non-recevoir tirée d’une prescription.

Sur la requalification du contrat en temps complet

Conformément à l’article L. 3123-6 du code du travail, le contrat de travail à temps partiel doit être écrit.

Il précise notamment la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois, afin de permettre au salarié de ne pas se retrouver à la disposition permanente de son employeur et de bénéficier des avantages du temps partiel en organisant à sa convenance sa vie privée en dehors des périodes dévolues par le contrat de travail à sa vie professionnelle.

Le contrat est présumé conclu à temps complet à défaut de mention de la répartition du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois (sauf au cas où cette mention ne serait pas obligatoire) ou à défaut de respect des mentions contractuelles sur la durée et la répartition du temps de travail.

Pour renverser la présomption de travail à temps complet, l’employeur doit, d’une part, apporter la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et, d’autre part, établir que le salarié peut prévoir son rythme de travail et qu’il n’a pas à se tenir constamment à sa disposition.

En l’espèce, aucune des deux parties ne produit le contrat d’embauche du 12 décembre 2005 de M. [P], mais il n’est pas contesté que ce contrat prévoyait une durée hebdomadaire de 25 heures de travail, ce qui est confirmé par le formulaire intitulé ‘conditions de travail dans les transports par route’ (pièce n° 2 de l’appelant), complété le même jour par l’employeur, qui mentionnait des horaires de service de 5h00 à 10h00, du lundi au vendredi.

Il ressort des fiches de paie que M. [P] a travaillé à temps complet à compter du 1er juin 2010.

Pour la période allant du 12 décembre 2005 au 31 mai 2010, la société HK Courses ne produit aucun planning prévisionnel de travail, alors que les bulletins de salaire font apparaître de fortes variations du nombre d’heures travaillées.

Par exemple, au cours de l’année 2008, le temps de travail a atteint :

– 163,75 heures au mois de janvier ;

– 124,50 heures au mois de février ;

– 98 heures au mois de mars ;

– 100,75 heures au mois d’avril ;

– 121,50 heures au mois de mai ;

– 127,50 heures au mois de juin ;

– 78,50 heures au mois de juillet ;

– 38,75 heures au mois d’août ;

– 109 heures au mois de septembre ;

– 109,75 heures au mois d’octobre ;

– 63,25 heures au mois de novembre ;

– 77,33 heures au mois de décembre.

Il résulte de ces observations que M. [P] ne pouvait pas prévoir son rythme de travail et était à la disposition constante de l’employeur, de sorte que, la cour requalifie, à compter du 12 décembre 2005, le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet.

Les sommes sollicitées étant contestées dans leur principe mais non dans leurs montants, la société HK Courses est condamnée, en raison de la requalification du contrat en temps complet, à payer à M. [P] les sommes suivantes :

– 10 015,98 euros brut à titre de rappel de salaire de la période allant du 1er mai 2008 au 31 décembre 2009 ;

– 200,32 euros brut à titre de prime d’ancienneté y afférente ;

– 1 021,63 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférente ;

– 1 685,71 euros brut à titre de rappel de salaire de la période allant du 1er janvier 2010 au 31 mai 2010 ;

– 33,71 euros brut à titre de prime d’ancienneté y afférente ;

– 171,94 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférente.

Sur les heures supplémentaires

Conformément à l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Le salarié doit présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant au nombre d’heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Pour autant, la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune de parties : le juge ne peut pas se fonder sur l’insuffisance des preuves apportées par le salarié pour rejeter sa demande, mais doit examiner les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés et que l’employeur est tenu de lui fournir.

En l’espèce, M. [P] verse aux débats :

– le relevé quotidien, depuis le mois de janvier 2010, des missions accomplies avec indication de l’heure de départ, de l’heure de retour et des heures de travail accomplies;

– le tableau de la ventilation des heures accomplies, semaine par semaine, entre heures normales, heures entre 36 et 39 heures, heures entre 40 et 43 heures, puis heures entre 44 et 48 heures ;

– le décompte des sommes dues ;

– une attestation de son frère, M. [O] [P], qui évoque une ‘pression récurrente (qui) s’est accompagnée d’heures de travail supplémentaires non rémunérées’.

Il ne peut pas être fait grief au salarié d’avoir décompté hebdomadairement le nombre d’heures supplémentaires, dès lors que la société HK Courses ne justifie pas qu’elle avait reçu une autorisation administrative de procéder à un calcul au mois, comme elle le prétend, ou qu’un accord collectif lui permettait de le faire ou qu’elle avait recueilli l’avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel à cette fin.

L’employeur produit en réplique :

– deux tableaux des mois de mai et juillet 2012, mais qui concernent en réalité les astreintes de fins de semaine et de jours fériés ;

– des calculs effectués par son responsable d’exploitation pour quelques mois de l’année 2012, ce qui ne recouvre qu’une période très limitée et ne montre, de toute façon, pas que les durées de travail mentionnées par M. [P] seraient erronées.

La société HK Courses verse aussi aux débats :

– une attestation de M. [T] [H], retraité, qui indique qu’il a travaillé comme responsable des chauffeurs de la société HK Courses pendant douze années, du mois de mai 2004 au mois de mars 2016, et que, s’agissant de M. [P], ‘toutes ses heures lui ont toujours été payé’ (sic);

– une attestation de M. [Y] [D], chauffeur dans la société de l’année 2005 à l’année 2012, qui indique que ‘les heures ont toujours été payé’ (sic) ;

– une attestation de M. [Z] [K] qui a travaillé neuf ans dans l’entreprise (novembre 2006 à novembre 2015) et y était délégué du personnel, qui témoigne que ‘Les heures de travail nous toujours été payées et majorées, ou récupérées et majorées’.

Toutefois, ces trois anciens salariés n’apportent aucune précision quant à la durée du travail de M. [P], de nature à contrevenir aux calculs de celui-ci.

En définitive, l’employeur ne justifie pas des horaires de travail effectivement réalisés par son salarié.

M. [P] produit un décompte (pièce n° 19) dont les chiffrages ne font l’objet d’aucune contestation précise de la part de l’employeur.

En conséquence, la société HK Courses est condamnée à payer à M. [P], au titre des heures supplémentaires à compter du 1er juin 2010, la somme de 15 530,31 euros – 2 228,82 euros (heures de la période du 1er janvier 2020 au 31 mai 2020 déjà examinée ci-dessus), soit un solde de 13 301,49 euros brut, outre un montant de 1 330,14 euros brut au titre des congés payés y afférents.

Sur les astreintes

Conformément à l’article L. 3121-9 du code du travail, l’astreinte est une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise.

Comme en matière d’heures supplémentaires, la charge de la preuve en matière d’astreintes repose sur les deux parties, le salarié devant produire les éléments de nature à établir le bien fondé de sa demande et l’employeur pouvoir justifier, en fonction de la demande, des périodes d’astreinte auxquelles le salarié a été soumis.

En l’espèce, M. [P] -qui n’était pas soumis à des horaires de travail précis- détaille la somme sollicitée au titre des astreintes de la période allant du 1er mai 2008 au 13 mars 2013, pendant laquelle il travaillait au service des courses urgentes de l’entreprise, à raison annuellement de (16 heures d’astreinte par jour x 5 jours de semaine x 47 semaines travaillées dans l’année) + (24 heures par jour de fin de semaine x 2 jours de week-end x 12 mois) à multiplier par un taux horaire de 4 euros brut.

Il est établi que M. [P] était soumis à des astreintes, au vu des éléments concordants suivants :

– l’attestation de Mme [A] [P], belle-soeur de l’appelant, qui indique ‘son employeur pouvait l’appeler à n’importe quel moment de la journée (de jour comme de nuit). Il n’avait pas d’emploi du temps et même s’il en avait il était constamment modifié’;

– le détail des trajets qui sont indiqués dans les relevés hebdomadaires et qui sont effectués à des horaires très irréguliers, y compris de nuit, alors que l’employeur ne produit pour sa part aucun planning de semaine ;

– les attestations de M. [D] et M. [K] qui font mention des astreintes ;

– la plainte du 15 mars 2013 de M. [B] [F], responsable d’exploitation, qui précise concernant M. [P] que ‘Le jeudi 14 mars 2013, il travaillait, il était d’astreinte à son domicile, prêt à une éventuelle livraison. C’est un chauffeur d’urgence, il est appelé si besoin. Il ne répondait plus le jeudi alors qu’il est censé travailler si on le sollicite. Nous avons essayé plusieurs fois sur son portable personnel et professionnel. Nous avons laissé plusieurs messages. Il ne nous a jamais rappelé. Il ne se comporte pas comme cela habituellement’.

S’agissant des jours de semaine, malgré la réouverture des débats, la société HK Courses ne justifie pas de l’organisation des astreintes pour le service des transports urgents. Il n’est nullement établi que, comme le soutient l’employeur, le ‘salarié choisit d’être d’astreinte’. Il ressort, en revanche, des éléments concordants ci-dessus que M. [P] était d’astreinte tous les jours de la semaine hors des heures effectivement travaillées.

Pour les fins de semaine et les jours fériés, l’employeur produit des tableaux des mois de mai et juillet 2012 indiquant le nom d’un chauffeur seulement pour chaque jour concerné. Ceci est compatible avec le calcul de M. [P] qui n’inclut dans sa demande d’indemnisation qu’une fin de semaine par mois.

Les attestations produites par l’employeur n’apportent aucun élément pertinent s’agissant des astreintes.

M. [U] [S] indique avoir travaillé comme responsable de la sécurité salarié au country club de [Localité 3] du 1er octobre 2002 au 31 juillet 2005, et ce avec M. [P] le soir et la nuit durant un an environ tous les week-ends et les jours fériés, puis que, lorsqu’il a quitté ses fonctions au country club, M. [P] l’a remplacé tous les week-ends et jours fériés pendant au moins un an. Les faits énoncés remontent ainsi aux années 2002-2006 et sont antérieurs à la période en litige, étant observé que, dans ses conclusions, M. [P] indique avoir cessé son ‘activité annexe’ à la fin de l’année 2009.

M. [D] précise dans son attestation que ‘concernant les astreintes, un tableau a été mis en place où les chauffeurs choisissaient de s’inscrire 1x par mois à la date choisie par lui’, mais il n’indique pas si le tableau concernait une autre période que les fins de semaine, de sorte que ce témoignage n’est pas incompatible avec les affirmations de l’appelant.

M. [K] indique que ‘nous faisions une astreinte par mois qui était indemnisée 30 euros par jour’, sans toutefois mentionner s’il occupait un poste de chauffeur urgences comme l’appelant et sans préciser tant la durée que la période (semaine ou fin de semaine) de cette astreinte.

M. [D] et M. [K] mentionnent que les déplacements [Localité 5]-[Localité 2] étaient connus à l’avance. A ce sujet, il ressort de l’examen des fiches d’heures hebdomadaires que l’appelant effectuait très régulièrement ce trajet, mais qu’il assurait aussi bien d’autres destinations.

L’employeur ne peut pas estimer avoir suffisamment indemnisé les astreintes au moyen de la prime de disponibilité de 60 euros (voire 90 euros) par mois versée au salarié dix mois au cours de l’année 2010, onze mois au cours de l’année 2011, neuf mois au cours de l’année 2012, ainsi qu’aux mois de janvier et février 2013.

Non seulement le lien direct entre cette prime forfaitaire et les astreintes est contesté par le salarié et reste à établir, mais elle apparaît d’un montant dérisoire au regard des contraintes de service imposées à M. [P].

Aucune partie ne se prévaut de dispositions conventionnelles ou contractuelles quant à la rémunération des heures d’astreinte.

Il appartient, dès lors, à la cour d’appel d’apprécier souverainement le montant de la rémunération revenant au salarié au titre de ces heures.

En définitive, en considération de l’ampleur des contraintes imposées au salarié, les astreintes devant être aussi assurées la nuit, du nombre d’heures concernées sur plusieurs années et de la rémunération du salarié, mais aussi, à l’inverse, du fait que M. [P] était avisé avec un certain délai des trajets [Localité 5]-[Localité 2] qu’il effectuait très régulièrement, la cour a acquis la conviction que M. [P] doit recevoir indemnisation, au titre des heures d’astreinte effectuées du mois de mai 2008 au 13 mars 2013, à hauteur de 32 000 euros brut.

Sur le travail dissimulé

Conformément aux articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, lorsqu’il y a eu travail dissimulé caractérisé par une volonté manifeste de l’employeur de frauder, le salarié a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l’espèce, durant plusieurs années, l’employeur n’a jamais indemnisé les périodes d’astreinte qui étaient pourtant particulièrement régulières et longues, comme cela a été exposé ci-dessus.

A supposer que la ‘prime de disponibilité’ mensuelle ait eu cette finalité, son caractère forfaitaire et dérisoire au regard des lourdes sujétions imposées à M. [P] démontre l’intention de l’employeur de ne pas accorder à son salarié de réelles contreparties aux périodes d’astreinte.

L’élément intentionnel étant caractérisé, la société HK Courses est condamnée à payer à M. [P] une indemnité forfaitaire de 11 868,76 euros, contestée dans son principe mais non dans son montant.

Sur la faute grave

Par courrier du 9 avril 2013, la société HK Courses a licencié pour faute grave M. [P], dans les termes suivants :

‘Non-respect des temps de conduite et de coupure

Nous avons constaté à plusieurs reprises que vos interruptions de conduite entrainent des lourdes difficultés dans l’organisation du travail de l’entreprise.

En effet, il apparaît que vous prenez vos pauses quand vous le décidez et non lorsque les durées maximales de travail ont été atteintes.

Nous tenons pour derniers exemples les missions 86218 des 19-20 février, 86522 des 21-22 février, 87129 des 27-28 février, etc etc (…)

Nous vous demandons de ne pas prendre immédiatement votre grande coupure à la livraison lorsque vous n’avez pas atteint la durée maximale de 10 heures de travail effectif.

Il vous appartient dans cette hypothèse de reprendre la route et de faire votre coupure sur le retour.

Le 7 mars 2013, lors du transport [Localité 5]-[Localité 2] (Mission 8875), nous vous avions à nouveau expressément précisé ces instructions avant votre prise de service, instructions que vous avez délibérément refusés de suivre.

Conformément à la politique de l’entreprise, l’ensemble de ces mesures doit impérativement être respecté. Il vous appartenait en conséquence de vous y conformer de façon scrupuleuse. Ces faits perturbent grandement l’exploitation, au point qu’il est impossible pour l’entreprise de prévoir la moindre optimisation de transport (groupage ou retour)

Ces faits peuvent être confirmés par le personnel d’exploitation.

Non-respect des procédures clients – infraction aux règles sanitaires

Le 02 mars, un de nos plus important client, à savoir le laboratoire BIOLIA (qui nous confie du travail pour 4 personnes à temps plein), nous a fait part de son très fort mécontentement suite à la prestation que vous veniez de réaliser.

Il est en effet apparu :

* Que les prélèvements récupérés à [Localité 6] pour livraison directe à [Localité 4] n’ont pas été livrés comme convenu lors de votre passage.

* Face à l’insistance de notre client (!), il s’est bien et bien avéré

° que ces échantillons étaient bel et bien dans votre véhicule, contrairement à vos affirmations

° que vous n’aviez pas transporté ces prélèvements biologiques dans les bacs frigorifiques spécialement prévus à cet effet, mais que ceux-ci avaient été laissés à température ambiante.

Ceci a entraîné une non-conformité dans la chaîne du froid.

Nous travaillons pour ce client depuis 6 mois, sans qu’aucune anomalie n’ait été relevée.

A ce jour, nous attendons toujours de savoir quelles seront les inévitables conséquences commerciales, sanitaires et financières inévitablement engendrées par votre négligence.

D’autre part, vous vous être rendu coupable de soustraction frauduleuse de documents :

Le 13-03-2013 vers 13h00 vous avez profité de l’absence du responsable d’exploitation pour ouvrir l’armoire de ce dernier afin d’y dérober des documents en originaux.

Aucune autorisation ne vous avait été donnée par quiconque afin d’emporter ces documents, d’autant plus que vous les avez conservés pendant plusieurs jours à votre domicile, ce qui a mis la société dans l’illégalité : en effet ces documents doivent être en permanence tenus à la disposition des autorités compétentes en cas de contrôle.(…)

Nous n’avons pas eu d’autre choix que de porter plainte, témoignage à l’appui de l’employée présente ce jour-là, afin que ces documents nous soient finalement restitués.

Je précise que vous êtes tombé malade le 13 mars à 18h30….

Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l’entreprise. (…)’

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.

En cas de faute grave, la charge de la preuve repose sur l’employeur qui doit établir à la fois la réalité et la gravité des manquements du salarié.

La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, la mise en ‘uvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués.

En l’espèce, s’agissant des faits du 2 mars 2013, la société HK Courses produit une attestation de M. [N] [E], médecin biologiste, co-gérant de la société Biolia, qui confirme avoir confié à la société HK Courses le transport de prélèvements sanguins humains et d’autres prélèvements humains pour analyses microbiologiques, ces différents échantillons devant ‘être transportés dans des conditions métrologiques maîtrisées et contrôlées’. Il ajoute que ‘Un samedi matin, début Mars 2013, il nous manquait des échantillons réfrigérés à l’arrivée à [Localité 4]. Les échantillons étaient bien partis du Labo mais non réceptionnés au Plateau. Nous avons interrogé la permanence de HK Course qui après interrogation de son chauffeur nous a indiqué que tous les prélèvements nous avaient été déposés. Nous avons dû gérer avec le patient et le médecin cet incident fâcheux de disparition de tube. Heureusement, ce genre d’incident a été très rare avec HK Course. Après rappel de la société HK le lundi matin et inspection du véhicule du chauffeur, il a été retrouvé les tubes manquant qui avaient été laissés à l’extérieur de l’enceinte réfrigérée et cela tout le WE. Ce type d’incident pourrait avoir des conséquences dramatiques pour le patient en terme de rapidité de rendu de résultat et d’intervention thérapeutique ; un gros préjudice en terme d’image pour le Laboratoire’.

M. [P] ne justifie pas son affirmation, selon laquelle le réceptionnaire de la livraison en a accusé réception sans remarquer d’oubli, l’attestation de M. [E] montrant au contraire que le laboratoire s’est inquiété de l’absence d’échantillons peu après la livraison.

Le salarié a donc commis une faute en ne livrant qu’une partie des échantillons et en laissant le reste des produits à l’extérieur de l’enceinte réfrigérée, alors qu’à la lecture de l’attestation, les prélèvements humains concernés ne devaient pas rester à température ambiante, contrairement à ce que M. [P] n’hésite pas à soutenir.

En effet, s’agissant de prélèvements médicaux, les produits transportés étaient particulièrement sensibles et M. [P] -qui était un salarié d’expérience- avait nécessairement conscience des précautions à prendre, étant observé que les laboratoires Biolia recevaient quatre tournées plusieurs fois par jour, selon l’attestation.

Il ressort du même témoignage que M. [P] ne s’est pas rendu compte de sa défaillance, puis n’a pas cherché à y rémédier, malgré les sollicitations du client, et a donné de fausses indications transmises par l’employeur au laboratoire.

Cette défaillance dans les prestations de livraison était susceptible d’entraîner un gros préjudice pour l’employeur, en ce qu’elle concernait un client important de l’entreprise.

En définitive, les faits du 2 mars 2013 faisaient obstacle à la poursuite du contrat de travail, y compris pendant la période de préavis.

En conséquence, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la pertinence des deux autres griefs, il y a lieu de dire que le licenciement repose sur une cause grave.

Sur les intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1231-6,1231-7 et 1344-1 du code civil, les intérêts au taux légal courent sur les créances déterminées par le contrat ou par la loi (en l’espèce, rappels de salaire en raison de la requalification à temps complet, rappels de prime d’ancienneté, rappel d’heures supplémentaires, rappels d’indemnité compensatrice de congés payés et rappel d’indemnité d’astreintes) à compter de la réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation, soit le 28 mai 2013, et sur les autres sommes (en l’espèce, l’indemnité de travail dissimulé) à compter du présent arrêt.

Sur la remise sous astreinte d’une fiche de paie

Il convient de condamner la société HK Courses à remettre à M. [P] un bulletin de salaire complémentaire, conforme au présent arrêt.

Aucun élément particulier du dossier ne laissant craindre en l’état que l’employeur ne cherche à se soustraire à la bonne exécution de la remise du document, il n’y a pas lieu d’assortir la condamnation ci-dessus d’une astreinte.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

La société HK Courses est déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle est condamnée sur le fondement de ce même article à payer à M. [P] la somme de 2 000 euros.

Elle est condamnée aux dépens de première instance et d’appel, en application de l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Vu l’arrêt avant-dire-droit du 15 juin 2021, en ce qu’il a rejeté le moyen tiré de la péremption d’instance et qui, par là-même, a nécessairement infirmé le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Requalifie le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet dès le 12 décembre 2005 ;

Condamne la société HK Courses à payer à M. [X] [P] les sommes suivantes augmentées des intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2013 :

– 10 015,98 euros brut à titre de rappel de salaire de la période allant du 1er mai 2008 au 31 décembre 2009 ;

– 200,32 euros brut à titre de prime d’ancienneté y afférente ;

– 1 021,63 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférente ;

– 1 685,71 euros brut à titre de rappel de salaire de la période allant du 1er janvier 2010 au 31 mai 2010 ;

– 33,71 euros brut à titre de prime d’ancienneté y afférente ;

– 171,94 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférente ;

– 13 301,49 euros brut à titre de rappel d’heures supplémentaires effectuées à compter du 1er juin 2010 ;

– 1 330,14 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

– 32 000 euros brut à titre de contrepartie aux heures d’astreinte depuis le mois de mai 2008 ;

Condamne la société HK Courses à payer à M. [X] [P], à titre d’indemnité forfaitaire de travail dissimulé, la somme de 11 868,76 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Dit que le licenciement repose sur une faute grave ;

Condamne la société HK Courses à remettre à M. [X] [P] un bulletin de salaire complémentaire, conforme au présent arrêt ;

Condamne la société HK Courses à payer à M. [X] [P] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette les autres demandes des parties ;

Condamne la société HK Courses aux dépens de première instance et d’appel.

La Greffière, La Présidente de chambre,

 


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