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11 mai 2023
Cour d’appel de Rouen
RG n°
21/02092
N° RG 21/02092 – N° Portalis DBV2-V-B7F-IY3A
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 11 MAI 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE LOUVIERS du 21 Avril 2021
APPELANT :
Monsieur [E] [U]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Me Géraldine BOITIEUX, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Jean-Marc VIRELIZIER, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
S.A.S. DOMAINE HESTIA
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Nathalie JAUFFRET, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 05 Avril 2023 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame BERGERE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DUBUC, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 05 Avril 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 11 Mai 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 11 Mai 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [E] [U] a été engagé en qualité d’assistant permanent par contrat à durée déterminée pour la période du 13 janvier au 31 août 2020.
La rupture anticipée de son contrat a été décidée le 26 juin 2020 au motif d’une faute grave, à savoir la mise en danger de mineurs confiés par l’aide sociale à l’enfance. Il lui était ainsi reproché d’avoir, le 13 juin 2020, donné la permission à deux mineurs de se baigner dans la Seine alors que cette activité est interdite en Seine et qu’en outre, toute activité nautique doit être validée par la hiérarchie.
Les parties ont signé une transaction le 1er juillet 2020.
Par requête reçue le 28 décembre 2020, M. [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Louviers en requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, en contestation de la rupture, ainsi qu’en paiement de rappel de salaires et indemnités.
Par jugement du 21 avril 2021, le conseil de prud’hommes a dit le licenciement de M. [U] fondé sur une faute grave, reconnu valable le protocole de transaction du 1er juillet 2020, débouté M. [U] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné à payer à la société Domaine Hestia la somme de 250 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
M. [U] a interjeté appel de cette décision le 18 mai 2021.
Par conclusions remises le 10 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, M. [U] demande à la cour d’infirmer le jugement, et, statuant à nouveau, de :
– fixer son salaire mensuel moyen à 3 504,71 euros,
– débouter la société Domaine Hestia de l’ensemble de ses demandes,
– écarter des débats les pièces adverses 16 et 17,
– requalifier son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 13 janvier 2020 et condamner en conséquence la société Domaine Hestia à lui payer la somme de 3 504,71 euros à titre d’indemnité de requalification,
– dire nulle la transaction du 2 juillet 2020,
– maintenir l’indemnité de précarité due et payée,
– condamner la société Domaine Hestia à lui payer les sommes suivantes :
rappel de salaire pour heures supplémentaires : 8 303,68 euros
congés payés afférents : 830,37 euros
dommages et intérêts pour absence de compensation financière et en repos pour le travail de nuit : 3 352,25 euros
dommages et intérêts pour manquement aux obligations quant au travail de nuit : 5 000 euros
dommages et intérêts liés à la contrepartie obligatoire en repos due : 3 300,46 euros
indemnité pour travail dissimulé : 21 028,26 euros
dommages et intérêts pour non-respect des amplitudes horaires et durées maximales de travail : 5 000 euros
indemnité pour irrégularité de procédure : 3 504,71 euros
indemnité de préavis : 3 504,71 euros
congés payés afférents : 350,47 euros
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 3 504,71 euros
rappel de salaire pour mise à pied injustifiée : 652,96 euros
congés payés afférents : 65,30 euros
dommages et intérêts pour mise à pied injustifiée : 1 000 euros
dommages et intérêts pour manquements graves à l’obligation de sécurité : 5 000 euros
– assortir ces condamnations d’intérêt au taux légal en vigueur à compter de la date de saisine de la juridiction, avec capitalisation des intérêts acquis,
– ordonner la remise des bulletins de salaire et documents de fin de contrats modifiés, et ce, sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard à compter de l’expiration du délai de pourvoi de la présente décision, la cour se réservant la compétence exclusive pour la liquidation éventuelle de cette astreinte,
– condamner la société Domaine Hestia à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance, et cette même somme au titre de la procédure d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens de la présente et de ses suites.
Par conclusions remises le 6 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la société Domaine Hestia demande à la cour de :
– à titre principal, confirmer le jugement et débouter M. [U] de l’ensemble de ses demandes,
– subsidiairement, fixer le salaire mensuel de M. [U] à la somme de 1 768,60 euros bruts et la condamner à lui payer cette somme tant au titre de l’indemnité de requalification qu’au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents au préavis, débouter M. [U] de l’ensemble de ses autres demandes et le condamner à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 16 mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité de la transaction signée
M. [U] soutient que la transaction du 2 juillet 2020 a été signée sous la contrainte, son employeur refusant de lui payer ses salaires et indemnités et de lui délivrer les documents de fin de contrat avant un délai d’un mois s’il ne s’exécutait pas. A cet égard, il relève que les termes même de la transaction, et notamment la concession qu’il aurait faite, à savoir renoncer à une procédure prud’homale visant à réclamer ses congés payés, alors même qu’il ne les a jamais réclamés puisqu’ils lui ont été payés, démontrent qu’il ne s’agissait que d’un prétexte de l’employeur pour obtenir la signature de cette transaction et ainsi se prémunir de toute procédure prud’homale à moindre coût car il savait pertinemment que le motif de la rupture était infondé et que des rappels de salaires pouvaient être sollicités.
Il soutient en outre que cette transaction n’est ni claire, ni précise, à défaut de faire mention de ses prétentions, puisqu’il est indiqué en préambule que c’est en raison de la rupture anticipée du contrat, puis en son article 3 que c’est en raison des congés payés, qu’elle a été régularisée, ce qui ne permet pas d’apprécier la réciprocité des concessions, lesquelles sont inexistantes de la part de la société Domaine Hestia dès lors que la rupture, basée sur une prétendue insuffisance professionnelle, ne pouvait justifier une sanction disciplinaire et impliquait qu’il lui soit versé l’ensemble de ses salaires jusqu’au terme du contrat à durée déterminée.
Aussi, relevant que la seule indemnité qui lui a été versée est l’indemnité de précarité qu’il aurait perçue s’il avait été au terme du contrat, il considère qu’il s’agit, à tout le moins, d’une concession dérisoire, qui doit s’analyser en une absence de concession de la part de la société Domaine Hestia.
La société Domaine Hestia conteste toute signature sous la contrainte, rappelant qu’il a été versé à M. [U] une indemnité de précarité qui ne lui était pas due compte tenu du motif de la rupture et qu’en contrepartie M. [U] s’est pour sa part engagé à ne pas réclamer de sommes supplémentaires, aussi, soutient-t-elle que M. [U] utilise l’artifice de la nullité de la transaction pour pouvoir solliciter, notamment, la requalification de son contrat et le paiement d’heures supplémentaires et d’heures de nuit impayées.
Selon l’article 2048 du code civil, les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu et selon l’article 2049, les transactions ne règlent que les différends qui s’y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l’on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé.
Enfin, il résulte de l’article 2052 que la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet.
En l’espèce, il ressort de la transaction signée par les parties que la société Domaine Hestia ayant été informée par M. [U], à réception de la lettre de rupture, de ce qu’il entendait saisir le conseil de prud’hommes, les parties ont engagé des discussions et sont parvenues à régler le différend les divisant, la société Domaine Hestia consentant à verser à M. [U] la somme de 1 316,32 euros bruts correspondant à l’indemnité de précarité qu’il aurait perçue au terme de son contrat à durée déterminée et M. [U] renonçant à toute instance et/ou action visant à contester l’objet même du présent accord à l’encontre de la société Domaine Hestia et s’obligeant à ne pas réclamer directement ou par voie de justice, mais également de manière indirecte, tout somme supplémentaire de quelque nature ou à quelque titre que ce soit, résultant des conséquences de sa décision de renoncer à ses congés payés.
Enfin, il était précisé que le présent accord comportant des concessions réciproques, parfaitement acceptées par les parties, mettait définitivement un terme à tout différend entre celles-ci, qu’il revêtait un caractère forfaitaire et transactionnel, insusceptible de révision pour quelque cause que ce soit, les parties se donnant mutuellement quitus définitif et sans réserve en cas de respect des engagements précités.
A titre liminaire, il doit être relevé qu’il n’est pas produit le moindre élément de nature à retenir une quelconque menace de la société Domaine Hestia de ne pas délivrer les documents de fin de contrat ou de ne pas verser les salaires et indemnités dus à défaut pour M. [U] de signer l’accord transactionnel.
Par ailleurs, il doit être noté que, par nature, si les parties concluent une transaction, c’est en raison d’une incertitude quant à l’issue d’un éventuel litige devant des juridictions, et ce, pour les deux parties, et qu’il ne peut donc en être tiré aucun argument, étant à cet égard rappelé que la rupture du contrat de M. [U] est fondée sur une faute grave et non sur une insuffisance professionnelle, ce qui ne permet pas d’affirmer que la solution du litige était certaine.
Or, selon l’article L. 1243-10 du code du travail, l’indemnité de fin de contrat n’est pas due en cas de rupture anticipée du contrat tenant à la faute grave du salarié, aussi, en octroyant à M. [U] une indemnité de fin de contrat calculée sur la totalité des sommes qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, il ne peut être considéré que la société Domaine Hestia n’a consenti aucune contrepartie, ni qu’il s’agit d’une contrepartie dérisoire dans la mesure où le contrat à durée déterminée de M. [U] se terminait le 31 août 2020, soit deux mois et demi après sa mise à pied conservatoire, ce qui, même en cas d’absence de justification de la faute grave, permettait au conseil de prud’hommes de limiter les sommes dues à raison de la rupture aux salaires restant dus jusqu’au terme du contrat, sans qu’il puisse être considéré que la société Domaine Hestia aurait dû verser ce minimum dans le cadre de l’accord transactionnel sauf à admettre dès ce stade, ce qu’elle n’a jamais fait, que la rupture était injustifiée.
Enfin, la transaction a été conclue en visant de manière large la volonté de M. [U] de saisir le conseil de prud’hommes suite à la réception du courrier l’informant de la rupture anticipée de son contrat pour faute grave, ce qui permet de s’assurer qu’elle avait pour objet, comme cela est rappelé dans l’article 4 du protocole, de mettre définitivement un terme à tout différend entre M. [U] et la société Domaine Hestia, ce qui implique nécessairement tout litige en lien avec le contrat de travail ainsi rompu et ce, quand bien même au titre des engagements de M. [U], il est mentionné qu’il s’engage à ne pas réclamer directement ou par voie de justice, mais également de manière indirecte, tout somme supplémentaire de quelque nature ou à quelque titre que ce soit, résultant des conséquences de sa décision de renoncer à ses congés payés, et ce, d’autant qu’il affirme lui-même qu’il a été payé de l’ensemble de ses congés payés.
Au vu de ces éléments, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré valable la transaction signée entre M. [U] et la société Domaine Hestia, de débouter en conséquence M. [U] de sa demande tendant à en obtenir la nullité et de déclarer irrecevables les demandes présentées par M. [U] dans le cadre de la présente procédure, ces différends étant d’ores et déjà réglés par la transaction signée le 1er juillet 2020.
Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner M. [U] aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de le débouter de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et de le condamner à payer à la société Domaine Hestia la somme de 300 euros sur ce même fondement, en plus de la somme allouée en première instance.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement et publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement en ce qu’il a déclaré valable la transaction signée le 1er juillet 2020 ainsi qu’en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile ;
L’infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Déclare irrecevable l’ensemble des demandes présentées par M. [E] [U] ;
Condamne M. [E] [U] aux entiers dépens ;
Condamne M. [E] [U] à payer à la SAS Domaine Hestia la somme de 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile .
Déboute M. [E] [U] de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente