Il existe une hiérarchie dans les postes de réalisateurs. Si en cas d’abus de CDD d’usage par l’employeur, le réalisateur peut obtenir la requalification de sa collaboration en CDI, le poste occupé ne correspondra pas nécessairement à celui de réalisateur d’émission en flux direct, réalisateur d’émissions inédites produites dans les conditions du direct ou de réalisateur d’éléments ou de présentations destinés à être post produits’ notamment au regard de la technicité et des niveaux de responsabilité et/ou d’autonomie.
Point fort de ce type de mission : à partir d’extraits ou d’images disponibles, le réalisateur compose une narration, assure l’assemblage et la supervision de la postproduction nécessaires à la finalisation du produit et de ses différentes déclinaisons.
En l’espèce, le salarié occupait une fonction de ‘réalisateur de post-production’ en charge de la fabrication des éléments d’habillage et d’autopromotion des contenus diffusés/distribués par la chaîne en assemblant/composant des extraits existants ; réalisation des rubriques intégrées dans les magazines.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
ARRET DU 09 Novembre 2021
Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 19/04494
N° Portalis DBVW-V-B7D-HGPW
Décision déférée à la Cour : 17 Septembre 2019 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG
APPELANT :
Monsieur Y Z
Représenté par Me Jean-pierre GUICHARD, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMEE :
G.E.I.E. C
prise en la personne de son représentant légal
[…]
Représentée par Me Xavier PELISSIER, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 07 Septembre 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. EL IDRISSI, Conseiller, faisant fonction de Président
Mme PAÜS, Conseiller
Mme ARNOUX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme THOMAS
ARRET :
— contradictoire
— prononcé par mise à disposition au greffe par M. EL IDRISSI, Conseiller, faisant fonction de Président
— signé par M. EL IDRISSI, Conseiller faisant fonction de Président et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
M. Y Z a été engagé par X. (ci-après le X.) à compter du mois d’août 1997, selon contrats à durée déterminée d’usage en qualité de réalisateur de statut cadre.
Estimant que son contrat devait être requalifié en contrat à durée indéterminée, M. Y Z a alors saisi le conseil de prud’hommes de Strasbourg en ce sens, par acte introductif du 15 octobre 2018.
Par déclaration en date du 9 octobre 2019, M. Y Z a interjeté appel du jugement rendu le 17 septembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Strasbourg qui, dans l’instance l’opposant au X., a :
‘dit et jugé que le contrat à durée déterminée de M. Y Z doit être requalifié en contrat à durée indéterminée à partir du mois d’août 1997,
‘dit et jugé que M. Y Z doit être classé au grade I, échelon 5 de la grille des salaires applicables à compter du 1er janvier 2018 au sein du X.,
‘dit et jugé que le contrat à durée indéterminée de M. Y Z doit porter sur une rémunération mensuelle de 2645 ‘ bruts sur 13 mois, pour un taux d’activité de 57,20 %,
‘condamné le X. à payer à M. Y Z la somme de :
. 3000 ‘ sur le fondement de l’article L 1245’2 du code du travail,
. 1500 ‘au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘débouté M. Y Z de ses demandes au titre du rappel de 13e mois pour les années
2016, 2017 et 2018 et de dommages-intérêts pour violation du droit fondamental d’ester en justice,
‘condamné le X. au entier frais et dépens.
Par ordonnance du 3 février 2020 un médiateur judiciaire a été désigné, aux frais partagés entre les parties, ce pour une mission de 3 mois.
Par ordonnance du 5 mars 2020, le président de la chambre sociale en a cependant constaté l’échec et partant a constaté la fin de la médiation judiciaire.
Dans ses conclusions transmises par voie électronique le 17 octobre 2019, M. Y Z demande à la cour de :
‘déclarer son appel recevable,
‘statuant à nouveau juger que son contrat à durée indéterminée doit porter sur une rémunération mensuelle de 4244 ‘ à laquelle se rajoutera le 13e mois du fait de la requalification en CDI,
‘condamner le X. à lui payer un montant de 12’732 ‘ à titre de rappel de 13e mois pour les années 2016, 2017 et 2018,
‘condamner le X. à lui payer un montant de 10’000 ‘au titre de l’indemnité de requalification sur le fondement de l’article L 1245’2 du code du travail,
‘juger qu’il doit être classé au grade J échelon 5,
‘condamner le X. aux dépens ainsi qu’à lui payer 3000 ‘sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions transmises par voie électronique le 14 avril 2020, le X. demande à la cour de :
‘déclarer son appel incident recevable,
‘infirmer le jugement en ce qu’il a dit et jugé que le contrat à durée indéterminée devait porter sur une rémunération mensuelle de 2645 ‘ bruts sur 13 mois pour un taux d’activité de 57,20 % et en ce qu’il a condamné à payer une indemnité de 1500 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘statuant à nouveau dans cette limite, débouter M. Y Z de ses demandes,
‘juger que le contrat à durée indéterminée porte sur une rémunération mensuelle de 2684,25 euros bruts sur 13 mois pour un taux d’activité de 54 %,
‘dire n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
‘condamner M. Y Z aux dépens.
Après rabat de l’ordonnance de clôture du 14 octobre 2020, et dépôt de pièces complémentaires par l’intimé, la clôture est intervenue en dernier lieu le 1er septembre 2021.
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des partie
auxquelles il est référé, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé de leurs moyens et prétentions ;
MOTIFS
Considérant les prétentions des parties, il convient de rappeler que le jugement est définitif sur le principe de la requalification du contrat de M. Y Z en contrat à durée indéterminée ainsi que sur le rejet de la demande d’indemnité pour violation du droit fondamental d’ester en justice.
Sur la classification de l’emploi de M. Y Z :
Il est de principe constant que la classification est fonction du poste effectivement occupé et des missions et taches effectives de M. Y Z sur lequel pèse la charge de la preuve.
M. Y Z soutient que la classification retenue n’a aucun fondement légal ou conventionnel et revendique la classe J.
Le X. lui oppose l’accord collectif d’entreprise lequel regroupe sous le libellé ‘réalisateurs’ plusieurs situations d’emploi très différentes (4 catégories). Par ailleurs, le X. conteste les affirmations de l’appelant selon lesquelles il aurait été à l’origine de ‘réalisation d’émissions pour le compte d’C’ ou encore de ‘tournages’.
En l’espèce, l’ensemble des contrats et fiches de paie de M. Y Z se rapporte à la fonction de ‘réalisateur’.
Ont été successivement appliqués, dans les relations contractuelles entre les parties :
— la convention du 10 septembre 1997 et tous ses avenants éventuels, convention portant sur le corps social de l’accord d’entreprise pour le personnel intermittent entrée en vigueur le 1er novembre 1997,
— et l’accord collectif national étendu à la branche de la télédiffusion du 22 décembre 2006 modifié par avenants et par l’accord collectif d’entreprise d’adaptation de l’accord Télédiffusion du 25 août 2015, dont les dispositions se sont substituées par la volonté des parties signataires aux dispositions préexistantes moins favorables.
Aux termes de cet accord, les parties rappellent à l’instar du moyen du X., que la liste des métiers est répertoriée en annexe 1 et qu’elle ne déroge pas aux listes prévues par l’accord collectif national.
Le titre IV de l’accord de 2006 permet de classer la fonction de ‘réalisateur’ dans la filière ‘C
– réalisation’, chaque fonction étant alors classée en 8 niveaux par référence à trois critères : le niveau de formation, la technicité, la responsabilité/l’autonomie.
(Pièce 4 de X.)
En son article IV-6.1, l’accord collectif de 2015 rappelle que le ‘recours à la fonction de réalisateur recouvre des situations de travail et des objets très différents que l’on peut distinguer en plusieurs contextes et donc finalités d’emploi très différentes’. (Pièce 1 de X.)
L’accord ajoute que ‘les différences de situation entre les diverses catégories de réalisateurs justifient de façon objective et pertinente la différence de traitement entre les salariés, sans méconnaître le principe ‘ à travail égal, salaire égal’.’
Le X. produit la fiche de définition des catégories de ‘réalisateur’ ayant servi de base aux négociations de l’accord d’adaptation de 2015 (pièce 1bis 2014/2015).
M. Y Z qui a abandonné dans ses écritures le moyen tiré de la comparaison avec M. X qu’il n’évoque plus au soutien de cette prétention, expose qu’il est titulaire d’un diplôme de réalisateur; qu’il a réalisé des émissions pour le compte d’C ou procédé à des habillages d’image ; qu’il a effectué des tournages pour tous les festivals d’été.
Cependant M. Y Z qui produit pour seule pièce un feuillet de grille des salaires (pièce 3) ne produit aucune pièce se rapportant aux fonctions qu’il a réellement et effectivement occupées.
M. Y Z ne peut donc se référer à son seul niveau de diplôme ou encore à son poste d’enseignant à la faculté de Strasbourg pour justifier d’une classification supérieure.
En réalité, M. Y Z ne produit aucune pièce susceptible d’établir qu’il aurait exercé des fonctions de ‘réalisateur d’émission en flux direct, réalisateur d’émissions inédites produites dans les conditions du direct ou de réalisateur d’éléments ou de présentations destinés à être post produits’ notamment au regard de la technicité et des niveaux de responsabilité et/ou d’autonomie décrits dans la fiche de définition des catégories de réalisateurs.
En conséquence, il y a lieu de retenir, par confirmation du jugement, que M. Y Z occupait une fonction de ‘réalisateur de post-production’ catégorie d’emploi ainsi décrite :
‘exemple : fabrication des éléments d’habillage et d’autopromotion des contenus diffusés/distribués par la chaîne en assemblant/composant des extraits existants ; réalisation des rubriques intégrées dans les magazines.
Point fort de ce type de mission : à partir d’extraits ou d’images disponibles, composer une narration, assurer leur assemblage et la supervision de la postproduction nécessaires à la finalisation du produits et de ses différentes déclinaisons.’
En réalité, le X. fait pertinemment ressortir qu’en application de la procédure d’évaluation et de classification des postes selon les niveaux H – niveau fondamental, I – niveau confirmé et J – niveau Expertise, le poste de ‘réalisateur de post production de M. Y Z n’avait pas encore fait l’objet de l’évaluation au contraire des postes par exemple, de ‘réalisateurs de plateaux’.
Finalement, il ressort des dernières pièces produites qu’à l’occasion de la réunion ‘évaluation et classification’ du 9 avril 2021, deux positionnements de grade ont été retenus par les organes paritaires : le grade H et I (Pièces 16 à 18), M. Y Z s’étant vu proposer un grade I.
Au surplus, il convient d’observer qu’au regard de la description des postes, la classification en grade H ou I n’exclut pas une certaine technicité, de sorte que l’argument de M. Y Z selon lequel le X. ‘aurait dans ses écritures, reconnu la technicité de son poste qui requiert à la fois un sens artistique et technique’ est finalement sans emport.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a débouté M. Y Z de sa demande de classification en grade J échelon 5.
Sur la durée du travail (taux d’activité) :
Il est de principe que la requalification d’un contrat à durée déterminée en durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles sur sa durée, sauf pour le salarié à rapporter la preuve de ce qu’il s’est tenu à la disposition permanente de l’employeur pendant les périodes interstitielles.
Le conseil de prud’hommes a requalifié le contrat de travail de M. Y Z en contrat à temps partiel sur la base d’un taux d’activité de 57,20 %.
Le principe de la requalification en contrat à temps partiel n’est pas discuté, seul est discuté par la voie de l’appel incident, le taux d’activité que la société estime devoir être fixé à 54 %.
Il ressort, tel que rappelé par les premiers juges, du tableau produit par M. Y Z un nombre moyen de jours travaillés de 115 jours par an entre 2000 et 2018 sans que celui-ci ne puisse invoquer un nombre de 148 jours travaillés, sur la seule année 2015, comme unique chiffre de référence.
Le X. considère qu’il faut prendre en considération le nombre de jours travaillés sur la période de référence, à l’instar de la période de référence retenue pour le calcul du salaire de référence et de l’indemnité de requalification, soit 108 jours sur les douze derniers mois précédant la saisine du conseil de prud’hommes le 15 octobre 2018.
Dans l’hypothèse d’une requalification d’un CDD en CDI, cette requalification est rétroactive de sorte que le CDD n’est censé n’avoir jamais existé, la relation contractuelle étant qualifiée à durée indéterminée depuis l’origine.
Or, aucune disposition n’impose de se limiter aux seuls douze derniers mois, pour apprécier la durée du temps de travail et qualifier le contrat de temps partiel ou temps complet.
Il convient donc de retenir un nombre de jours travaillés moyen de 115 par an.
M. Y Z fait grief aux premiers juges d’avoir rapporté ce nombre moyen de jours travaillés au forfait annuel de 201 jours hors de toute base légale ou conventionnelle alors qu’il aurait fallu, selon lui, faire application du forfait réduit de 174 jours.
Or, le X. verse au débat l’avenant de révision de l’accord collectif d’entreprise initialement signé le 13 avril 2000 et modifié le 29 juillet 2006.
Si l’accord initial et son premier avenant ne sont pas produits, l’avenant de révision signé le 29 septembre 2017 prévoit l’application du forfait réduit aux ‘réalisateurs d’émissions de plateau’ du service Productions exécutives, à l’exclusion de toute autre catégorie de réalisateurs, ce pour tenir compte de ‘contraintes particulières exigées pour la continuité de fonctionnement de service’.
Les premiers juges ont donc fait une exacte application de ces dispositions en retenant que la durée du travail de M. Y Z devait être appréciée en rapport avec le forfait cadre de 201 jour par an.
Par conséquent le taux d’activité doit être fixé à 57,20% , ce qui commande la confirmation du jugement.
Sur le droit à un 13e mois
M. Y Z fait grief aux premiers juges de l’avoir débouté sans motiver leur décision.
Le X. soutient que les dispositions conventionnelles ne prévoient pas de prime de 13e mois et ajoute que la requalification ne portant que sur le salaire moyen prévu au contrat précédédant la saisine, M. Y Z ne peut y prétendre.
En l’espèce, l’avenant de révision de l’accord collectif d’entreprise régissant le régime salarial en date du 13 décembre 2012 (pièce 8) prévoit qu’il ne s’applique pas aux intermittents lesquels bénéficient de dispositions conventionnelles spécifiques (article V-1 page 3).
M. Y Z qui prétend à l’octroi de cette prime de 13e mois ne produit aucune pièce s’y rapportant.
En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a débouté M. Y Z de cette demande.
Sur l’indemnité de requalification :
Par application des dispositions de l’article L 1245-2 code du travail l’indemnité de requalification ne peut être inférieure à un mois de salaire.
M. Y Z soutient que l’indemnité allouée par les premiers juges à hauteur de 3000 euros est insuffisante au regard de la précarité dans laquelle il s’est trouvé pendant 22 ans.
Le X. objecte que l’indemnité de 3000 euros est suffisante, sur la base d’un salaire moyen de 2684,25 euros.
En réalité, M. Y Z ne produit aucune pièce à hauteur de cour qui permettrait de considérer que les premiers juges ont insuffisamment évalué le montant de cette indemnité. Par conséquent l’allocation d’une somme de 3000 euros qui assure la réparation adéquate de son préjudice, doit être confirmée.
M. Y Z qui succombe en son appel principal, supportera les dépens de l’instance d’appel, le jugement étant confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.
L’équité commande en revanche, de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de le X.. Sa demande sera donc rejetée ainsi que la demande de M. Y Z au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,
DÉCLARE RECEVABLES l’appel interjeté par M. Y Z et l’appel incident de le X. ;
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
CONDAMNE M. Y Z aux dépens d’appel ;
DEBOUTE M. Y Z et le X. de leurs demandes au titre des frais irrépétibles d’appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 15 juin 2021, et signé par M. EL IDRISSI Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, et Mme Martine THOMAS Greffier.
Le Greffier, Le Président