Requalification du contrat de pigiste : comment calculer la prescription ?

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Requalification du contrat de pigiste : comment calculer la prescription ?
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Le calcul de la prescription ne commence pas le jour de la signature du premier contrat de pigiste mais le jour de la connaissance de la contestation par l’employeur de la qualité de salarié du pigiste. En l’occurrence, l’action n’était pas prescrite au moment de la saisine du conseil de prud’hommes.  

La prescription de l’action en requalification en CDI du contrat de pigiste relève de l’article 2240 du code civil.  L’article L. 1471-1 du code du travail en sa version applicable du 17 juin 2013 au 24 septembre 2017 dispose que ‘Toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.’

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRET DU 16 JUIN 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/11385 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6RBS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Septembre 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° 15/11013

APPELANTE

SARL AGENCE REUTER agissant poursuites et diligences en la personne de son Gérant.

[…]

Représentée par Me Jeannie CREDOZ-ROSIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461

INTIME

Monsieur Y X

[…]

Représenté par Me Marie-Laure DOSÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0802

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 mai 2021, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre, et Monsieur Stéphane THERME, Conseiller, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en leur rapport, composée de :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Pauline MAHEUX, lors des débats

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Pauline MAHEUX, Greffière présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. X a été rémunéré par l’agence de presse Reuter, comme reporter pigiste, à compter du mois d’août 1991,

Le 31 juillet 2014, M. X a reçu une lettre de l’agence l’informant qu’il n’était plus nécessaire de continuer à proposer des piges et de la fin de tout versement effectué à ce titre à compter du 1er septembre 2014.

La société emploie plus de onze salariés.

La convention collective des journalistes est applicable.

M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 22 septembre 2015, aux fins de demander la requalification de la relation en contrat de travail et des indemnités de rupture.

Par jugement du 13 septembre 2018 le conseil de prud’hommes, statuant en formation de départage, a :

Dit que la relation de travail entre M. X et l’Agence Reuter était une relation de travail salarié,

Dit que le licenciement de M. X est sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence, condamné la société Agence Reuter à payer à M. X les sommes suivantes:

—  33 705 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

—  4 894 euros à titre d’indemnité de préavis ;

—  40 500 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

—  37 584 euros à titre de rappel de salaire ;

—  1500 euros au titre de 1’article 700 du code de procédure civile.

Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

Ordonné 1’exécution provisoire du jugement

Condamné la société Agence Reuter aux dépens.

La société Agence Reuter a formé appel le 10 octobre 2018, précisant les chefs contestés.

Dans ses conclusions déposées au greffe et signifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 04 juillet 2019, auxquelles la cour fait expressément référence, la société Agence Reuter demande à la cour de :

In limine litis et à titre principal :

— Constater qu’il n’existait entre M. X et la Société aucun contrat de travail;

En conséquence :

— Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes, qui s’est déclaré compétent pour statuer sur les demandes de M. X ;

— Dire et juger que la juridiction prud’homale est incompétente et renvoyer les parties devant le tribunal de grande instance ;

A titre subsidiaire :

— Déclarer l’action de M. X irrecevable car prescrite ;

A titre infiniment subsidiaire :

— Constater que la rupture du contrat de travail de M. X repose sur un motif réel et sérieux ;

— Constater que les demandes formées par M. X au titre du non-respect du minimum conventionnel sont mal fondées ;

En conséquence :

— Infirmer le jugement entrepris ;

— Débouter M. X de l’ensemble de ses demandes liées à la rupture de son contrat de travail ;

— Débouter M. X de ses demandes au titre au titre du non-respect du minimum conventionnel ;

A titre très infiniment subsidiaire :

— Constater que les demandes formées par M. X au titre de la rupture de son contrat de travail sont en tout état de cause excessives ;

En conséquence :

— Infirmer le jugement entrepris ;

— Dire et juger que les demandes formées par M. X au titre de la rupture de son contrat de travail devront en tout état de cause se limiter aux montants suivants :

. 8 573,83 euros bruts à titre de rappel de salaires ;

. 5 330,57 euros bruts à titre d’indemnité légale de licenciement ;

. 8 416,98 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause :

— Condamner M. X à verser à la société Agence Reuter la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens et débouter M. X de ses demandes à ce titre.

Dans ses conclusions déposées au greffe et signifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 04 avril 2019 auxquelles la cour fait expressément référence M. X demande à la cour de :

Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en date du 13 septembre 2018 et :

Constater que la relation de travail entre M. X et la société Agence Reuter était une relation de travail salarié ;

Constater que le salaire versé par la société Agence Reuter à M. X ne respectait pas le minimum conventionnel ; Constater que le licenciement de M. X est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence :

Condamner la société Agence Reuter à verser à M. X la somme de 93 426,46 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

Condamner la société Agence Reuter à verser à M. X la somme de 4 894 euros à titre d’indemnité de préavis ;

Condamner la société Agence Reuter à verser à M. X la somme de 58 728 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant de l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement ;

Condamner la société Agence Reuter à verser à M. X la somme de 37 584 euros au titre de rappels de salaire ;

Condamner la société Agence Reuter à verser à M. X la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect par l’employeur de ses obligations conventionnelles.

Condamner la société Agence Reuter à verser à M. X la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel, outre la somme de 1 500 euros alloués par le juge de première instance.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 mars 2021.

MOTIFS :

Sur la compétence de la juridiction

En application de l’article L.1411-1 du code du travail, la juridiction prud’homale est compétente pour connaître des différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail.

M. X A la qualité de salarié de la société Agence Reuter, la juridiction saisie est compétente pour connaître de la présente instance.

Le conseil de prud’hommes n’ayant pas statué sur l’exception d’incompétence, il sera ajouté au jugement.

Sur la requalification en contrat de travail

La société Agence Reuter invoque en premier lieu la prescription de l’action en requalification, sur le fondement des dispositions de l’article 2240 du code civil, faisant valoir que l’action aurait commencé à se prescrire au début des relations, soit en août 1991.

L’article L. 1471-1 du code du travail en sa version applicable du 17 juin 2013 au 24 septembre 2017 dispose que ‘Toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.’

M. X a exercé au profit de l’appelant pendant de nombreuses années, sans que sa qualité ait été contesté ou remise en cause. Il a contesté le licenciement et formulé des demandes consécutives après le courrier de la société Agence Reuter du 31 juillet 2014 qui a mis fin à la relation contractuelle, puis le courrier du 8 septembre 2014 dans lequel son employeur conteste l’existence d’un contrat de travail, qui constituent le moment où il a connaissance de la contestation de sa qualité de salarié et ainsi le point de départ de la prescription de son action.

L’action n’était pas prescrite au moment de la saisine du conseil de prud’hommes le 22 septembre 2015.

L’article L. 7111-3 du code du travail dispose que ‘Est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.’

L’article L. 7112-1 du code du travail dispose que ‘Toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail.

Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties.’

M. X invoque la présomption de l’article L. 7112-1 du code du travail.

La société Agence Reuter est une entreprise de presse.

Pour justifier de sa qualité de journaliste professionnel M. X produit la copie de cartes de presse de 1999 à 2013, les bulletins de salaire édictés par la société Agence Reuter du mois de septembre 1991 au mois d’août 2014 qui indiquent la qualité de reporter, ses avis d’imposition des années 2009 à 2014.

M. X justifie ainsi d’une activité continue en qualité de reporter, au profit d’une entreprise de presse, pendant de très nombreuses années.

L’appelante fait valoir que les montants annuels de rémunération indiqués sur le relevé de carrière de l’assurance vieillesse édité le 15 mars 2012 ne correspondent pas aux autres justificatifs, sont de montants supérieurs à ceux des avis d’imposition, ce qui indique que des ressources d’autres natures sont perçues par M. X. Pour autant, la rémunération versée chaque année par la société Agence Reuter a toujours constitué la plus grande partie des ressources perçues par M. X. Ainsi sur l’avis d’imposition le montant annuel perçu pour l’année 2008 est de 9 852 euros, pour un montant total de 15 010 euros sur le relevé de carrière, de 12 750 euros en 2009 sur l’avis d’imposition pour un montant de 18 356 euros sur le relevé de carrière, de 12 759 euros en 2010 sur l’avis d’imposition, pour un montant de 15 530 euros sur le relevé de carrière, de 9129 euros en 2011 pour un montant de 4 508 euros pour les deux premiers trimestres. Le cumul de rémunération imposable mentionné est de 10 437 euros sur le bulletin de paie de novembre 2008, de 9 884 euros sur le bulletin de paie de novembre 2009, de 11 579 euros pour le mois de décembre 2010 et de 13 051 euros pour le mois de décembre 2011.

Il résulte de ces éléments que M. X B le principal de ses ressources de son activité exercée

pour le compte de la société Agence Reuter et bénéficie ainsi de la présomption d’existence d’un contrat de travail de l’article L. 7112-1 du code du travail.

La société Agence Reuter conteste l’existence du contrat de travail, sans produire d’élément renversant cette présomption, notamment que M. X exerçait en toute indépendance.

Les deux mails produits par l’appelant sont relatifs à l’organisation des articles entre différents intervenants, notamment concernant les événements sportifs, qui démontrent des relations régulières sans établir l’absence de lien de subordination.

La relation entre M. X et la société Agence Reuter doit être qualifiée de contrat de travail.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le rappel de salaire

M. X demande un rappel de salaire, dans les limites de la durée de la prescription, faisant valoir que la convention collective prévoit un salaire minimum mensuel pour la fonction de reporter.

La société Agence Reuter fait valoir que la convention collective prévoit des dispositions spécifiques concernant la rémunération des pigistes.

Si les bulletins de paie de M. X indiquent un emploi de reporter, ils font état de la qualification de pigiste, de façon constante depuis l’origine jusqu’au mois d’août 2014. L’intimé ne conteste pas cette qualification, faisant par ailleurs expressément valoir que la pige est un mode de rémunération et que le salarié rémunéré à la pige bénéficie de la présomption de contrat de travail.

La convention collective des journalistes prévoit des dispositions spécifiques concernant la rémunération des pigistes, notamment en matière de calcul de prime d’ancienneté, la grille de rémunération fonctionnelle n’étant pas applicable.

Il incombe à celui qui invoque le bénéfice d’une catégorie professionnelle de démontrer qu’il occupait la fonction revendiquée et en exerçait les attributions.

Les éléments produits démontrent que M. X a exercé en qualité de pigiste, et non comme reporter permanent.

La grille de rémunération invoquée par M. X ne lui est pas applicable.

La demande de rappel de salaire formée par M. X doit être rejetée.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

M. X demande le versement d’une indemnité au titre du versement d’un salaire inférieur au minimum conventionnel pour la période antérieure à la période non couverte par la prescription des salaires.

Il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande d’indemnité, qui tend à contourner la fin de non-recevoir de la prescription.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le licenciement

M. X fait valoir qu’il a fait l’objet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il a été mis fin aux fonctions de M. X par courrier du 31 juillet 2014 dans lequel la société Agence Reuter indique :

‘ La production d’informations sur le fil s’est progressivement réduite au cours des dernières années en raison d’un marché de la presse qui n’a cessé de décliner depuis la crise de 2009. La concurrence toujours plus forte des nouvelles plateformes « new média », la hausse des coûts de production et de distribution ou encore, la baisse des dépenses publicitaires sont autant de difficultés auxquelles l’Agence Reuter, et plus généralement, l’industrie de la presse ont dû faire face. Ce contexte, déjà morose, s’est encore un peu plus dégradé en 2013 ce qui nous a d’ailleurs contraints, afin de sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité Média du groupe Thomson Reuter, de recentrer nos activités Média sur notre coeur de métier au détriment de la couverture sportive que nous assurions jusqu’alors. Nous avons ainsi décidé de fermer le service Sport en langue française et de supprimer les postes qui lui étaient dédiés au sein de l’Agence. Dans ce contexte, il n’apparaît plus nécessaire que vous continuiez à nous proposer des piges sport à l’avenir.’ Elle ajoute qu’il sera mis fin à tout versement à ce titre à compter du 1er septembre 2014.

Ce courrier équivaut à une lettre de licenciement et il convient d’apprécier si le licenciement a une cause réelle et sérieuse.

La société Agence Reuter a mis en place un plan de sauvegarde de l’emploi dans le cadre d’une procédure de licenciements collectifs pour motif économique, qui a été homologué par la DIRECCTE le 2 avril 2014. Le document d’information remis au comité d’entreprise précise les éléments de contexte économique et la ré-organisation de l’entreprise, notamment l’arrêt de l’activité du journalisme sportif et la suppression des postes de ce secteur.

Le licenciement est ainsi justifié par un motif réel et sérieux.

L’article L.1233-4 du code du travail dans sa rédaction applicable l’instance dispose que : ‘Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient.

Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.’

Pour justifier avoir rempli son obligation de reclassement, la société Agence Reuter produit un mail interne à l’entreprise Thomson Reuter dans lequel Mme L indique à M. M qu’il n’y a pas de poste ouvert en France ou à l’étranger susceptible de correspondre aux compétences et qualification des huit pigistes pour lesquels la fin de collaboration est envisagée. Il n’a pas été adressé par la société Agence Reuter mais par une entreprise du groupe, sans indiquer qu’il concerne M. X, ni faire référence à son parcours professionnel et à ses compétences. Le tableau qui est joint indique une liste de postes à la recherche effectuée en anglais ‘correspondent’ de Thomson Reuter, sans établir qu’il n’y avait pas de poste disponible au sein de la société Agence Reuter, ni d’autre possibilité de reclassement.

L’appelante ne démontrant pas qu’elle a respecté son obligation de reclassement, le licenciement de M. X est dénué de cause réelle et sérieuse, le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les conséquences financières

Sur l’indemnité compensatrice de préavis

Compte tenu de l’ancienneté de M. X, la durée du préavis prévu par la convention collective est de deux mois.

Selon les fiches de paie de l’année 2014, M. X aurait perçu une rémunération brute mensuelle de 1402,83 euros. La société Agence Reuter doit être condamnée à lui verser la somme de 2 805,66 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l’indemnité de licenciement

M. X demande une indemnité de licenciement sur le fondement des dispositions de l’article L.7112-3 du code du travail.

L’article L.7112-2 du code du travail dispose que ‘Dans les entreprises de journaux et périodiques, en cas de rupture par l’une ou l’autre des parties du contrat de travail à durée indéterminée d’un journaliste professionnel, la durée du préavis, sous réserve du 3° de l’article L. 7112-5, est fixée à :

1° Un mois pour une ancienneté inférieure ou égale à trois ans ;

2° Deux mois pour une ancienneté supérieure à trois ans.

Toutefois, lorsque la rupture est à l’initiative de l’employeur et que le salarié a une ancienneté de plus de deux ans et de moins de trois ans, celui-ci bénéficie du préavis prévu au 3° de l’article L. 1234-1.”

L’article L.7112-3 du code du travail dispose que ‘Si l’employeur est à l’initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d’année de collaboration, des derniers appointements. Le maximum des mensualités est fixé à quinze.’

L’article L.7112-4 du code du travail prévoit la mise en place d’une commission lorsque l’ancienneté excède quinze années.

Il résulte de ces articles que seules les personnes liées par un contrat de travail à une entreprise de journaux et périodiques peuvent bénéficier de cette indemnité de licenciement spécifique.

La société Agence Reuter n’ayant pas une activité de journaux et périodiques, M. X n’est pas fondé à demander l’indemnité de licenciement calculée selon ces modalités, mais qui doit être calculée selon les articles L.1234-9 et R.1234-2 du code du travail.

La moyenne de la rémunération perçue par M. X au cours des douze derniers mois est de 1 427,83 euros, plus importante que celle des trois derniers mois. Compte tenu de l’ancienneté de M. X le montant de l’indemnité légale de licenciement est de 5 330,57 euros.

M. X fait valoir que l’accord collectif signé par la société Agence Reuter dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi prévoit le versement d’une indemnité, en plus de l’indemnité légale.

La société Agence Reuter conteste en premier lieu l’application du PSE à M. X, au motif de l’absence de contrat de travail. Subsidiairement elle indique que le montant n’est pas celui qui est sollicité.

L’article 6.2 du PSE intitulé ‘indemnité supra-conventionnelle versée à la rupture du contrat prévoit :’Une indemnité supra-conventionnelle sera allouée, elle sera calculée comme suit :

Pour le salarié soumis exclusivement à la convention collective des journalistes 2/3 mois de salaire (moyenne fixe plus primes/variable) par année complète d’ancienneté plafonnée à 15 mois d’ancienneté, en complément de l’indemnité conventionnelle de licenciement.

Etant entendu, que le total des indemnités perçues au titre des articles 6.1 (indemnité légale de licenciement) et 6.2 ci-dessus ne pourra dans tous les cas être inférieure à 6 mois de salaires bruts ni excéder 27 mois de salaire bruts.’

Dans l’article 6.1, le PSE fait référence à l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, prévu par l’article L.7112-3 du code du travail, qui ne s’applique pas à M. X, ne s’appliquant qu’aux entreprises de journaux et périodiques. L’indemnité supplémentaire s’ajoute ainsi à l’indemnité légale prévue aux articles L.1234-9 et R.1234-2 du code du travail.

Le revenu de référence étant de 1 519,73 euros, l’indemnité conventionnelle est de 15 197,29 euros qui s’ajoute à l’indemnité légale.

L’indemnité de licenciement est ainsi de 20 527,86 euros. La société Agence Reuter doit être condamnée au paiement de cette somme.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L’indemnité de licenciement prévue par l’article L1235-3 du code du travail applicable à l’instance ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

M. X avait une ancienneté de 23 années et percevait un revenu mensuel de 1402,83 euros au cours des derniers mois. Il ne produit pas d’éléments sur sa situation professionnelle.

L’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera fixée à la somme de 15 000 euros.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

En application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail la société Agence Reuter doit être condamnée à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage payées entre le jour du licenciement et le jugement, dans la limite de trois mois.

Sur les intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes, soit le 24 septembre 2015 et les dommages et intérêts alloués à compter de la présente décision.

La cour ne statuant que sur les prétentions du dispositif des conclusions, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande d’anatocisme sollicité par l’intimé dans a partie de discussion des moyens.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société Agence Reuter qui succombe supportera les dépens et sera condamnée à verser à M. X la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en plus de l’indemnité allouée en première instance, qui sera confirmée.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

INFIRME le jugement du conseil des prud’hommes, sauf en ce qu’il a retenu l’existence d’une relation de travail salarié, a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, a rejeté la demande d’indemnité au titre du versement d’un salaire inférieur au minimum conventionnel pour la période antérieure à la période non couverte par la prescription des salaires et a condamné la société Agence Reuter à verser à M. X la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DIT la juridiction compétente pour connaître du litige,

DIT l’action recevable,

DÉBOUTE M. X de sa demande de rappel de salaire,

CONDAMNE la société Agence Reuter à payer à M. X les sommes suivantes :

—  2 805,66 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

—  20 527,86 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

—  15 000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DIT que les créances salariales sont assorties d’intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2015 et les dommages et intérêts alloués à compter de la présente décision,

ORDONNE à la société Agence Reuter de rembourser au Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. X , du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de trois mois des indemnités versées,

CONDAMNE la société Agence Reuter aux dépens,

CONDAMNE la société Agence Reuter à payer à M. X la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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