Requalification du CDD d’usage de scénographe
Requalification du CDD d’usage de scénographe
Ce point juridique est utile ?

Une scénographe adjoint employée par l’établissement du parc et de la grande halle de la Villette a obtenu la requalification de ses CDD d’usage en un CDI pour non-respect des conditions de forme.

Recours aux CDD d’usage

Selon l’article L.1242-2 de ce code dans sa rédaction applicable en la cause, un contrat à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas qu’il énumère et parmi lesquels figure notamment le remplacement d’un salarié en cas d’absence, de suspension de son contrat de travail ou d’attente de l’entrée en service effective du salarié recruté par un contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer.

En cas de litige sur le motif du recours, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat à durée déterminée.

Ensuite, dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié.

Cependant, l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours l’utilisation de contrats successifs était justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

La détermination par accord collectif de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée d’usage ne peut imposer ce recours et ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l’existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné.

CDD d’usage de scénographe

En l’espèce, les relations contractuelles sont régies par l’accord du 24 juin 2008 relatif à la politique contractuelle dans le spectacle vivant public et privé et l’activité déployée dans le cadre des contrats appartient au secteur des spectacles visé expressément par l’article D.1242-1 du code du travail. Il ressort de l’article 3.3 et de l’annexe C que le recours au contrat à durée déterminée d’usage est autorisé pour le scénographe et le scénographe adjoint à condition que l’emploi soit temporaire.

L’examen des pièces produites au débat par la salariée établissait que les contrats à durée déterminée ont mentionné le motif de recours du surcroît de travail liée à une compagnie et/ou un spectacle particulier et ce pour la période du 30 novembre 2011 au 13 décembre 2013.

Dans de telles conditions, les motifs de recours doivent être considérés comme précis et la salariée parfaitement informée de ses conditions d’intervention. Il n’a pas été fait droit à la demande de requalification en contrat à durée indéterminée pour cette période.

Vice de forme emportant requalification

En revanche, la simple référence dans les contrats postérieurs s’agissant de l’objet de ceux-ci à la nature de contrat dit d’usage régularisé dans le cadre de l’article D. 1242-1 du code du travail, à l’exception de toute mention relative au motif de recours à ce type de contrat qui ne peut résulter à elle seule de la nature de l’activité de l’employeur, a été jugée insuffisante.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRET DU 16 JUIN 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/12617 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6WJY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Octobre 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F18/02715

APPELANTE

Madame A X

[…]

[…]

Représentée par Me Frédéric CHHUM, avocat au barreau de PARIS, toque : A0929

INTIMEE

EPIC ETABLISSEMENT PUBLIC DU PARC ET DE LA GRANDE HALLE DE LA VILLETTE

[…]

[…]

Représentée par Me Frédéric ZUNZ, avocat au barreau de PARIS, toque : J153

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Avril 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Graziella HAUDUIN, présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Graziella HAUDUIN, présidente de chambre

Mme Françoise SALOMON, présidente de chambre

Madame Valérie BLANCHET, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Anouk ESTAVIANNE

ARRÊT :

— contradictoire

— mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

— signé par Madame Graziella HAUDUIN, présidente et par Madame Anouk ESTAVIANNE greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu le jugement en date du 4 octobre 2018 par lequel le conseil de prud’hommes de Paris, saisi le 10 avril 2018 par Mme A X du litige l’opposant à l’établissement du parc et de la grande halle de la Villette, son ancien employeur, a débouté la salariée de l’ensemble de ses demandes, débouté l’employeur de sa demande d’article 700 du code de procédure civile et a condamné Mme X aux dépens.

Vu l’appel interjeté le 2 novembre 2018 par Mme X de cette décision qui lui a été notifiée le 12 octobre précédent.

Vu les conclusions des parties auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel.

Aux termes des dernières conclusions transmises le 16 février 2021 par voie électronique, Mme X demande à la cour de dire et juger son appel recevable et bien fondé ;

— Infirmer l’intégralité du jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 4 octobre 2018 ;

Statuant à nouveau,

— Constater que Mme A X est employée de manière régulière et continue par l’Établissement Public du Parc et de la Grande Halle de la Villette depuis le 30 novembre 2011 ;

— Constater que les CDD d’usage de Mme A X ne respectent pas les prescriptions légales des articles L.1242-1 et L.1242-2 du code du travail ;

— Constater que l’emploi de scénographe Adjoint de Mme A X relève de l’activité normale et permanente de l’entreprise ;

— Constater que Mme A X est à la disposition permanente de l’ Établissement Public du Parc et de la Grande Halle de la Villette entre deux contrats ;

En conséquence,

Sur la requalification des cdd d’usage de Mme X en CDI a temps plein :

— Requalifier les CDD de Mme A X en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet avec reprise d’ancienneté au 30 novembre 2011 (1er CDD irrégulier) et un salaire mensuel brut de base de 3.502,28 euros bruts ;

— Condamner l’établissement Public du Parc et de la Grande Halle de la Villette à payer à Mme A X les sommes suivantes :

o 10 000 euros bruts à titre d’indemnité de requalification ;

o 56 783,20 euros bruts à titre de rappel de salaires du fait de la disposition permanente de Mme A X durant les périodes intercalaires entre le 1er avril 2015 et le 7 juin 2018 ;

o 5 678,32 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

o 470,75 euros bruts à titre de rappel de salaires entre le 16 novembre 2015 et le 23 juillet 2017 ;

o 47,07 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

o 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

Sur la nullité de la rupture du contrat de travail de Mme X du 7 juin 2018 :

— Dire et juger que la rupture orale du contrat de travail de Mme A X

du 7 juin 2018 s’analyse en un licenciement nul car intervenu à titre de rétorsion suite à sa saisine prud’homale et en méconnaissance de la liberté fondamentale d’agir en justice constitutionnellement garantie (article 6-1 de la CEDH) ;

A titre principal,

— Ordonner la réintégration de Mme A X au sein de l’Établissement Public du Parc et de la Grande Halle de la Villette, en CDI à temps plein, en qualité de Scénographe Adjointe, pour une rémunération mensuelle brute de 3 502,28 euros et un ancienneté au 30 novembre 2011, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

— Condamner l’Établissement Public du Parc et de la Grande Halle de la Villette au paiement des sommes suivantes :

o 119 077,52 euros nets à titre d’indemnité d’éviction entre le 8 juin 2018 et le 7 avril 2021 ;

A titre subsidiaire,

— Dire et juger le barème de l’article L.1235-3 du code du travail inconventionnel ;

— Condamner l’établissement Public du Parc et de la Grande Halle de la Villette au paiement des sommes suivantes :

o 10 506,84 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

o 1 050,68 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

o 11 382,41 euros bruts à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

o 60 000 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement nul, et à titre infiniment subsidiaire, 60.000 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

o 21 013,68 euros nets à titre d’indemnité pour travail dissimulé (article L.8223-1 du code du travail) ;

Dans tous les cas,

— Condamner l’Établissement Public du Parc et de la Grande Halle de la Villette au paiement de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Notifier l’arrêt de la cour d’appel au Ministère de la Culture ;

— Ordonner la publication de l’arrêt à intervenir condamnant l’Établissement Public du Parc et de la Grande Halle de la Villette dans le

journal « Le Monde » et le journal « Libération » à compter de sa notification, sous

astreinte de 50 euros par jour de retard ;

— Ordonner les intérêts légaux pour les créances salariales à compter de la réception

par l’établissement Public du Parc et de la Grande Halle de la Villette de la convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes et pour les autres indemnités à compter du prononcé de la décision ;

— Ordonner la remise de bulletins de paie conformes pour la période d’avril 2015 à avril 2018, certificat de travail et attestation Pôle emploi rectifiés sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard ;

— Condamner l’établissement Public du Parc et de la Grande Halle de la Villette au paiement des dépens éventuels.

Aux termes des dernières conclusions transmises le 18 avril 2019 par voie électronique, l’établissement du parc et de la grande halle de la Villette demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme X de l’ensemble de ses demandes et statuant à nouveau de :

A titre principal

— Constater que le recours aux CDD est justifié

— Constater que Mme X travaillait bien à temps partiel et que sa durée de travail était mentionnée dans ses contrats de travail

— Constater que Mme X ne se trouvait pas à la disposition permanente de son employeur

— Constater l’absence de preuve de harcèlement moral

— Constater l’absence de violation de liberté fondamentale

En conséquence,

— Débouter Mme X de l’ensemble de ses demandes

A titre subsidiaire,

— Fixer le salaire de référence équivalent temps plein au salaire moyen prévu par la grille de référence et non au salaire maximum

— Constater que Mme X ne justifie pas du préjudice subi du fait de son licenciement

En conséquence,

— Limiter toute condamnation de l’établissement à verser à Mme X la somme de 39 252,84 euros au titre de la requalification en temps plein des contrats de travail

— Limiter toute condamnation de l’établissement à verser à Mme X la somme de

5 694,24 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

— Limiter toute condamnation de l’établissement à verser à Mme X la somme de

5 694,24 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, et 569,42 euros bruts au titre des congés payés afférents

— Limiter toute condamnation de l’établissement à verser à Mme X la somme de

6 168,76 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement

En tout état de cause,

— Condamner Mme X à verser à l’établissement la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du CPC

— Condamner Mme X aux entiers dépens.

Vu la clôture du 2 mars 2021 et la fixation de l’affaire à l’audience du 7 avril 2021.

SUR CE, LA COUR

Sur la requalification :

Mme X a été employée en qualité de scénographe adjoint par l’établissement du parc et de la grande halle de la Villette du 30 novembre 2011 au 13 décembre 2013 suivant contrats à durée déterminée et avenants non successifs, puis du 7 janvier 2014 au 7 juin 2018 suivant contrats à durée déterminée d’usage non successifs.

Le 10 avril 2018, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Paris pour obtenir la requalification des contrats précaires en contrat à durée indéterminée à temps complet et ses conséquences, ainsi que différentes sommes au titre de la durée du travail et de préjudices, toutes demandes rejetées par jugement dont appel.

Sur la requalification en contrat à durée indéterminée :

Selon l’article L.1242-2 de ce code dans sa rédaction applicable en la cause, un contrat à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas qu’il énumère et parmi lesquels figure notamment le remplacement d’un salarié en cas d’absence, de suspension de son contrat de travail ou d’attente de l’entrée en service effective du salarié recruté par un contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer.

En cas de litige sur le motif du recours, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat à durée déterminée.

Ensuite, dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que

des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié. Cependant, l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours l’utilisation de contrats successifs était justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi. La détermination par accord collectif de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée d’usage ne peut imposer ce recours et ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l’existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné.

Plus particulièrement, les relations contractuelles sont régies par l’accord du 24 juin 2008 relatif à la politique contractuelle dans le spectacle vivant public et privé et l’activité déployée dans le cadre des contrats appartient au secteur des spectacles visé expressément par l’article D.1242-1 du code du travail. Il ressort de l’article 3.3 et de l’annexe C que le recours au contrat à durée déterminée d’usage est autorisé pour le scénographe et le scénographe adjoint à condition que l’emploi soit temporaire.

En l’espèce, l’examen des pièces produites au débat par la salariée établit que les contrats à durée déterminée ont mentionné le motif de recours du surcroît de travail liée à une compagnie et/ou un spectacle particulier et ce pour la période du 30 novembre 2011 au 13 décembre 2013. Dans de telles conditions, les motifs de recours doivent être considérés comme précis et la salariée parfaitement informée de ses conditions d’intervention. Il ne sera pas fait droit à la demande de requalification en contrat à durée indéterminée pour cette période.

En revanche, la simple référence dans les contrats postérieurs s’agissant de l’objet de ceux-ci à la nature de contrat dit d’usage régularisé dans le cadre de l’article D. 1242-1 du code du travail, à l’exception de toute mention relative au motif de recours à ce type de contrat qui ne peut résulter à elle seule de la nature de l’activité de l’employeur, doit être tenue pour insuffisante.

Le jugement sera donc infirmé et les relations contractuelles requalifiées en contrat à durée indéterminée à partir du 7 janvier 2014.

Sur la requalification en temps plein :

En l’absence de contrat de travail écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, l’emploi est présumé à temps complet, à charge pour l’employeur de rapporter la preuve de la durée du travail convenue, c’est-à-dire non seulement sa durée exacte mais également sa répartition et que le salarié n’était pas dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il ne devait pas se tenir constamment à la disposition de l’employeur

En l’espèce, dès l’origine, Mme X a été engagée pour durant la durée variable du contrat accomplir un nombre d’heures de travail sur l’ensemble de la période sans aucune précision. Cette absence de précision dans les contrats a perduré jusqu’à la fin des relations contractuelles.

La preuve par l’employeur de la connaissance par la salariée dès la conclusion de chaque contrat ou avenant de renouvellement de la répartition des heures de travail ne peut résulter de l’attestation de M. Y, directeur technique, non corroborée et imprécise, celui-ci affirmant que durant une grande partie de ses périodes d’embauche elle a bénéficié à sa demande d’un planning sur quatre jours ou même de trois jours pour sa consacrer à son activité libérale et qu’elle a pu travailler occasionnellement sur ses projets personnels dans les bureaux de l’établissement. Les plannings produits par l’intimée sous les pièces numérotées 17,18 et 19 ne sont pas non plus de nature à démontrer que la salariée, qui au demeurant le conteste, connaissait à l’avance ses jours de travail durant la période d’emploi. Aussi, si les feuilles hebdomadaires produites par Mme X font apparaître à quelques reprises des horaires prévisionnels, il n’est pas justifié des conditions de leur remise à celle-ci. Enfin, il convient de constater qu’elle a été employée à de nombreuses reprises pour une durée égale à la durée hebdomadaire du travail qui a même été dépassée à plusieurs reprises.

Il s’ensuit que le jugement déféré sera infirmé et il sera fait droit à la demande de requalification à temps plein des contrats à durée déterminée jusqu’au 13 décembre 2013 et du contrat à durée indéterminée pour la période postérieure.

Sur la requalification et la demande de paiement au titre des périodes intercalaires :

En cas de requalification de contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il appartient au salarié, qui sollicite un rappel de salaires au titre des périodes non travaillées entre plusieurs contrats, d’établir qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur pendant les périodes interstitielles.

En l’occurrence, Mme X ne produit aucun élément justifiant qu’elle s’est tenue à la disposition de l’établissement pendant les périodes interstitielles séparant les contrats précaires. L’employeur démontre quant à lui que les salariés, dont Mme X, étaient consultés sur les différents spectacles et leur acceptation sollicitée et aussi que l’intéressée déployait d’autres activités indépendantes.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande en paiement de salaires durant les périodes intercalaires entre le 1er avril 2015 et le 7 juin 2018.

En revanche, il sera alloué à Mme X, par infirmation du jugement entrepris, une indemnité de requalification de 3 600 euros sur le fondement de l’article L. 1245-2 du code du travail.

Sur la demande de rappel de salaire et congés payés afférents :

Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Par ailleurs, de l’application des articles L.3121-10 et L.3121-20 du code du travail, il ressort que les heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de 35 heures réalisées et décomptées par semaine civile, sauf dérogation conventionnelle ou réglementaire.

En l’espèce, les éléments produits par la salariée, soit les feuilles d’heures hebdomadaire, ses agendas et ses tableaux récapitulatifs sont suffisamment précis sur les heures de travail accomplies. L’employeur ne verse au débat aucun élément de nature à les contredire.

Dès lors, il sera fait droit, par infirmation du jugement entrepris, à la demande en paiement d’un rappel de salaires et congés payés afférents de 470,75 euros bruts et de 47,07 euros bruts pour la période du 16 novembre 2015 au 23 juillet 2017.

Sur le travail dissimulé :

Aucun élément ne permet d’imputer à l’employeur une volonté manifeste de dissimuler le travail accompli par l’intéressée, celle-ci ayant par ailleurs été embauchée sous contrats de travail écrits et sans qu’il soit argué d’une quelconque défaillance dans l’accomplissement des diverses formalités relatives à l’embauche. Cette dissimulation volontaire ne peut davantage être constituée par la défaillance dans le paiement de quelques heures de travail, soit selon les propres écritures et pièces de Mme X, 15 minutes en 2015, 8 heures et 10 minutes en 2016 et 12 heures en 2017. Le jugement déféré sera, par ces motifs substitués, confirmé en ce qu’il a rejeté la demande formée au titre de l’indemnité pour travail dissimulé.

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l’article L.1154-1 du même code, le salarié a la charge a la charge de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe ensuite à la partie défenderesse de prouver que les faits qui lui sont imputés ne sont pas constitutifs de harcèlement et qu’ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Les éléments de fait laissant supposer une situation de harcèlement moral au travail sont caractérisés, lorsqu’ils émanent de l’employeur, par des décisions, actes ou agissements répétés, révélateurs d’un abus d’autorité, ayant pour objet ou pour effet d’emporter une dégradation des conditions de travail du salarié dans des conditions susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

La salariée ne produit aucun élément de fait sur de prétendues mises à l’écart des réunions.

Elle justifie avoir seulement sollicité son intégration en contrat à durée indéterminée par lettre du 12 avril 2018 réceptionnée par l’employeur le 24 avril suivant, soit postérieurement à la réception par celui-ci le 16 avril de la convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes.

Le seul fait objectivé, soit la réduction du nombre de jours travaillés par la salariée à compter du mois de mai 2018, soit après sa saisine en requalification du conseil de prud’hommes, n’est pas de nature à laisser supposer un harcèlement moral au travail.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a écarté cette demande.

Sur la rupture :

Il est établi que postérieurement à la saisine par la salariée le 10 avril 2018 du conseil de prud’hommes et surtout à la connaissance par l’employeur de cette saisine par la réception le 16 avril suivant de sa convocation, l’établissement a continué à employer Mme X, plusieurs contrats de travail à durée déterminée ayant été régularisés, soit le 27 avril , les 2, 4, 9, 14, 22 et 30 mai et le 6 juin 2018, pour une durée totale de 432,5 heures selon les propres écritures de la salariée. Il est aussi démontré que par courriels des 4 et 17 janvier 2018 M. Z, responsable du bureau d’études, avait déjà réparti en 2018 pour la seconde partie de la saison 2017-2018 les manifestations évènementielles et culturelles entre les différents intervenants, dont Mme X, et que cette dernière avait été positionnée sur plusieurs manifestations. Il convient de constater qu’à cette date, la salariée n’avait pas encore saisi en requalification la juridiction prud’homale et ne justifie pas qu’elle avait déjà informé son employeur de cette volonté.

Enfin, l’établissement dans la lettre du 29 juin 2018 envoyée à Mme X, en réponse à deux courriers des 6 et 14 juin précédents qui rappelaient l’absence d’attribution d’un nouveau projet depuis sa saisine du conseil de prud’hommes et mettaient en demeure l’employeur de lui fournir du travail et de poursuivre la relation suivant contrat à durée indéterminée, a indiqué confirmer à la salariée les informations données sur les projets qui lui avaient été confiés dès janvier, lui a rappelé la suspension de la collaboration durant la période estivale, a fait état de la volonté du bureau d’études du développement de l’utilisation de la 3D et des doutes exprimés par la salariée quant à la nécessité de cette approche et même une forte réticence avec pour conséquence que les projets nécessitant une forte expertise en 3D soient confiés à d’autres collaborateurs plus expérimentés, a exprimé aussi la modification du comportement de Mme X depuis l’arrivée de nouveaux profils et compétences au sein du bureau d’études et sa défiance envers eux avec pour effet la dégradation de l’ambiance de travail en équipe et enfin a contesté le lien entre la fin temporaire des relations contractuelles et l’action prud’homale.

Ainsi, les éléments versés au débat ne permettent pas de retenir, comme le soutient Mme X, que la rupture des relations contractuelles requalifiées après l’échéance du dernier contrat précaire, soit le 8 juin 2018, est intervenue en raison de l’action en justice introduite par la salariée en avril précédent et que l’employeur a porté ainsi atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté la demande tendant à ce que la rupture du contrat de travail soit qualifiée de licenciement nul et celles subséquentes de réintégration et de paiement d’une indemnité d’éviction.

En revanche, la salariée est en droit de prétendre au titre de la rupture des relations contractuelles requalifiées survenue sans respect des règles de forme et de fond du licenciement, ce que ne conteste au demeurant pas sérieusement l’employeur, sur la base d’une ancienneté non contestée de 6,5 années et du salaire correspondant au minimum conventionnel d’un temps plein revendiqué par Mme X de 3 502,28 euros, soit 10 506,84 euros d’indemnité compensatrice de préavis, 1 050,68 euros de congés payés afférents et 11 382,41 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement.

Les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n°’2017-1387 du 22 septembre 2017, qui prévoient notamment, pour un salarié ayant six années complètes d’ancienneté dans une entreprise employant au moins onze salariés, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal de trois mois de salaire brut et un montant maximal de sept mois de salaire brut, sont compatibles avec l’article 10 de la convention N°158 de l’OIT et n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Les dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne révisée n’ayant pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, elles ne permettent pas davantage de remettre en cause l’application du barème.

Le moyen d’absence de conventionnalité de l’article L. 1235-3 du code du travail sera donc écarté.

Ensuite, aucun élément versé au débat Mme X sur sa situation particulière du fait de la rupture ne permet d’écarter ce barème dont il n’est pas démontré que, dans les circonstances de la présente espèce, il porte une atteinte disproportionnée au droit de la salariée d’obtenir une juste indemnisation de l’illégitimité de la rupture de son contrat de travail.

Il lui sera donc alloué à ce titre, par infirmation du jugement entrepris, une indemnisation de 24 000 euros.

Sur les demandes de notification de l’arrêt au ministère de la culture et à la publication dans des quotidiens nationaux :

Il convient de constater que le fondement et aussi le bien-fondé de ces demandes, formées dans le seul dispositif des écritures de Mme X, ne sont aucunement précisés et donc justifiés.

Elles seront donc rejetées.

Sur les autres dispositions :

La salariée ayant plus de deux ans d’ancienneté et l’entreprise occupant habituellement au moins onze

salariés, il convient de faire application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail et d’ordonner à l’employeur de rembourser à l’antenne pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à l’intéressée depuis son licenciement dans la limite de six mois de prestations.

L’établissement intimé sera condamné à remettre à la salariée un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pôle emploi conformes au présent arrêt, sans astreinte dont la nécessité n’est pas démontrée.

Il y a lieu de rappeler que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances salariales et à compter du présent arrêt ou du jugement en cas de confirmation pour les créances indemnitaires.

Le jugement sera infirmé sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’établissement succombant au moins partiellement à l’instance, il est justifié de le condamner aux dépens de première instance et d’appel et à payer à Mme X la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles dont il serait inéquitable de lui laisser la charge.

La demande qu’il a présentée de ce dernier chef est, en conséquence, rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les demandes de Mme X au titre du harcèlement moral, du travail dissimulé et de la nullité de la rupture et de ses conséquences ;

L’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Requalifie les contrats de travail à durée déterminé à temps partiel en temps plein ;

Requalifie la relation de travail de Mme A X avec l’établissement du parc et de la grande halle de la Villette en contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 7 janvier 2014 ;

Rejette le moyen tiré de l’absence de conventionnalité du barème prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail ;

Dit que la rupture des relations contractuelles le 8 juin 2018 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence, condamne l’établissement du parc et de la grande halle de la Villette à verser à Mme X les sommes suivantes :

—  3 600 euros : indemnité de requalification,

—  470,75 euros : rappel de salaires entre le 16 novembre 2015 et le 23 juillet 2017,

—  47,07 euros : congés payés afférents,

—  10 506,84 euros :indemnité compensatrice de préavis,

—  1 050,68 euros : congés payés afférents,

—  11 382,41 euros : indemnité conventionnelle de licenciement,

—  24 000 euros : indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Ordonne à l’employeur de rembourser à l’antenne pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à l’intéressée depuis son licenciement dans la limite de six mois de prestations ;

Dit que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances salariales et à compter du présent arrêt ou du jugement en cas de confirmation pour les créances indemnitaires ;

Condamne l’établissement du parc et de la grande halle de la Villette à remettre à la salariée un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pôle emploi conformes au présent arrêt ;

Rejette les demandes de paiement des salaires durant les périodes intercalaires entre le 1er avril 2015 et le 7 juin 2018, de notification et de publication du présent arrêt ;

Rejette toutes autres demandes des parties ;

Condamne l’établissement du parc et de la grande halle de la Villette aux dépens de première instance et d’appel et à payer à Mme A X la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


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