La société par actions simplifiée [8] exploite une entreprise de construction automobile et possède un établissement à [Localité 9] depuis 1998, soumis à un taux de cotisation AT/MP de 0,60 % pour 2023. Le 1er février 2023, elle a créé un nouvel établissement à [Localité 6], transférant 53 % de son effectif. Le 18 octobre 2023, la CRAMIF a notifié un taux de 0,70 % pour cet établissement, en reportant la sinistralité de [Localité 9]. Le 31 octobre 2023, un nouveau taux de 2,42 % a été notifié pour [Localité 9], selon la tarification collective. La société a contesté cette décision, arguant que la CRAMIF avait appliqué incorrectement l’article D. 242-6-17 du code de la sécurité sociale, qui ne devrait pas considérer [Localité 9] comme un établissement nouvellement créé. Le 1er janvier 2024, un taux de 2,43 % a été notifié pour [Localité 9]. La CRAMIF a rejeté le recours gracieux de la société le 1er février 2024. La société a alors assigné la CRAMIF devant la cour d’appel d’Amiens, demandant la reconnaissance de la recevabilité de son action et le recalcul des taux de cotisation. La CRAMIF a soutenu que la tarification collective était justifiée en raison du transfert de sinistralité. L’affaire a été examinée le 5 juillet 2024, où la cour a conclu que l’établissement de [Localité 9] ne pouvait pas être considéré comme nouvellement créé, car il n’y avait pas eu de rupture de risque. La cour a accueilli les demandes de la société [8].
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N°
Société [8]
C/
Organisme CRAMIF
Copies certifiées conformes
– Société [8]
– CRAMIF
– Me Guillaume Bredon
– Me Guillaume Bredon
COUR D’APPEL D’AMIENS
TARIFICATION
ARRET DU 08 OCTOBRE 2024
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N° RG 24/01136 – N° Portalis DBV4-V-B7I-JAUE
PARTIES EN CAUSE :
DEMANDERESSE
Société [8]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Clara Ciuba, avocat au barreau de Paris, substituant Me Guillaume Bredon de la SAS Bredon Avocat, avocat au barreau de Paris
ET :
DÉFENDERESSE
CRAMIF
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Mme [C] [S], munie d’un pouvoir régulier
DÉBATS :
A l’audience publique du 05 juillet 2024, devant M. Philippe Mélin, président assisté de Mme Brigitte Denamps et M. Jean-Pierre Lannoye, assesseurs, nommés par ordonnances rendues par Madame la première présidente de la cour d’appel d’Amiens les 03 mars 2022, 07 mars 2022, 30 mars 2022 et 27 avril 2022.
M. Philippe Mélin a avisé les parties que l’arrêt sera prononcé le 08 octobre 2024 par mise à disposition au greffe de la copie dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Audrey Vanhuse
PRONONCÉ :
Le 08 octobre 2024, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Philippe Mélin, président et Mme Diane Videcoq-Tyran, greffier.
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DECISION
La société par actions simplifiée [8] exploite une entreprise de construction automobile.
Depuis le 31 décembre 1998, elle a un établissement situé à [Localité 9], dont le n° Siret est [N° SIREN/SIRET 3]. Il relève du mode de tarification individuelle. Pour l’année 2023, la Caisse régionale d’assurance-maladie d’Île-de-France (ci-après la CRAMIF) a notifié à la société [8] un taux de cotisation d’accidents du travail et de maladies professionnelles (ci-après AT/ MP) de 0,60 % pour cet établissement.
Le 1er février 2023, la société [7] a créé un nouvel établissement à [Localité 6], dont le n° Siret est [N° SIREN/SIRET 4], et y a transféré 53 % de l’effectif de l’établissement de [Localité 9].
Le 18 octobre 2023, la CRAMIF a notifié à la société [8] le premier taux de cotisation AT/MP de son établissement de [Localité 6], fixé à 0,70 % à compter du 1er février 2023 et calculé selon le mode de tarification individuelle, en reportant la sinistralité de l’établissement de [Localité 9] sur cet établissement de [Localité 6].
Le 31 octobre 2023, la CRAMIF a notifié à la société [8] un nouveau taux de cotisation AT/MP pour l’établissement de [Localité 9], fixé, à compter du 1er février 2023, à 2,42 % selon les règles de la tarification collective.
Le 4 décembre 2023, la société [8] a saisi la CRAMIF d’un recours gracieux. Aux termes de ce recours, elle a expliqué que le compte employeur de l’établissement de [Localité 6] faisait apparaître une reprise de la sinistralité de l’établissement de [Localité 9], ce qui semblait indiquer selon elle que la CRAMIF avait appliqué l’article D. 242-6-13 (en réalité D. 242-6-17) du code de la sécurité sociale, selon lequel on ne peut considérer comme un établissement nouvellement créé celui qui est issu d’un précédent établissement dans lequel elle a été exercée une activité similaire, avec les mêmes moyens de production et ayant repris au moins la moitié du personnel. En revanche, elle a indiqué que suite à la réception du taux de 2,42 % de l’établissement de [Localité 9], correspondant au taux collectif du secteur d’activité y inclus une minoration, elle avait pris contact avec les services de la CRAMIF, qui lui avaient indiqué qu’ils avaient considéré l’établissement de [Localité 9] comme un établissement nouvellement créé. Elle a cependant estimé qu’une telle approche ne résistait pas à l’analyse, puisque, d’une part, les dispositions de l’article D. 242-6-13 (en réalité D. 242-6-17) ne concernaient que l’appréhension d’une nouvelle entité dont il fallait déterminer le régime de tarification applicable et que, d’autre part, cet article ne disposait nullement qu’en cas de maintien de moins de la moitié du personnel, l’entité devait nécessairement être considérée comme nouvellement créée.
Le 1er janvier 2024, la CRAMIF a notifié à la société [8] le taux de cotisation AT/MP 2024 de son établissement de [Localité 9], s’élevant à 2,43 % selon les règles de la tarification collective.
Par courrier du 1er février 2024, la CRAMIF a rejeté le recours gracieux de la société, en maintenant que son établissement relevait du taux collectif, applicable aux établissements nouveaux l’année de la création et les deux années suivantes.
Par acte de commissaire de justice en date du 1er mars 2024, parvenu au greffe le 13 mars 2024, la société [8] a assigné la CRAMIF à comparaître par devant la cour d’appel d’Amiens à l’audience du 5 juillet 2024.
Suivant dernières écritures visées par le greffe le 5 juillet 2024, la société [8] sollicite :
– que son action soit déclarée recevable,
– qu’il soit jugé que la CRAMIF était infondée à faire application des dispositions de l’article D. 242-6-17 du code de la sécurité sociale pour appliquer un régime de tarification collective à son établissement de [Localité 9],
– qu’il soit enjoint à la CRAMIF de procéder au recalcul des taux de cotisation notifiés à l’entité de [Localité 9] à compter du 31 octobre 2023 et de faire application, dans cette perspective et à titre rétroactif, du régime de tarification individualisée préalablement en vigueur.
Au soutien de ses prétentions, elle fait notamment valoir :
– que l’article D. 242-6-17 du code de la sécurité sociale, après avoir indiqué que les taux nets collectifs sont applicables aux établissements nouvellement créés durant l’année de la création et les deux années civiles suivantes, dispose que « ne peut être considéré comme un établissement nouvellement créé celui issu d’un précédent établissement dans lequel a été exercée une activité similaire, avec les mêmes moyens de production et ayant repris au moins la moitié du personnel »,
– que cette disposition ne concerne que l’appréhension d’une nouvelle entité dont il convient de déterminer le régime de tarification applicable,
– qu’en outre, si l’article D. 242-6-17 indique expressément qu’en cas de poursuite d’activité avec les mêmes moyens de production et reprise d’au moins la moitié du personnel, la nouvelle unité ne peut être appréhendée comme un établissement nouvellement créé, il ne dit aucunement l’inverse, à savoir qu’en cas de maintien de moins de la moitié du personnel, l’entité devrait nécessairement être considérée comme un établissement nouvellement créé,
– que ceci est logique puisque cette disposition a simplement été édictée pour éviter un abus de la notion d’établissement nouvellement créé, qui aurait pour seul objectif de profiter d’un taux collectif moins élevé que le taux individuel,
– que c’est dans cette perspective que la jurisprudence, régulièrement amenée à se positionner sur ce dispositif exceptionnel de tarification, considère que les trois critères de la moitié du personnel repris ou cédé, du maintien d’une activité similaire et du maintien des moyens de production, sont cumulatifs,
– que le critère déterminant est la poursuite ou non de l’activité antérieure avec un risque de sinistralité identique, le transfert de plus de la moitié du personnel n’étant qu’un indice de la poursuite d’activité,
– que la présente situation illustre parfaitement l’ineptie du raisonnement de la CRAMIF, puisqu’il aboutit à considérer comme nouveau un établissement qui existe depuis le 31 décembre 1998, qui n’a jamais modifié son activité, qui a conservé les mêmes moyens de production et qui bénéficie d’un régime de tarification individuelle depuis des décennies,
– que la position de la caisse consiste à appréhender comme un établissement nouvellement créé toute entité perdant plus de la moitié de son effectif, sans prendre en compte les autres critères déterminants que sont la poursuite effective de l’activité et le maintien des moyens de production,
– que la CRAMIF est totalement infondée à faire application du dispositif de tarification spécifique aux établissements nouvellement créés visé à l’article D. 242-6-17 du code de la sécurité sociale,
– que la démonstration proposée par la CRAMIF repose sur une interprétation erronée de la jurisprudence, qui indique au contraire que les cotisations doivent être calculées en fonction des risques des anciennes sociétés dès lors qu’il n’y a pas rupture de risque,
– que cette jurisprudence va complètement dans le sens de la demande, puisqu’en l’espèce, il n’y a eu aucune rupture du risque constatée pour l’établissement de [Localité 9],
– qu’ainsi, la reprise d’une sinistralité par un établissement n’a pas pour effet de priver l’ancienne structure de voir son taux calculé selon la réalité de son risque,
– qu’autrement dit, une juste application de la règle de droit aurait impliqué pour la caisse d’opérer une reprise de la sinistralité sur les deux entités de [Localité 9] et de [Localité 6].
Suivant conclusions visées par le greffe le 1er juillet 2024, la CRAMIF sollicite :
– que sa décision du 1er février 2024 rejetant le recours gracieux de la société [8] soit jugée bien fondée,
– que l’ensemble des demandes de la société [8] soient rejetées.
Au soutien de ses demandes, la CRAMIF fait notamment valoir :
– que le taux de cotisation applicable à un établissement soumis à la tarification individuelle est établi sur la base des résultats statistiques propres à l’établissement,
– que conformément à l’article D. 242-6-17 du code de la sécurité sociale, les établissements nouvellement créés se voient appliquer le taux collectif correspondant à l’activité exercée, quel que soit leur effectif ou celui de l’entreprise dont ils relèvent, durant l’année de leur création et les deux années civiles suivantes, la situation se normalisant à l’issue de ce délai de trois ans,
– qu’en matière de reprise d’un établissement existant, celui issu d’un précédent établissement peut bénéficier de la tarification collective applicable aux établissements nouvellement créés,
– que toutefois, l’article D. 242-6-17 alinéa 3 prévoit que « ne peut être considéré comme un établissement nouvellement créé celui issu d’un précédent établissement dans lequel a été exercée une activité similaire, avec les mêmes moyens de production et ayant repris au moins la moitié du personnel »,
– que ces critères sont cumulatifs,
– qu’ainsi, il n’y a pas de nouveau risque ou de rupture de risque lorsque l’établissement repreneur poursuit une activité similaire, avec les mêmes moyens de production et en ayant repris au moins la moitié du personnel, si bien que le taux de cotisation applicable doit alors être calculé dans les conditions de droit commun selon l’effectif de l’entreprise dont il relève,
– que la jurisprudence a consacré le principe du transfert total de la sinistralité en cas de reprise d’un établissement, que cette reprise soit partielle ou non, dès lors que le nouvel établissement a repris plus de la moitié du personnel de l’ancien établissement,
– qu’à partir du moment où le nouvel établissement a repris l’intégralité de la sinistralité de l’ancien établissement, ce dernier ne dispose plus d’aucun élément tarifaire permettant de calculer la valeur du risque propre à son établissement sur la période triennale de référence,
– que la valeur du risque est un élément indispensable pour établir le taux de cotisation AT/MP,
– que dans cette situation particulière, la caisse est obligée de recourir à la tarification collective pour déterminer le taux de cotisation AT/MP de l’ancien établissement,
– qu’en l’espèce, la société [8] a transféré plus de 50 % de l’effectif de son établissement de [Localité 9] vers celui de [Localité 6],
– que cet établissement de [Localité 6] n’a pas été considéré comme un établissement nouveau puisque les trois conditions posées par l’article D. 242-6-17 du code de la sécurité sociale étaient remplies,
– que la sinistralité de l’établissement de [Localité 9] a été transférée vers cet établissement de [Localité 6], qui a bénéficié d’un taux de cotisation AT/MP individuel de 0,70 %,
– que l’intégralité de la sinistralité de l’établissement de [Localité 9] ayant été transférée sur l’établissement de [Localité 6], l’établissement de [Localité 9] ne dispose plus d’éléments de sinistralité au sens tarifaire qui auraient permis de calculer la valeur du risque propre à cet établissement,
– qu’elle n’essaie pas d’appliquer les dispositions de l’article D. 242-6-17 à l’établissement de [Localité 9] mais que la tarification collective appliquée à cet établissement est la conséquence de l’application de l’article D. 242-6-17 à l’établissement de [Localité 6],
– qu’en réalité, la société [8] a mal mesuré les incidences de son opération au niveau du droit de la tarification,
– qu’elle espérait bénéficier d’une tarification individuelle sur les deux établissements mais qu’elle a omis les conséquences du principe du transfert total de la sinistralité,
– qu’aucun autre mode de tarification ne peut être appliqué à l’établissement de [Localité 9],
– que la tarification collective s’appliquera pendant les trois années suivant le transfert des éléments de sinistralité à l’établissement de [Localité 6] et que ce n’est qu’au terme de ces trois années que la caisse disposera à nouveau de suffisamment d’éléments sur une période triennale de référence pour appliquer un autre mode de tarification.
L’examen de l’affaire a été porté à l’audience du 5 juillet 2024, lors de laquelle chacune des parties a réitéré ses prétentions et son argumentation.
Motifs de l’arrêt :
L’article L. 242-5 du code de la sécurité sociale dispose :
« Le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé annuellement pour chaque catégorie de risques par la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail d’après les règles fixées par décret. […]
Les risques sont classés dans les différentes catégories par la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail, sauf recours, de la part soit de l’employeur, soit de l’autorité administrative, à la juridiction compétente pour connaître du contentieux mentionné au 7° de l’article L. 142-1, laquelle statue en premier et dernier ressort. […] ».
L’article D. 242-6-1 énonce :
« Le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement. […]
Le classement d’un établissement dans une catégorie de risque est effectué en fonction de l’activité exercée selon une nomenclature des risques et des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale ».
L’article D. 242-6-2 précise :
« Le mode de tarification est déterminé en fonction de l’effectif global de l’entreprise, tel que défini à l’article R. 130-1, que celle-ci comporte un ou plusieurs établissements :
1° La tarification collective est applicable aux entreprises dont l’effectif est inférieur à 20 salariés ;
2° La tarification individuelle est applicable aux entreprises dont l’effectif est au moins égal à 150 salariés ;
3° La tarification mixte est applicable aux entreprises dont l’effectif est au moins égal à 20 et inférieur à 150 ».
En outre, l’article D. 242-6-17 prévoit :
« Les taux nets collectifs sont applicables aux établissements nouvellement créés durant l’année de leur création et les deux années civiles suivantes, quel que soit leur effectif ou celui de l’entreprise dont ils relèvent. […]
A l’expiration de ce délai, les taux nets collectif, mixte ou individuel sont applicables à ces établissements en fonction de leur effectif ou de l’effectif de l’entreprise dont ils relèvent. Pour les taux individuel ou mixte, il est tenu compte des résultats propres à ces établissements et afférents aux années civiles, complètes ou non, écoulées depuis leur création.
Ne peut être considéré comme un établissement nouvellement créé celui issu d’un précédent établissement dans lequel a été exercée une activité similaire, avec les mêmes moyens de production et ayant repris au moins la moitié du personnel ».
La disposition de l’article D. 242-6-17 alinéa 3 est destinée à éviter, en cas de reprise ou de continuation d’activité ou d’une activité proche, qu’aucune structure ne reprenne le risque sous prétexte que le taux de cotisation individuel est désavantageux par rapport au taux collectif.
Si cette disposition prévoit expressément qu’en cas de poursuite d’activité avec les mêmes moyens de production et au moins la moitié du personnel, un établissement ne peut être appréhendé comme un établissement nouveau qui viendrait d’être créé, il n’en résulte pas qu’un établissement dans lequel se maintiendrait une fraction du personnel inférieure à la moitié, devrait être considéré comme nouveau.
Il a ainsi déjà été jugé que la baisse, même significative au cours d’un exercice, de la masse salariale d’un établissement d’une entreprise, par suite d’une réduction d’activité sans modification de la nature de cette activité, de la structure juridique de l’établissement ou des moyens de production, n’a pas pour effet de conférer à cet établissement la qualité d’établissement nouvellement créé au sens de l’article D. 242-6-17 du code de la sécurité sociale.
En l’espèce, il n’est pas contesté que l’établissement de la société [8] situé à [Localité 9], loin d’avoir été créé récemment ou même d’avoir été repris, existe depuis 1998 et jusqu’à ce jour, qu’il a toujours le même n° Siret, qu’il fonctionne depuis plus de 25 ans, qu’il a toujours la même activité de production de véhicules et qu’il a conservé les mêmes moyens de production.
Il n’y a eu aucune rupture du risque dans cet établissement en février 2023.
Il n’y a donc aucune raison de le considérer comme un établissement nouvellement créé.
Si la CRAMIF soutient le contraire, c’est qu’elle a, à compter de février 2023, procédé à une reprise de la sinistralité de cet établissement de [Localité 9] sur l’établissement de [Localité 6] et qu’elle considère qu’en vertu du principe du transfert total de la sinistralité en cas de reprise d’un établissement, il n’est plus possible de calculer la valeur du risque propre à l’établissement de [Localité 9], de sorte que le seul moyen qui subsiste est celui de le soumettre à la tarification collective.
Il est vrai qu’il est particulièrement gênant qu’un employeur puisse dédoubler un taux de cotisation AT/MP très favorable, obtenu grâce à d’excellents résultats en matière de sinistralité, en scindant son activité en deux. Cependant, cette situation n’a été atteinte qu’en vertu de la décision prise par la CRAMIF de transférer la sinistralité de l’établissement de [Localité 9] vers celui de [Localité 6], au motif que les critères de l’article D. 242-6-17 étaient soi-disant réunis, alors qu’en réalité, ni l’activité ni les moyens de production n’avaient été transférés, qu’il n’y avait aucune reprise et qu’il s’agissait simplement d’une mesure de réorganisation de l’activité au sein d’un groupe avec transfert de personnel. Il appartenait à la CRAMIF, avant d’admettre un transfert de sinistralité de l’établissement de [Localité 9] vers celui de [Localité 6], de prévoir les conséquences de cette décision et d’anticiper qu’en vertu de son propre raisonnement et de son propre mode de fonctionnement, cela allait inéluctablement la conduire, peu de temps après, à considérer comme nouvellement créé un établissement existant depuis 25 ans, continuant à faire la même activité, avec les mêmes moyens de production et pour la même société propriétaire.
Quant au moyen de la CRAMIF selon lequel il serait devenu impossible d’appliquer à l’établissement de [Localité 9] un autre régime que le régime de la tarification collective sous prétexte que tous les éléments de sinistralité ont été transférés sur l’établissement de [Localité 6], il convient d’y répondre, d’une part, que les commodités de calcul ou de système informatique ne sauraient l’emporter sur les règles de droit applicables et, d’autre part, qu’il ne semble pas impossible malgré tout de parvenir à une solution satisfaisante. À titre d’exemple, on pourrait concevoir que, pour la première année de tarification, il soit procédé entre les deux établissements à un prorata des éléments de sinistralité en fonction du pourcentage du personnel repris et que, au fur et à mesure du temps qui passe, les éléments de sinistralité propres à chacun des deux établissements soient annuellement intégrés aux calculs, de sorte que les taux de cotisation s’autonomiseraient peu à peu l’un par rapport à l’autre et qu’au bout de la troisième année, chaque établissement disposerait d’une période de référence triennale qui lui serait propre.
En l’état de ces éléments, il y a lieu d’accueillir les demandes de la société [8].
La cour, statuant par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, contradictoire, en premier et dernier ressort :
– Déclare recevable et bien fondée l’action introduite par la société [8],
– Enjoint à la CRAMIF d’appliquer à l’établissement de [Localité 9] de la société [8] le régime de la tarification individualisée précédemment en vigueur et de procéder au recalcul des taux notifiés à compter du 31 octobre 2023,
– Condamne la CRAMIF aux dépens.
Le greffier, Le président,