Requalification des CDD d’usage en CDI : le calcul de la prescription
Requalification des CDD d’usage en CDI : le calcul de la prescription
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Toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour ou celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit (Soc – 3 mai 2018).

Calcul à compter de la conclusion de ce contrat

Le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur l’absence d’une mention au contrat susceptible d’entraîner sa requalification, court donc à compter de la conclusion de ce contrat.

Importance du dernier contrat

Cependant, lorsque le recours à plusieurs contrats à durée déterminée permet de pourvoir un emploi lié à l’activité permanente de l’entreprise, le délai de prescription ne court qu’à compter du terme du dernier contrat à durée déterminée (Soc. 8 nov. 2017). D’où il résulte que la Cour à l’instar du tribunal constate que l’action du demandeur n’est pas prescrite.

Ancienneté au premier contrat irrégulier

En l’espèce, la relation de travail entre les parties a été requalifiée en contrat à durée indéterminée. Pour mémoire et dans des cas similaires concernant en particulier des salariés de la société FRANCE TELEVISIONS placés dans des situations identiques à celles du demandeur, l’ancienneté du salarié est prise en compte conformément à la jurisprudence, en remontant à la date du premier contrat à durée déterminée irrégulier.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS  

COUR D’APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 02 Juin 2022

Chambre sociale

Numéro R.G. : N° RG 20/00019 – N° Portalis DBWF-V-B7E-Q3Q

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Mars 2020 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG n° :17/297)

Saisine de la cour : 12 Mars 2020

APPELANT

Société FRANCE TELEVISIONS, prise en la personne de son représentant légal en exercice Siège social : 7 Esplanade Henri de France – 75907 PARIS Cedex 15,

Représentée par Me Frédéric DESCOMBES membre de la SELARL D’AVOCATS D&S LEGAL, avocat postulant au barreau de NOUMEA, et ayant pour avocat plaidant, Me Marie CONTENT membre de la SELEURL Marie Content, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ

M. [D] [M], né le 11 Mars 1977 à QUIMPER (29000) demeurant 10 rue Joseph Mary – Faubourg Blanchot – 98800 NOUMEA, Assisté par Me Cécile MORESCO membre de la SELARL AGUILA-MORESCO, avocat postulant au barreau de NOUMEA et ayant pour avocat plaidant, Me Joyce KTORZA membre de la SELARL CABINET KTORZA, avocat au barreau de PARIS

AUTRE INTERVENANT

Syndicat NATIONAL DE RADIODIFFUSION ET DE TELEVISION DU GROUPE FRANCE TELEVISIONS (SNRT-CGT), représentée par son Président en exercice

Siège social : 7 Esplanade Henri de France – 75015 PARIS,

Représentée par Me Cécile MORESCO membre de la SELARL AGUILA-MORESCO, avocat postulant au barreau de NOUMEA et ayant pour avocat plaidant, Me Joyce KTORZA membre de la SELARL CABINET KTORZA, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 24 Mars 2022, en audience publique, devant la cour composée de Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, Président, M. François BILLON, Conseiller, M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de Monsieur Philippe DORCET.

Greffier lors des débats et lors de lamise à disposition : Mme Isabelle VALLEE

ARRÊT contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, signé par Monsieur Philippe DORCET, Président, et par Mme Isabelle VALLEE, greffière à qui la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

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PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Monsieur [D] [M] a été embauché en qualité de « chef monteur» par la société France 3 suivant contrat à durée déterminée du 13 février 2001. En mars 2009, la société France TELEVISIONS a absorbé les cinq sociétés de l’audiovisuel public dont France 3 et RFO. Les relations contractuelles ont perduré jusqu’au 29 juillet 2015 suite à la signature de plusieurs contrats à durée déterminée.

Le 1er avril 2014, monsieur [M] s’est installé en Nouvelle-Calédonie, et a exercé a compter du 10 juin suivant, son activité pour la chaîne Nouvelle-Calédonie Première à NOUMÉA toujours dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée aux conditions suivantes : application de l’accord d’entreprise FRANCE TELEVISIONS, emploi en qualité de chef monteur, technicien supérieur, classification NO4A au niveau de placement 0001, salaire mensuel de base de 2120,80 € outre une prime d’ancienneté de 123,60 €, versement d’une indemnité de précarité de 10 % de la rémunération totale perçue au cours du contrat, versement d’une indemnité de congés payés correspondant à 1/10 de la rémunération brute perçue pendant la durée du contrat déduction faite des jours de congés payés éventuellement pris et affiliation au régime complémentaire en métropole.

***

Le 1er juillet 2014, monsieur [M] saisissait le Conseil de Prud’hommes de PARIS d’une demande de requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée. Le syndicat SNRT CGT intervenait volontairement à la procédure en considération du préjudice causé à l’intérêt collectif de la profession par la situation précaire du requérant.

Par jugement du 20 avril 2017, le Conseil de prud’hommes de PARIS se déclarait incompétent au profit du Tribunal du Travail de NOUMÉA. Ce jugement était confirmé le 9 novembre 2017 par la Cour d’appel de PARIS saisie du contredit formé par monsieur [M] et le syndicat SNRT-CGT.

FRANCE TELEVISION n’employait plus monsieur [M] à compter du 29 juillet 2015.

***

Par suite, dans des conclusions en date du 20 février 2019, monsieur [M] a demandé au Tribunal du travail de Nouméa de dire que le Code du travail métropolitain est seul applicable à l’espèce, de requalifier ses contrats en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 13 février 2001, de dire que la rupture de la relation de travail incombe à France Télévisions et s’analyse comme un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. ll sollicite également que sa rémunération mensuelle de référence soit fixée à la somme de 5 392 € (643 437 XPF) outre l’attribution des indemnités afférentes à savoir : 30 000 € (indemnité de requalification), 10 604 € (prime d’ancienneté) avec 1 060 € (congés payés afférents), 2 954 € (prime de fin d’année), 250 € (mesures France Télévisions), 114 768 € (rappels de salaires) et 11 476 € de congés payés afférents, 16 176 € (indemnité compensatrice de préavis) 1 617 € de congés payés sur préavis, 272 792 € (indemnité conventionnelle de licenciement), 250 000 € au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre 7 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile soit un total de 718 697 € / 85 763 364 98 XPF avec exécution provisoire et intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation devant le bureau de jugement reçue par France Télévisions et adressée par le greffe du Conseil de Prud’hommes de Paris.

Par jugement en date du 03 mars 2020, le tribunal de travail de Nouméa a déclaré irrecevables les demandes présentées par le syndicat SNRT-CGT à l’encontre France TELEVISIONS et dit que le contrat de travail entre M.[D] [M] et la société FRANCE TELEVISIONS était régi par les dispositions du Code du travail métropolitain.

Il a, par suite, constaté que le contrat de travail entre le demandeur et son employeur était un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet et ce, depuis le 13 février 2001, la rupture du contrat de travail par FRANCE TELEVISIONS en date du 29 juillet 2015 produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il a fixé le salaire mensuel brut de référence de M. [D] [M] à 5392 € et débouté ce dernier de sa demande de rappel de salaires et des congés payés afférents. Il a par ailleurs condamné FRANCE TELEVISIONS à verser au salarié les sommes de 15 000 € à titre d’indemnité de requalification (L 1245-2 Code du travail), 10 604€ (prime d’ancienneté), 1060€ (congés payés afférents à la prime d’ancienneté), 2954 € (prime de fin d’année), 250 € (mesure dite ‘France télévisions’), 72 792 € (indemnité conventionnelle de licenciement), 60 000 € (indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse), 16 176 € (indemnité compensatrice de préavis), 1617 € (indemnité de congés payés sur préavis) soit un total de 180 453 € / 21 533 770,84 XPF. Il a ordonné l’exécution provisoire sur les créances indemnitaires et condamné l’employeur aux dépens ainsi qu’à verser 3000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie.

PROCÉDURE D’APPEL

FRANCE TELEVISIONS a relevé appel de cette décision le 10 mars 2020 et sollicite au principal l’infirmation du jugement entrepris notamment sur le droit applicable, sur la requalification des CDD en contrat à durée indéterminée à temps complet et l’octroi de primes et indemnités en particulier pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et rappels de mesures propres à l’employeur. Par dernières conclusions écrites déposées puis développées à l’audience, M. [M] demande confirmation de la décision de première instance quant à l’application du droit métropolitain, la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 13 février 2001, le fait que la rupture produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la fixation du salaire de référence à 5392 € ainsi que le versement conforme de diverses indemnités, primes et mesures à l’exception des rappels de salaire qu’il estime à 140 511 € outre 14 051 € de congés afférents ainsi qu’une indemnité de licenciement de 250 000 €.

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MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le droit applicable au litige

Monsieur [M] soutient que le Code du travail métropolitain est seul applicable à l’espèce conformément à la volonté des parties et indépendamment du lieu d’exécution de la prestation (principe d’autonomie des parties Cf. Cass. Soc 19 juin 2002)

Il ajoute que le Code du travail de Nouvelle-Calédonie doit être écarté puisqu’il a été recruté et affecté exclusivement du 13 février 2001 au 24 novembre 2013 en France métropolitaine, avant un exercice provisoire de son activité à NOUMÉA du 10 juin 2014 au 29 juillet 2015. ll n’a pas la qualité de « salarié de Nouvelle-Calédonie » et relève qu’au jour de la requête du 7 juillet 2014, il n’avait travaillé que 6 jours a Nouméa.

Il soutient également qu’en application de la convention de Rome du 19 juin 1980, de droit positif en Nouvelle-Calédonie, « Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix doit être exprès ou résulter de façon certain des dispositions du contrat.. .. »

En l’état de ses dernières écritures, la société FRANCE TELEVISIONS soutient au contraire que le contrat de travail du salarié doit être soumis aux dispositions du Code du travail de Nouvelle-Calédonie (CTNC) en application des dispositions de l’article Lp. 111-1 du Code du travail local selon lequel « les dispositions du présent livre sont applicables à tous les salariés de Nouvelle-Calédonie et aux personnes qui les emploient » et à raison de son dernier lieu d’exécution.

Sur l’application de la convention de Rome, elle observe que le contrat de travail liant les parties n’est pas un contrat international, le litige portant sur l’application de deux lois françaises et non de lois étrangères. Elle rappelle que les parties à un contrat de travail national ne disposent pas du choix de la loi applicable en vertu des dispositions impératives imposées par la Constitution et la loi organique de 1999, et ce, même si le contrat de travail est établi sur un modèle métropolitain avec des références aux dispositions du droit métropolitain.

Elle estime que la rupture ayant eu lieu en Nouvelle-Calédonie, le demandeur ne peut faire échec à l’application du Code du travail local en invoquant avoir préalablement conclu des contrats antérieurs soumis aux dispositions métropolitaines.

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Le contrat de travail est soumis au droit commun des obligations mais obéit néanmoins à une réglementation propre : le Code du travail. Il reste soumis au principe civil de la liberté contractuelle et se définit comme une ‘convention par laquelle une personne s’engage à travailler pour le compte d’une autre et sous sa subordination ‘ (Soc. 22 juillet 1954) qui constitue la loi des parties.

Ainsi que rappelé par le premier juge « … sauf l’impossibilité de déroger aux lois et règlements qui constituent la législation sociale d’ordre public, et la reconnaissance par la jurisprudence de plusieurs clauses prohibées, dont il convient de relever que le choix de la loi applicable ne fait pas partie, le contrat de travail peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d’adopter ».

Une jurisprudence constante sur la question de la détermination de la loi applicable au contrat de travail, dite « principe d’autonomie des parties », consacre une place prépondérante à la loi choisie par l’employeur et le salarié (Soc – 19 juin 2002).

La Cour relève d’une part que l’ensemble des contrats ont été conclus expressément « en application des articles L 122-1-1 et suivants du Code du travail ” et ce, depuis le premier contrat passé le 13 février 2001 jusqu’au dernier signé en juin 2014 affectant M. [M] à Nouméa. La mention expresse de l’article L 1242-2 du même code qui énumère les cas dans lesquels il peut être recouru au CDD accrédite ce choix de plus fort attestant que du début à la fin de leurs relations, les parties ont cité le Code du travail métropolitain.

D’autre part, il sera rappelé que M.[M], ressortissant français, a été embauché en 2001 par une société de droit français dont le siège social était à PARIS laquelle a été reprise par une société de droit français dont le siège social est également à Paris avec laquelle le demandeur a signé l’intégralité des contrats à durée déterminée qui ont suivi.

Qui plus est, force est de constater que M. [M] a travaillé exclusivement en métropole du 13 février 2001 au 24 novembre 2013 et n’a travaillé en Nouvelle-Calédonie que 6 jours avant la saisine de la juridiction parisienne soit du 06 au 10 juin 2014 et le 30 juin 2014

Si l’application de la Convention de Rome qui serait de nature selon France Télévisions à fonder la mise en ‘uvre de la loi calédonienne, ainsi que relevé par le tribunal, ne saurait trouver à s’appliquer à un conflit entre lois françaises, il sera relevé qu’en application du Règlement européen du 17 juin 2008, le principe d’autonomie s’imposait.

Enfin, il est de principe en droit du travail qu’en cas de conflit de lois, il convient toujours de prendre en compte le droit le plus protecteur des salariés : à cet égard, il apparaît que la législation métropolitaine est plus favorable au salarié à durée déterminée que le droit calédonien lequel par exemple ne prévoit pas d’indemnité de requalification. En conséquence, la Cour confirme la compétence de la juridiction calédonienne pour appliquer le Code du travail métropolitain dont les dispositions s’appliquent à la relation de travail entre M. [D] [M] et son employeur.

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Sur la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée (Sur les cas de recours au contrat à durée déterminée)

Aux termes de l’article L 1242-2 du Code du travail, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :

1°) Remplacement d’un salarié en cas d’absence, de passage provisoire à temps partiel, de suspension de son contrat de travail, de départ définitif précédant la suppression de son poste de travail ou d’attente de l’entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer

2°) Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise

3°) Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail a durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois;

4°) Remplacement notamment d’un chef d’entreprise artisanale, industrielle ou commerciale ou d’une personne exerçant une profession libérale;

5°) Remplacement du chef d’une exploitation agricole ou d’une entreprise mentionnée au Code rural.

La charge de la preuve de la réalité du motif de recours énoncé dans le contrat pèse sur l’employeur, la jurisprudence exigeant à cet égard qu’il soit vérifié que l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifiée par l’existence d’éléments concrets et précis établissant des emplois « par nature temporaires » qui ne sauraient « pourvoir un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ” (L 1242-1 Code du travail).

De jurisprudence constante, les cas fixés par la loi sont exclusifs et il ne peut y être dérogé contractuellement, sauf à s’exposer à une requalification puisqu’à défaut, et conformément aux dispositions de l’article L 1245-1 du Code du travail, le contrat sera réputé à durée indéterminée.

FRANCE TELEVISIONS s’oppose à la demande de requalification en contrat à durée indéterminée au motif que le cas de recours visé (remplacement de salariés absents) et la durée du contrat – qui peut être portée à 3 ans – étaient parfaitement conformes aux dispositions de l’article L. 123-2 du Code du travail de Nouvelle-Calédonie, le salarié ayant été recruté du 10 juin 2014 au 29 juillet 2015 en Nouvelle-Calédonie. Elle rappelle qu’en tout état de cause, le contrat d’usage est prévu pour le secteur de l’audiovisuel selon les dispositions de l’article R 123-2 dudit Code qui ne prévoient nullement l’interdiction de conclure des contrats successifs ni un délai de carence entre chaque contrat. Dès lors, elle n’a pas manqué aux dispositions de l’article Lp. 123-2 du Code du travail puisque la durée maximale, y compris en cas de renouvellement, est fixée à un an. Elle réplique que le demandeur ne peut valablement s’appuyer sur une note de la DDTE, selon laquelle la durée maximale d’un an s’appliquerait aussi aux successions de contrats à durée déterminée celle-ci n’ayant aucune valeur législative.

Or ainsi que précisé supra, c’est le code du travail métropolitain qui s’applique à l’espèce. Force est de constater que la société défenderesse ne justifie aucunement de ses allégations concernant les raisons diverses ayant conduit à recourir à l’embauche de M.[M] au moyen de contrats à durée déterminée successifs.

Elle ne démontre pas en quoi les situations de l’espèce correspondent aux divers cas de recours qu’elle a pourtant visés dans les contrats à durée déterminée conclus.

De plus, alors que France Télévisions explique que les contrats à durée déterminée auraient été utilisés au motif d’un besoin de « renfort intermittent », la Cour, tout comme le tribunal, confirme qu’un tel motif n’est aucunement prévu par les dispositions légales précitées qui, pour rappel, sont limitatives et par nature, de droit strict.

Il en est de même concernant ‘l’usage« et le »remplacement” qui ont été mentionnés sur lesdits contrats sans aucune précision complémentaire et ne peuvent donc absolument pas correspondre aux critères particulièrement précis prévus par la loi et rappelés ci-dessus.

France Télévisions motive également le recours aux CDD en faisant état d’un «usage dans l’audiovisuel” qui ne serait pas illégal. Or, ainsi que relevé par le tribunal, l’existence de cet usage ne signifie nullement que l’employeur soit autorisé à déroger aux dispositions légales impératives et d’ordre public concernant le recours aux CDD.

Qui plus est, l’article L 1242-1 du Code du travail prévoit qu’un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. La jurisprudence rappelle qu’est illégal le recours au contrat à durée déterminée ayant pour objectif ou aboutissant, pendant plusieurs années, à pourvoir un même emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise (Soc – 26 mai 2004 / Soc. 24 juin 2015).

A cet égard, il convient d’analyser si l’emploi de monsieur [M] répondait à une activité normale et permanente de la société FRANCE TELEVISIONS dont les CDD se sont succédé pendant 14 ans.

Il est habituellement déduit de ces dispositions textuelles que même l’emploi à temps partiel avec des alternances de périodes travaillées et de périodes non travaillées, en tant que «personnel volant » peut répondre à un besoin permanent de l’entreprise, et doit dans cette hypothèse être requalifié en contrat à durée indéterminée.

M. [M] explique sur ce point que le montage des sujets et reportages diffusés dans les journaux télévisés et magazines d’information relèvent de fonctions permanentes de chef monteur visées comme obligatoires dans le cahier des charges de la société et les textes conventionnels de France Télévisions. Or malgré ses nombreux dépôts de candidatures, la société a toujours refusé de le recruter en contrat à durée indéterminée : elle est néanmoins demeurée son employeur quasi exclusif jusqu’en 2015.

ll affirme être victime de la gestion sociale abusive de la société France TELEVISIONS qui, bien que condamnée plusieurs fois pour recours illégal aux contrats à durée déterminée, l’a maintenu dans un état de précarité pendant 14 années alors que son poste de chef monteur était un emploi permanent de l’entreprise au sein de l’équipe technique. Il l’a aussi placé en instabilité financière, privé du maintien de salaire en cas de maladie et d’accès à la formation professionnelle et aux avantages spécifiques de la société notamment relative à la retraite. Il répète que le « renfort intermittent » est un motif irrégulier non prévu par les textes métropolitains ni d’ailleurs dans ceux de Nouvelle-Calédonie.

ll sollicite donc une indemnisation supérieure à celle de l’article L 1245-2 du Code du travail fixée en fonction du préjudice important subi.

Dans les faits, la technicité de la profession de chef monteur intervenant au quotidien dans les éditions du journal télévisé et les magazines de la rédaction auprès d’une entreprise audiovisuelle, l’adaptation permanente aux nouveaux et nombreux standards informatiques, la nécessité de travailler parfois sous la pression d’un journal en direct apparaît indispensable et correspond d’évidence à un poste lié à l’activité normale et permanent de l’entreprise.

En réalité, France Télévisions dissimulait un emploi permanent puisque la société a été son employeur quasi exclusif jusqu’en 2013, puis son unique employeur entre 2013 et 2015, une telle durée suffisant à démontrer que son emploi n’était pas temporaire. Le salarié produit en ce sens des bulletins de salaire prouvant que la relation de travail s’est poursuivie entre 2001 et 2015.

Enfin M. [M] prétend que son employeur n’a pas respecté les formes imposées par la loi pour la conclusion des contrats à durée déterminée : il relève ainsi que les contrats signés ne comportaient pas les mentions essentielles et ne sont d’ailleurs pas produits en intégralité aux débats. L’employeur fait valoir qu’il ne lui appartient pas de fournir pour des raisons « d’équité et d’égalité des armes entre les parties ».

La Cour estime sur ce point s’agissant d’une exception au principe du contrat à durée indéterminée, que l’interprétation de ce texte est nécessairement de droit strict. Aux termes des articles L 1242-12 et suivants du Code du travail, il doit être établi par écrit et comporter certaines mentions obligatoires en particulier le motif précis pour lequel il est conclu. A défaut, conformément aux dispositions de l ‘article L 1245-1 du Code du travail, il est réputé pour une durée indéterminée.

France Télévisions oppose au requérant la prescription biennale de sa demande de requalification fondée sur ce défaut de formalisme, laquelle ne lui permettrait pas d’invoquer ce motif pour des contrats conclus plus de deux ans avant la date initiale de la requête, le 7 juillet 2014.

M. [M] précise que la jurisprudence de la Cour de Cassation produite par la société défenderesse pour opposer la prescription à l’action relative au défaut de formalisme du contrat serait inapplicable au cas d’espèce, les faits étant différents et France Télévisions ayant considéré, non sans une certaine mauvaise foi, qu’il n’avait pas à produire l’ensemble des contrats.

Selon la législation applicable au litige et vu la date de la citation de la société défenderesse, toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour ou celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit (Soc – 3 mai 2018). Le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur l’absence d’une mention au contrat susceptible d’entraîner sa requalification, court donc à compter de la conclusion de ce contrat.

Cependant, lorsque le recours à plusieurs contrats à durée déterminée permet de pourvoir un emploi lié à l’activité permanente de l’entreprise, le délai de prescription ne court qu’à compter du terme du dernier contrat à durée déterminée (Soc. 8 nov. 2017). D’où il résulte que la Cour à l’instar du tribunal constate que l’action du demandeur n’est pas prescrite.

Pour l’ensemble des raisons qui précèdent, la relation de travail entre les parties sera donc requalifiée en contrat à durée indéterminée. Pour mémoire et dans des cas similaires concernant en particulier des salariés de la société FRANCE TELEVISIONS placés dans des situations identiques à celles du demandeur, l’ancienneté du salarié sera prise en compte conformément à la jurisprudence, en remontant à la date du premier contrat à durée déterminée irrégulier, soit en l’espèce, le 13 février 2001 et donc 14 ans au moment de la rupture des relations professionnelles à l’initiative de l’employeur.

Sur le caractère à temps partiel ou complet du contrat de M. [M]

Aux termes de l’article L 3123-6 du Code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit : à défaut, et de jurisprudence constante, le contrat est présumé conclu pour un horaire à temps complet (Soc – 7 décembre 1995 ou 12 mars 2002 notamment)

France Télévisions estime infondée la demande de requalification en contrat de travail à temps plein, puisque, conformément à la jurisprudence de la cour de cassation, la requalification ne modifie pas la durée de travail initialement prévue, d’autant plus que l’intéressé a déjà perçu pour ces périodes d’inactivité des allocations chômage, voire des salaires d’autres employeurs, et n’établit nullement la preuve qu’il a été contraint de se tenir à la disposition permanente de son employeur pendant les périodes non travaillées.

En effet, il considère que M. [M] était informé à l’avance de ses plannings, n’exerçait son activité que 8,86 jours par mois pour le compte de FRANCE TELEVISIONS et exerçait en qualité d’indépendant ou travaillait concomitamment pour d’autres sociétés comme cela ressort de son curriculum vitae. Elle souligne enfin que cette requalification à temps plein ne peut être motivée par le dépassement de la durée légale mensuelle du travail à 3 reprises en 14 ans.

Elle affirme que la Cour de cassation juge impossible le cumul des avantages du statut de salarié engagé en contrat à durée déterminée avec ceux du statut des salariés permanents, y compris dans l’hypothèse où la relation de travail est requalifiée en contrat à durée indéterminée depuis la première collaboration.

Elle rappelle que ce recours aux contrats à durée déterminée sur certains emplois était prévu par l’accord professionnel du 22 décembre 2006 (article 1.1) et la convention collective de la production et de la communication audiovisuelles applicables jusqu’à l’entrée en vigueur de l’accord d’entreprise du 28 mai 2013 (articles 1.2 et V1). Dès lors, le requérant ne peut valablement prétendre que son recrutement à durée indéterminée s’imposait.

Elle conclut donc au débouté des demandes indemnitaires et rappels de salaires tant au titre des primes d’ancienneté et congés payés y afférents, primes de fin d’année et mesure France Télévisions ajoutant que la haute juridiction exclut la prime d’ancienneté de l’assiette des congés payés au motif qu’elle ne rémunère pas un travail effectif.

A titre subsidiaire sur la demande de requalification à temps plein au regard des dispositions métropolitaines, la société FRANCE TELEVISIONS fait état de sa politique de réduction de la précarité et de son application stricte des textes relatifs aux contrats à durée déterminée d’usage. Elle dit ne pas avoir été condamnée en métropole à des requalifications de ces contrats, et affirme que ces contrats d’usage ont été conclus avec le requérant conformément aux dispositions des articles L. 1242-2 et L. 1244-1 du Code du travail métropolitain, sans délai de carence et sans limitation de durée.

Elle sollicite à titre infiniment subsidiaire l’application du principe de proportionnalité au regard des salaires des employés à temps partiel.

La Cour relève d’une part que l’ensemble des contrats de travail ayant pourtant donné lieu à émission des bulletins de salaire fournis par le demandeur ne sont pas produits ou ne sont pas conformes aux exigences de forme imposées par le code du travail : absence de motif du recours au CDD, carence de date ou de durée, pages manquantes’.

D’autre part, le fait pour l’employeur de recourir à des heures complémentaires qui portent la durée de travail du salarié au-delà de la durée légale – même pendant une durée limitée (septembre 2014, novembre 2014 et janvier 2015) – a pour conséquence la requalification du contrat de travail à temps complet.

En conséquence, les relations de travail entre monsieur [M] et la société FRANCE TELEVISIONS seront requalifiées en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet et ce, depuis le 13 février 2001.

Sur l’indemnité de requalification

L’article 1245-2 du Code du travail dispose qu’en cas de requalification du contrat initial en contrat à durée indéterminée, il doit être accordé une indemnité au salarié qui ne peut être inférieure à un mois de salaire. La jurisprudence précise à cet égard qu’elle ne saurait être inférieure au dernier salaire mensuel perçu.

Sur la demande d’indemnité de requalification du contrat en CDI, la société défenderesse soutient que l’article L 1245-2 du Code du travail limitant son montant à un mois, monsieur [M] était en droit de solliciter un montant de 1668.25 €, prime d’ancienneté incluse. Elle estime que le requérant ne rapporte nullement la preuve d’un préjudice étant observé qu’il a bénéficié en qualité d’intermittent d’un salaire conventionnel supérieur aux autres salariés de 30 % et d’allocations chômage en conséquence.

Compte tenu des 14 ans d’ancienneté du demandeur au sein de la société défenderesse, la somme accordée par le premier juge sera confirmée soit 15 000 €.

Sur les rappels de salaire

L’attribution d’un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées entre chaque contrat à durée déterminée est soumise à la condition que le salarié se soit tenu à la disposition de l’employeur pendant celles-ci.

C’est au salarié, dont les contrats à durée déterminée ont été requalifiés en contrat à durée indéterminée, qu’il revient de démontrer qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur pendant les périodes entre les contrats (Soc – 19 mars 2014).

En l’espèce, monsieur [M] affirme qu’il était contraint de se tenir à la disposition permanente de FRANCE TELEVISIONS qui le contactait par téléphone à n’importe quel moment pour l’embaucher, sans délai de prévenance et lui faisait signer de très nombreux contrats à durée particulièrement courte.

FRANCE TELEVISIONS fait valoir de son côté que :

Les attestations précitées émanent pour trois d’entre elles de salariés ([W], [B] et [K]) ayant engagé un contentieux avec France Télévisions et pour les autres ([P], [G], [U]) d’attestations ne témoignant pas de la situation personnelle de M. [M] mais de ses qualités professionnelles, ce qui n’est pas en débat, ou de considérations générales ou personnelles sur l’emploi des CDD chez France Télévisions

Les salariés en CDD (dits « intermittents ») bénéficient d’un salaire supérieur de 30 % à celui des salariés en CDI s’agissant de barèmes qui n’ont pas été remis en cause

M. [M] a perçu les allocations chômage des « intermittents du spectacle » de 2010 à 2013 pour un montant de 49 279 €

Il a eu d’autres employeurs que France Télévisions ainsi qu’il ressort de ses déclarations de revenus 2010, 2011, 2013, 2014 et 2015, de son CV et de son site Internet

Il résulte de ce qui précède que les éléments portés à la connaissance de la Cour sont les suivants :

— un panel de décisions judiciaires rendues dans des cas similaires et où France Télévisions était cité, et en particulier de nombreuses décisions rendues par la cour de cassation en 2020 (pièce 24) d’où il résulte que les demandes de rappels de salaire ont été rejetées si le salarié n’avait pas travaillé pour un autre employeur et avait été indemnisé par Pôle Emploi

— des bulletins de salaire émanant de France Télévisions attestant de périodes de travail courtes et fréquentes sur un même mois d’un montant 30% supérieur aux CDI

— des témoignages de nature à expliquer que M. [M] était en permanence à disposition de son employeur et notamment le fait développé lors de l’audience qu’il était prévenu quelques jours avant ses interventions (cf. messages vocaux retranscrits (pièces demandeur n° 67 et 68) la veille pour le lendemain voire le jour même ou à la dernière minute (attestation [P] Pièce n° 61 ou [G] (pièce n° 63) ) et qu’afin d’obtenir d’autres opportunités de contrat, il était nécessaire qu’il accepte tout contrat qui lui était proposé. Ainsi des attestations [W] (pièce 60), [K], ou [R] qui font état de ce que M. [M] n’a jamais refusé un contrat

— Une indemnisation des périodes de chômage de 2010 à 2013 inclus

D’où il résulte qu’il sera fait justice de la « précarité » à laquelle le salarié aurait été exposé et que Monsieur [M] échoue en conséquence à démontrer qu’il se serait tenu à disposition permanente de l’employeur pendant les périodes interstitielles : la décision du premier juge de le débouter de ses demandes relatives aux rappels de salaires et congés payés afférents sera en conséquence confirmée.

Sur les rappels de prime d’ancienneté et les congés payés afférents

L’article L 3141-24 du Code du travail dispose que le congé annuel ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence, qui ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congés si le salarié avait continué à travailler.

L’article V.4-4 de la convention collective applicable à la présente espèce accorde à tous les salariés embauchés à durée indéterminée une prime d’ancienneté en sus du salaire mensuel de base qui s’établit par an au taux de 0,8 % jusqu’à 20 ans d’ancienneté, ce qui est le cas de monsieur [M] qui bénéficie d’une ancienneté de 14 ans.

France Télévisions fait état de deux jurisprudences de la Cour de cassation traitant en réalité de rappels de rémunérations calculées sur la base d’un accord applicable aux intermittents, ce qui n’est pas le cas du demandeur dont il sera rappelé que le contrat qui le lie à son employeur a été requalifié en CDI. Quant à la jurisprudence citée relative au cumul des situations d’intermittent et de permanent, fondant un rejet des demandes, par ailleurs non exactement similaires, il s’agit d’une décision prud’homale du 21 septembre 2019 dont on ignore si elle est définitive.

A l’inverse, M. [M] justifiant de son mode de calcul sollicite le versement de la somme de 9369 € au titre des rappels de prime d’ancienneté qui lui sera accordée. S’agissant de la prétention de M.[M] d’un montant de 936 € au titre des congés payés afférents au rappel de la prime d’ancienneté précitée, elle lui sera refusée compte tenu de la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation sur ce point rappelée par le tribunal : sur le fondement de la disposition ci-dessus, elle inclut la prime d’ancienneté dans l’assiette des congés payés puisque l’indemnité de congés payés ne peut pas être inférieure à la rémunération théorique de l’employé s’il avait été maintenu dans ses fonctions, et ce, indépendamment du fait qu’elle rémunère ou non un travail effectif (Soc. 21 septembre 2017).

Sur les primes de fin d’année

M. [M] justifie de ce que les salariés de la société FRANCE TELEVISIONS embauchés à durée indéterminée perçoivent une prime de fin d’année dont il n’a jamais bénéficié : il en demande le versement pour la part non prescrite.

La Cour rappelle que s’agissant de la prime de fin d’année, la société défenderesse ne prend pas en considération la requalification à temps plein du contrat de travail vue supra.

France Télévisions devra régler au demandeur la somme de 2954 euros à ce titre.

Sur les mesures ‘France Télévisions’

Pour les mêmes motifs tirés de la requalification à temps plein de son contrat de travail que ceux qui viennent d’être exposés pour les primes de fin d’année, la société FRANCE TELEVISIONS sera condamnée à verser au salarié la somme de 250 € à ce titre.

Sur la fixation du salaire de référence

L’article R 1234-4 du Code du travail dispose que le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié : 1°) soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement (‘) , 2°) soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce dernier cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.

Monsieur [M] sollicite de retenir la rémunération moyenne qu’il a perçue au cours des 3 derniers mois précédant la rupture de son contrat de travail, soit 4 640,77 € mensuels, auxquels il ajoute les congés payés versés par l’employeur via la Caisse des Congés Spectacle d’un montant de 464 €, ainsi que la prime d’ancienneté résultant de l’Accord d’Entreprise de France Télévisions égale à 288 €, soit une rémunération mensuelle de référence de 5392 €. L’examen des bulletins de salaire des mois précédant la requête initiale montrent un temps de travail équivalent à un temps plein.

La société défenderesse s’y oppose en expliquant que la requalification ne permet plus au demandeur de s’appuyer sur un salaire majoré en qualité d’intermittent qui plus est indexé pour l’outremer. La société FRANCE TELEVISIONS affirme que le salaire moyen du requérant doit être calculé au prorata de son temps de travail moyen, soit pour un horaire mensuel moyen de 70,88 heures la somme de 1668.25 €.

La Cour relève que cette méthode va contre la lettre de l’article R 1234-4 et que le calcul de l’employeur ne tient pas compte de la requalification à temps plein.

En tout état de cause, France Télévisions fait observer que lors de la procédure de contredit devant la cour d’appel de Paris, M. [M] revendiquait un salaire de base de 3579,40 €, prime d’ancienneté incluse. Ce montant est qualifié de « pertinent » par l’employeur et de « point d’accord entre les parties ».

Le premier juge souligne que les observations et pièces fournies ne lui permettaient pas d’effectuer le calcul en retirant du dernier salaire les avantages tirés du statut d’intermittent et lui attribuant ceux du statut de permanent. Or il est acquis que la société avait calculé ce salaire au prorata des 8,86 jours sur une base de 3579,40 € en retranchant 30% inhérents au statut d’intermittent : calculer autrement reviendrait à ne pas tirer les conclusions de la requalification du contrat de M. [M] à durée déterminée et à temps plein.

En outre, la majoration ‘Outremer’ ne saurait entrer ici en ligne de compte en ce qu’elle amènerait à majorer artificiellement le salaire de référence concernant le calcul d’un licenciement pour une période de travail qui s’est déroulée de 2011 à 2014 en métropole.

Dès lors, compte tenu de l’ensemble de ces éléments et de la méthode de calcul présentée par le demandeur, le salaire de référence sera ramené à la somme de 3579,40 €.

Sur l’indemnité de licenciement

Monsieur [M] possède une ancienneté supérieure à un an : une indemnité de licenciement doit lui être attribuée en application de l’article L 1234-9 du Code du travail. Elle sera calculée sur le fondement de l’article IX. 6 de la Convention Collective figurant à l’Accord d’entreprise du 28 mai 2013, disposition plus avantageuse que l’article de loi précité.

En effet, ce texte prévoit une indemnité conventionnelle égale à 1 mois de rémunération pour la tranche comprise entre 1 et 12 ans de présence dans l’entreprise, et 3 à 4 de mois de rémunération pour la tranche comprise entre 12 et 19 ans de présence dans l’entreprise, ce qui est le cas du demandeur dont l’ancienneté est de 14 ans.

Par conséquent, il est fait droit à la demande présentée et le requérant se voit attribuer la somme de 42 952, 80 (12 X 3579,40) + 5369,10 (3579,40 X 3/4 X 2) = 48 321,90 €, à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Enfin, M.[M] conclut que, faute pour la société France TELEVISIONS d’avoir diligenté une procédure de licenciement, la rupture de leurs relations contractuelles est sans cause réelle et sérieuse : aucune réintégration ne lui a en outre été proposée. Il n’exclut d’ailleurs qu’existe une relation de cause à effet entre le fait que France Télévisions n’ait plus collaboré avec lui et l’assignation en justice de la société devant la juridiction parisienne.

L’article L 1235-3 du Code du travail ayant été réformé par ordonnance du 22 septembre 2017, sera appliqué dans sa version applicable à l’époque de la rupture des relations contractuelles soit en 2015. Les demandes présentées seront arbitrées sur un salaire mensuel de référence de 3579,40 €.

En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’indemnité au salarié ne pouvait être inférieure aux 6 derniers mois de salaire : en l’état de l’ancienneté de monsieur [M], compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération du demandeur, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, le tribunal retient que l’indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de monsieur [M] sera arbitrée à 12 mois de salaire soit 3579, 40 € soit 42 952,80 €.

Sur les indemnités compensatrices de préavis et de congés payés sur préavis

Les articles L 1234-1 et L 1234-2 du Code du travail disposent que le salarié a droit à un délai-congé dont la durée est fixée à 2 mois pour une ancienneté supérieure à 2 ans.

Toutefois, l’article IX.8 de la Convention Collective, repris par l’accord d’entreprise, qui prévoit une indemnité compensatrice de préavis égale à 3 mois de salaire pour les cadres, est plus favorable au demandeur, et lui sera donc appliqué en l’espèce.

Pour mémoire, l’article L 3141-22 du Code du travail, rappelle que l’indemnité de congés payés est égale au dixième de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence ayant déterminé le droit et la durée des congés.

En conséquence, il y a lieu de condamner la société défenderesse à régler à monsieur [M], qui bénéficie du statut de cadre, la somme de 10 738,20 € (soit 3 mois de salaire) à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1073€ de congés payés afférents.

Sur la demande du syndicat SNRT-CGI

L’article L 2132-3 du Code du travail rappelle le principe selon lequel les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.

En l’espèce, le syndicat SNRT-CGT a présenté devant le tribunal du travail des demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif de la profession et de remboursement de ses frais irrépétibles. Il fondait ses demandes sur la situation de précarité du demandeur partagée par des milliers de salariés de France Télévisions et sur une gestion sociale attentant aux droits individuels de monsieur [M] et à l’intérêt collectif de sa profession de chef monteur.

A l’inverse, la société FRANCE TELEVISIONS avait contesté la recevabilité pour agir faute pour la CGT de présenter une délibération conforme à ses statuts à l’origine de cette action en justice. Les demandes du syndicat ont été déclarées irrecevables.

En cause d’appel, aucune demande n’a été présentée devant la cour.

Sur l’exécution provisoire

L’exécution provisoire est de droit en cause d’appel.

Sur les frais irrépétibles

L’article 700 du Code de procédure civile dispose que, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l ‘autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu de cette condamnation.

ll serait inéquitable en l’espèce de laisser à la charge du salarié les frais irrépétibles qu’il a engagés. La société défenderesse, succombant à l’instance, sera condamnée à lui payer la somme de 100.000 XPF à ce titre.

Sur les dépens

La gratuité de la procédure devant les juridicdtions du travail de Nouméa (article 880-1 du code de procédure civile) n’impliquent pas l’absence de dépens au sens de l’article 696 du code de procédure en ce que cette absence aurait en particulier pour conséquence de ne pas permettre à la partie gagnante de voir ses frais de signification des décisions mis à la charge de la partie qui succombe. En conséquence FRANCE TELEVISIONS sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

DIT que le contrat de travail entre monsieur [D] [M] et la société France TELEVISIONS est régi par les dispositions du Code du travail métropolitain ;

CONSTATE que le contrat de travail entre monsieur [D] [M] et la société FRANCE TELEVISIONS est un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, et ce depuis le 13 février 2001 ;

DIT que la rupture du contrat de travail de monsieur [D] [M] par la société FRANCE TELEVISIONS du 29 juillet 2015 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONSTATE que le salaire brut de référence de monsieur [D] [M] est de 3579,40 euros / 427 136, 04 francs ;

DÉBOUTE monsieur [D] [M] de sa demande de rappel de salaires et des congés payés afférents ;

CONDAMNE la société FRANCE TELEVISIONS à verser à monsieur [D] [M] les sommes suivantes :

— quinze mille (15 000) euros soit un million sept cent quatre-vingt-neuf mille neuf cent soixante-seize (1 789 976) francs CFP à titre d’indemnité de requalification prévue par l’article Ll245-2 du Code du travail ;

— dix mille six cent quatre (10 604) euros soit un million deux cent soixante-cinq mille trois cent quatre-vingt-quatorze (1 265 394) francs CFP au titre de la prime d’ancienneté ;

— mille soixante (1060) euros soit cent vingt-six mille quatre cent quatre-vingt-douze (126 492) francs CFP au titre des congés payés afférents à la prime d’ancienneté ;

— deux mille neuf cent cinquante-quatre (2954) euros soit trois cent cinquante-deux mille cinq cent six (352 506) francs CFP de dommages et intérêts au titre de la prime de fin d’année ;

— deux cent cinquante (250) euros soit vingt-neuf mille huit cent trente-trois (29 833) francs XPF de dommages et intérêts au titre de la mesure dite ‘France télévisions’ ;

— quarante-huit mille trois cent vingt euros et quatre-vingt-dix cents soit 48 321, 90 euros soit cinq millions sept cent soixante-six mille sept francs et soixante-seize centimes (5 766 007, 76 francs CFP) au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement;

— quarante-deux mille neuf cent cinquante-deux euros et quatre-vingt cents (42 952,80 €) soit cinq millions cent vingt-cinq mille six cent trente-deux francs et quarante-cinq centimes (5 125 632,45 XPF) à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

— dix mille sept cent trente-huit euros et vingt cents (10 738,20 €) soit un million deux cent quatre-vingt-un mille quatre cent huit francs et onze centimes (1 281 408, 11 XPF) à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

— mille soixante-treize euros (1073 €) soit cent vingt-huit mille quarante-deux euros et quatre-vingt-seize centimes (128 042, 96 XPF) à titre d’indemnité de congés payés sur préavis ;

CONDAMNE FRANCE TELEVISIONS à verser une somme de 100 000 Francs sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie

CONDAMNE FRANCE TELEVISIONS y succombant aux dépens de l’instance

Le Greffier,Le Président.


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