Requalification de stage en CDI : prescription confirmée

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Requalification de stage en CDI : prescription confirmée

La demande de requalification de la prestation de travail pendant le stage en CDI de Mme [Z] a été rejetée en raison de la prescription de la demande. La demande de salaires impayés, d’indemnités et de dommages-intérêts a également été rejetée en raison de la prescription.

La demande de rupture abusive du CDD a été rejetée, car la rupture était justifiée. La demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail a été rejetée faute de preuves. La demande de travail dissimulé a été rejetée en raison du contexte financier de l’entreprise.

La demande de visite médicale d’embauche a été partiellement acceptée, mais la demande de dommages-intérêts a été rejetée faute de préjudice spécifique. Une partie des frais exposés par Mme [Z] a été fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société. Les dépens et les frais irrépétibles de procédure ont également été fixés au passif de la liquidation judiciaire.

Mme [Z] demande la requalification de sa prestation de travail pendant son stage en CDI.

En première instance, la société de Keating ès qualités a opposé la prescription de la demande, ce que le conseil de prud’hommes a retenu.

L’alinéa 1er de l’article L. 1471-1 du code du travail dispose’: «’Toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.’»

En l’espèce, le stage a débuté le 2 janvier 2015 et a été suivi de la signature d’un CDD le 19 mai 2015.

A la date de signature du CDD au plus tard, Mme [Z] avait connaissance de la spécificité du statut salarié lui permettant d’exercer son droit.

Elle disposait donc d’un délai de deux ans pour exercer son action en requalification, ce qu’elle aurait dû faire avant le 18 mai 2017.

Or, elle n’a saisi le conseil de prud’hommes que par requête reçue au greffe le 21 juin 2017.

Pour contester l’acquisition de la prescription, Mme [Z] se limite à invoquer, de façon inopérante, sa méconnaissance des règles de droit, alors qu’elle était assistée d’un conseil en première instance, en la personne de son père.

Son action en requalification est donc prescrite, par confirmation du jugement entrepris.

Mots clefs associés à cette affaire

Convention de stage, requalification, CDI, prescription, salaires impayés, congés payés, indemnité de préavis, indemnité compensatrice de congés payés, 13e mois, rupture du CDD, préjudice, licenciement, travail dissimulé, visite médicale d’embauche, frais, liquidation judiciaire, AGS-CGEA, dépens, frais irrépétibles de procédure.

Définitions juridiques associées à cette affaire

La convention de stage est un accord entre un étudiant et une entreprise qui définit les conditions de réalisation d’un stage dans le cadre de sa formation.

La requalification est le fait de transformer un contrat de travail précaire en contrat à durée indéterminée (CDI) lorsque les conditions légales ne sont pas respectées.

La prescription est le délai au-delà duquel une action en justice n’est plus recevable. Par exemple, les salaires impayés sont prescrits après 3 ans.

Les congés payés sont des périodes pendant lesquelles le salarié cesse de travailler tout en continuant à être rémunéré.

L’indemnité de préavis est une somme versée au salarié en cas de rupture de son contrat de travail avec un préavis.

L’indemnité compensatrice de congés payés est une somme versée au salarié en cas de rupture de son contrat de travail pour compenser les congés payés non pris.

Le 13e mois est une prime annuelle versée aux salariés en complément de leur salaire mensuel.

La rupture du contrat à durée déterminée (CDD) est la fin anticipée du contrat avant son terme prévu.

Le préjudice est le dommage subi par une personne du fait d’une action ou d’une omission d’une autre personne.

Le licenciement est la rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur.

Le travail dissimulé est le fait pour un employeur de ne pas déclarer un salarié ou de ne pas respecter les obligations légales en matière de travail.

La visite médicale d’embauche est une consultation obligatoire pour tout salarié avant son embauche afin de vérifier son aptitude au poste de travail.

Les frais sont les dépenses engagées dans le cadre d’une procédure judiciaire.

La liquidation judiciaire est une procédure qui consiste à vendre les actifs d’une entreprise pour rembourser ses dettes.

L’AGS-CGEA est un organisme qui garantit le paiement des salaires et des indemnités dues aux salariés en cas de liquidation judiciaire de leur employeur.

Les dépens sont les frais de justice engagés par les parties lors d’un procès.

Les frais irrépétibles de procédure sont des frais engagés par une partie lors d’un procès qui ne peuvent pas être remboursés par l’autre partie.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé cette affaire:

– Me Abdelmajid BELLOUTI de la SELEURL SELARL BELLOUTI, avocat au barreau de PARIS
– Me Eric CATRY de la SELARL CABINET CATRY, avocat au barreau de VAL D’OISE
– Me Arthur TOURTET

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 07 SEPTEMBRE 2023

N° RG 21/01847 –

N° Portalis DBV3-V-B7F-USEF

AFFAIRE :

[O] [Z]

C/

S.E.L.A.R.L. DE KEATING, représentée par Maître [I] [L], mandataire liquidateur de la SARL VISUAL PRESS AGENCY

Groupement AGS CGEA IDF OUEST

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Mai 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de NANTERRE

N° Section : I

N° RG : 20/00400

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me [F] [Z]

Me Eric CATRY

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, devant initialement être rendu le 15 juin 2023 et prorogé au 20 juillet 2023 puis au 07 septembre 2023, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Madame [O] [Z]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Abdelmajid BELLOUTI de la SELEURL SELARL BELLOUTI, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0524

APPELANTE

****************

S.E.L.A.R.L. DE KEATING, représentée par Maître [I] [L], mandataire liquidateur de la SARL VISUAL PRESS AGENCY

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Eric CATRY de la SELARL CABINET CATRY, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 101 substitué par Me Arthur TOURTET

Groupement AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 2]

[Localité 5]

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 06 avril 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN,

Rappel des faits constants

La SARL Visual Press Agency, dont le siège social était situé à [Localité 7] dans les Hauts-de-Seine, était une agence de presse. Elle employait moins de onze salariés et appliquait la convention collective nationale des journalistes du 1er’novembre 1976.

Mme [O] [Z], née le 18’juillet 1993, a été retenue pour effectuer un stage au sein de cette société, selon convention de stage à temps complet du 12’décembre 2014, à effet du 2 janvier au 26’juin’2015, moyennant une gratification de 479,65 euros pour 35 heures hebdomadaires, dans le cadre de son cycle de fin d’études de journalisme au sein de l’École Française de Journalisme, qui prévoyait un stage de six mois en entreprise en troisième année.

Elle a ensuite été engagée par cette même société selon contrat à durée déterminée (CDD) à temps complet du 19’mai 2015, à effet du 1er’juillet au’31’août’2015.

Mme [Z] a été en arrêt maladie du 24 juin 2015 jusqu’au 31’juillet 2015.

Par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 30’juillet 2015, la société a été placée en redressement judiciaire. Le 28’juillet 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société et a désigné la société de Keating représentée par Me'[L] en qualité de liquidateur judiciaire.

Mme [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre, en requalification de sa convention de stage et de son CDD en contrat à durée indéterminée (CDI), par requête reçue au greffe le 21’juin 2017.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 12 mai 2021, la formation de départage de la section industrie du conseil de prud’hommes de Nanterre a’:

– dit que les demandes de requalification de la convention de stage en CDI et de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale d’embauche, en’janvier 2015, sont prescrites,

– dit que la rupture du contrat à durée déterminée entre Mme [Z] et la société Visual Press Agency était irrégulière,

– fixé le montant des créances de Mme [Z] au passif de la liquidation de la société Visual Press Agency représentée par Me [L], mandataire-liquidateur, aux sommes suivantes :

. 80,15 euros à titre de salaire,

. 384,10 euros à titre d’arriérés de gratifications et de frais bancaires,

– ordonné à la société Visual Press Agency représentée par Me [L], mandataire-liquidateur, la remise à Mme [Z] d’un certificat de travail, d’un bulletin de salaire de régularisation pour la période de juillet à’août 2015’et d’une attestation Pôle emploi dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision,

– dit n’y avoir lieu d’ordonner une astreinte,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement,

– débouté les parties de leurs autres demandes,

– dit que le jugement était opposable à l’AGS CGEA Île-de-France Ouest, dans la limite du plafond légal,

– dit que les dépens seront inscrits au passif de la société Visual Press Agency représentée par Me [L], mandataire-liquidateur de la société,

– rappelé que les intérêts au taux légal portant sur les créances salariales s’arrêtent au jour de l’ouverture de la procédure collective.

Mme [Z] avait formulé les demandes suivantes’:

– 12 515,68 euros au titre des salaires impayés de janvier à’août 2015,

– 1 251,56 euros au titre des indemnités de congés payés afférentes,

avec déduction de ces montants de la somme de 2 398,225 euros déjà perçus par Mme [Z],

– 1 564,46 euros au titre de l’indemnité de préavis,

– 156,44 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

– 1 173,34 euros au titre du 13ème mois, conformément à la convention collective nationale des journalistes,

– 1 564,46 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

– 10 000 euros pour rupture abusive du contrat de travail,

– 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation contractuelle de loyauté,

– 9 386,76 euros au titre du préjudice subi pour travail dissimulé,

– 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi en raison de l’absence de visite médicale d’embauche,

– 4 000 euros à titre d’indemnité de requalification du stage en contrat à durée indéterminée,

– 1 200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Mme [Z] avait également sollicité la remise des bulletins de salaire de janvier à’septembre 2015’et un certificat de travail, sous astreinte de 100 euros par jour dans le délai de 30 jours à compter de la notification du jugement à intervenir, le remboursement des frais qu’elle a exposés à hauteur de la somme de 640,20 euros, de déclarer le jugement commun et opposable à l’AGS pris en la personne du CGEA Île-de-France Ouest, et que les condamnations soient garanties par l’AGS en application des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail.

Me [L], mandataire liquidateur de la société Visual Press Agency avait, quant à lui, soulevé la prescription des demandes de Mme [Z] tendant à obtenir la requalification de sa convention de stage en CDI et de celles fondées sur l’absence de visite médicale d’embauche, de les déclarer irrecevables, et de la débouter à ce titre. A titre subsidiaire, il avait conclu au débouté total de Mme [Z], excepté les demandes relatives au remboursement des frais de chèques impayés à hauteur de la somme de 14,50’euros. A titre infiniment subsidiaire, le mandataire liquidateur avait demandé que soit constaté qu’aucun préjudice n’était démontré et de débouter la requérante de l’ensemble de ses demandes. Il avait également sollicité la condamnation de Mme [Z] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens. Enfin, il avait demandé la fixation des condamnations éventuelles au passif de la liquidation et de dire que les sommes seront garanties par l’AGS dans la limite de ses plafonds.

L’Unedic AGS CGEA Ile-de-France Ouest avait soutenu que les demandes de requalification et de dommages-intérêts étaient irrecevables et prescrites, donc de débouter la requérante. Subsidiairement, elle avait sollicité d’amender les demandes de dommages-intérêts dans la limite du préjudice démontré. A titre subsidiaire sur la garantie, elle avait rappelé les limites de sa garantie.

La procédure d’appel

Mme [Z] a interjeté appel du jugement par déclaration du 12 juin 2021 enregistrée sous le numéro de procédure 21/01847.

Par ordonnance rendue le 29 mars 2023, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 6 avril 2023.

Prétentions de Mme [Z], appelante

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 6 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [Z] conclut à l’infirmation du jugement déféré et demande à la cour d’appel de’:

à titre principal,

– requalifier la convention de stage du 12’décembre 2014’avec prise d’effet au 2’janvier 2015’en contrat de travail à durée indéterminée,

– juger que Mme [Z] a exercé les fonctions de rédacteur stagiaire conformément à la convention collective nationale des journalistes du 2 janvier 2015 au’31 août 2015,

– condamner la société Visual Press Agency représentée par son liquidateur Me [I] [L] de la société [L] mandataire judiciaire et fixer au passif de la société Visual Press Agency société en liquidation judiciaire les sommes suivantes :

. 12 515,68 euros au titre des salaires impayés de’janvier 2015’à’août 2015,

. 1 251,56 euros au titre des congés payés afférents,

. déduire desdits montants la somme de 2 398,225 euros qu’elle a déjà perçue,

. 1 564,46 euros au titre de son indemnité de préavis,

. 156,44 euros au titre de son indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

. 1 173,34 euros au titre de son 13e’mois conformément à la convention collective nationale des journalistes,

. 1 564,46 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice qu’elle a subi pour non-respect de la procédure de licenciement,

. 10 000 euros pour rupture abusive du contrat de travail,

. 5 000 euros pour manquement à ses obligations contractuelles, de loyauté et à titre de préjudice moral,

. 9 386,76 euros au titre du préjudice subi pour travail dissimulé,

. 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi en raison de l’absence de visite médicale d’embauche,

. 4 000 euros au titre de l’indemnité de requalification de stage en contrat à durée indéterminée, »

– ordonner la remise de :

. l’ensemble de ses bulletins de salaire de’janvier 2015’à’septembre 2015,

. son certificat de travail,

. son attestation Pôle emploi,

lesdits documents sous astreinte de 100 euros par jour dans le délai de 30 jours à compter de la notification du jugement à intervenir,

– fixer le remboursement des frais à hauteur de 640,20 euros,

. frais d’opposition 14,50 euros Société Générale (sic),

. frais de transport en commun carte imaginaire 6 mois par moitié 35 x 6 = 210 euros (sic),

subsidiairement,

– juger que la rupture du contrat de travail à durée déterminée du 19’mai 2015’est abusive,

– condamner la société Visual Press Agency représentée par son liquidateur Me [I] [L] de la société [L] mandataire judiciaire et fixer au passif de la société Visual Press Agency société en liquidation judiciaire les sommes suivantes :

. 1 457,52 euros au titre du salaire de’juillet 2015,

. 1 457,52 euros au titre du salaire du mois d’août 2015,

. 242,91 euros au titre du 13ème mois au prorata temporis, »

. 315,80 euros au titre de l’indemnité de précarité,

– ordonner la remise à son profit :

. des bulletins de salaire de juillet et’août 2015,

. du certificat de travail,

. de son attestation Pôle emploi,

lesdits documents sous astreinte de 100 euros par jour dans le délai de 30 jours à compter de la notification de l’arrêt à intervenir.

. 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi en raison d’absence de visite médicale d’embauche,

. 5 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice subi,

– au titre des frais qu’elle a exposés’:

. frais d’opposition 14,50 euros société générale,

. frais de transport en commun carte imaginaire 6 mois par moitié 35 x 6 = 210 euros,

. fixer le remboursement des frais à hauteur de 640,20 euros,

– la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article’700’du’code de procédure civile,

– déclarer l’arrêt à intervenir commun et opposable à l’AGS en la personne du CGEA Île-de-France Ouest,

– juger que lesdites condamnations seront garanties par l’AGS pris en la personne du CGEA Île-de-France Ouest en application des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail.

Prétentions de la société de Keating ès qualités, intimée

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 22 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société de Keating ès qualités demande à la cour d’appel de :

– prononcer la recevabilité de l’appel incident formulé par la SELARL DE KEATING en sa qualité d’intimé

– confirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a prononcé l’irrecevabilité des demandes de Mme [Z] concernant la requalification de son stage en CDI et concernant le défaut de visite médicale d’embauche, ces demandes étant prescrites,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [Z] de ses autres demandes,

– infirmer le jugement en ce qu’il a fait droit aux demandes de Mme [Z] au titre de la rupture de son CDD,

– débouter Mme [Z] de ses autres demandes,

subsidiairement, »

– ramener les demandes de Mme [Z] à de plus justes proportions,

en toute hypothèse, »

– condamner Mme [Z] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’au paiement des entiers dépens.

Prétentions de l’Unedic

L’Unedic n’a pas constitué avocat.

Mme [Z] lui a fait signifier sa déclaration d’appel par acte du 21 septembre 2021, remis à une personne habilitée à le recevoir et ses conclusions par acte du 13 septembre 2021.

L’arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l’article 473 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Sur la convention de stage

Mme [Z] demande la requalification de sa prestation de travail pendant son stage en CDI.

En première instance, la société de Keating ès qualités a opposé la prescription de la demande, ce que le conseil de prud’hommes a retenu.

L’alinéa 1er de l’article L. 1471-1 du code du travail dispose’: «’Toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.’»

En l’espèce, le stage a débuté le 2 janvier 2015 et a été suivi de la signature d’un CDD le 19 mai 2015.

A la date de signature du CDD au plus tard, Mme [Z] avait connaissance de la spécificité du statut salarié lui permettant d’exercer son droit.

Elle disposait donc d’un délai de deux ans pour exercer son action en requalification, ce qu’elle aurait dû faire avant le 18 mai 2017.

Or, elle n’a saisi le conseil de prud’hommes que par requête reçue au greffe le 21 juin 2017.

Pour contester l’acquisition de la prescription, Mme [Z] se limite à invoquer, de façon inopérante, sa méconnaissance des règles de droit, alors qu’elle était assistée d’un conseil en première instance, en la personne de son père.

Son action en requalification est donc prescrite, par confirmation du jugement entrepris.

Il s’ensuit l’irrecevabilité des demandes subséquentes, à savoir’les demandes suivantes, fondées sur le bénéfice, en tant que salariée, du statut de journaliste rédacteur stagiaire conformément à la convention collective nationale des journalistes, qui prévoit un minima conventionnel de 1 564,46 euros :

. 12 515,68 euros au titre des salaires impayés de’janvier 2015’à’août 2015,

. 1 251,56 euros au titre des congés payés afférents,

. déduire desdits montants la somme de 2 398,225 euros qu’elle a déjà perçue,

. 1 564,46 euros au titre de son indemnité de préavis,

. 156,44 euros au titre de son indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

. 1 173,34 euros au titre de son 13e’mois conformément à la convention collective nationale des journalistes.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur la rupture du CDD

Aux termes de son argumentation, Mme [Z] sollicite que, suite à la requalification de sa convention de stage en CDI, la date de rupture de celui-ci soit fixée au 31 août 2015 et formule en conséquence des demandes indemnitaires. Faute toutefois d’avoir obtenu la requalification de la convention de stage, cette argumentation ne peut prospérer.

Mme [Z] soutient encore qu’elle se serait présentée à l’entreprise le 3 août 2015 et que M.'[E] lui aurait fait savoir qu’il ne l’attendait pas, que la rupture ainsi prononcée était abusive.

La société de Keating ès qualités rappelle que Mme [Z] a fait l’objet d’un arrêt de travail à compter du 24 juin 2015 jusqu’au 31 juillet 2015, après une intoxication médicamenteuse et que la société Visual Press Agency a déclaré être en cessation de paiement le 22 juillet 2015.

Pour justifier de la rupture du CDD au 3 août 2015, la société de Keating ès qualités soutient que la salariée a été avisée ce même jour qu’il était mis fin à sa période d’essai, qui aurait dû débuter le 1er juillet 2015 mais qui a été suspendue jusqu’au jour de sa reprise.

Il est rappelé que la rupture de la période d’essai n’est soumise à aucun formalisme.

Elle se déduit ici d’un courriel adressé par Mme [Z] à la société le 6 août 2015, dans les termes suivants’:’«’Bonjour [P], Voici comme promis l’article sur [H] [S], assorti d’un encadré’; j’espère que tu n’auras pas trop de corrections à faire.

Je te transmets également mon CV, car je recherche actuellement un nouveau job. N’hésite pas à me contacter si tu entends parler de quelque chose.

Bonne journée et excellente continuation.

[O].’» (pièce 68 de la salarié).

Le fait que la salariée indique rechercher un nouvel emploi confirme que son CDD était rompu et les termes du courriel accréditent le fait qu’il n’existait aucun contentieux entre les parties relativement aux circonstances de la fin de la relation de travail.

Il s’ensuit que Mme [Z] doit être déboutée de ses demandes contraires, à savoir les demandes suivantes’:

. 1 564,46 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice qu’elle a subi pour non-respect de la procédure de licenciement,

. 10 000 euros pour rupture abusive du contrat de travail.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

Mme [Z] sollicite l’allocation d’une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Elle soutient que la société Visual Press Agency a eu un comportement particulièrement déloyal à son égard. Elle invoque le fait qu’il lui a été imposé une charge de travail particulièrement lourde, que son employeur a eu un comportement inadmissible à son égard à la suite du décès de sa mère, que malgré son état de santé, il l’a submergée de travail, qu’il lui a demandé de produire des articles en juillet 2015 alors qu’elle était en arrêt maladie et qu’il ne lui a versé ni gratification, ni indemnité de juin à août 2015.

La société de Keating ès qualités oppose une carence probatoire totale de la salariée.

Il est rappelé que, conformément aux dispositions de l’article L.’1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Mme [Z] expose dans le détail que le dimanche 19 avril 2015, alors qu’elle était âgée de 21 ans, elle a assisté impuissante au décès brutal de sa mère à leur domicile, que le lundi 20 avril 2015, elle en a informé la société qui, sans une once d’humanité lui a demandé de produire de plus en plus d’articles pour le numéro 51 de juin 2015 du magazine Jour de France, qu’elle s’est épuisée sous la somme de travail imposée par la société si bien qu’elle a fait l’objet d’un arrêt de travail du 24 juin au 31 juillet 2015, que pour autant, elle a continué à produire des articles depuis son domicile et s’est déplacée fin juin 2015 au château du Marais pour interviewer Mme [W], qu’épuisée, elle a fait l’objet de deux déplacements aux urgences de l’unité psychiatrique de l’hôpital Mignot du CHU de [Localité 8], que le 3 août 2015 au terme de son arrêt de travail, elle s’est rendue sur son lieu de travail où M. [E] lui a fait savoir qu’elle n’était pas attendue, qu’il lui a néanmoins demandé plusieurs articles pour le magazine Jour de France de septembre 2015, que la société ne lui a versé aucune indemnité ni salaire du 1er juin 2015 au 31 août 2015.

Même si elle produit plusieurs articles de presse dont elle justifie être l’auteur, la salariée ne justifie pas d’une charge de travail excessive au regard de ce qui était contractuellement convenu. Elle ne revendique pas le paiement d’heures supplémentaires et ne justifie par aucun document utile d’une sollicitation expresse de son employeur lui demandant de travailler pendant ses arrêts de travail. Elle ne justifie pas de l’absence d’humanité dont aurait fait preuve son employeur au moment du décès de sa mère et produit même un courriel du 7 juillet 2015 où celui-ci prend de ses nouvelles (pièce 75 de la salariée).

S’agissant de sa revendication au titre du paiement de son salaire du 1er juin 2015 au 31 août 2015, il a été retenu que le contrat a été valablement rompu le 3 août 2015 et il est admis que la salariée a été en arrêt maladie du 24 juin au 31 juillet 2015, de sorte que seule la période du 1er au 24 juin 2015 devait faire l’objet d’un versement. Mme [Z] produit un avis de rejet d’un chèque de 369,60 euros émis à son ordre par la société Visual Press Agency le 26 juin 2015 correspondant manifestement à la gratification de juin 2015. L’avis mentionne comme motif du rejet «’compte indisponible ‘ décision judiciaire’». Il se déduit de ces éléments que le rejet ne peut être considéré comme intentionnel. Au surcroît, le liquidateur précise avoir d’ores et déjà admis cette somme au passif de la société.

Au regard de ces constatations, Mme [Z] ne justifie pas d’un manquement de son employeur à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail.

Elle sera déboutée de cette demande, par confirmation du jugement entrepris.

Sur le travail dissimulé

Mme [Z] soutient ne pas avoir fait l’objet d’une déclaration préalable à l’embauche, constitutive selon elle d’une dissimulation d’emploi salarié.

L’article L. 8221-5 du code du travail dispose’: «’Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.’»

Aux termes de ces dispositions, la dissimulation d’emploi se caractérise par la réunion d’un élément matériel et d’un élément intentionnel tenant à l’intention coupable de l’employeur de dissimuler l’emploi salarié.

La société de Keating ès qualités, à qui incombe la charge de la preuve, ne justifie certes pas que l’employeur a accompli la déclaration préalable à l’embauche de Mme [Z] au titre de son CDD.

Cependant, cette absence de déclaration s’inscrit dans un contexte de difficultés financières importantes de la société, alors que Mme [Z] avait été auparavant stagiaire et à ce titre dispensée de déclaration et qu’elle était en arrêt maladie au moment de la prise d’effet du contrat.

Ces circonstances conduisent à écarter le motif selon lequel ce serait de façon intentionnelle que la société Visual Press Agency se serait abstenue de toute déclaration.

Le délit n’est pas constitué.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la visite médicale d’embauche

Mme [Z] demande l’allocation d’une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi en raison d’absence de visite médicale d’embauche.

A l’appui de sa demande, Mme [Z] reproche à son employeur de ne pas lui avoir fait passer de visite médicale préalable à l’embauche, ni au début de la convention de stage, ni au début du CDD.

Sur la prescription de la demande

Conformément aux dispositions de l’article L. 1474-1 du code du travail rappelées précédemment, le CDD n’ayant débuté que le 1er juillet 2015, Mme [Z] n’a pas agi de façon tardive à ce titre en saisissant le conseil de prud’hommes le 21 juin 2017.

En revanche, s’agissant de la période de stage, la demande apparaît tardive mais serait, quoi qu’il en soit, mal fondée puisque l’employeur n’a pas à organiser de visite d’information et de prévention pour le stagiaire, les examens médicaux obligatoires relevant de l’établissement d’enseignement.

La demande formulée au titre du CDD est donc recevable, ainsi que l’a justement retenu le conseil de prud’hommes qui sera confirmé de ce chef.

Sur le bien-fondé de la demande

La société de Keating ès qualités, sur qui pèse la charge de la preuve, ne justifie pas avoir organisé une visite médicale d’embauche.

Toutefois, à l’appui de sa demande de dommages-intérêts, Mme [Z] n’allègue pas avoir subi un préjudice spécifique, de sorte qu’elle sera déboutée de cette demande, par confirmation du jugement entrepris.

Sur les frais

Mme [Z] ne formule pas clairement sa demande, se limitant à la mention suivante’:

«’au titre des frais exposés par [O] [Z]

– frais d’opposition 14,50 euros Société Générale

– frais de transport en commun carte imaginaire 6 mois par moitié 35 X 6 = 210 euros

fixer le remboursement des frais à hauteur de 640,20 euros’».

Elle ne donne aucune explication, ni de fait, ni de droit, dans le corps de ses écritures.

Elle produit son relevé de compte de septembre 2015 avec des frais de rejet d’un chèque pour un montant de 14,50 euros (sa pièce 78), qu’il convient d’entériner.

Elle ne produit en revanche pas de justificatif de son abonnement à la carte Imagine R et elle ne s’explique pas sur les 640,20 euros réclamés, de sorte qu’elle sera déboutée du surplus de sa demande.

Le jugement sera infirmé de ce chef, seule la somme de 14,50 euros, que le liquidateur reconnaît devoir, étant fixée au passif.

Sur la fixation au passif

Il est rappelé qu’en application des dispositions de l’article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers, tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent et qu’en application des dispositions des articles L. 622-22 et L. 625-1 du même code, les éventuelles créances du demandeur ne pourront faire l’objet, le cas échéant, que d’une fixation au passif de la liquidation judiciaire.

Sur la garantie de l’Unedic, délégation AGS-CGEA Île-de-France Ouest

Aux termes de l’article L. 3253-8 du code du travail, l’assurance mentionnée à l’article L.’3253-6 couvre les sommes dues aux salariés à la date du jugement d’ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ainsi que les créances résultant de la rupture du contrat de travail intervenant pendant la période d’observation.

Compte tenu de la nature des sommes allouées, l’AGS-CGEA doit sa garantie dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail.

Le présent arrêt sera déclaré opposable à l’Unedic, délégation AGS-CGEA Île-de-France Ouest.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

Compte tenu de la teneur de la décision rendue, les dépens de première instance et d’appel seront fixés au passif de la liquidation judiciaire de la société.

Par équité, les parties seront toutes les deux déboutées de leurs demandes présentées en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt réputé contradictoire,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nanterre le 12 mai 2021, excepté en ce la somme de 384,10 euros a été fixée au passif de la liquidation judiciaire au profit de Mme [O] [Z] au titre des arriérés de gratifications et de frais bancaires,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la société Visual Press Agency au profit de Mme [O] [Z] les sommes suivantes’:

. 14,50 euros au titre de frais bancaires,

. les dépens de première instance et d’appel,

DÉBOUTE Mme [O] [Z] du surplus de ses demandes,

DÉBOUTE Mme [O] [Z] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la société de Keating en qualité de liquidateur de la société Visual Press Agency de sa demande sur le même fondement,

DÉCLARE le présent arrêt opposable à l’Unedic, délégation AGS-CGEA Île-de-France Ouest dans les limites de sa garantie légale,

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Domitille Gosselin, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


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