Requalification de la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse

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Requalification de la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse
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Nos Conseils:

1. Il est recommandé de faire appel de la décision du Conseil de Prud’hommes si vous estimez que le jugement rendu n’est pas favorable à vos intérêts. Assurez-vous de bien motiver votre appel en mettant en avant les manquements de l’employeur et les préjudices subis.

2. Demandez une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse si vous considérez que la prise d’acte de votre contrat de travail était justifiée en raison des manquements graves de l’employeur. Calculez le montant de cette indemnité en fonction de votre ancienneté, de votre salaire et des préjudices subis.

3. Veillez à ce que l’employeur respecte ses obligations en matière de paiement des salaires, de remise des bulletins de paie et de transmission des éléments nécessaires à l’organisme de prévoyance. En cas de non-respect de ces obligations, vous pouvez demander des dommages et intérêts pour le préjudice subi.

Résumé de l’affaire

Monsieur T a été embauché par la société F2V en novembre 2008 en tant que poseur de fermetures menuisées. En octobre 2021, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail et a saisi le conseil de prud’hommes pour demander la requalification de cette prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il réclame diverses sommes à titre de dommages et intérêts, indemnités légales et compensatoires, ainsi que des indemnités pour préjudice moral. Il demande également que les sociétés F2V et F2V Menuiserie lui transmettent les documents nécessaires pour percevoir son complément de salaire en arrêt maladie.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

19 juin 2024
Cour d’appel de Reims
RG n°
23/00119
Arrêt n°

du 19/06/2024

N° RG 23/00119

MLS/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 19 juin 2024

APPELANT :

d’un jugement rendu le 20 septembre 2022 par le Conseil de Prud’hommes de CHARLEVILLE MEZIERES, section Industrie (n° F 21/00217)

Monsieur [O] [T]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par la SCP DUPUIS LACOURT MIGNE, avocats au barreau des ARDENNES

INTIMÉES :

SAS F2V MENUISERIE

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représentée par Me Corentine DUPIN, avocat au barreau des ARDENNES

SELAFA MJA

prise en la personne de Me [X] [U]

en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SASU FERMETURES VOLETS [G] (FSV)

[Adresse 3]

[Localité 7]

Défaillante

L’AGS CGEA D’ILE DE F RANCE EST

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par la SCP X.COLOMES S.COLOMES – MATHIEU -ZANCHI – THIBAULT, avocats au barreau de l’AUBE

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 6 mai 2024, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur François MÉLIN, président de chambre, et Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 19 juin 2024.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Monsieur François MÉLIN, président de chambre

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Madame Maureen LANGLET, greffier placé

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MÉLIN, président de chambre, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Exposé des faits et de la procédure :

Monsieur [O] [T] a été embauché à compter du 3 novembre 2008 en qualité de compagnon professionnel poseur de fermetures menuisées par la société Fermetures Volets [G] dénommée F2V, alors gérée par M. [C] [G]. Cette société dont les parts ont été cédées a été ensuite gérée par M. [B] [L], lequel a crée une autre société F2V Menuiseries.

Le 13 octobre 2021, M. [T] a adressé à la société F2V et à la société F2V Menuiserie un courrier de prise d’acte de la rupture de son contrat de travail.

Le 10 décembre 2021, le salarié a fait attraire la société F2V et la société F2V Menuiserie devant le conseil de prud’hommes de Charleville-Mézières à’qui il a demandé de :

– requalifier la prise d’acte du contrat de travail en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– faire condamner in solidum la société F2V et la société F2V Menuiserie à lui payer les sommes suivantes’:

. 50’000 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 8’101,60 euros d’indemnité légale de licenciement,

. 5’833,26 euros d’indemnité compensatrice de préavis,

. 583,32 euros d’indemnité de congés payés afférents,

. 50 euros de rappel de salaire du mois de mai 2021,

. 5 euros de congés payés afférents,

. 1’458,31 euros de rappel de salaire du mois de juin 2021,

. 145,83 euros de congés payés afférents,

. 1’485,31 euros d’indemnité compensatrice de congés payés (15 jours restants),

. 350 euros d’indemnité compensatrice de congés payés pour les congés 2021,

. 10’000 euros de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice moral,

. 2’000 euros d’indemnité de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

– faire condamner sous astreinte, in solidum, la société F2V et la société F2V Menuiserie à transmettre à l’organisme de prévoyance dont il dépend son arrêt de travail, son décompte de sécurité sociale et tout justificatif nécessaire permettant à la prévoyance de lui verser son complément de salaire pour la période pour laquelle il s’est retrouvé en arrêt maladie soit du 14 juin 2021 à la prise d’acte de son contrat de travail,

– faire ordonner sous astreinte à la société F2V et à la société F2V MENUISERIE de remettre des bulletins de paie de juin 2021 jusqu’au jour du prononcé de la requalification de la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre subsidiaire,

– de faire condamner la société F2V à lui verser les mêmes sommes à l’exception de la somme de 350 euros au titre des congés payés 2021.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 20 septembre 2022 et notifié le 30 décembre 2022, le conseil de prud’hommes a’:

– dit M. [O] [T] recevable dans ses demandes et partiellement fondé en ses prétentions,

– condamné la société F2V, à lui verser les sommes suivantes’:

. indemnité de licenciement : 8’101,60 euros,

. indemnité compensatrice de préavis : 5’833,26 euros,

. indemnité de congés payés sur préavis : 583,312 euros,

. rappel de salaire juin 2021′: 1’458,31 euros,

. congés payés sur rappel de salaire : 145,83 euros,

. indemnité compensatrice de congés payés (15jours restants)’: 1’485,31 euros,

. dommages et intérêts pour préjudice moral’: 10’000 euros,

. article 700 du Code de procédure civile’: 2’000 euros,

– condamné la société F2V aux entiers dépens,

– condamné sous astreinte la société F2V à transmettre à l’organisme de prévoyance dont dépend Monsieur [O] [T] son arrêt de travail, son décompte de sécurité sociale et tout justificatif nécessaire permettant à la prévoyance de verser à Monsieur [O] [T] son complément de salaire pour la période pour laquelle Monsieur [O] [T] s’est retrouvé en arrêt maladie soit du 14 juin 2021 à la prise d’acte de son contrat de travail dans un délai de 8 jours à compter de la notification du jugement à intervenir,

– ordonné sous astreinte à la société F2V de remettre des bulletins de paie de juin 2021 jusqu’au jour du prononcé de la requalification de la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouté M. [O] [T] de l’ensemble de ses demandes dirigées contre la société F2V Menuiserie et de sa demande de condamnation in solidum,

– débouté la société F2V Menuiserie de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Le 25 janvier 2023, le salarié a interjeté appel du jugement en ce qu’il a dit M. [O] [T] partiellement fondé en ses demandes, en ce qu’il l’a débouté de l’ensemble de ses demandes dirigées contre la société F2V Menuiserie et de sa demande de condamnation in solidum, en intimant la SASU F2V Menuiserie, la SASU F2V et l’Association Unédic délégation déconcentrée du CGEA AGS d’Ile de France est.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 8 avril 2024.

Exposé des prétentions et moyens des parties :

Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 avril 2023, l’appelant demande à la cour’de :

– infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Charleville-Mézières le 30 décembre 2022,

– requalifier la prise d’acte du contrat de travail en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

A titre principal,

– dire et juger qu’il existe une entité économique autonome,

– condamner la société F2V Menuiserie et fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société F2V les sommes suivantes’:

. dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’: 50’000 euros,

. indemnité légale de licenciement’: 8’101,60 euros,

. indemnité compensatrice de préavis’: 5’833,26 euros,

. indemnité de congés payés sur préavis’: 583,32 euros,

. rappel de salaires de mai 2021′: 50 euros,

. congés payés sur rappel de salaires de mai 2021′: 5 euros,

. rappel de salaire juin 2021′: 1’458,31 euros,

. congés payés sur rappel de salaire’: 145,83 euros,

. indemnité compensatrice de congés payés (15jours restants)’: 1’485,31 euros,

. dommages et intérêts pour préjudice moral’: 10’000 euros,

. article 700 du Code de procédure civile’: 2’000 euros,

– condamner sous astreinte in solidum la société F2V et la société F2V Menuiserie à transmettre à l’organisme de prévoyance dont il dépend son arrêt de travail, son décompte de sécurité sociale et tout justificatif nécessaire permettant à la prévoyance de lui verser son complément de salaire pour la période pour laquelle il s’est retrouvé en arrêt maladie soit du 14 juin 2021 à la prise d’acte de son contrat de travail dans un délai de 8 jours à compter de la notification du jugement (sic) à intervenir, en se réservant la liquidation de l’astreinte,

– ordonner sous astreinte à la société F2V, représentée par son liquidateur judiciaire et à la société F2V Menuiserie de remettre des bulletins de paie de juin 2021 jusqu’au jour du prononcé de la requalification de la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, en se réservant la liquidation de l’astreinte,

A titre subsidiaire,

– fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société F2V les mêmes sommes,

– condamner sous astreinte in solidum la société F2V et la société F2V Menuiserie à transmettre à l’organisme de prévoyance dont il dépend son arrêt de travail, son décompte de sécurité sociale et tout justificatif nécessaire permettant à la prévoyance de lui verser son complément de salaire pour la période pour laquelle il s’est retrouvé en arrêt maladie soit du 14 juin 2021 à la prise d’acte de son contrat de travail dans un délai de 8 jours à compter de la notification du jugement (sic) à intervenir,

– ordonner sous astreinte à la société F2V de remettre des bulletins de paie de juin 2021 jusqu’au jour du prononcé de la requalification de la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse en se réservant la liquidation de l’astreinte,

– dire l’arrêt à intervenir commun et opposable à l’AGS CGEA Ile de France est qui sera tenu de garantir les sommes fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société F2V, et fera l’avance entre les mains du liquidateur de la société F2V des sommes qui lui sont dues au terme de l’arrêt à intervenir.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 avril 2023, la société F2V Menuiserie demande à la cour’:

– de constater que les dispositions de l’article L1224-1 du Code du Travail ne sont pas applicables,

– de confirmer que la société F2V Menuiserie n’est pas l’employeur de Monsieur [T],

– de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [T] de ses demandes dirigées à l’encontre de la société F2V Menuiserie,

– de condamner Monsieur [T] à lui verser la somme de 3’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner l’appelant aux dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 mai 2023, l’Unédic délégation AGS CGEA Ile de France est demande à la cour de’:

– dire son appel incident recevable,

A titre principal,

– infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Charleville-Mézières en son entier,

– débouter Monsieur [T] de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la liquidation de la société F2V et de l’AGS,

– condamner Monsieur [T] [O] à payer à l’AGS une somme de 2’000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamner M. [T] aux entiers dépens.

A titre subsidiaire,

– dire que le CGEA ne sera tenu à garantie des sommes auxquelles la société F2V pourrait être condamnée que dans les limites, conditions et modalités prévues par les articles L3253-6 et suivants du Code du Travail.

– dire notamment que la garantie du CGEA ne pourra s’appliquer sur les créances résultant de la rupture du contrat, l’astreinte, l’article 700 du Code de procédure civile.

La SELAFA Asteren-MJA, prise en la personne de M. [X] [U], en sa qualité de liquidateur de la société F2V, à qui la déclaration d’appel et les conclusions n°2 de l’appelant ont été signifiées le 3 mars 2023 et 12 juillet 2023, n’a pas constitué.

Motivation :

Au préalable il n’est pas inutile de faire observer que le salarié qui a été débouté de sa demande d’indemnité compensatrice de congés payés pour l’année 2021 (350 euros), n’a pas interjeté appel de la décision étant observé que le conseil de prud’hommes n’a pas inclus dans son dispositif une formule déboutant expressément le salarié. Toutefois, les parties intimées n’ont pas formé d’appel incident sur ce point et le salarié n’a pas réitéré sa demande en cause d’appel, de sorte que la cour considère que la question ne lui est pas dévolue.

1- Sur l’identité de l’employeur

Le salarié appelant, soutient que la société F2V a cédé à la société F2V Menuiserie une entité économique autonome, dans la mesure où l’entité économique initialement exploitée par F2V l’est désormais par F2V menuiserie qui exerce dans les mêmes locaux que ceux initialement exploités par F2V, sous la gérance de l’ancien gérant de la société F2V, une activité de menuiserie à laquelle il était attaché, en faisant usage des mêmes logos, après reprise de 5 des 6 salariés hormis les apprentis. Le salarié conteste avoir été affecté à une activité de pose de véranda, que la société F2V Menuiserie n’exercerait plus. Monsieur [T] indique ne pas avoir eu le choix de se maintenir ou pas dans les effectifs de F2V ou d’être transféré auprès de F2V Menuiserie et affirme que la société F2V n’est plus qu’une coquille vide.

La société F2V Menuiserie soutient sa mise hors de cause, en soutenant que l’article L1224-1 n’est pas applicable de plein droit, mais que les parties peuvent convenir de s’y soumettre volontairement. Elle rappelle que M. [L], gérant de la société F2V a cédé ses parts à M. [P], rattaché au RCS de BOBIGNY et, le 30 mars 2021, a créé une nouvelle société, la société F2V Menuiserie, immatriculée au RCS de SEDAN. Elle prétend ainsi démontrer que contrairement aux allégations de l’appelant, elle n’a aucunement repris l’ensemble des salariés, des véhicules, ni le local, ni même l’ensemble de l’activité de la société F2V et que les deux sociétés exercent leurs activités distinctes dans des locaux différents même s’ils sont situés à la même adresse. L’intimée prétend ne pas avoir repris l’intégralité des salariés qui ont rompu le contrat par rupture conventionnelle. Elle prétend que M. [T] a choisi de rester au sein de la société F2V, société à laquelle il a donné acte de la rupture de son contrat de travail, prétendant n’avoir jamais travaillé dans la société F2V Menuiserie.

L’AGS soutient que la société F2V n’est plus qu’une coquille vide qui ne pourra faire l’objet d’une condamnation n’étant plus l’employeur de M. [T] qui invoque l’existence d’un transfert de la société F2V à la société F2V Menuiserie.

En droit, l’entité économique se définit comme un’ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif (économique) propre.’

L’entité’s’apprécie’à la date du changement d’employeur, peu importe que l’entité perde son autonomie’après’son transfert. Les juges du fond sont souverains pour apprécier si les modifications apportées à l’organisation de l’entité modifient ou non son identité au jour du transfert.

C’est à tort et sans expliquer sa motivation que le conseil de prud’hommes a considéré que la société F2V Menuiserie n’avait pas repris les activités, les salariés ni le matériel de la société F2V.

En effet, il ressort des extraits du registre du commerce que la société F2V, qui a embauché M. [T], avait établi son siège social [Adresse 5] à [Localité 9] depuis le 17 décembre 2018. Or, c’est à cette adresse que s’est installée la société F2V Menuiserie depuis sa création le 30 mars 2021, ce qui implique une reprise des locaux. La société qui prétend que la société F2V continue ses activités à la même adresse dans des locaux différents n’en rapporte pas la preuve, les photographies produites étant insuffisamment probantes à cet égard.

En outre, l’objet social de la société F2V consiste en «’la fourniture et la pose de produits de menuiserie tels que fenêtres PVC, bois, alu, volets roulants et battants, porte de garage, portail, clôture, ports d’entrée, motorisation véranda, stores intérieurs et extérieurs, moustiquaire, marquise et tous matériaux de construction’». L’objet social de la société F2V Menuiserie comprend «’l’électricité, la plomberie, l’aménagement de locaux, la démolition, l’isolation phonique et thermique, menuiserie vitrerie, entretien de poêles à granulés, aménagement, rénovation de locaux, travaux de rénovation intérieure, travaux de remise en état (peinture, électricité, plomberie), démolitions et création de cloisonnements et petites maçonnerie, pose de plaques de placoplâtre, isolation phonique et thermique, menuiserie et vitreries’». Autrement dit, l’objet social de la société F2V Menuiserie, par son périmètre plus large, englobe celui de la société F2V. Par ailleurs, le courrier adressé par la société F2V Menuiserie au salarié en septembre 2021 laisse voir l’usage d’un logo «’Fermetures F2V’». Enfin, l’assistante commerciale atteste qu’à compter du 1er juin 2021, la société F2V Menuiserie a repris l’activité, la clientèle, les véhicules, le matériel, et cinq des six salariés de la société F2V. Cette attestation est corroborée par le courrier adressé en septembre 2021 au salarié par lequel le gérant de la société F2V Menuiserie conteste sa qualité d’employeur et indique qu’il n’est plus gérant de la société F2V depuis le mois de juin 2021 en ajoutant : « étant donné notre incompatibilité d’humeur quand j’étais gérant de la société FERMETURES VOLETS [G], je vous ai donc informé de ma décision de ne pas vous intégrer à l’équipe F2V Menuiserie et de vous laisser votre emploi de poseur dans l’entreprise avec laquelle vous avez débuté »

Le salarié appelant vient justifier par ailleurs que la société F2V, ainsi vidée de ses moyens matériels et humains de production, et dont le siège social a été transféré à [Localité 8], n’avait plus d’activité. Ainsi, il ressort clairement des pièces du dossier que M. [T] n’a plus d’interlocuteur, d’activité ni de salaire depuis le transfert en juin 2021. Par ailleurs, les actes d’huissier adressés au siège social de la société F2V se sont tous soldés par un procès-verbal de l’article 659 du code de procédure civile

Il résulte donc de ces éléments que la société F2V Menuiserie, qui le conteste sans apporter les éléments justificatifs des accords de cession, a repris, sous la gérance de l’ancien gérant de la société F2V, l’intégralité de l’activité de la société F2V avec son matériel, sa clientèle, ses locaux, son personnel à l’exception de M. [T].

C’est donc à raison que le salarié vient soutenir le transfert d’une entité économique autonome justifiant l’application de l’article L 1224-1 du Code du travail, et finalement obligeant le transfert du contrat de travail de M. [T] à la société F2V Menuiserie, son employeur à la date de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail.

2 – Sur l’exécution du contrat de travail

le rappel des salaires

Le salarié se plaint de ne pas avoir perçu la totalité de son salaire en mai 2021 (50 € et les congés payés y afférents), et sollicite également un rappel de salaires pour la période du 1er au 14 juin 2021 soit une somme de 1458,31 euros et les congés payés y afférents.

L’employeur, sur qui pèse la charge de la preuve du paiement du salaire ne vient pas en justifier. L’employeur doit donc être condamné au paiement, à l’exception de la demande de congés payés, le paiement des congés étant assuré par la caisse de congés payés des employés du bâtiment.

Pour ce qui concerne le salaire du mois de juin 2021, aucun bulletin de paie n’a été émis ni aucun paiement puisque la société F2V Menuiserie prétend ne plus être l’employeur depuis le 1er juin 2021. Aussi, et sur la base d’un salaire de base de 2 614,24 euros bruts outre 373,38 euros bruts d’heures supplémentaires structurelles, la demande est justifiée de sorte que la cour y fera droit. Pour les mêmes raisons que précédemment la demande de congés payés sera rejetée.

la transmission des éléments à l’organisme de prévoyance

Faute de justificatifs de l’existence d’un organisme de prévoyance auquel le salarié aurait été affilié par l’intermédiaire de son employeur, la demande, qui ne désigne pas l’organisme de prévoyance, et qui ne s’accompagne pas d’une demande subsidiaire de condamnation de l’employeur au maintien du salaire, ne peut aboutir et sera rejetée.

les congés payés

Le salarié soutient que des congés payés acquis et non pris doivent être indemnisés.

Or, les congés étant assurés par la caisse congés payés, la demande dirigée contre l’employeur ne peut aboutir.

3 – Sur la rupture du contrat de travail

Le salarié rappelle que la prise d’acte permet de mettre fin au contrat de travail aux torts de l’employeur lorsque celui-ci a commis des manquements graves à son égard empêchant la poursuite du contrat de travail, la requalification ouvrant alors droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il fait grief à l’employeur de n’avoir pas payé en intégralité son salaire de mai 2021, ni versé d’indemnisation du 1er au 14 juin 2021, de ne lui avoir plus délivré aucune instruction depuis le changement de présidence, de ne plus lui avoir remis aucun bulletin de salaire, ni permis de percevoir des indemnités journalières de la sécurité sociale. Le salarié ajoute ne pas avoir exercé d’autre activité professionnelle durant l’exécution de son contrat de travail comme le prétendent l’AGS, que toute activité s’est donc effectuée après la prise d’acte.

La société F2V Menuiserie prétend n’avoir jamais fait l’objet de la moindre correspondance de la part de M. [T] se plaignant de son absence de travail ou de paiement de salaire, qui a toujours considéré que la société F2V était son seul employeur. Elle s’interroge également sur le bien fondé de la prise d’acte, le salarié étant en arrêt maladie depuis le mois de juin 2021, ne pouvant dans ces conditions s’indigner de l’absence de fourniture de travail. La société F2V Menuiserie ne se considérant pas comme employeur de M. [T] sollicite de la Cour la confirmation du jugement du Conseil de Prud’hommes.

L’AGS prétend que M. [T] invoque des manquements qui sont contestés et s’étonne d’un grief d’absence de fourniture de travail alors que ce dernier était en arrêt maladie. Elle ajoute que si certains manquements étaient justifiés, ils ne seraient pas suffisamment graves pour justifier une prise d’acte. Elle qualifie même celle-ci de purement opportuniste, le salarié ayant retrouvé un emploi et créé sa propre micro-entreprise. Sur les dommages et intérêts réclamés par le salarié, l’AGS expose qu’il appartient au salarié de justifier, dans son principe et dans son quantum, d’un préjudice distinct pour chaque dommages et intérêts sollicité.

C’est à raison que le conseil de prud’hommes a considéré que l’absence de versement de salaires, et de remise de bulletin de paie justifiait la rupture du contrat de travail. En effet, à partir du 1er juin 2021 le salarié a été laissé sans travail, sans salaire, face à une société F2V absente et une société F2V Menuiserie qui niait sa qualité d’employeur. Dans ces conditions, les manquements de la société F2V Menuiserie, sollicitée par le salarié dès le 3 juillet 2021 sur le paiement des salaires, étaient suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail immédiatement, dans la mesure où le salarié s’est retrouvé dans une situation dans laquelle il n’avait pas d’employeur certain, plus d’activité, ni de salaire.

La prise d’acte doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié peut donc prétendre :

‘ à une indemnité de préavis égale à deux mois du salaire qu’il aurait perçu s’il avait travaillé de sorte que la demande de 5 833,26 euros est justifiée. En revanche, pour les mêmes raisons que précédemment la demande de congés payés afférents à l’indemnité compensatrice de préavis doit être rejetée, les congés payés relevant de la caisse congés payés.

‘ à une indemnité légale de licenciement, calculée selon les dispositions des articles R 1234-2 et R 1234-4 du code du travail, sur la base d’un salaire moyen des trois derniers mois de 3 181,53 euros bruts, en l’absence de bulletin de salaire pour une année entière, de sorte que la somme réclamée de 8 101,60 euros est justifiée.

‘ à des dommages intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse. Compte tenu de l’ancienneté du salarié et de l’effectif inférieur à 11 salariés, l’indemnité doit être comprise entre 3 et 11 mois de salaire. Considérant l’âge du salarié, son niveau de salaire, son ancienneté, sa situation après la rupture du contrat de travail comme il en justifie, la somme de 20’000 euros est de nature à réparer entièrement les préjudices subis.

Le salarié sollicite en outre la réparation d’un préjudice moral en raison des difficultés financières rencontrées depuis juin 2021 jusqu’à l’obtention d’une décision définitive de la juridiction. Or, l’indemnisation accordée au titre du licenciement abusif indemnise les préjudices matériel et moral consécutifs à la perte d’emploi à compter d’octobre 2021 et, pour la période entre juin et octobre 2021, le salarié ne verse aux débats aucune pièce justificative des difficultés financières qu’il prétend avoir rencontrées et qui auraient été à l’origine de son préjudice moral.

Dans ces conditions, la demande ne peut qu’être rejetée.

4 – Sur les autres demandes

la condamnation in solidum des sociétés F2V et F2V Menuiserie

Le salarié, qui demande une condamnation in solidum des deux sociétés, ne propose pas de fondement juridique pour la retenir. Certes, ses écritures sous entendent un montage frauduleux entre les deux sociétés. Toutefois, l’objectif de la société F2V n’est pas démontré, de sorte que la cour ne peut lui imputer une fraude en l’état des pièces du dossier.

Par conséquent, dans la mesure où la cour a considéré que la société F2V Menuiserie était l’employeur, il faut faire droit à l’appel incident de l’AGS et débouter le salarié de ses demandes à l’encontre de la société F2V par infirmation du jugement.

la remise des bulletins de paie

La société F2V Menuiserie sera condamnée sans astreinte à remettre au salarié les bulletins de paie de juin 2021 au 13 octobre 2021.

la garantie de l’AGS

La société F2V, en liquidation, étant mise hors de cause, la garantie des salaires devient sans objet, l’employeur étant in bonis. Le salarié sera donc débouté de sa demande de garantie.

L’AGS étant partie au dossier, le présent arrêt lui est nécessairement commun et opposable.

les frais irrépétibles et les dépens

La société F2V Menuiserie succombe au sens de l’article 696 du code de procédure civile. Condamnée à paiement, la société F2V Menuiserie supportera les frais irrépétibles et les dépens de première instance et d’appel de sorte que le jugement doit être infirmé sur ce point sauf en ce qu’il a débouté la société F2V Menuiserie de sa demande à ce titre.

La société F2V Menuiserie sera condamnée à payer à M. [T] la somme de 2’000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles de première instance d’appel.

L’équité commande de débouter l’AGS, qui a, à ce titre, sollicité une somme à l’encontre du salarié.


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