Requalification de CDD d’usage : 15 novembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02769

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Requalification de CDD d’usage : 15 novembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02769
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 NOVEMBRE 2023

N° RG 21/02769

N° Portalis DBV3-V-B7F-UXZP

AFFAIRE :

[H] [M]

C/

S.A.S. SOCIETE D’EDITION CANAL PLUS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Août 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE-

BILLANCOURT

N° Section : AD

N° RG : 20/00416

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELEURL CABINET ROUMIER

la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [H] [M]

née le 28 Mars 1964 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 2] / FRANCE

Représentant : Me Sylvain ROUMIER de la SELEURL CABINET ROUMIER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2081 – Substitué par Me Alexandre ABDILLAHI, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

S.A.S. SOCIETE D’EDITION DE CANAL PLUS

N° SIRET : 329 211 734

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Eric MANCA de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0438

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 27 septembre 2023, Monsieur Thierry CABALE, présid ent, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB

EXPOSE DU LITIGE

Par une succession de contrats de travail à durée déterminée, Mme [H] [M] a été engagée par la SAS d’Edition de Canal Plus, en qualité d’opérateur synthétiseur.

Les relations contractuelles étaient régies par l’accord collectif national de la Télédiffusion et la convention d’entreprise Canal +.

Par requête reçue au greffe le 22 avril 2020, Mme [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt afin d’obtenir la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et la condamnation de la société Edition de Canal Plus au paiement de diverses sommes.

Par jugement du 31 août 2021, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a :

– débouté Mme [M] de toutes ses demandes,

– débouté la SAS d’Edition de Canal Plus de sa demande reconventionnelle,

– laissé les dépens à la charge de Mme [H] [M].

Par déclaration au greffe du 21 septembre 2021, Mme [M] a relevé appel de cette décision.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 1er juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, Mme [M] demande à la cour de :

infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses moyens et statuant à nouveau :

– juger que son action en requalification en contrat de travail à durée indéterminée est recevable et non prescrite,

– juger que la société Canal Plus ne satisfait pas aux obligations formelles légales de recours au contrat de travail à durée déterminée, n’ayant ni fourni l’ensemble des contrats de travail correspondant aux bulletins de salaires délivrés et aux périodes travaillées, ni ne les ayant signés, ni n’ayant justifié d’une précarité objective pour chacun des contrats,

– juger que sur le fond, elle occupait un emploi normal et permanent dans l’entreprise depuis le 15 juin 1995 jusqu’au 14 mars 2020,

en conséquence,

– juger sa collaboration en contrat de travail à durée indéterminée depuis le 1er jour travaillé soit le 3 mai 1995 sur le fondement des articles L. 1242-1, L. 1242-12 et L. 1242-13 du code du travail, de l’Accord de branche du 12 octobre 1998 et de l’Accord-cadre européen du 18 mars 1999, repris par la Directive communautaire du 28 juin 1999,

– juger son salaire mensuel brut à la somme de 1 923,13 euros,

– condamner la société Canal Plus à lui verser la somme de 57 693,90 euros à titre d’indemnité de requalification,

– juger que la rupture des relations contractuelles en date du 14 mars 2020 aux torts et aux griefs de la société Canal Plus est aux torts et griefs de l’employeur, non soumise aux dispositions de l’article « 1235-3 » du code du travail, quoi qu’il en soit inopposable du fait de son inconventionnalité et de son incapacité à réparer l’intégralité du préjudice,

– condamner la société Canal Plus à lui verser les sommes suivantes :

* 3 846,26 euros au titre du préavis de 2 mois,

* 384,63 euros au titre des congés payés sur préavis,

* 16 346,59 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

* 32 693,21 euros (17,5 mois de salaire) au titre des dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse aux torts et griefs de l’employeur sur le fondement de l’article 1240 du code civil,

– juger que la société Canal Plus a gravement manqué à ses obligations contractuelles, conventionnelles et légales, en violation des dispositions des articles 1103, 1104 du Code civil et art. 1221-1 du Code du travail, en ne lui faisant pas bénéficier des mesures sociales prévues par son plan de sauvegarde de l’emploi de juillet 2019,

en conséquence,

– condamner la société Canal Plus à lui verser des dommages et intérêts relatif à l’exécution déloyale du contrat et perte de chance de bénéficier du PSE d’ordre public, à hauteur de 24 mois de salaire, soit la somme de 58 001,38 euros,

– ordonner à la société Canal Plus de lui remettre des bulletins de paie conformes sous astreinte de 250 euros par jour de retard et par document, « le conseil de prud’hommes » se réservant le droit de liquider l’astreinte,

– condamner la société Canal Plus à régulariser sa situation auprès des organismes sociaux, tant en ce qui concerne l’URSSAF, la retraite de base, que la retraite complémentaire ainsi que le régime de prévoyance, et à lui remettre les justificatifs de régularisation pour chaque organisme dans un délai de deux mois à compter du prononcé, sous astreinte de 250 euros par jour de retard et par document dont « le Conseil » se réservera la liquidation,

– condamner la société Canal Plus à lui payer les intérêts sur les intérêts dus au taux légal (anatocisme) conformément à l’article 1343-2 du code civil,

– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel sur le fondement des articles L. 1245-2 et R.1245-1 du Code du travail, et à titre subsidiaire, en tant que de besoin, sur le fondement de l’article 515 du Code de procédure civile,

– condamner la société Canal Plus à lui payer la somme de 6 000 euros, y ajoutant le même montant à hauteur d’appel, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens et éventuels frais d’exécution.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 11 septembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la SAS Société d’Edition de Canal Plus demande à la cour de :

à titre principal,

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

et, statuant à nouveau :

– condamner Mme [M] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

à titre subsidiaire,

– fixer à 1 305 euros le salaire de référence de Mme [M],

– fixer à 1 305 euros l’indemnité de requalification,

– fixer à 2 610 euros l’indemnité de préavis, augmentée de 261 euros à titre de congés-payés,

– fixer l’indemnité de licenciement à 10 822,50 euros,

– fixer à 3 915 euros l’indemnité prévue à l’article L 1235-3 du code du travail,

en tout état de cause,

confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [M] de sa demande en dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de bonne foi contractuelle et absence de bénéfice d’un PSE.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 12 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prescription

L’employeur, qui ne conteste pas avoir engagé la salariée en tant qu’opérateur synthétiseur à compter du 3 mai 1995 et qui évoque pour les années 1995 à 2020 un nombre de missions en jours au moins égal à celui invoqué par la salariée jusqu’à la rupture de la relation contractuelle qu’il fixe au 15 mars 2020, soulève la prescription biennale de l’article L. 1471-1 du code du travail en ce que la demande de requalification en contrat de travail à durée indéterminée en raison d’une irrégularité de forme est prescrite pour tout engagement conclu avant le 3 février 2018.

La salariée, qui ne produit pas de contrat écrit mais des bulletins de paie dont le plus ancien mentionne une période de paie du 3 au 31 mai 1995, sollicite la requalification de l’ensemble des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée en se fondant sur les articles L. 1242-12, L. 1242-13, L. 1242-1 et L. 1242-2 du code du travail, et en invoquant une irrégularité formelle, faute de production par l’employeur de contrats écrits, le non-respect du délai de deux jours pour transmettre le contrat, ainsi que le recours à des contrats ayant eu pour objet ou pour effet de pourvoir un emploi normal et permanent de l’entreprise ; elle soutient qu’aucune prescription n’est encourue dès lors que le délai de prescription a couru à compter de la cessation, le 14 mars 2020, du dernier contrat dont la requalification est réclamée.

Aux termes de l’article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013 504 du 14 juin 2013, toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
En vertu de l’article 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, ces dispositions s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Selon l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Il en résulte que le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée court, lorsque cette action est fondée sur l’absence d’établissement d’un écrit, à compter de l’expiration du délai de deux jours ouvrables imparti à l’employeur pour transmettre au salarié le contrat de travail, lorsqu’elle est fondée sur l’absence d’une mention au contrat susceptible d’entraîner sa requalification, à compter de la conclusion de ce contrat, et lorsqu’elle est fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat, à compter du terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, du terme du dernier contrat.

En l’espèce, la demande de requalification en contrat à durée indéterminée est fondée, d’une part, sur l’absence d’écrit, partant, de signature, et le défaut de remise d’un contrat écrit pour signature dans le délai visé à l’article L. 1242-13 du code du travail, en précisant que si l’employeur ne parvient pas à produire aux débats les contrats de travail couvrant l’ensemble de la relation contractuelle, la collaboration sera réputée conclue pour une durée indéterminée dès l’origine, d’autre part, le motif du recours au contrat à durée déterminée en ce que les contrats litigieux ont eu pour effet ou pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

En conséquence, le point de départ du délai de la prescription de la demande de requalification, à l’appréciation duquel est indifférent l’emploi occupé, doit être fixé :

– concernant l’absence d’écrit, à compter de l’expiration du délai de transmission du contrat par l’employeur d’une durée de deux jours ouvrables pleins, le jour de l’embauche ne comptant pas dans le délai non plus que le dimanche : le délai de prescription a couru à compter de l’expiration du délai de deux jours précité pour chacun des contrats concernés ; la prescription de trente ans a été réduite à cinq ans à compter du 19 juin 2008, date d’entrée en vigueur de la loi 2008-561 du 17 juin 2008, puis la prescription a été réduite à deux ans selon l’article L. 1471-1 du code du travail, ce délai s’appliquant aux prescriptions en cours à compter du 14 juin 2013 sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; la demande est donc prescrite pour tous les contrats dont le délai de deux jours précité était expiré avant le 22 avril 2018, l’action ayant été introduite le 22 avril 2020 ; ainsi, au vu des bulletins de paie produits par la salariée et des lettres d’engagement produites par l’employeur uniquement pour la période de janvier 2015 à mars 2020, l’action en requalification n’est pas prescrite, s’agissant de l’absence d’écrit, pour les contrats conclus sur la période d’avril 2018 à mars 2020, étant précisé qu’en vertu des dispositions de l’article L. 1245-1 du code du travail, applicables aux contrats conclus à compter du 24 septembre 2017, la méconnaissance de l’obligation de transmission dans le délai fixé par l’article L. 1242-13 ne saurait, à elle seule, entraîner la requalification en contrat à durée indéterminée, celle-ci ouvrant droit, pour le salarié, à une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ;

– concernant la requalification au titre du motif de recours au contrat à durée déterminée, à compter du terme du dernier contrat conclu, soit le 14 mars 2020 tel que sollicité par la salariée quand le terme est intervenu en réalité le 15 mars 2020 ; la salariée ayant introduit son instance le 22 avril 2020, sa demande en requalification, et les demandes qui y sont liées, ne sont pas prescrites.

Sur la requalification en contrat de travail à durée indéterminée

D’abord, s’agissant de la partie non-prescrite de la demande de requalification en contrat à durée indéterminée en l’absence de contrat écrit, partant, de signature, en violation des articles L. 1242-12 et suivants du code du travail, n’est pas fondée, dès lors, d’une part, que le non-respect du délai de deux jours précité ne peut avoir pour effet d’entraîner cette requalification, d’autre part, que l’employeur justifie de l’ensemble des contrats écrits sur cette période, la salariée n’élevant précisément aucune contestation sur la régularité formelle des « lettres d’engagement » produites aux débats, se bornant à indiquer que l’employeur est tenu de produire les contrats à durée déterminée sur l’ensemble de la relation contractuelle sauf à encourir la requalification qu’elle sollicite.

Ensuite, quant à la demande de requalification tenant au motif du recours, la salariée, qui produit aux débats des bulletins de paie relatifs à l’occupation de l’emploi d’opérateur-synthétiseur, soutient avoir occupé, durant un tiers de temps sur vingt-cinq années, des missions purement techniques indispensables pour chaque émission diffusée, correspondant à l’activité pérenne de l’entreprise, qui consistaient à traiter des images relatives à des émissions culturelles, sportives ou de divertissement produites et diffusées en continu par la société et constituant l’activité essentielle de celle-ci. Elle cite notamment : « Le Cercle », le « Journal du Cinéma », « Groland », « Nulle part ailleurs », « les Césars », le Festival de [Localité 5], le « Journal du Cinéma », « L’Equipe du dimanche », « Jour de Foot », « Lundi basket », la « Ligue des Champions », « Canal Football Club », « Canal Rugby Club », « Match of ze day »’

L’employeur fait valoir que : l’ensemble des conditions permettant le recours au contrat de travail à durée déterminée d’usage étaient réunies, peu important la durée de la collaboration et sa participation à des émissions sportives sur plusieurs saisons ; la collaboration intermittente de la salariée est par nature temporaire puisqu’elle correspond « à un moment donné » à ses propres disponibilités et aux besoins de l’entreprise dont la variabilité s’explique notamment par l’incertitude quant à la pérennité du programme concerné dépendant du succès rencontré ; la société appartenant au secteur de l’audiovisuel visé par l’article D. 1242-1 du code du travail, il a pu sans abus avoir recours au contrat à durée déterminée pour les fonctions intermittentes par nature occupées par la salariée ; cet usage constant dans le secteur de l’audiovisuel a été validé par l’ensemble des partenaires sociaux, et le recours à ce type de contrat est en outre justifié par des raisons objectives conformes à l’Accord-cadre européen du 18 mars 1999.

Sur ce fondement de la demande de requalification dont la prescription n’est nullement acquise, il convient de rappeler que :

– selon l’article L. 1242-1 du code du travail :

« Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. » ;

– l’article L. 1242-2 du code du travail prévoit que :

“Sous réserve des dispositions de l’article L.1243-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :

[‘]

3° Emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. Lorsque la durée du contrat de travail est inférieure à un mois, un seul bulletin de paie est émis par l’employeur. ” ;

– l’article D. 1242-1 du code du travail dispose que :

« en application du 3° de l’article L. 1242-2, les secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois sont les suivants :

[‘]

6° l’audiovisuel, [‘]. » ;

– l’article L. 1244-1 du même code prévoit que :

« Les dispositions de l’article L. 1243-11 ne font pas obstacle à la conclusion de contrats de travail à durée déterminée successifs avec le même salarié lorsque le contrat est conclu dans l’un des cas suivants :

(‘)

3° Emplois à caractère saisonnier définis au 3° de l’article L. 1242-2 ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. »

S’il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L.1242-2 et L.1244-1 du code du travail que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, et qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier si le recours à des contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

Si l’article D. 1242-1 du code du travail vise bien l’audiovisuel parmi les secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et si la société se réfère, en outre, en ce qu’ils prévoient la possibilité de recourir au contrat de travail à durée déterminée d’usage pour les fonctions pour lesquelles le recours à ce type de contrat était autorisé, à l’accord national interbranche du 12 octobre 1998 relatif au recours au CDD-U concernant le secteur du spectacle, ainsi qu’aux conventions et accords collectifs et leurs avenants, successivement conclus avec les partenaires sociaux dans le domaine des intermittents techniques de l’audiovisuel, de la production audiovisuelle ou de la branche de la télédiffusion, il appartient à la cour de vérifier que le recours à des contrats à durée déterminée successifs était justifié par l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi, de tels éléments se rapportant à l’activité du salarié et aux conditions de son exercice.

Au vu des 234 « lettres d’engagement » et/ou des bulletins de paie, la salariée invoque, pour chaque année, un nombre de jours de travail qui n’est pas contesté par l’employeur, de sorte que la salariée a occupé les fonctions d’opérateur-synthétiseur durant : 43 jours en 1995, 64 jours en 1916, 67 jours en 1997, 124 jours en 1998, 100 jours en 1999, 90 jours en 2000, 144 jours en 2001, 52 jours en 2002, 60 jours en 2003, 75 jours en 2004, 87 jours en 2005, 103 jours en 2006, 81 jours en 2007, 116 jours en 2008, 103 jours en 2009, 110 jours en 2010, 126 jours en 2011, 83 jours en 2012, 71 jours en 2013, 67 jours en 2014, 88 jours en 2015, 91 jours en 2016, 69 jours en 2017, 79 jours en 2018, 55 jours en 2019, 14 jours de janvier à mars 2020.

Il s’en évince que la salariée a occupé pour Canal Plus le même emploi au cours de chacune des 25 années de travail, durant 2162 jours au total, ce qui représente une moyenne d’environ 86 jours par an et 7 jours par mois, le nombre de jours réellement travaillés sur quasiment tous les mois durant cette période allant de 1 à 19 jours par mois.

Au surplus, il ressort des éléments soumis à l’appréciation de la cour, dont les lettres d’engagement, que la salariée, qui n’est pas utilement contredite sur ce point, a exercé ses fonctions de manière réitérée afin de permettre la diffusion d’un nombre important de programmes et d’émissions de la grille des chaînes de télévisions du Groupe Canal Plus dans le domaine du sport, du divertissement et de la culture, dont ceux cités supra, nécessitant l’intervention d’un opérateur-synthétiseur et bénéficiant, en raison notamment de leur caractère emblématique, d’une diffusion régulière et continue durant plusieurs années.

Ces éléments, dans leur ensemble, établissent que les contrats avaient pour objet de pourvoir durablement un poste lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

L’employeur ne justifie pas de circonstance particulière ayant généré un besoin seulement temporaire expliquant sur toute cette période le recours aux services de la salariée ni d’éléments probants démontrant l’existence sur cette même période d’incertitudes quant à la pérennité des émissions.

La circonstance que la salariée ait pu, parallèlement à son engagement, travailler pour le compte d’autres sociétés, est sans incidence compte tenu de ces constats de récurrence, de continuité et de longévité des fonctions qu’elle a occupées au sein de la société.

Il y a donc lieu d’infirmer le jugement entrepris et de requalifier la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 mai 2015.

Sur le salaire de référence

L’article R.1234-4 du code du travail dispose que :

« Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

1° Soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement ;

2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion. »

La salariée fait valoir que dès lors que la relation de travail est à durée indéterminée, l’employeur ne peut modifier unilatéralement le contrat de travail en décidant de lui fournir ou non du travail et donc de diminuer unilatéralement le salaire ; elle estime que le salaire de référence à prendre en considération est ainsi le salaire moyen qu’elle a perçu d’octobre à décembre 2018 en raison de la baisse du nombre de jours travaillés qui lui a été imposée en décembre 2018.L’employeur se réfère à une série d’arrêts de la Cour de cassation, notamment du 2 juin 2021, ayant rejeté une telle argumentation et retenant que la requalification du contrat de travail à durée déterminée ne porte que sur le terme du contrat et demeure sans effet sur les clauses relatives à la rémunération contenues dans les différents engagements à durée déterminée successifs ultérieurement requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée.

Il est exact que la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat.

En l’espèce, la détermination des jours de travail résultant de l’accord des parties intervenu lors de la conclusion de chacun des contrats sur la période considérée, n’est pas affectée par la requalification en contrat à durée indéterminée.

Il ressort des éléments d’appréciation, dont les éléments de calcul, que le salaire de référence de la salariée, sur la moyenne des 12 derniers mois de salaire, soit d’avril 2019 à mars 2020, doit dès lors être fixé à la somme de 1 305 euros brut.

Sur l’indemnité de requalification

L’article L 1245-2 du code du travail dispose que :

« Lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande [de requalification] du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s’applique sans préjudice de l’application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée. » ;

La salariée se réfère à la précarité et à l’instabilité de sa situation découlant du recours à des contrats à durée déterminée successifs et sollicite une réparation forfaitaire et globale de sa perte financière.

Au vu des éléments soumis à l’appréciation de la cour, et en tenant compte du salaire de référence fixé ci-dessus, il convient d’allouer à la salariée une indemnité de requalification d’un montant de 3 000 euros.

Le jugement est dès lors infirmé.

Sur la rupture du contrat de travail

En application de l’article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

La relation de travail ayant été rompue du seul fait de la survenance du terme des contrats à durée déterminée requalifiés en un contrat de travail à durée indéterminée, et l’employeur n’ayant ni fourni de travail à la salariée après la date du 14 mars 2020 qu’elle retient, ni adressé à celle-ci une lettre de rupture énonçant le motif du licenciement, il y a lieu de dire que cette rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis

La convention collective de Canal Plus prévoit que, pour les non-cadres, la durée du préavis est de deux mois.

La salariée, non-cadre, a droit à une indemnité compensatrice de préavis correspondant au montant du salaire qu’elle aurait perçu si elle avait travaillé pendant ce préavis de deux mois.

Au vu des éléments d’appréciation dont dispose la cour, dont les éléments de calcul, c’est la somme de 2 610 euros brut qui doit lui être allouée de ce chef, outre 261 euros brut de congés payés afférents.

Sur l’indemnité conventionnelle de licenciement

La convention collective d’entreprise prévoit que:

– l’indemnité de licenciement est égale à 25% d’un mois de salaire par année de présence pour la tranche comprise entre 1 et 5 ans de présence ; 30% d’un mois de salaire par année de présence pour la tranche comprise entre 5 et 10 ans de présence ; 35% d’un mois de salaire par année de présence pour la tranche comprise entre 10 et 15 ans de présence ; 40% d’un mois de salaire par année de présence pour la tranche comprise au-delà de 15 ans de présence ;

– la rémunération à prendre en compte est la moyenne des douze derniers mois de salaire ou si la formule est plus avantageuse, le dernier salaire versé.

Il en résulte que l’indemnité conventionnelle de licenciement doit être fixée à la somme de 11 092,50 euros. L’employeur sera condamné au paiement de cette somme.

Le jugement déféré est donc infirmé.

Sur les dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse

La salariée sollicite de voir écarter les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail issu de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, pour cause d’inconventionnalité et d’inopposabilité du fait de son incapacité à réparer le préjudice subi qu’elle estime devoir être fixé à hauteur de 17 mois de salaire.

L’employeur réplique que le barème légal ne saurait être évincé au vu des dernières décisions du conseil d’Etat, du Conseil Constitutionnel et de la Cour de cassation, et qu’en application de barème, l’indemnité doit être limitée à 3 mois de salaire en ce que la salariée ne justifie d’aucun préjudice.

En application de l’article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés par ce texte. Pour déterminer le montant de l’indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture, à l’exception de l’indemnité de licenciement mentionnée à l’article L. 1234-9. Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au même article.

Aux termes de l’article L. 1235-3-1 du code du travail, l’article L. 1235-3 de ce code n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :
– la violation d’une liberté fondamentale;
– des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4;
– un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4;
– un licenciement consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l’article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits;
– un licenciement d’un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l’exercice de son mandat;
– un licenciement d’un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13. Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans les situations ci-dessus énumérées, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi. Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, des dispositions précitées de l’article L. 1235-4 du code du travail. Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT.

Il en résulte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention précitée.

Par ailleurs, dans la partie I de la Charte sociale européenne, « les Parties reconnaissent comme objectif d’une politique qu’elles poursuivront par tous les moyens utiles, sur les plans national et international, la réalisation de conditions propres à assurer l’exercice effectif des droits et principes » ensuite énumérés, parmi lesquels figure le droit des travailleurs à une protection en cas de licenciement.
Selon l’article 24 de cette même Charte, « en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître :
a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service ;
b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.
A cette fin les Parties s’engagent à assurer qu’un travailleur qui estime avoir fait l’objet d’une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial. »
L’annexe de la Charte sociale européenne précise qu’il « est entendu que l’indemnité ou toute autre réparation appropriée en cas de licenciement sans motif valable doit être déterminée par la législation ou la réglementation nationales, par des conventions collectives ou de toute autre manière appropriée aux conditions nationales. »
L’article 24 précité figure dans la partie II de la Charte sociale européenne qui indique que « les Parties s’engagent à se considérer comme liées, ainsi que prévu à la partie III, par les obligations résultant des articles et des paragraphes » qu’elle contient.
Dans la Partie III de la Charte, il est indiqué que « chacune des Parties s’engage :
a) à considérer la partie I de la présente Charte comme une déclaration déterminant les objectifs dont elle poursuivra par tous les moyens utiles la réalisation, conformément aux dispositions du paragraphe introductif de ladite partie ;b) à se considérer comme liée par six au moins des neuf articles suivants de la partie II de la Charte : articles 1, 5, 6, 7, 12, 13, 16, 19 et 20 ;
c) à se considérer comme liée par un nombre supplémentaire d’articles ou de paragraphes numérotés de la partie II de la Charte, qu’elle choisira, pourvu que le nombre total des articles et des paragraphes numérotés qui la lient ne soit pas inférieur à seize articles ou à soixante-trois paragraphes numérotés.»
Il résulte de la loi n° 99-174 du 10 mars 1999, autorisant l’approbation de la Charte sociale européenne, et du décret n° 2000-110 du 4 février 2000 que la France a choisi d’être liée par l’ensemble des articles de la Charte sociale européenne.
L’article I de la partie V de la Charte sociale européenne, consacrée à la « Mise en oeuvre des engagements souscrits » prévoit que « les dispositions pertinentes des articles 1 à 31 de la partie II de la présente Charte sont mises en oeuvre par :
a) la législation ou la réglementation ;
b) des conventions conclues entre employeurs ou organisations d’employeurs et organisations de travailleurs ;
c) une combinaison de ces deux méthodes ;
d) d’autres moyens appropriés. »
Enfin, l’annexe de la Charte sociale européenne mentionne à la Partie III : « Il est entendu que la Charte contient des engagements juridiques de caractère international dont l’application est soumise au seul contrôle visé par la partie IV » qui prévoit un système de rapports périodiques et de réclamations collectives. Sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l’Union européenne dispose d’une compétence exclusive pour déterminer s’il est d’effet direct, les stipulations d’un traité international, régulièrement introduit dans l’ordre juridique interne conformément à l’article 55 de la Constitution, sont d’effet direct dès lors qu’elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l’intention exprimée des parties et à l’économie générale du traité invoqué, ainsi qu’à son contenu et à ses termes, elles n’ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers.

Il résulte des dispositions précitées de la Charte sociale européenne que les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs, poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu’ils prennent des actes complémentaires d’application selon les modalités rappelées aux paragraphes 13 et 17 du présent arrêt et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique rappelé au paragraphe 18.

Les dispositions de la Charte sociale européenne n’étant donc pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l’invocation de son article 24 ne peut pas conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, et la décision du Comité européen des droits sociaux publiée le 26 septembre 2022, qui considère que le barème d’indemnités pour licenciement abusif est contraire à cet article 24, ne produisant aucun effet contraignant, il convient d’allouer en conséquence à la salariée une indemnité fixée à une somme comprise entre les montants minimaux et maximaux déterminés par ce texte.

En conséquence, l’entreprise employant habituellement au moins onze salariés et la salariée justifiant d’une ancienneté de 24 années complètes au moment de la rupture, celle-ci peut prétendre à une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre le montant minimal de 3 mois de salaire brut et le montant maximal de 17,5 mois de salaire brut.

Il convient d’allouer à la salariée, âgée de 56 ans au moment de la rupture, en réparation du caractère injustifié de la perte de son emploi telle que celle-ci résulte, notamment, de ses capacités à retrouver un emploi au vu des éléments fournis, la somme de 20 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail.

Le jugement est donc infirmé.

Sur le non-respect des obligations contractuelles, conventionnelles et légales, en violation des articles 1103, 1104 du code civil et 1222-1 du code du travail

La salariée, qui invoque l’exécution déloyale de son contrat de travail et la perte de chance de pouvoir bénéficier du plan de sauvegarde de l’emploi, sollicite des dommages et intérêts au titre de la perte de la rémunération, hors préavis, devant être versée au cours d’un congé de reclassement, de la prise en charge de la formation de reconversion, et de l’indemnité de départ volontaire.

L’employeur réplique que le plan de sauvegarde allégué est en définitive un plan de départ volontaire annoncé le 9 juillet 2019 qui ne saurait concerner la salariée.

La salariée ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui indemnisé ci-dessus au titre de la perte injustifiée de son emploi, notamment au titre d’une perte de chance de pouvoir bénéficier de mesures ou de versements dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, ou au titre d’un plan de départ volontaire.

La demande de dommages et intérêts formée de ces chefs par la salariée sera donc en voie de rejet, le jugement entrepris n’ayant pas statué sur cette demande.

Sur les intérêts

Les créances salariales sont productives d’intérêts au taux légal à compter de la date de présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de jugement directement saisi.

Les créances de nature indemnitaire portent intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il y a lieu à capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-2 du code du travail.

Sur la remise de documents rectifiés

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande de remise de documents rectifiés est justifiée. Il y est fait droit comme indiqué au dispositif de l’arrêt.

Eu égard aux éléments de la cause, le prononcé d’une astreinte n’apparaît pas nécessaire.

Sur la régularisation auprès des organismes sociaux

Au vu des développements qui précèdent, l’employeur sera également condamné à régulariser la situation de la salariée auprès des organismes sociaux (Urssaf, caisses de retraite) et à en justifier auprès de cette dernière.

Cette condamnation ne sera pas assortie d’une astreinte qu’il n’apparaît pas nécessaire de prononcer.

Sur le remboursement par l’employeur à l’organisme des indemnités de chômage

En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies à la salariée du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités.

Sur les frais irrépétibles

En équité, il n’y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile qu’au profit de la salariée à laquelle est allouée la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Le jugement entrepris est dès lors confirmé en ce qu’il déboute l’employeur de sa demande fondée sur ces mêmes dispositions, et ce dernier est débouté de cette demande en cause d’appel.

Sur les dépens

L’employeur succombant pour l’essentiel, supportera la charge des entiers dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il déboute la SAS Société d’Edition de Canal Plus de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

L’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Dit partiellement prescrite la demande de Mme [H] [M] aux fins de requalification, pour irrégularité formelle, des contrats à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée ;

L’en déboute pour la période non-prescrite ;

Dit non-prescrite sa demande de requalification en ce qu’elle est fondée sur le motif du recours à ces mêmes contrats ;

Requalifie la succession de contrats de travail à durée déterminée d’usage conclus entre Mme [H] [M] et la Sas Société d’Edition de Canal Plus, en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 mai 1995 ;

Dit que la rupture de la relation de travail, fixée au 14 mars 2020, s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Fixe le salaire de référence de Mme [H] [M] à la somme de 1 305 euros brut ;

Condamne la Sas Société d’Edition de Canal Plus à payer à Mme [H] [M] les sommes suivantes :

– 3 000 euros à titre d’indemnité de requalification,

– 2 610 euros brut au titre de l’indemnité de préavis,

– 261 euros brut de congés payés afférents,

– 11 092,50 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 20 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit que les créances salariales sont productives d’intérêts au taux légal à compter de la date de présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de jugement ;

Dit que les créances de nature indemnitaire portent intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Dit qu’il y a lieu à capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-2 du code du travail ;

Condamne la Sas Société d’Edition de Canal Plus à remettre à Mme [H] [M] des bulletins de paie conformes au présent arrêt ;

Dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;

Condamne la Sas Société d’Edition de Canal Plus à la régularisation de la situation de Mme [H] [M] auprès des organismes sociaux (Urssaf, caisses de retraite) et à en justifier auprès de celle-ci ;

Dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;

Ordonne le remboursement par l’employeur à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies à la salariée du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités;

Condamne la Sas Société d’Edition de Canal Plus à payer à Mme [H] [M] la somme de 3500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Déboute les parties pour le surplus ;

Condamne la Sas Société d’Edition de Canal Plus aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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