Agir en dénigrement contre une chaîne audiovisuelle à l’origine de la diffusion d’un reportage virulent n’est pas la meilleure option. En effet, en présence d’un débat d’intérêt général, la liberté d’expression joue à plein. Reste toutefois l’option du droit de réponse.
Dénonciation d’escroqueries
Une société a vu son site internet cité dans un reportage intitulé : « Une pièce en plus à moins de 20 000 € – Habitat : Ils font des miracles ». Il était énoncé par la voix off : « sur internet le marché est en plein boom et commence à attirer des entrepreneurs per scrupuleux. Les plaintes des clients seraient en augmentation ». Concomitamment sur l’écran, une recherche était effectuée avec un moteur de recherche à partir des termes «extension de maison low cost ». Puis, pendant un court moment, apparaissait un site internet professionnel flouté reconnu comme étant celui de la société « dénigrée » (Logicobois).
Périmètre du dénigrement
Le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur une personne, un produit ou un service identifié et se distingue de la critique dans la mesure où il émane d’un acteur économique qui cherche à bénéficier d’un avantage concurrentiel en jetant le discrédit sur son concurrent ou sur les produits de ce dernier. Le dénigrement impose donc de la part d’un opérateur un propos péjoratif visant intentionnellement à obtenir un avantage (intention malveillante) portant sur des produits ou services et non seulement sur une personne physique.
Au cas d’espèce, la société Logicobois a retenu que l’association des termes « malfaçons » ou « entrepreneurs peu scrupuleux » à la dénomination sociale de la société Logicobois étaient des propos dénigrants. Elle reprochait aussi à l’émission d’avoir illustré une séquence traitant des malfaçons des extensions en bois avec une reproduction du site internet de Logicobois dans lequel figurait l’intitulé « Constructions Logicobois ».
Le dénigrement n’a pas été retenu. En premier lieu, France Télévisions et la société Logicobois œuvrent dans des secteurs économiques très différents. Or, la Cour de cassation a déjà rappelé que le dénigrement devait s’inscrire nécessairement dans la concurrence déloyale. Cette exigence faisait ici défaut. De plus, les faits et propos reprochés ne visaient pas spécifiquement les produits, les services ou prestations du constructeur. Aucun témoignage ou reportage rapporté dans l’émission n’était consacré ou faisait directement référence aux réalisations de Logicobois. Ainsi. FTV ne recherchait pas un avantage concurrentiel en vue d’évincer un concurrent, de détourner sa clientèle ou d’augmenter ses propres revenus au détriment de Logicobois. L’intention malveillante de la part de FTV, condition essentielle du dénigrement et d’une concurrence déloyale était absente.
Application du droit de la presse
En revanche, France Télévisions a exercé son droit et sa liberté d’information sur un sujet d’intérêt public concernant la protection des consommateurs. En cas d’abus recherché dans ce domaine, c’est la loi de 1881 qui s’applique et non l’article 1240. Cette loi prévoit en effet des règles protectrices de la liberté d’expression et des moyens de défense. En cas de conflit entre les deux dispositifs légaux. La jurisprudence a donc une application restrictive de l’article 1240 nouveau.
De même, les propos comme « arnaque » ou « entrepreneurs peu scrupuleux » repris dans l’émission sont susceptibles de porter atteinte à l’image et à la réputation de Logicobois comme elle l’écrivait elle-même dans sa «��notification de contenus illicites de l’article 6 de la LEN ». Or, les griefs d’image ou de réputation renvoient à la notion de diffamation.
Par ailleurs, du fait d’une assignation tardive par rapport aux faits litigieux, Logicobois a compromis une éventuelle procédure en diffamation publique qui aurait dû être engagée dans les 3 mois de la diffusion de l’émission concernée et encourait ainsi la prescription. La juridiction a requalifié en diffamation les faits, propos et action introduite par Logicobois, a artificiellement fondée sur un dénigrement, et de faire application de la loi de 1881 sur la presse (le Tribunal de commerce s’est déclaré incompétent). Télécharger la décision