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La diffamation a moins de chance d’être retenue par les juridictions en présence d’un sujet controversé.
La directrice de la publication de France 3 et les co-auteurs d’un reportage sur la pratique controversée du « pay to fly » qui avaient été renvoyés devant le tribunal correctionnel du chef de diffamation publique envers un particulier, ont été relaxés.
Une compagnie aérienne a porté plainte et s’est constituée partie civile du chef de diffamation publique envers un particulier, à la suite d’un reportage diffusé sur la chaîne de télévision France 3, dans le cadre de l’émission « Pièces à conviction », intitulé « Faut-il un pilote dans l’avion ? », consacré à la sécurité aérienne et mettant en cause cette compagnie aérienne pour sa pratique du « pay to fly ».
La pratique consiste à admettre, sur ses lignes commerciales, moyennant finances, des pilotes diplômés « stagiaires » désireux d’acquérir de l’expérience en vol.
Lors d’une séquence en caméra cachée, une femme dont le visage a été « flouté », présentée comme la responsable d’une école de pilotage privée proposant des formations « pay to fly », expliquait que la compagnie aérienne ne procédait à aucune évaluation préalable des candidats et qu’il suffisait de payer pour être admis à piloter sur ses lignes commerciales.
Pour admettre l’exception de bonne foi au bénéfice des prévenus, l’arrêt attaqué énonce, notamment, que les journalistes se sont fondés sur une base factuelle suffisante dès lors qu’ils se sont adressés au syndicat national des pilotes de ligne, et plus particulièrement à son président, ainsi qu’au vice-président de l’association marocaine des pilotes de ligne, confirmant que la compagnie citée a recours au « pay to fly » depuis plus de dix ans, qu’ils ont obtenu le contrat-type de la RAM pour lesdites formations et se sont rendus en Lituanie au siège de la société, école de pilotage privée qui propose ces formations « pay to fly » avec la compagnie.
En se déterminant ainsi et dès lors que les journalistes disposaient d’éléments d’information sur le caractère très controversé de la pratique du « pay to fly » et des déclarations de la responsable de la société, école de pilotage privé proposant ce type de formation, la juridiction a fait une exacte application de la loi.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ N° A 21-87.070 F-D N° 01232 SL2 11 OCTOBRE 2022 REJET M. BONNAL président, ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 OCTOBRE 2022 La compagnie nationale [3] ([3]) a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, chambre 2-7, en date du 18 novembre 2021, qui, dans la procédure suivie contre Mmes [F] [W] et [C] [R], et M. [S] [E], du chef de diffamation publique envers un particulier et complicité, a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Ménotti, conseiller, les observations de la SCP Doumic-Seiller, avocat de la compagnie nationale [3], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mmes [F] [W] et [C] [R] et de M. [S] [E], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l’audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Ménotti, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. La [3] a porté plainte et s’est constituée partie civile du chef de diffamation publique envers un particulier, à la suite d’un reportage diffusé sur la chaîne de télévision France 3, dans le cadre de l’émission « Pièces à conviction », intitulé « Faut-il un pilote dans l’avion ? », consacré à la sécurité aérienne et mettant en cause cette compagnie aérienne pour sa pratique du « pay to fly » consistant à admettre, sur ses lignes commerciales, moyennant finances, des pilotes diplômés « stagiaires » désireux d’acquérir de l’expérience en vol. Lors d’une séquence en caméra cachée, une femme dont le visage a été « flouté », présentée comme la responsable d’une école de pilotage privée proposant des formations « pay to fly », la [1], explique que la [3] ne procède à aucune évaluation préalable des candidats et qu’il suffit de payer pour être admis à piloter sur ses lignes commerciales. 3. Par ordonnance du 7 décembre 2017, Mme [W], directrice de la publication de la chaîne [2], Mme [R] et M. [E], co-auteurs du reportage, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel du chef de diffamation publique envers un particulier. 4. Les juges du premier degré les ont relaxés, après avoir estimé que les propos incriminés n’étaient pas attentatoires à l’honneur ou à la considération de la [3]. 5. Cette dernière a relevé appel de la décision. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche 6. Le grief n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 7. Le moyen, pris en sa première branche, critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a débouté la compagnie nationale [3] de ses demandes sur l’action civile, alors : « 1°/ que l’exception de bonne foi est conditionnée par l’existence d’une enquête sérieuse, étayée, et d’une base factuelle suffisante ; qu’ainsi que l’avait soutenu la société [3] dans ses conclusions d’appel (p. 16 à 18), le reportage litigieux en ce qu’il affirmait que la compagnie aérienne laissait voler sur ses vols commerciaux, dans le cadre de son programme de formation, des pilotes n’ayant été soumis au préalable à aucune évaluation, au détriment de la sécurité des passagers transportés, ne reposait pas sur une base factuelle sérieuse dès lors que, notamment, il résultait des éléments versés aux débats par les prévenus eux-mêmes que ces derniers disposaient d’éléments justifiant d’un processus de recrutement des pilotes stagiaires par la compagnie aérienne, processus strictement encadré et très sélectif ; qu’en décidant que le reportage en cause reposait sur une base factuelle suffisante aux motifs inopérants que les auteurs s’étaient adressés au [4] qui avait confirmé le recours de la compagnie aérienne marocaine au procédé de formation de « Pay to Fly », sans répondre aux conclusions d’appel de la société [3] à ce titre, la cour d’appel a entaché sa décision d’une insuffisance de motifs et violé l’article 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 8. Pour admettre l’exception de bonne foi au bénéfice des prévenus, l’arrêt attaqué énonce, notamment, que les journalistes se sont fondés sur une base factuelle suffisante dès lors qu’ils se sont adressés au syndicat national des pilotes de ligne, et plus particulièrement à son président, ainsi qu’au vice-président de l’association marocaine des pilotes de ligne, confirmant que la [3] a recours au « pay to fly » depuis plus de dix ans, qu’ils ont obtenu le contrat-type de la RAM pour lesdites formations et se sont rendus en Lituanie au siège de la société [1], école de pilotage privée qui propose ces formations « pay to fly » avec la [3]. 9. En se déterminant ainsi et dès lors que les journalistes disposaient d’éléments d’information sur le caractère très controversé de la pratique du « pay to fly » et des déclarations de la responsable de la société [1], école de pilotage privé proposant ce type de formation avec la [3], la cour d’appel a fait l’exacte application des textes visés au moyen. 10. Ainsi, le grief n’est pas fondé. 11. Par ailleurs l’arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; FIXE à 2 500 euros la somme globale que la compagnie nationale [3] devra payer aux parties représentées par la SCP Piwnica et Molinié, avocat à la Cour, en application de l’article 618-1 du code de procédure pénale. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze octobre deux mille vingt-deux. | |