Contexte Juridique du LitigeDans l’affaire examinée par la cour d’appel de Paris le 19 mai 1992, M. B…, représenté par ses consorts, a conclu un bail de six ans avec M. A… pour des locaux à usage d’habitation, conformément à l’article 3 quinquiès de la loi du 1er septembre 1948. Ce bail a été prolongé par tacite reconduction, ce qui a conduit le bailleur à proposer un renouvellement pour une durée de trois ans, accompagné d’une augmentation de loyer, en vertu de l’article 21 de la loi du 23 décembre 1986. Arguments des Consorts B…Les consorts B… ont contesté la décision de la cour d’appel qui a rejeté leur demande de fixation du loyer. Ils ont soulevé plusieurs moyens, notamment l’absence de constat de l’état des lieux, qui, selon eux, ne constitue pas une condition nécessaire à la validité du bail. Ils ont fait valoir que la cour d’appel avait violé l’article 3 de la loi de 1948 en considérant que l’absence de ce constat privait le contrat de bail de son effet. Interprétation de la Loi de 1948Les consorts B… ont également soutenu qu’aucune disposition de la loi de 1948 n’indique que l’absence d’un constat des lieux entraîne la « suspension » du contrat de bail. En déclarant que le bail avait été suspendu en raison de ce défaut, la cour d’appel aurait, selon eux, mal interprété la loi. Ils ont insisté sur le fait que le locataire n’avait jamais contesté la conformité des lieux, ce qui aurait dû suffire à maintenir la validité du bail. Présomption de Conformité des LieuxUn autre argument avancé par les consorts B… repose sur la présomption de conformité des lieux. Ils ont fait valoir que, durant dix-huit ans, le locataire avait occupé les locaux sans jamais contester leur conformité. En déclarant que le bail était privé d’effet en raison de l’absence de preuve de conformité, la cour d’appel aurait, selon eux, inversé la charge de la preuve, violant ainsi l’article 1315 du Code civil et l’article 3 de la loi de 1948. Engagement du Locataire et RenonciationLes consorts B… ont également souligné que le contrat de bail stipulait que le locataire, M. Z…, s’engageait à réaliser tous les travaux nécessaires pour remettre les lieux en état, en contrepartie d’une diminution du loyer. Cela impliquait, selon eux, que le locataire avait renoncé à l’établissement du constat des lieux. En considérant que cette renonciation n’existait pas, la cour d’appel aurait dénaturé les termes du contrat, violant ainsi l’article 1134 du Code civil. Silence du Locataire et RenonciationEnfin, les consorts B… ont fait valoir que le silence du locataire, qui n’avait jamais évoqué le défaut de constat des lieux durant toute la durée de son occupation, valait renonciation à se prévaloir de cette absence. Ils ont noté que cette allégation n’avait été formulée qu’après la notification de renouvellement du bail, ce qui, selon eux, démontre une volonté de ne pas contester la situation antérieure. La cour d’appel aurait donc, en ne tenant pas compte de ce silence, violé l’article 3 de la loi de 1948. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour de cassation
Pourvoi n°
92-20.645
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / M. Pierre F…, demeurant … à Le Bouscat (Gironde), agissant en qualité de curateur de Mme Gilberte B…, née Y…, demeurant … (Gironde),
2 / Mme Jacqueline C…, née B…, demeurant … (17ème),
3 / Mme E…, née Monique B…, demeurant … (Alpes- maritimes),
4 / Mme Agnès D…, née B…, demeurant … à Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine), tous les quatre agissant en qualité d’ayants droit de M. Jean-Paul B…, décédé le 19 octobre 1992.
en cassation d’un arrêt rendu le 19 mai 1992 par la cour d’appel de Paris (6ème chambre, section C), au profit de M. Lalanne X…, demeurant … (7ème), défendeur à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt :
LA COUR, en l’audience publique du 7 février 1995, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Toitot, conseiller rapporteur, MM. Douvreleur, Peyre, Mme Giannotti, MM. Aydalot, Boscheron, Mmes Di Marino, Borra, M. Bourrelly, conseillers, MM. Chollet, Pronier, Mme Masson-Daum, conseillers référendaires, M. Baechlin, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Toitot, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. G…, ès qualités, et des consorts B…, de Me Barbey, avocat de M. Lalanne X…, les conclusions de M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
que le contrat de location s’étant poursuivi par tacite reconduction, le bailleur a proposé au preneur le renouvellement du bail pour une durée de trois ans moyennant une augmentation de loyer, en application de l’article 21 de la loi du 23 décembre 1986, et l’a assigné en fixation du montant de ce loyer ;
qu’en considérant que l’absence d’un tel constat avait pu priver d’effet le contrat de bail litigieux, la cour d’appel a violé l’article 3 de la loi du 1er septembre 1948 ;
2 ) que nulle disposition de la loi du 1er septembre 1948 n’édicte qu’en l’absence d’établissement d’un constat des lieux lors de la conclusion du bail, le contrat de bail sera « suspendu » ;
qu’en déclarant que le bail litigieux avait été « suspendu » postérieurement à sa conclusion, en raison du défaut de constat des lieux, la cour d’appel a violé, par fausse interprétation, l’article 3 de la loi du 1er septembre 1948 ;
3 ) que le locataire n’avait jamais allégué, dans ses conclusions d’appel, que les lieux qu’il avait pris à bail, en 1973, n’étaient pas conformes ;
qu’en considérant, néanmoins, que le bail litigieux avait été suspendu dès sa création aux motifs que la preuve de la conformité n’était pas rapportée, alors que le locataire n’avait pas invoqué ce défaut de conformité, se bornant à alléguer le défaut de constat, la cour d’appel a violé l’article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
4 ) qu’en toute hypothèse, la conformité des lieux donnés à bail est présumée lorsque le locataire a pris possession des lieux et les a occupés sans contester cette conformité ;
qu’en l’espèce, il est constant que pendant dix-huit ans le locataire, M. Z…, a occupé les locaux litigieux sans formuler la moindre contestation sur leur conformité ;
qu’en déclarant que le bail dont s’agit était privé d’effet au motif que le bailleur ne rapportait pas la preuve de la conformité des lieux, alors qu’il appartenait au locataire de faire la preuve de cette absence de conformité, la cour d’appel a violé l’article 1315 du Code civil et l’article 3 de la loi du 1er septembre 1948 ;
5 ) qu’il résulte des termes clairs et précis du contrat de bail conclu en 1973 par M. B… et M. Z… que ce dernier s’engageait à faire tous les travaux nécessaires et à remettre les lieux en état en contrepartie d’une diminution du loyer ;
qu’ainsi, le locataire se chargeait d’assurer la mise en conformité des lieux, qui serait éventuellement nécessaire ;
que le locataire renonçait à l’établissement du constat des lieux requis par la loi ;
qu’en considérant que le locataire n’avait pas renoncé à se prévaloir de l’absence du constat litigieux, alors que cette renonciation résultait expressément du contrat de bail, la cour d’appel a dénaturé les termes du contrat, violant ainsi l’article 1134 du Code civil ;
6 ) qu’en toute hypothèse, l’absence d’allégation, par le locataire, professionnel du droit, du défaut de constat des lieux et, ce, tout au long de son occupation des lieux, vaut renonciation à se prévaloir de cette absence de constat ;
qu’en l’espèce, il est constant que, de 1973 à 1988, le locataire n’a jamais invoqué le défaut de constat des lieux et qu’une telle allégation n’a été faite que lorsque le bailleur a notifié à son locataire sa volonté de renouveler le bail en application de la loi du 23 décembre 1986 ;
qu’en considérant que ce silence pendant quinze années de la part d’un locataire exerçant la profession d’avocat et, donc, au fait de ses droits ne valait pas renonciation à se prévaloir de l’absence du constat des lieux, la cour d’appel a violé l’article 3 de la loi du 1er septembre 1948″ ;