[Z] [D] a obtenu, par un arrêt du 7 février 2024, la reconnaissance de son droit aux salaires minima selon la classification C, 2ème échelon, coefficient 162 de la convention collective nationale des ingénieurs, assimilés et cadres du bâtiment et des travaux publics. Les débats ont été réouverts pour établir un état précis des rappels de salaire dus, mois par mois. [Z] [D] réclame principalement 53 104€ en rappel de salaire et 5 310,40€ pour congés payés, avec une demande subsidiaire de 47 420€ et 4 742€ pour congés payés. La société Forbeton Sud propose un montant subsidiaire de 23 283,31€ pour le rappel de salaires, tandis que l’AGS-CGEA maintient ses demandes.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 18 SEPTEMBRE 2024
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/00206 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PIYL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 13 DECEMBRE 2021
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER – N° RG F 19/00416
APPELANT :
Monsieur [Z] [D]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représenté par Me Philippe JABOT de la SELARL CHEVILLARD, JABOT, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
S.A.S. FORBETON SUD ,pris en la personne de son representant legal en exercice
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Olivier BONIJOLY de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER, , substitué par Me GARCIA Philippe, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur [H] [U] Es qualité de « Commissaire à l’éxécution du plan de redressement de la « SAS FORBETON SUD »
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représenté par Me Olivier BONIJOLY de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me GARCIA Philippe, avocat au barreau de MONTPELLIER
Association L’UNEDIC, DELEGATION AGS, CGEA DE [Localité 8]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
Représentée par Me Delphine ANDRES de la SCP LOBIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES
Ordonnance de clôture du 29 Mai 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Juin 2024,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, chargé du rapport.
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
M. Jean-Jacques FRION, Conseiller
Mme Anne MONNINI-MICHEL, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Véronique ATTA-BIANCHIN
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Véronique ATTA-BIANCHIN, Greffière.
* *
FAITS ET PROCÉDURE
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se référer à l’arrêt de la présente chambre en date du 7 février 2024 qui, infirmant le jugement et statuant à nouveau, a :
– dit que [Z] [D] pouvait prétendre aux salaires minima liés à la classification C, 2ème échelon, coefficient 162, de la convention collective nationale des ingénieurs, assimilés et cadres du bâtiment et des travaux publics ;
– ordonné la réouverture des débats afin que les parties produisent un état précis des rappels de salaire éventuellement dus à [Z] [D], établi mois par mois, par comparaison avec les avenants à la convention collective relatifs aux appointements minimaux d’un cadre de classification C, 2ème échelon, coefficient 162.
[Z] [D] maintient ses demandes, sauf à solliciter l’octroi :
– à titre principal de la somme de 53 104€ à titre de rappel de salaire et la somme de 5 310,40€ à titre de congés payés sur rappel de salaire,
– à titre subsidiaire de la somme de 47 420€ à titre de rappel de salaire et la somme de 4 742€ à titre de congés payés sur rappel de salaire.
La société Forbeton Sud maintient ses demandes sauf, à titre subsidiaire, à fixer à 23 283,31€ le montant du rappel de salaires.
L’AGS-CGEA maintient ses demandes.
Sur le rappel de salaires résultant de la reclassification:
D’après le calcul produit à la demande de la cour, le salarié sollicite un rappel de salaires conforme aux appointements minimaux prévus par la convention collective, lesquels sont calculés sur la base de 39 heures par semaine.
Or, il apparaît, d’une part, que le contrat de travail signé par les parties prévoit une durée de travail de 151,67 heures par mois, soit 35 heures par semaine, d’autre part, que [Z] [D] réclame le paiement d’heures supplémentaires équivalant aux heures réalisées au-delà de 35 heures.
Dès lors, les appointements minimums calculés sur une base horaire de 35 heures hebdomadaires s’élèvent à :
– la somme de 4 261,92€ pour la période du 1er février 2016 au 31 janvier 2017 (4 749€ sur la base de 39 heures hebdomadaires) ;
– la somme de 4 283,46€ pour la période du 1er février 2017 au 31 janvier 2018 (4 773€ sur la base de 39 heures hebdomadaires) ;
– la somme de 4 4326,54€ pour la période du 1er février 2018 au 31 janvier 2019 (4 821€ sur la base de 39 heures hebdomadaires) ;
– la somme de 4 400,13€ pour la période du 1er février 2019 au 31 janvier 2020 (4 903€ sur la base de 39 heures hebdomadaires).
En l’absence de dispositions conventionnelles contraires, la prime de treizième mois doit être prise en compte dans la détermination du salaire minimum pour le mois où il a été effectivement versé.
Il en résulte que les primes du treizième mois perçues aux mois de décembre 2016, novembre 2017, juin et novembre 2018, comme le rappel de salaire versé au mois de décembre 2018 et correspondant à la rémunération du mois de janvier 2018, doivent être comptabilisés dans le montant des appointements minimums.
Dans ces conditions, au regard de la rémunération perçue sur la période non prescrite du 1er avril 2016 au 30 avril 2019, le rappel de salaires dû s’élève à la somme de 32 687,67€, augmentée des congés payés afférents.
Sur les heures supplémentaires :
Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
[Z] [D] soutient avoir travaillé 60 heures par semaine durant toute la relation de travail.
Au soutien de sa demande, il présente de nombreux messages électroniques qu’il a adressés à son employeur ou qui lui ont été envoyés, des demandes de prise en charge de frais de transports ainsi que l’attestation de son ancienne conjointe qui certifie qu’il travaillait régulièrement de 7 heures à plus de 20 heures 30.
Il fait ainsi ressortir que sa demande est fondée sur des éléments suffisamment précis.
Pour sa part, la société Forbeton Sud, sans répondre utilement en produisant ses propres éléments, expose que le salarié ne produit aucun décompte. Elle ajoute que les messages électroniques ont été adressés à des horaires correspondant à des heures de travail décentes, à l’exception d’un ou deux messages qui n’appelaient pas de réponses immédiates, et qu’ils ne suffisent pas à démontrer qu’il s’agissait d’une pratique régulière de l’entreprise.
Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, la cour est en mesure d’évaluer à 8 001,58€ le montant dû au salarié à titre d’heures supplémentaires, augmenté des congés payés afférents.
Sur le travail dissimulé :
Il n’est pas établi que l’employeur ait, de manière intentionnelle, mentionné sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.
La demande à titre d’indemnité forfaitaire de travail dissimulé sera en conséquence rejetée.
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :
Le manquement de l’employeur à son obligation contractuelle de payer au salarié la rémunération qui lui est due caractérise un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur, qui produit dès lors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La date de prise d’effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail sera fixée au jour du licenciement, soit le 29 octobre 2019.
Dès lors que la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée aux torts de l’employeur, l’indemnité de préavis, d’un montant de 9 264,42€, est toujours due.
Au regard de l’ancienneté de [Z] [D], de son salaire au moment du licenciement et du fait qu’il justifie être inscrit en qualité de demandeur d’emploi depuis le 9 novembre 2019, il y a lieu de lui allouer la somme de 18 000€ brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la garantie de l’AGS :
En application des articles L. 625-3 du code du commerce et L.3253-8 du code du travail, l’AGS-CGEA sera tenue de garantir les sommes dues au salarié à la date du jugement d’ouverture de redressement judiciaire, soit le 14 mars 2017.
En revanche, la garantie de l’article L. 3253-8 ne s’applique pas aux créances nées postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire et résultant de la poursuite du contrat de travail, en l’absence de prononcé d’une liquidation judiciaire, lesquelles s’élèvent aux sommes de 20 703,98€ pour les rappels de salaire et de 5 647,58€ pour les heures supplémentaires, augmentées des congés payés ;
La rupture du contrat de travail n’étant pas intervenue dans les conditions prévues de l’article L. 3253-8, 2°, la garantie de l’AGS ne doit pas intervenir pour les indemnités de rupture.
Sur les autres demandes :
Il convient de condamner la société Forbeton Sud à reprendre les sommes allouées à titre de créance salariale sous forme d’un bulletin de paie ainsi qu’à délivrer au salarié un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et une attestation destinée à France Travail conformes au présent arrêt, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette condamnation d’une astreinte.
En application des articles L. 622-28 et L. 641-3 du code de commerce, le jugement d’ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal.
L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour d’appel.
LA COUR,
Confirme le jugement en ses dispositions relatives à l’indemnité de travail dissimulé et à l’article 700 du code de procédure civile ;
Mais l’infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,
Fixe la créance de [Z] [D] au passif de la SAS Forbeton Sud à :
– la somme de 32 687,67€ à titre de rappel de salaires ;
– la somme de 3 268,76€ à titre de congés payés sur rappel de salaires :
– la somme de 8 001,58€ à titre d’heures supplémentaires ;
– la somme de 800,15€ à titre de congés payés sur heures supplémentaires ;
Prononce la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur et en fixe la date de prise d’effet au 29 octobre 2019;
Fixe la créance de [Z] [D] au passif de la SAS Forbeton Sud à :
– la somme de 9 264,42€ à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– la somme de 926,44€ à titre de congés payés sur préavis ;
– la somme de 18 000€ brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Arrête le cour des intérêts légaux à la date du jugement d’ouverture de la procédure collective ;
Condamne la SAS Forbeton Sud à reprendre les sommes allouées à titre de créance salariale sous forme d’un bulletin de paie ainsi qu’à délivrer au salarié un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et une attestation destinée à France Travail conformes au présent arrêt ;
Rejette toute autre demande ;
Dit que la créance de [Z] [D] comportera les dépens de première instance et d’appel ;
Déclare le présent arrêt opposable à l’UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 8] en application des articles L. 3253-6 et suivants du code du travail, dans les limites fixées par l’article
D. 3253-5, cette garantie ne s’étendant ni aux créances postérieures au jugement d’ouverture de la procédure collective ni aux indemnités de rupture ni aux dépens ;
Dit que la garantie de l’AGS-CGEA est subsidiaire en application de l’article L. 3253-20 du code du travail ;
La Greffière Le Président