Rémunérer au forfait le droit à l’image des comédiens publicitaires est risqué vis-à-vis de l’URSSAF. Cette dernière requalifie cette rémunération en salaires soumis à charges sociales.
Présomption de contrat de travail
Selon les article L7121-3 et L7121-4 du code du travail en leur rédaction applicable depuis le 1er mai 2008, tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce et la présomption de l’existence d’un contrat de travail subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération, ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties.
Assoir la rémunération sur les recettes d’exploitation
L’article L7121-8 subséquent précise néanmoins que la rémunération due à l’artiste à l’occasion de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de son interprétation, exécution ou présentation par l’employeur ou tout autre utilisateur n’est pas considérée comme salaire dès que la présence physique de l’artiste n’est plus requise pour exploiter cet enregistrement (1) et que cette rémunération n’est pas fonction du salaire reçu pour la production de son interprétation, exécution ou présentation (2), mais est fonction du produit de la vente ou de l’exploitation de cet enregistrement (3).
Charges sociales exigibles
En l’espèce, les parties se sont opposées sur la qualification à apporter (redevance de l’article L7121-8 soumise à contributions sociales dans le patrimoine du bénéficiaire de la rémunération ou salaire soumis à cotisations sociales de l’employeur) de la rémunération versée par la société aux artistes-interprètes qui sont employés sur les tournages dont elle assure la production pour la rémunération de leur droit à l’image, rémunération distincte du salaire prévu par le contrat à durée déterminée d’usage.
Cette rémunération est prévue en annexe du contrat de travail dans un document intitulé « autorisation de fixation et d’utilisation de l’image » précisant que « le salarié cède au producteur ainsi qu’au client le droit d’utiliser et d’exploiter son image par reproduction et/ou représentation de celle-ci » dans certaines conditions et qu’en « contrepartie de la cession de son droit à l’image en vue des exploitations précisées aux présentes, le producteur verse au salarié la somme forfaitaire, globale et définitive de … € , somme qui ne pourra en aucun cas être révisée quelle que soit l’étendue des exploitations réalisées pendant la durée initiale de la présente autorisation ».
Même si ce mode de rémunération, forfaitaire, entre la société et les artistes auxquels elle a recours est parfaitement conforme aux prévisions des dispositions conventionnelles et de celles des articles L 212-5 du code de la propriété intellectuelle, il n’en reste pas moins que, dans ses rapports avec l’Urssaf et sans contradiction entre tous ces textes, la qualification de redevance dépend de savoir si la rémunération prévue remplit ou non les conditions claires et précises prévues par l’article L7121-8, pouvant ne pas être considérée comme salaire si, notamment elle est fonction du produit de la vente ou de l’exploitation de cet enregistrement.
Même si, en théorie, il est concevable qu’une rémunération forfaitaire sous forme d’un versement unique puisse être compatible avec une détermination en fonction du produit de la vente ou de l’exploitation de cet enregistrement dans un contexte où le produit chiffré de la diffusion du spot publicitaire en considération des ventes du produit vanté est « très difficilement quantifiable », c’est néanmoins à juste titre que l’Urssaf considère que la rémunération forfaitaire, globale et définitive choisie et appliquée en l’espèce par la société et qui ne peut être révisée quelle que soit l’étendue des exploitations réalisées doit être considérée comme salaire soumis à cotisations sociales de l’employeur, et ce à défaut de remplir une des conditions prévues à l’article L7121-8, ne pouvant être considérée comme fonction du produit de la vente ou de l’exploitation de cet enregistrement, la société reconnaissant, notamment, qu’elle sait « si le spot est diffusé ou non, s’il a du succès ou non ».
____________________________________________________________________________________________________
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Montpellier
3e chambre sociale
10 février 2021
RG n° 18/04470
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 AOUT 2018 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE MONTPELLIER
N° RG21700729
APPELANTE :
SARL TOSCANE PROD
[…]
[…]
Représentant : Me David DUPETIT de la SCP GIPULO – DUPETIT – MURCIA, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
INTIMEE :
URSSAF LANGUEDOC ROUSSILLON
[…]
[…]
Représentant : Me ASTRUC substituant Me Franck DENEL de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 17 DECEMBRE 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet
Madame Karine CLARAMUNT, Conseillère
Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON
ARRÊT :
— Contradictoire;
— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
— signé par Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier.
*
* *
FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES
L’URSSAF Languedoc Roussillon a procédé à la vérification de l’application de la législation de sécurité sociale au sein de la société (sarl) Toscane Prod (ci-après la société) pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 qui donne lieu à lettre d’observations du 9 septembre 2016 portant sur plusieurs points, notamment une observation (point n° 2) relative à la rémunération forfaitaire du droit à l’image.
Le 3 mai 2017 la société, après rejet de sa contestation par la commission de recours amiable, saisit le Tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Hérault.
Le 6 août 2018 le Tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Hérault « valide le chef de redressement contesté, à savoir le chef du redressement n° 2 rémunérations forfaitaires du droit à l’image rémunérations soumises à cotisations et la mise en demeure subséquente et condamne la société à payer à l’Urssaf la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ».
Le 30 août 2018 la société interjette appel et demande à la Cour de :
— réformer le jugement ;
— au visa des articles L. 7121-8 du code du travail, L 212-4 et L 212-5 du code de la propriété intellectuelle et de la convention collective nationale du 19 janvier 2012, juger si que la redevance due à un artiste interprète engagé par un producteur dans le cadre de la réalisation d’une ‘uvre audiovisuelle, contrepartie de la cession de ses droits d’exploitation des droits voisins n’ayant pas la qualité de salaire, peut être fixé de manière certaine par référence aux dispositions de la convention collective en fonction des moyens de diffusion utilisée pour l’exploitation de l »uvre audiovisuelle, moyens connus à l’avance par le producteur ;
— juger que le paiement forfaitaire de la redevance ne modifie pas la nature des sommes versées en contrepartie de l’exploitation de l’image des salariés concernés ;
— juger qu’en considérant que le caractère forfaitaire des sommes versées aux artistes interprètes salariée au titre de la redevance implique qu’elle doit être assimilée à des salaires soumis à charges sociales, l’Urssaf a méconnu la réglementation spécifique applicable au cas de l’artiste interprète embauchée pour la réalisation d’une ‘uvre audiovisuelle ;
— à titre subsidiaire juger que la redevance versée en rémunération de la cession du droit à l’image constitue nécessairement une partie du prix de vente perçue par l’employeur pour la réalisation de l »uvre audiovisuelle ;.
— juger que les redevances versées aux salariés entrent dans le champ d’exclusion des charges sociales prévues par l’article L 7121-8 du code du travail ;
— annuler le redressement notifié pour ce qui concerne l’assujettissement aux charge sociales des sommes versées à titre de redevance pour un montant de 20 503 € et débouter l’URSSAF de sa demande en paiement de cette somme ;
— condamner l’Urssaf, outre aux entiers dépens, à lui payer 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’Urssaf du Languedoc Roussillon venant aux droits de l’URSSAF de l’Hérault, du Gard, de l’Aude ou des Pyrénées-Orientales sollicite la confirmation avec condamnation de la société appelante à lui payer 2 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Les débats se déroulent le 17 décembre 2020.
MOTIFS DE LA DECISION
Selon les article L7121-3 et L7121-4 du code du travail en leur rédaction applicable depuis le 1er mai 2008, tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce et la présomption de l’existence d’un contrat de travail subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération, ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties.
L’article L7121-8 subséquent précise néanmoins que la rémunération due à l’artiste à l’occasion de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de son interprétation, exécution ou présentation par l’employeur ou tout autre utilisateur n’est pas considérée comme salaire dès que la présence physique de l’artiste n’est plus requise pour exploiter cet enregistrement (1) et que cette rémunération n’est pas fonction du salaire reçu pour la production de son interprétation, exécution ou présentation (2), mais est fonction du produit de la vente ou de l’exploitation de cet enregistrement (3).
En l’espèce les parties s’opposent uniquement sur la qualification à apporter (redevance de l’article L7121-8 soumise à contributions sociales dans le patrimoine du bénéficiaire de la rémunération ou salaire soumis à cotisations sociales de l’employeur) de la rémunération versée par la société aux artistes-interprètes qui sont employés sur les tournages dont elle assure la production pour la rémunération de leur droit à l’image, rémunération distincte du salaire prévu par le contrat à durée déterminée d’usage.
Il est établi et d’ailleurs non contesté que cette rémunération est prévue en annexe du contrat de travail dans un document intitulé « autorisation de fixation et d’utilisation de l’image » précisant que « le salarié cède au producteur ainsi qu’au client le droit d’utiliser et d’exploiter son image par reproduction et/ou représentation de celle-ci » dans certaines conditions (cf page 4/6 du contrat d’exemple versé aux débats constituant la pièce n° 2 du dossier de la société) et qu’en « contrepartie de la cession de son droit à l’image en vue des exploitations précisées aux présentes, le producteur verse au salarié la somme forfaitaire, globale et définitive de ‘ € , ‘somme qui ne pourra en aucun cas être révisée quelle que soit l’étendue des exploitations réalisées pendant la durée initiale de la présente autorisation ».
Même si ce mode de rémunération, forfaitaire, entre la société et les artistes auxquels elle a recours est parfaitement conforme aux prévisions des dispositions conventionnelles et de celles des articles L 212-5 du code de la propriété intellectuelle, il n’en reste pas moins que, dans ses rapports avec l’Urssaf et sans contradiction entre tous ces textes, la qualification de redevance dépend de savoir si la rémunération prévue remplit ou non les conditions claires et précises prévues par l’article L7121-8 dessus rappelé, pouvant ne pas être considérée comme salaire si, notamment (les autres conditions n’étant pas discutées dans le cadre de la présente instance), elle est fonction du produit de la vente ou de l’exploitation de cet enregistrement.
Même si, en théorie, comme le précise la société, il est concevable qu’une rémunération forfaitaire sous forme d’un versement unique puisse être compatible avec une détermination en fonction du produit de la vente ou de l’exploitation de cet enregistrement dans un contexte où le produit chiffré de la diffusion du spot publicitaire en considération des ventes du produit vanté est « très difficilement quantifiable » (cf courrier de la société du 7 octobre 2016 ‘pièce n°2), c’est néanmoins à juste titre que l’Urssaf considère que la rémunération forfaitaire, globale et définitive choisie et appliquée en l’espèce par la société et qui ne peut être révisée quelle que soit l’étendue des exploitations réalisées doit être considérée comme salaire soumis à cotisations sociales de l’employeur, et ce à défaut de remplir une des conditions prévues à l’article L7121-8, ne pouvant être considérée comme fonction du produit de la vente ou de l’exploitation de cet enregistrement, la société reconnaissant, notamment, qu’elle sait « si le spot est diffusé ou non, s’il a du succès ou non » (idem’pièce n°2).
Ces éléments et ceux non contraires du premier juge justifient la confirmation de la décision déférée.
PAR CES MOTIFS
La Cour ;
Confirme le jugement du 6 août 2018 du Tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Hérault ;
Y ajoutant ;
Condamne la société aux dépens du présent recours ;
Dit n’y avoir lieu en cause d’appel à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT