Me [E] [L] a interjeté appel d’une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de Bergerac-Sarlat, datée du 1er juin 2023, qui avait fixé ses honoraires à 3.786,71 € TTC, montant que M. et Mme [O] avaient déjà réglé entre 2014 et 2019. Me [E] [L] conteste ce montant, affirmant que le temps passé sur le dossier justifie une facture de 3.795,80 € et que les paiements effectués ne couvrent pas l’intégralité des diligences. Elle demande à la cour de réviser le montant des honoraires et de condamner M. et Mme [O] à payer cette somme, ainsi qu’une indemnité de 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
De leur côté, M. et Mme [O] demandent le rejet des demandes de Me [E] [L] et la confirmation de la décision du Bâtonnier. Ils soutiennent qu’ils n’ont pas signé de convention d’honoraires, qu’il existe un flou sur les sommes réclamées et qu’ils traversent une situation financière difficile. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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Maître [E] [L]
C/
Monsieur [F] [O], Madame [S] [X] épouse [O]
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N° RG 23/02849 – N° Portalis DBVJ-V-B7H-NJYX
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DU 05 SEPTEMBRE 2024
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Notifications
le :
Grosse délivrée
le :
ARRÊT
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Rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Le 05 SEPTEMBRE 2024
LA JURIDICTION DE LA PREMIERE PRESIDENTE DE LA COUR D’APPEL DE BORDEAUX
Vu l’ordonnance de fixation en collégialité du 08 décembre 2023 de la première présidente ;
Vu le renvoi de l’affaire devant la formation collégiale composée de :
Isabelle DELAQUYS, conseillère,
Noria FAUCHERIE, conseillère,
Nathalie PIGNON, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
Nathalie PIGNON, ayant entendu les parties en qualité de rapporteur, a rendu compte des débats à la Cour,
assistées de Séverine ROMA, greffière,
dans l’affaire
ENTRE :
Maître [E] [L]
Avocate, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Jérôme DIROU, avocat au barreau de BORDEAUX
Demandeur au recours contre une décision rendue le
01 juin 2023 par le Bâtonnier de l’ordre des avocats de BERGERAC SARLAT,
ET :
Monsieur [F] [O]
né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 5], demeurant [Adresse 4]
Madame [S] [X] épouse [O]
née le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 6], demeurant [Adresse 4]
absents,
représentés par Me Marine RAFFIER, avocat au barreau de BORDEAUX
Défendeurs,
A rendu publiquement l’arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue devant nous, assistées de Séverine Roma, Greffière, en audience publique, le 18 Juin 2024 et qu’il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus désignés.
Me [E] [L] a relevé appel d’une décision rendue le
1er juin 2023 par le Bâtonnier de l’ordre des avocats de Bergerac-Sarlat ayant fixé à 3.786,71 € TTC les honoraires dus à elle par
M. et Mme [O].
Elle demande à la cour de :
– juger que le temps passé dans le dossier dépasse le montant facturé à M. et Mme [O] le 22 octobre 2020,
– juger que les règlements effectués par M. et Mme [O] à hauteur de la somme de 3.786,71 € TTC de 2014 à 2019 ne couvrent pas l’intégralité des diligences accomplies, ni les frais structurels supportés par Me [E] [L] depuis le début de la procédure jusqu’à la fin de la procédure ;
– juger que la facture n°20201377 d’un montant de 3 795,80 € est parfaitement justifiée par les diligences accomplies depuis le début de la procédure,
– juger que déduction des règlements effectués, M. et Mme [O] restent redevables de la somme de 3.795,80 € ;
– juger que les consorts [O] n’ont pas procédé au règlement de la facture n°20201377 du 22 octobre 2020 d’un montant de 3.795,80 € ;
En conséquence,
– infirmer l’ordonnance rendue par Madame le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Barreau de BERGERAC-SARLAT le 1er juin 2023 ayant fixé les honoraires de Maître [E] [L] à la somme de 3 786,71 € TTC et constaté que M. et Mme [O] se sont acquittés au profit de Maître [L] d’une somme de 3.155,59 € HT soit 3786,71 € TTC,
Statuant à nouveau,
– fixer les honoraires et frais de cabinet de Me [E] [L] à la somme de 3.795,80 € TTC et condamner M. et Mme [O] à payer à Me [E] [L] la somme de 3.795,80 € TTC,
En tout état de cause,
– condamner M. et Mme [O] au paiement de la somme de 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Elle fait valoir :
– qu’il ressort de la décision rendue le 1er juin 2023 par le Bâtonnier de l’Ordre des avocats de BERGERAC que M. et Mme [O] auraient formulé des observations par lettre du 31 janvier 2023, alors qu’elle n’a jamais été destinataire de ce courrier et n’a donc pas pu en prendre connaissance et y apporter une réponse,
– que le fait que M. et Mme [O] n’aient pas signé la convention d’honoraire ne les exonère pas du règlement des diligences accomplies,
– que le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats n’a pas tenu compte du fait que la convention d’honoraire avait fixé l’honoraire forfaitaire à la somme de 6.000 € TTC pour l’intégralité du dossier,
– que compte tenu des diligences accomplies, il est démontré que le cabinet a accompli plus de 35 heures de travail dans ce dossier, soit un honoraire de 6.337,47 € HT, soit 7.604,96 € TTC.
M. et Mme [O] demandent à la cour de :
– débouter la SELAS [L] ET ASSOCIES de l’ensemble de ses demandes,
– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de taxe rendue par le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats au Barreau de BERGERAC-SARLAT le 1er juin 2023,
– condamner la SELAS [L] ET ASSOCIES au paiement de la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Ils font valoir qu’ils n’ont pas signé de convention d’honoraires, qu’un flou existe quant aux sommes réclamées par Me [L] et aux diligences auxquelles elles correspondent effectivement, et ils soulignent connaître une situation financière extrêmement difficile depuis plusieurs années.
Conformément à l’article 10 de la loi n 71-1130 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi n 2015-990 du 6 août 2015 les honoraires de postulation, de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.
Sauf urgence ou force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat doit conclure par écrit avec son client une convention d’honoraires.
Par ailleurs, la procédure spéciale prévue par les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ne s’applique qu’aux contestations relatives à la fixation et au recouvrement des honoraires des avocats, de sorte que ni le bâtonnier ni, en appel, la cour à laquelle l’affaire a été renvoyée n’ont le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l’avocat au titre d’un éventuel manquement à son obligation d’information préalable surles conditions de sa rémunération.
En l’absence de convention, comme en l’espèce, les honoraires revenant à l’avocat doivent être fixés en application des critères de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi du 10 juillet 1991, et de l’article 10 du décret du 12 juillet 2005, aux termes desquels les honoraires sont fixés à défaut de convention entre l’avocat et son client, « selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés parl’avocat, de la notoriété et des diligences de celui-ci ».
Ainsi, pour apprécier les diligences effectuées, le juge de l’honoraire doit retenir au vu des pièces produites :
– le temps consacré à l’affaire, chiffrage en heures et/ou minutes, comprenant notamment letemps de travail de recherche ;
– la nature et la difficulté de l’affaire, l’importance des intérêts en cause, les avantages et le résultat obtenus au profit du client par son travail, ainsi que le service rendu à celui-ci ;
-l’incidence des frais et charges du cabinet auquel il appartient ;
– sa notoriété, ses titres, son ancienneté, son expérience et la spécialisation dont il est titulaire, étant précisé que l’avocat associé ne peut pas se prévaloir de sa propre notoriété pour un collaborateur dont le taux horaire doit être inférieur au sien ;
– la situation de fortune du client.
L’évaluation qui doit être effectuée à ce titre ne porte que sur le seul le travail réalisé et l’adéquation de celui-ci avec la nature et l’importance du dossier, la charge de la preuve des diligences incombant à l’avocat.
En l’espèce, les époux [O] ont mandaté Me [L] pour un litige de conflit de voisinage les opposant aux consorts [T].
A l’appui de sa demande, Me [L] produit aux débats les actes accomplis, une copie de son agenda ainsi qu’un relevé du temps passé.
De ces éléments, il ressort que Me [L] a rédigé pour le compte des époux [O] une assignation, trois jeux de conclusions dont un jeu de conclusions responsives, un jeu de conclusions d’incident, puis trois jeux de conclusions après expertise.
Le décompte du temps passé fait état de 35 heures de travail, comprenant notamment les frais afférents à la procédure de taxation d’honoraires, qui ne sauraient être comptabilisés.
Les horaires comptabilisés pour ‘préparation ME’ ne correspondent à aucune diligence effective, les conclusions rédigées faisant l’objet d’un décompte spécifique.
Au regard de la complexité du litige, relativement limitée s’agissant d’un conflit classique de voisinage, des diligences mentionnées sur la feuille de temps et justifiées et de la situation financière des époux [O] qui démontrent avoir bénéficié en 2017 d’un plan de surendettement, il convient d’infirmer la décision déférée et de fixer à la somme totale de 4.786,71 € TTC le montant total des honoraires dus à Me [L].
Compte tenu des règlements effectués par les époux [O], à hauteur de la somme de 3.786,71 € TTC, le solde dû sur les honoraires de Me [L] sera taxé à la somme de 1.000 € TTC que les époux [O] devront lui verser.
Enfin il est équitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés et non compris dans les dépens, et il n’y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.
Infirme la décision déférée,
Statuant à nouveau :
Fixe le solde des honoraires dus par les époux [O] à Me [L] à la somme de 1.000 € TTC
Déboute les époux [O] et Me [L] de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens,
Dit qu’en application de l’article 177 du décret n’ 91-1197 du 27 novembre 1991, l’arrêt sera notifié aux parties par le greffe de la cour par lettre recommandée avec accusé de réception.
Le présent arrêt a été signé par Isabelle DELAQUYS, conseillère, et par Séverine ROMA, greffière, à laquelle la minute a été remise par le Magistrat signataire.
La Greffière La Conseillère