COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 30 MARS 2023
N° 2023/ 262
Rôle N° RG 21/13319 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIDCI
[P] [Z]
C/
Compagnie d’assurance GENERALI
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Jean-François JOURDAN
Me Bruno ZANDOTTI
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal judiciaire d’AIX-EN-PROVENCE en date du 07 septembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/00633.
APPELANT
Monsieur [P] [Z]
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Jean-François JOURDAN substitué par Me Anne BRIHAT-JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
et assisté de Me Edouard BOURGIN de la SELEURL EDOUARD BOURGIN, avocat au barreau de GRENOBLE, plaidant
INTIMEE
Compagnie d’assurances GENERALI
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est [Adresse 1]
représentée par Me Bruno ZANDOTTI de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Laura TAFANI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Angélique NETO, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Angélique NETO, Présidente
Mme Catherine OUVREL, Conseillère
Madame Myriam GINOUX, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2023,
Signé par Mme Angélique NETO, Présidente et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Le 6 janvier 2012, M. [P] [Z] a été victime d’un accident médical alors qu’il était hospitalisé et opéré à l’hôpital [4] d’une exérèse d’un méningiome intra-dural T6.
Suite à cette intervention, il a présenté une dégradation neurologique de son état avec constitution d’une paraparésie sévère.
Dans le cadre de la procédure initiée auprès de la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux de [Localité 3], le docteur [G], expert désigné, a rendu un rapport d’expertise le 12 juillet 2017. Il conclut à l’existence d’un accident médical non fautif et à un déficit fonctionnel permanent évalué à 75 %.
M. [Z] a sollicité la mise en oeuvre de sa garantie des accidents de la vie souscrite auprès de la compagnie d’assurances Generali, le 17 avril 2007, prévoyant un seuil d’intervention à partir de 30 % d’incapacité permanente partielle, ce que l’assureur a accepté par courrier en date du 28 novembre 2018.
Par acte d’huissier en date du 13 avril 2021, M. [P] [Z] a fait assigner la compagnie d’assurances Generali devant le juge des référés du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence aux fins de voir ordonner une expertise médicale confiée à un neurologue, de dire que l’expert ne pourra pas s’opposer à la présence de son avocat, d’interdire à la défenderesse de communiquer son dossier médical ou un rapport d’expertise amiable dans le cadre de la procédure judiciaire et des opérations d’expertise et de la condamner à lui verser la somme de 2 000 euros à titre de provision pour frais d’instance, outre celle de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens.
Par ordonnance en date du 7 septembre 2021, ce magistrat a :
– ordonné une expertise médicale sur la personne de M. [P] [Z] en désignant pour y procéder le docteur [M] [C] avec mission habituelle fixée en matière d’évaluation du préjudice corporel ;
– débouté M. [P] [Z] du surplus de ses demandes ;
– débouté M. [P] [Z] de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [P] [Z] aux entiers dépens.
Il a estimé que :
– M. [Z] justifie d’un motif légitime à l’organisation d’une expertise médicale sans qu’il y ait lieu de restreindre la mission de l’expert comme le demande l’assureur ;
– l’examen médical de la personne devant être effectué dans le respect de l’intimé du sujet, seuls les personnels médicaux peuvent être autorisés à y assister ou participer, soit l’expert, les sapiteurs et les médecins-conseils, à l’exclusion des avocats des parties, étant souligné que l’autorisation de la présence de l’avocat du sujet pourrait avoir pour conséquence que l’ensemble des avocats des parties présentent la même demande, ce qui est, à l’évidence, incompatible avec le respect du principe protégé ;
– nonobstant le fait que la communication d’éléments médicaux est subordonnée à l’autorisation de la personne concernée, il n’y a pas lieu d’interdire de manière générale et sans exception la communication de pièces médicales comme le demande M. [Z], ce qui serait de nature à violer le principe du contradictoire ;
– l’assureur ayant versé une provision de 30 000 euros, M. [Z] dispose de moyens suffisants pour assurer sa défense, de sorte que sa demande de provision pour frais d’instance sera rejetée ;
– l’expertise étant ordonnée dans l’intérêt de M. [Z], il devra faire l’avance des frais d’expertise et prendre en charge les dépens, sans pouvoir prétendre à une indemnité au titre des frais irrépétibles.
Suivant déclaration transmise au greffe le 16 septembre 2021, M. [Z] a interjeté de cette ordonnance en toutes ses dispositions sauf en ce qu’elle a ordonné l’expertise médicale.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 22 septembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, il sollicite de cour qu’elle :
– confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a ordonné une expertise médicale sur sa personne confiée au docteur [C] ;
– l’infirme pour le surplus et statuant à nouveau ;
– précise dans la mission confiée à l’expert que l’expert ne peut s’opposer à la présence de l’avocat durant l’examen clinique si la victime en émet la demande ;
– interdise à la compagnie Generali et ses conseils de communiquer son dossier médical ou un rapport d’expertise amiable dans le cadre des opérations d’expertise ou de la procédure judiciaire ;
– condamne la compagnie Generali à lui verser la somme de 2 500 euros à titre de provision ad litem ;
– condamne la compagnie Generali à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamne la compagnie Generali aux entiers dépens.
S’agissant de la présence de l’avocat lors de l’examen médical, il indique que rien ne s’y oppose, dès lors que la victime y consent, faisant observer que cette dernière est seule maître de son secret médical et qu’aucune disposition ne permet d’exclure la présence de l’avocat, qui représente la victime, à un moment de l’expertise. Il souligne que le conseil national de l’ordre des médecins a adopté un rapport le 21 octobre 2011 intitulé les experts médicaux et les médecins qui évaluent le dommage corporel aux termes duquel il indique que la victime peut demander que seul l’expert soit présent ou, au contraire, imposer la présence de son avocat ou de la personne de son choix. Il se prévaut également de plusieurs décisions rendues par le tribunal judiciaire de Grenoble aux termes desquelles la présence de l’avocat de la victime est prévue lors de son examen clinique si elle en fait la demande et, le cas échéant, la présence de l’avocat de la partie défenderesse en application du principe du contradictoire.
S’agissant de la protection du secret médical, il affirme que la communication d’un élément ou d’une information médicale sans le consentement de la personne concernée constitue une violation du secret médical. Il se prévaut d’un arrêt de la Cour de Cassation du 16 mars 2021 qui a cassé et annulé un arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d’appel de Grenoble ayant débouté la partie civile de ses demandes après relaxe de la personne poursuivie du chef de la violation du secret professionnel au motif que cette dernière, en tant que médecin-conseil d’une société d’assurance, avait volontairement remis à l’expert judiciaire un document médical, et en l’occurrence un rapport d’expertise amiable, couvert par le secret, sans avoir obtenu l’autorisation préalable de l’intéressé, faits susceptibles d’ouvrir droit à la réparation des préjudices de la partie civile. Il insiste sur le fait que la loi ne prévoit pas de dérogation au secret médical durant une expertise judiciaire et se prévaut de plusieurs décisions rendues par le tribunal judiciaire de Grenoble en ce sens et par la cour d’appel de Grenoble qui a jugé, dans un arrêt du 26 mai 2020, qu’il n’y avait pas lieu de faire droit à la demande subsidiaire de la société d’assurances tendant à voir dire que l’expert devra prendre connaissance des rapports d’expertise amiable, cette communication étant soumise au secret médical que seul le patient peut lever. Enfin, il indique qu’il entend produire lors des opérations d’expertise les pièces de son dossier médical dans le respect du contradictoire en les communiquant à l’expert judiciaire, à l’avocat du défendeur et au médecin-conseil de ce dernier.
S’agissant de la provision ad litem, il expose que l’attribution d’un telle provision n’est pas subordonnée à la preuve de l’impécuniosité de la partie, faisant observer que la provision de 30 000 euros qui lui a été d’ores et déjà versée vise à l’indemniser, partiellement, des préjudices subis et non à l’indemniser de frais de procédure engagés pour faire valoir ses droits. Il insiste sur le fait que son droit à indemnisation ne se heurte à aucune contestation sérieuse et qu’il était parfaitement en droit de préférer la voie judiciaire plutôt que la voie amiable compte tenu de l’inertie de la partie défenderesse pendant plusieurs années.
S’agissant des frais irrépétibles et des dépens, il insiste sur le fait avoir initié la présente procédure en raison de la carence de la compagnie d’assurances Generali, et ce, alors même que son droit à indemnisation ne souffre d’aucune contestation.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 26 octobre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, la compagnie d’assurances Generali demande à la cour de :
– confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
– débouter M. [Z] de ses demandes, en ce compris celle formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les deux instances ;
– laisser à la charge de M. [Z] les dépens de l’instance.
S’agissant de la présence de l’avocat lors de l’examen médical, elle indique que seuls les médecins-conseils peuvent être autorisés par principe à y assister et que le juge ne peut contraindre l’expert à accepter la présence de l’avocat à un tel examen en vertu du respect du secret médical. Dès lors qu’il s’agit d’un secret général et absolu, elle considère que nul ne peut en délier le médecin, en ce compris la victime elle-même. Elle se refère à un courrier en date du 24 septembre 2018 du docteur [Y], président de la section ethique et déontologique de l’ordre national des médecins, aux termes duquel il indique, qu’en matière d’expertise médicale, le conseil national de l’ordre des médecins considère qu’un médecin expert ne peut se voir imposer la présence d’un avocat lors de l’examen clinique de la personne expertisée. Elle indique que cette position s’explique par le fait qu’un tel examen, clinique, somatique ou psychiatrique, revêt un caractère intime qui nécessite que s’instaure une relation de confiance entre le médecin désigné et la personne examinée et, qu’au-delà du respect du secret médical, il s’agit de respecter la dignité de l’autre et de la nécessaire confidentialité de tout ce qui touche à l’intimité physique ou psychique. Elle relève que le docteur [Y] indique que, si des avocats soutiennent être habilités à assister à l’examen médical dès lors que la personne examinée y consent, rien ne peut contraindre le médecin expert missionné à accepter cette présence. Par ailleurs, elle souligne que la victime peut, finalement, refuser la présence de son avocat. Enfin, elle relève, qu’en vertu du principe du contradictoire, toutes les parties pourraient formuler la même demande, ce qui violerait le secret médical.
S’agissant de la demande d’interdiction générale de communiquer, elle relève qu’il s’agit d’une demande formulée a priori à la juridiction des référés, faisant observer que toutes les décisions auxquelles se réfèrent l’appelant concernent des condamnations prononcées a posteriori, une fois l’infraction commise, en violation du secret médical. De plus, elle indique que les parties doivent pouvoir échanger des pièces en vertu du principe du contradictoire.
S’agissant de la demande de provision ad litem, elle indique avoir été diligente dans la mise en oeuvre de la garantie souscrite par M. [Z] en désignant trois experts, faisant observer que les deux premiers se sont désistés tandis que M. [Z] a refusé le dernier expert au motif qu’il l’avait déjà examiné, de sorte que le retard pris dans l’organisation de la mesure d’expertise ne lui est pas imputable. Elle souligne par ailleurs avoir d’ores et déjà versée, dans le cadre de la procédure amiable, une provision de 30 000 euros.
La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 6 février 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les chefs de la mission de l’expert
Il est admis que les mesures d’instruction légalement admissibles, au sens de l’article 145 du code de procédure civile, sont celles prévues par les articles 232 à 284-1.
Ainsi, il résulte de l’article 232 du même code que le juge peut commettre toute personne de son choix pour l’éclairer par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d’un technicien. Il est admis que les juges fixent souverainement l’étendue de la mission confiée à l’expert judiciaire
En l’espèce, le premier juge a ordonné une expertise médicale de M. [Z] en désignant pour y procéder M. [C] avec notamment mission de :
– 3°) se faire communiquer par l’intéressé, son représentant légal ou tout tiers détenteur toutes pièce utiles à l’accomplissement de sa mission et, notamment, tous documents médicaux relatifs à sa situation médicale, avec l’accord de l’intéressé ;
– 5°) à partir des déclarations de l’intéressé et des documents médicaux fournis, et d’un examen clinique détaillé dans le respect du contradictoire, décrire (…).
Ce faisant, ce magistrat a rejeté les demandes formées par M. [Z] tendant, d’une part, à interdire à la compagnie d’assurances Generali et ses conseils de communiquer son dossier médical ou un rapport d’expertise amiable dans le cadre des opérations d’expertise ou de la procédure judiciaire et, d’autre part, à dire que l’expert ne pourra pas s’opposer à la présence de l’avocat durant l’examen clinique si la victime en émet la demande.
Concernant l’interdiction de communiquer, il résulte de l’article 243 du code de procédure civile que les techniciens peuvent demander communication de tous documents aux parties et aux tiers, sauf au juge à l’ordonner en cas de difficulté. Par ailleurs, l’article 275 du même code énonce que les parties doivent remettre sans délai à l’expert tous les documents que celui-ci estime nécessaires à l’accomplissement de sa mission. En cas de carence des parties, l’expert en informe le juge qui peut ordonner la production des documents. Il résulte en effet de l’article 11 du même code que ce dernier est tenu de veiller à ce que les parties apportent leur concours aux mesures d’instruction en remettant à l’expert les pièces nécessaires à l’accomplissement de sa mission. S’il peut ordonner la production d’actes détenus par les parties ou un tiers, ce pouvoir est limité par l’existence d’un empêchement légitime tenant notamment au secret médical.
Ainsi, s’il est acquis que les professionnels de santé ne peuvent, en l’absence de disposition législative spécifique, transmettre des informations couvertes par le secret médical, qu’il s’agisse d’un rapport d’expertise amiable ou de toutes autres pièces médicales, sans l’accord de la personne concernée, il n’y a pas lieu pour autant de modifier la mission d’expertise en interdisant à la partie défenderesse de procéder à une telle communication de manière générale.
En effet, si l’expert a pour mission de se faire communiquer par l’intéressé, son représentant légal ou des tiers les pièces utiles à l’accomplissement de sa mission, et notamment tous documents médicaux relatifs à la situation médicale de la victime, c’est sous réserve de l’accord de l’intéressé, tel que cela est expressément rappelé dans la mission ordonnée par le premier juge.
Or, s’il appartient à la victime d’accepter de remettre ou de voir transmettre à l’expert des éléments couverts par le secret médical et, le cas échéant, d’autoriser les personnes présentes lors des opérations d’expertise, et en particulier les médecins-conseils, d’en prendre connaissance, cela ne prive pas la possibilité pour l’expert judiciaire ou une partie de demander, à un juge civil, la production d’un élément de preuve détenu par une partie ou un tiers, à qui il appartiendra d’apprécier l’existence d’un empêchement légitime.
Interdire d’emblée à une partie de produire les éléments médicaux qu’elle détient à un expert judiciaire, sans même lui laisser la possibilité de rechercher, directement ou par l’intermédiaire de l’expert, l’accord de l’intéressé, viendrait à priver de sens le secret médical qui veut que, l’absence de communication, ne doit résulter que de la décision de la victime, le juge ayant, quant à lui, la possibilité de tirer des conclusions, ou non, d’informations qui n’auraient pas été produites.
Si la crainte de M. [Z] est de voir la compagnie d’assurances Generali, par l’intermédiaire de son médecin-conseil, porter atteinte au secret médical en produisant des éléments médicaux le concernant sans son accord, ce dernier, qui en aura nécessairement connaissance à l’occasion de la présentation par l’expert judiciaire, garant du respect du contradictoire, des documents obtenus dans le cadre des opérations d’expertise, pourra la poursuivre devant un juge civil et/ou un juge pénal.
Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’inscrire dans la mission de l’expert la mesure d’interdiction générale de communication sollicitée par M. [Z].
Concernant la présence de l’avocat à l’examen clinique si la victime en émet la demande, l’expert judiciaire doit veiller au respect du contradictoire lors de la convocation des parties et pendant le déroulement des opérations. Ainsi, il résulte de l’article 276 du code de procédure civile que l’expert doit mettre les parties et leurs représentants ou assistants en mesure de faire valoir, en temps utile, leurs observations et réclamations, et les prendre en considération. Il doit veiller à respecter les articles 160, 161 et 162 du code de procédure civile, aux termes desquels les parties peuvent notamment se faire assister lors de l’exécution d’une mesure d’instruction.
Dans le cadre d’une expertise médicale judiciaire, il convient de distinguer le temps consacré à la discussion médico-légale portant sur des questions de nature judirique et sur l’évaluation du préjudice coporel en fonction de la nomenclature dit ‘ Dintilhac’, qui se fait en présence de toutes les parties, de leurs avocats et médecins-conseils, de celui consacré à l’examen clinique destiné à donner lieu à des constatations d’ordre strictement médical, qui se fait habituellement en présence des seuls médecins assistants, et dont l’expert communique ensuite les résultats à toutes les personnes participant aux opérations d’expertise, en ce compris les avocats des parties.
Si M. [Z] demande à ce qu’il soit inscrit dans la mission de l’expert que son examen clinique pourra être fait en présence de son avocat s’il en fait la demande, il reste qu’il appartient, non pas au juge, mais à l’expert d’en décider en fonction du contexte.
En effet, si les droits pour la victime de bénéficier de l’assistance de son conseil et de délier les professionnels de la santé du secret médical sont incontestables, il en est de même de son droit au respect de sa dignité et de son intimité.
Or, dès lors que les médecins experts, en application de l’article R 4127-2 du code de la santé publique et sur un plan déontologie médicale, doivent exercer leur mission dans le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité, ils doivent pouvoir librement apprécier dans quelle mesure l’examen clinique peut, d’un point de vue technique, être ou non réalisée en présence de personnes qui ne sont pas des professionnels de la santé.
De plus, en faisant droit à la demande de M. [Z] d’être assisté par son avocat lors de l’examen clinique, une telle assistance rendrait nécessaire, dans un souci de parité et du respect du contradictoire, que l’avocat de la partie adverse soit aussi présent. Cela conduirait nécessairement à une discussion médico-légale à un moment où la victime est en train d’être examinée, ce qui n’est pas de nature à garantir sa dignité et son intimité, sans compter le fait qu’un examen clinique réalisé dans de telles circonstances, en présence de plusieurs personnes, porterait atteinte à la sérénité de l’examen voire même constituerait une véritable épreuve pour la victime.
Enfin, alors même que le rôle de l’avocat est d’aider la victime à constituer son dossier, recueillir toutes les pièces médicales, médico-sociales et financières et procéder à une discussion médico-légale au regard de ces éléments et des constatations médicales faites lors de l’examen clinique, dont l’expert judiciaire est tenu de restituer de manière contradictoire au cours de la discussion, afin qu’elle obtienne une juste indemnisation, cette dernière a toujours la possibilité de se faire assister, lors de l’examen clinique, par un médecin-conseil, de même que la compagnie d’assurances, soit par des professionnels de la santé, dont la présence suffit à permettre une utile contradiction dans une matière purement médicale.
Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de compléter la mission de l’expert dans les termes revendiqués par M. [Z] afin que l’expert ne puisse pas s’opposer à la présence de son avocat lors de son examen clinique s’il le demande.
Il y a donc lieu de confirmer l’ordonnance entreprise concernant les chefs de mission confiés à l’expert.
Sur la demande de provision ad litem
Il est admis que le juge des référés a le pouvoir, sur le fondement de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, d’accorder une provision pour frais d’instance dont l’allocation n’est pas subordonnée à la preuve de l’impécuniosité de la partie qui en sollicite l’attribution.
Ainsi, lorsque le droit à indemnisation n’est pas contestable, il apparaît inéquitable que la victime soit contrainte d’amputer le montant de la provision allouée à valoir sur la réparation de son préjudice corporel de la consignation des honoraires à valoir sur le rémunération de l’expert voire des honoraires du médecin conseil choisi pour l’assister lors des opérations d’expertise.
En l’espèce, dès lors que la compagnie d’assurances Generali ne discute pas le principe même du droit à indemnisation de M. [Z], il n’est pas sérieusement contestable qu’elle devra prendre en charge les frais de l’expertise médicale judiciaire ordonnée par le premier juge, dont la consignation a été fixée à la somme de 900 euros TTC, de même que les honoraires du médecin conseil, peu important que l’expertise amiable n’a jamais pu être mise en oeuvre et que M. [Z] a d’ores et déjà perçu une provision de 30 000 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice corporel.
Le montant non sérieusement contestable de la provision ad litem à allouer à M. [Z] peut être justement évalué à la somme de 1 500 euros.
L’ordonnance déférée sera donc infirmée sur ce point et la compagnie d’assurances Generali sera condamnée à verser à M. [Z] une provision ad litem de 1 500 euros.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Si le demandeur à une expertise, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, ne peut en principe être considéré comme la partie perdante à un procès, il en va différemment lorsque l’obligation de la partie défenderesse de l’indemniser ne se heurte à aucune contestation sérieuse. Tel est le cas en l’espèce, dès lors que la compagnie d’assurances Generali ne conteste pas devoir mobiliser la garantie contractuelle souscrite par M. [Z], étant rappelé que les procédures d’indemnisation amiable prévues par la loi ou contractuellement ne dispense pas la victime d’agir par voie judiciaire pour faire valoir ses droits.
Il y a donc lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a condamné M. [Z] aux dépens et a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance non compris dans les dépens.
Dès lors que M. [Z] obtient partiellement gain de cause en appel concernant sa demande de provison ad litem et les demandes accessoires, il y a lieu de condamner la compagnie d’assurances Generali aux dépens de première instance et d’appel.
L’équité commande en outre de la condamner à verser à M. [Z] la somme globale de 3 000 euros pour les frais exposés en première instance et en appel non compris dans les dépens en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant dans les limites de l’appel ;
Infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :
– débouté M. [P] [Z] du surplus de ses demandes ;
– débouté M. [P] [Z] de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [P] [Z] aux entiers dépens ;
La confirme en ses autres dispositions critiquées ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
Condamne la compagnie d’assurances Generali à verser à M. [P] [Z] une provision ad litem de 1 500 euros ;
Condamne la compagnie d’assurances Generali à verser à M. [P] [Z] la somme globale de 3 000 euros pour les frais exposés en première instance et en appel non compris dans les dépens en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la compagnie d’assurances Generali aux dépens de première instance et d’appel.
La greffière La présidente