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CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 décembre 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme TEILLER, président
Décision n° 10558 F
Pourvoi n° W 20-18.315
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2021
La société Daks, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 20-18.315 contre l’arrêt rendu le 2 juin 2020 par la cour d’appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l’opposant à la société Studio d’architecture [F] [Z], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations écrites de la SCP Krivine et Viaud, avocat de la société Daks, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Studio d’architecture [F] [Z], après débats en l’audience publique du 3 novembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Daks aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Daks ; la condamne à payer à la société Studio d’architecture [F] [Z] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Krivine et Viaud, avocat aux Conseils, pour la société Daks
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR condamné la société Daks à payer à la société Studio d’architecture [F] [Z] la somme de 118.350,40 € TTC, au titre du règlement de la facture du 24 janvier 2013, et débouté la société Daks de toutes ses demandes au fond ;
AUX MOTIFS QUE, sur la nature du marché signé entre l’architecte et la société [Z], à titre liminaire, il sera observé que la SCI Daks, qui en première instance sollicitait l’annulation du contrat rédigé en français pour vice du consentement, ne reprend pas cette demande devant la cour d’appel ; qu’il ressort des deux contrats français et bilingue que les honoraires ont été au départ fixés à partir d’une enveloppe financière dont le maître de l’ouvrage avait déclaré disposer et non sur un projet déterminé : « Enveloppe financière prévisionnelle / Au jour de la signature du contrat le maître d’ouvrage déclare disposer d’une enveloppe financière globale (hors acquisition de terrain) de 3.760.000 € soit 4.496.960 € TTC, étant entendu que le taux de TVA applicable est de 19,6% » ; qu’ainsi que l’a relevé la commission des litiges et des pratiques professionnelles du conseil régional de l’ordre des architectes Rhône Alpes, dans un avis émis à l’issue de la tentative de conciliation, il a été constaté l’absence de programme précis et détaillé qui aurait permis de définir, dès la signature du contrat, les prestations et l’étendue de la mission de l’architecte étant précisé que l’établissement du programme est une obligation du maître d’ouvrage ; qu’en effet, il résulte des deux contrats signés qu’au paragraphe « désignation de l’opération », il est mentionné une surface foncière du terrain de 4 179 m² et une estimation de la surface à construire de 1.000 m² ; qu’au paragraphe « pièces contractuelles », il est mentionné : « Les pièces constitutives du contrat sont les suivantes, par ordre de priorité décroissante : /- Le présent contrat, /- L’esquisse – lettre de commande du : Néant, /- L’étude de faisabilité – lettre d’engagement du Néant contenant le programme défini par le maître d’ouvrage » ; que selon l’article 1793 du code civil, « Lorsqu’un architecte ou un entrepreneur s’est chargé de la construction à forfait d’un bâtiment d’après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l’augmentation de la main-d’oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d’augmentations faits sur ce plan si ces changements ou augmentations n’ont pas été autorisés par écrit et le prix convenu avec le propriétaire » ; qu’en l’espèce, le contrat bilingue comme le contrat français prévoient une rémunération forfaitaire de l’architecte et, par ailleurs, il est indiqué à l’article 9 « Modification du contrat – Prestations ou charges supplémentaires » que « toute augmentation de la mission, toute remise en cause du programme ou du calendrier de réalisation, toute modification des documents approuvés, demandés par le maître d’ouvrage donnent lieu à l’établissement d’un avenant et emporte une augmentation des honoraires à proportion des études ou autres prestations supplémentaires indispensables à sa satisfaction » ; qu’il ressort clairement de ces dernières dispositions que toute augmentation de la mission entraîne celle des honoraires ; qu’il est constant que les travaux supplémentaires donnent lieu à rémunération si les modifications demandées ont entraîné un bouleversement de l’économie du contrat, ayant fait l’objet d’une acceptation expresse et non équivoque du maître de l’ouvrage de ces travaux ; qu’en l’espèce, il a été fait droit le 22 juin 2012 à la demande de permis de construire déposée le 29 février 2012, pour la construction d’un bâtiment à usage d’habitation d’une surface hors-oeuvre nette de 1.308 m2 alors que la surface HO prévue au contrat d’architecte était de 1.000 m2 ; que, par ailleurs, il résulte de l’avis officieux de M. [R] qui, s’il n’a pas valeur d’expertise, vaut à titre de renseignement, que les plans du projet au stade « Dossier Consultation des Entreprises » font apparaître une surface HO de près de 1 600 m2 soit un delta d’environ 60%, comprenant l’adjonction d’une piscine sur dalle et la construction d’une maison de gardien ; qu’en outre, les documents de prescriptions techniques établis par le studio [Z] font apparaitre des prestations très spécifiques demandées par le maître d’ouvrage en cours d’études, en particulier des aménagements de locaux en sous-sol à destinations et à caractéristiques techniques peu courantes en habitat individuel telles que : /- salle de fitness de 150 m², /- salle de jeux de 90 m², /- chambre froide pour fourrures de 13 m², /- chambre forte et plusieurs portes blindées, /- systèmes de sécurité sophistiqués, /- revêtements de façade en pierre coûteux, /- ascenseur intérieur etc… ; que M. [R] a relevé, au vu des plans, que l’augmentation de la surface HO de la seule maison était de l’ordre de 300m² ; que ces éléments sont confirmés par la convention d’honoraires signée le 24 mai 2013 avec l’architecte qui a succédé au studio [Z] ; qu’il est précisé à l’article 2 « Contexte de l’opération » « La SCI Daks a obtenu un permis de construire sur un terrain situé au [Adresse 2], pour la construction d’une maison d’habitation. / Celle-ci est composée d’un sous-sol en partie habitable, de deux niveaux (rez-de-chaussée + étage) avec terrasses et piscine ainsi qu’une maison de gardien indépendante. / À ce jour, les études d’exécution (plans et coupes des niveaux, pré-étude B A, pré-étude charpente, décoration intérieure, aménagements extérieurs) sont relativement avancées ainsi que les descriptifs quantitatifs. / Cependant l’ensemble de ces plans et documents ne sont pas tous cohérents entre eux, sont incomplets ou nécessitent des adaptations techniques plus ou moins importantes. / Le maître d’ouvrage est à jour au niveau des règlements des honoraires avec les différents intervenants mais a décidé de remanier l’équipe de maîtrise d’oeuvre par souci d’efficacité et d’optimisation » ; que la mission donnée au successeur du studio [Z] était la suivante : « Reprise et mise à jour du plan masse et des abords en relation avec le BET VRD, le paysagiste et le maître d’ouvrage / Reprise et mise à jour de l’ensemble des plans d’exécution du projet en faisant le lien avec les bureaux d’études béton, les entreprises gérant les lots techniques, l’économiste et le maître d’ouvrage. / Exécution des carnets de détails techniques en faisant le lien avec les spécificités des produits retenus et les choix du maître d’ouvrage. / Réalisation et dépôt d’un dossier de demande de permis de construire modificatif. / Établissement des descriptifs-quantitatifs des locaux du sous-sol, en relation avec le maître d’ouvrage. / Réunions de coordination et établissement de comptes-rendus pour les prestations ci-avant. / Visite de chantier pour vérification aspect architectural et teintes extérieures Images de synthèse (nombre 8) : vues extérieures de la maison » ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que les modifications apportées en cours d’étude, l’ont été avec l’approbation et à l’initiative du maître d’ouvrage, qui a donné mission à un autre architecte de terminer le projet dans les mêmes termes, que ces modifications entraînaient une augmentation du coût du marché de travaux de 91%, et ont nécessité le dépôt d’un dossier de demande de permis de construire modificatif ; qu’ainsi qu’il résulte des échanges de mails, la SCI Daks était parfaitement entourée et conseillée puisqu’elle s’était adjointe les services d’un assistant à maître d’ouvrage en la personne de M. [S] [K], et que par ailleurs un certain M. [M] [O] jouait les intermédiaires entre le cabinet d’architecte et M. [U] gérant de la SCI Daks, notamment en effectuant les traductions ; que, dès lors, la SCI Daks ne saurait sérieusement prétendre qu’elle a découvert que le coût du projet était passé de 3.670 000 € à 7.000.000 € en janvier 2013, lorsque le cabinet [Z] lui a adressé une facture complémentaire de ses honoraires ; qu’en effet, il résulte des échanges de courriels que plusieurs décomptes prévisionnels détaillant les travaux et tenant compte des modifications lui ont été envoyés, notamment en mai 2012, juin 2012, septembre 2012 ; qu’une réunion s’est tenue en présence des représentants de la SCI Daks en juin 2012 puis juillet 2012 ; que la nouvelle superficie de plancher de la maison principale a été communiquée dès juin 2012 avec un message faisant référence aux chiffrages estimatifs lot par lot correspondant à l’estimation du 7 juin 2012 ; qu’enfin, la SCI Daks ne saurait non plus sérieusement prétendre que la modification du projet de construction et l’augmentation de son coût n’entraînait pas une augmentation corrélative des dépenses de l’architecte et partant du coût de son travail dont la nature n’était pas modifiée ; qu’en effet, l’architecte exerce une profession de prestation de services, dans la mesure où il vend d’abord du temps et non des matériaux ; qu’en l’espèce, il est bien évident que les prestations spécifiques ajoutées par le maître de l’ouvrage avaient une incidence sur le travail de l’architecte, telles que : /- la création de nouveaux lots, à savoir piscine, maison de gardien, ascenseur, chambre forte etc… entrainant des estimations, des études d’exécution supplémentaires à effectuer, de nouvelles entreprises à consulter, /- des lots plus importants du fait de la superficie modifiée par rapport à ce qui était prévu dans le contrat entrainant des modifications des plans, des estimations etc.., /- une demande de permis modificatif à déposer, /- le suivi d’un chantier beaucoup plus important ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que les modifications demandées par le maître d’ouvrage ont constitué un bouleversement de l’économie du contrat d’architecte, de sorte que les conditions étaient réunies pour sortir du marché à forfait et que la société [Z] est ainsi fondée à voir recalculer sa rémunération à proportion des études et prestations supplémentaires ; que sur le calcul de la rémunération supplémentaire, le contrat français régularisé entre les parties dont les termes sont identiques au contrat bilingue est un contrat type de sorte que c’est fort légitimement et logiquement que les parties l’ont complété par une annexe qui figure également au contrat bilingue, laquelle apporte des précisions et des aménagements concernant notamment les rémunérations des divers bureaux d’études, et de l’architecte d’intérieur ; que l’annexe du contrat français contient un point 4 qui ne figure pas dans le contrat bilingue et qui, pour pallier à l’absence de programme fourni par le maître d’ouvrage, précise que le montant des honoraires est fixé provisoirement sur le montant de travaux prévisionnels de 3.760.000 € HT et qu’il sera recalculé sur la base de 13% à la signature des marchés TCE avant démarrage des travaux ainsi qu’à l’achèvement du décompte définitif ; que si le contrat bilingue contient une clause « dispositions particulières » précisant qu’en cas de conflit d’interprétation, c’est la version française du présent contrat qui fait foi, il est bien évident, contrairement à ce que soutient la société [Z], que cette clause ne vise pas la prévalence du contrat français mais se borne à résoudre les conflits d’interprétation qui seraient nés d’une mauvaise traduction en russe des clauses en français telles qu’elles figurent sur l’exemplaire bilingue ; que, pour autant, le contrat français avec son annexe a été signé par les deux parties, et le point 4 résulte donc d’un accord entre elles, ce point n’étant en rien contraire aux dispositions de l’article 9 du contrat, mais venant apporter des précisions sur le pourcentage de la rémunération, dont il n’est pas soutenu qu’il n’est pas conforme aux usages de la profession, étant précisé que son omission sur le contrat bilingue peut parfaitement résulter d’un oubli, que les deux contrats sont datés du même jour, et ont probablement été signés en même temps, les parties étant taisantes sur ce point ; qu’il y a lieu dès lors de recalculer la rémunération de l’architecte sur la base d’un taux de 13% ; que le coût global des travaux était estimé lors de la phase « Projet de conception générale/ Dossier de Consultation des Entreprises » à la somme de 7.000.000 € HT, étant précisé que le projet n’a pas subi de modification à la suite du changement d’architecte ainsi qu’il résulte des termes de la convention d’honoraires régularisée avec M. [P] le nouvel architecte ; que, par ailleurs, les parties s’accordent sur le fait que la phase « Avant-projet dépôt de permis de construire » était réalisée et que la phase « Projet de conception générale/ Dossier de consultation des Entreprises » était exécutée à 64% ; que, dès lors, la facture du 13 janvier 2001 d’un montant de 118.350,40 € TTC réactualisant les honoraires sur ces bases et déduisant les factures antérieurs est justifiée et sera retenue ; que, sur l’initiative de la rupture, à la suite de la facturation établie par la société [Z], contestée par la SCI Daks, une réunion est intervenue entre les parties le 8 février 2013 ; que le 15 février 2013, le conseil de la SCI Daks adressait un courrier recommandé avec accusé réception à M. [Z] constatant son refus de continuer à exécuter le contrat d’architecte le liant à celle-ci, indiquant que, lors du rendez-vous, ce dernier avait déclaré vouloir rompre les relations contractuelles et retenir la documentation, puis mettait l’architecte en demeure de faire parvenir dans les huit jours une liste de la documentation existante ainsi que la documentation elle-même ; qu’en réponse, le conseil de l’architecte contestait, par courrier du 21 février, ces allégations indiquant que la société [Z] avait simplement précisé qu’elle souhaitait la régularisation d’un avenant au regard de l’augmentation considérable de la surface à construire, et faisait valoir que la demande de communication de l’ensemble des plans et études réalisés par la société [Z] destinée selon la SCI Daks à « avancer dans le projet » n’était destinée qu’à permettre au maître de l’ouvrage de faire réaliser les travaux sous la maîtrise d’exécution d’un tiers et qu’ainsi implicitement mais nécessairement la SCI Daks avait donc brusquement et unilatéralement rompu le contrat ; que, d’une part, la SCI Daks ne rapporte pas la preuve des propos qu’elle impute à la société [Z] lors de la réunion du 8 février 2013, d’autre part, la version du conseil de cette dernière est confirmée par les termes du contrat signé avec M. [P] architecte qui a succédé à la société [Z] : « Le maître d’ouvrage est à jour au niveau des règlements des honoraires avec les différents intervenants mais a décidé de remanier l’équipe de maîtrise d’oeuvre par souci d’efficacité et d’optimisation » ; que l’initiative de la rupture est imputable à la SCI Daks, qui dès lors n’est pas fondée à former une quelconque demande indemnitaire résultant de cette dernière ; que, sur les demandes accessoires, il est équitable de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit du Studio [Z] ; que le coût de l’expertise de M. [R] ne saurait être inclus dans les dépens et doit être intégré dans les frais irrépétibles ;
1. ALORS QUE lorsqu’un architecte ou un entrepreneur s’est chargé de la construction à forfait d’un bâtiment, d’après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l’augmentation de la main-d’oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d’augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n’ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire ; qu’il en va autrement en cas de bouleversement de l’économie du contrat ; que la cour d’appel a constaté que la société [Z], en qualité d’architecte, « exerç[ait] une profession de prestation de services, dans la mesure où [elle] vend[ait] d’abord du temps et non des matériaux » (arrêt, p. 10, § 3) ; que, dès lors, en estimant que les modifications apportées au projet de construction initial avaient entraîné un bouleversement de l’économie de la convention passée avec l’architecte, sans évaluer, même sommairement, le temps de travail requis de l’architecte par le projet avant et après les modifications litigieuses, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constations, partant a violé l’article 1793 du code civil ;
2. ALORS, subsidiairement, QU’en estimant que les modifications apportées au projet de construction initial avaient entraîné un bouleversement de l’économie de la convention passée avec la société [Z], sans évaluer, même sommairement, le temps de travail requis de cette dernière par le projet, antérieurement et postérieurement aux modifications litigieuses, après avoir pourtant constaté que la société [Z], en qualité d’architecte, « exerç[ait] une profession de prestation de services, dans la mesure où [elle] vend[ait] d’abord du temps et non des matériaux » (arrêt, p. 10, § 3) la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1793 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR condamné la société Daks à payer à la société Studio d’architecture [F] [Z] la somme de 118.350,40 € TTC, au titre du règlement de la facture du 24 janvier 2013, et débouté la société Daks de toutes ses demandes au fond ;
AUX MOTIFS QUE, sur la nature du marché signé entre l’architecte et la société [Z], à titre liminaire, il sera observé que la SCI Daks, qui en première instance sollicitait l’annulation du contrat rédigé en français pour vice du consentement, ne reprend pas cette demande devant la cour d’appel ; qu’il ressort des deux contrats français et bilingue que les honoraires ont été au départ fixés à partir d’une enveloppe financière dont le maître de l’ouvrage avait déclaré disposer et non sur un projet déterminé : « Enveloppe financière prévisionnelle / Au jour de la signature du contrat le maître d’ouvrage déclare disposer d’une enveloppe financière globale (hors acquisition de terrain) de 3.760.000 € soit 4.496.960 € TTC, étant entendu que le taux de TVA applicable est de 19,6% » ; qu’ainsi que l’a relevé la commission des litiges et des pratiques professionnelles du conseil régional de l’ordre des architectes Rhône Alpes, dans un avis émis à l’issue de la tentative de conciliation, il a été constaté l’absence de programme précis et détaillé qui aurait permis de définir, dès la signature du contrat, les prestations et l’étendue de la mission de l’architecte étant précisé que l’établissement du programme est une obligation du maître d’ouvrage ; qu’en effet, il résulte des deux contrats signés qu’au paragraphe « désignation de l’opération », il est mentionné une surface foncière du terrain de 4 179 m² et une estimation de la surface à construire de 1.000 m² ; qu’au paragraphe « pièces contractuelles », il est mentionné : « Les pièces constitutives du contrat sont les suivantes, par ordre de priorité décroissante : /- Le présent contrat, /- L’esquisse – lettre de commande du : Néant, /- L’étude de faisabilité – lettre d’engagement du Néant contenant le programme défini par le maître d’ouvrage » ; que selon l’article 1793 du code civil, « Lorsqu’un architecte ou un entrepreneur s’est chargé de la construction à forfait d’un bâtiment d’après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l’augmentation de la main-d’oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d’augmentations faits sur ce plan si ces changements ou augmentations n’ont pas été autorisés par écrit et le prix convenu avec le propriétaire » ; qu’en l’espèce, le contrat bilingue comme le contrat français prévoient une rémunération forfaitaire de l’architecte et, par ailleurs, il est indiqué à l’article 9 « Modification du contrat – Prestations ou charges supplémentaires » que « toute augmentation de la mission, toute remise en cause du programme ou du calendrier de réalisation, toute modification des documents approuvés, demandés par le maître d’ouvrage donnent lieu à l’établissement d’un avenant et emporte une augmentation des honoraires à proportion des études ou autres prestations supplémentaires indispensables à sa satisfaction » ; qu’il ressort clairement de ces dernières dispositions que toute augmentation de la mission entraîne celle des honoraires ; qu’il est constant que les travaux supplémentaires donnent lieu à rémunération si les modifications demandées ont entraîné un bouleversement de l’économie du contrat, ayant fait l’objet d’une acceptation expresse et non équivoque du maître de l’ouvrage de ces travaux ; qu’en l’espèce, il a été fait droit le 22 juin 2012 à la demande de permis de construire déposée le 29 février 2012, pour la construction d’un bâtiment à usage d’habitation d’une surface hors-oeuvre nette de 1.308 m2 alors que la surface HO prévue au contrat d’architecte était de 1.000 m2 ; que, par ailleurs, il résulte de l’avis officieux de M. [R] qui, s’il n’a pas valeur d’expertise, vaut à titre de renseignement, que les plans du projet au stade « Dossier Consultation des Entreprises » font apparaître une surface HO de près de 1 600 m2 soit un delta d’environ 60%, comprenant l’adjonction d’une piscine sur dalle et la construction d’une maison de gardien ; qu’en outre, les documents de prescriptions techniques établis par le studio [Z] font apparaitre des prestations très spécifiques demandées par le maître d’ouvrage en cours d’études, en particulier des aménagements de locaux en sous-sol à destinations et à caractéristiques techniques peu courantes en habitat individuel telles que : /- salle de fitness de 150 m², /- salle de jeux de 90 m², /- chambre froide pour fourrures de 13 m², /- chambre forte et plusieurs portes blindées, /- systèmes de sécurité sophistiqués, /- revêtements de façade en pierre coûteux, /- ascenseur intérieur etc… ; que M. [R] a relevé, au vu des plans, que l’augmentation de la surface HO de la seule maison était de l’ordre de 300m² ; que ces éléments sont confirmés par la convention d’honoraires signée le 24 mai 2013 avec l’architecte qui a succédé au studio [Z] ; qu’il est précisé à l’article 2 « Contexte de l’opération » « La SCI Daks a obtenu un permis de construire sur un terrain situé au [Adresse 2], pour la construction d’une maison d’habitation. / Celle-ci est composée d’un sous-sol en partie habitable, de deux niveaux (rez-de-chaussée + étage) avec terrasses et piscine ainsi qu’une maison de gardien indépendante. / À ce jour, les études d’exécution (plans et coupes des niveaux, pré-étude B A, pré-étude charpente, décoration intérieure, aménagements extérieurs) sont relativement avancées ainsi que les descriptifs quantitatifs. / Cependant l’ensemble de ces plans et documents ne sont pas tous cohérents entre eux, sont incomplets ou nécessitent des adaptations techniques plus ou moins importantes. / Le maître d’ouvrage est à jour au niveau des règlements des honoraires avec les différents intervenants mais a décidé de remanier l’équipe de maîtrise d’oeuvre par souci d’efficacité et d’optimisation » ; que la mission donnée au successeur du studio [Z] était la suivante : « Reprise et mise à jour du plan masse et des abords en relation avec le BET VRD, le paysagiste et le maître d’ouvrage / Reprise et mise à jour de l’ensemble des plans d’exécution du projet en faisant le lien avec les bureaux d’études béton, les entreprises gérant les lots techniques, l’économiste et le maître d’ouvrage. / Exécution des carnets de détails techniques en faisant le lien avec les spécificités des produits retenus et les choix du maître d’ouvrage. / Réalisation et dépôt d’un dossier de demande de permis de construire modificatif. / Établissement des descriptifs-quantitatifs des locaux du sous-sol, en relation avec le maître d’ouvrage. / Réunions de coordination et établissement de comptes-rendus pour les prestations ci-avant. / Visite de chantier pour vérification aspect architectural et teintes extérieures Images de synthèse (nombre 8) : vues extérieures de la maison » ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que les modifications apportées en cours d’étude, l’ont été avec l’approbation et à l’initiative du maître d’ouvrage, qui a donné mission à un autre architecte de terminer le projet dans les mêmes termes, que ces modifications entraînaient une augmentation du coût du marché de travaux de 91%, et ont nécessité le dépôt d’un dossier de demande de permis de construire modificatif ; qu’ainsi qu’il résulte des échanges de mails, la SCI Daks était parfaitement entourée et conseillée puisqu’elle s’était adjointe les services d’un assistant à maître d’ouvrage en la personne de M. [S] [K], et que par ailleurs un certain M. [M] [O] jouait les intermédiaires entre le cabinet d’architecte et M. [U] gérant de la SCI Daks, notamment en effectuant les traductions ; que, dès lors, la SCI Daks ne saurait sérieusement prétendre qu’elle a découvert que le coût du projet était passé de 3.670 000 € à 7.000.000 € en janvier 2013, lorsque le cabinet [Z] lui a adressé une facture complémentaire de ses honoraires ; qu’en effet, il résulte des échanges de courriels que plusieurs décomptes prévisionnels détaillant les travaux et tenant compte des modifications lui ont été envoyés, notamment en mai 2012, juin 2012, septembre 2012 ; qu’une réunion s’est tenue en présence des représentants de la SCI Daks en juin 2012 puis juillet 2012 ; que la nouvelle superficie de plancher de la maison principale a été communiquée dès juin 2012 avec un message faisant référence aux chiffrages estimatifs lot par lot correspondant à l’estimation du 7 juin 2012 ; qu’enfin, la SCI Daks ne saurait non plus sérieusement prétendre que la modification du projet de construction et l’augmentation de son coût n’entraînait pas une augmentation corrélative des dépenses de l’architecte et partant du coût de son travail dont la nature n’était pas modifiée ; qu’en effet, l’architecte exerce une profession de prestation de services, dans la mesure où il vend d’abord du temps et non des matériaux ; qu’en l’espèce, il est bien évident que les prestations spécifiques ajoutées par le maître de l’ouvrage avaient une incidence sur le travail de l’architecte, telles que : /- la création de nouveaux lots, à savoir piscine, maison de gardien, ascenseur, chambre forte etc… entrainant des estimations, des études d’exécution supplémentaires à effectuer, de nouvelles entreprises à consulter, /- des lots plus importants du fait de la superficie modifiée par rapport à ce qui était prévu dans le contrat entrainant des modifications des plans, des estimations etc.., /- une demande de permis modificatif à déposer, /- le suivi d’un chantier beaucoup plus important ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que les modifications demandées par le maître d’ouvrage ont constitué un bouleversement de l’économie du contrat d’architecte, de sorte que les conditions étaient réunies pour sortir du marché à forfait et que la société [Z] est ainsi fondée à voir recalculer sa rémunération à proportion des études et prestations supplémentaires ; que sur le calcul de la rémunération supplémentaire, le contrat français régularisé entre les parties dont les termes sont identiques au contrat bilingue est un contrat type de sorte que c’est fort légitimement et logiquement que les parties l’ont complété par une annexe qui figure également au contrat bilingue, laquelle apporte des précisions et des aménagements concernant notamment les rémunérations des divers bureaux d’études, et de l’architecte d’intérieur ; que l’annexe du contrat français contient un point 4 qui ne figure pas dans le contrat bilingue et qui, pour pallier à l’absence de programme fourni par le maître d’ouvrage, précise que le montant des honoraires est fixé provisoirement sur le montant de travaux prévisionnels de 3.760.000 € HT et qu’il sera recalculé sur la base de 13% à la signature des marchés TCE avant démarrage des travaux ainsi qu’à l’achèvement du décompte définitif ; que si le contrat bilingue contient une clause « dispositions particulières » précisant qu’en cas de conflit d’interprétation, c’est la version française du présent contrat qui fait foi, il est bien évident, contrairement à ce que soutient la société [Z], que cette clause ne vise pas la prévalence du contrat français mais se borne à résoudre les conflits d’interprétation qui seraient nés d’une mauvaise traduction en russe des clauses en français telles qu’elles figurent sur l’exemplaire bilingue ; que, pour autant, le contrat français avec son annexe a été signé par les deux parties, et le point 4 résulte donc d’un accord entre elles, ce point n’étant en rien contraire aux dispositions de l’article 9 du contrat, mais venant apporter des précisions sur le pourcentage de la rémunération, dont il n’est pas soutenu qu’il n’est pas conforme aux usages de la profession, étant précisé que son omission sur le contrat bilingue peut parfaitement résulter d’un oubli, que les deux contrats sont datés du même jour, et ont probablement été signés en même temps, les parties étant taisantes sur ce point ; qu’il y a lieu dès lors de recalculer la rémunération de l’architecte sur la base d’un taux de 13% ; que le coût global des travaux était estimé lors de la phase « Projet de conception générale/ Dossier de Consultation des Entreprises » à la somme de 7.000.000 € HT, étant précisé que le projet n’a pas subi de modification à la suite du changement d’architecte ainsi qu’il résulte des termes de la convention d’honoraires régularisée avec M. [P] le nouvel architecte ; que, par ailleurs, les parties s’accordent sur le fait que la phase « Avant-projet dépôt de permis de construire » était réalisée et que la phase « Projet de conception générale/ Dossier de consultation des Entreprises » était exécutée à 64% ; que, dès lors, la facture du 13 janvier 2001 d’un montant de 118.350,40 € TTC réactualisant les honoraires sur ces bases et déduisant les factures antérieurs est justifiée et sera retenue ; que, sur l’initiative de la rupture, à la suite de la facturation établie par la société [Z], contestée par la SCI Daks, une réunion est intervenue entre les parties le 8 février 2013 ; que le 15 février 2013, le conseil de la SCI Daks adressait un courrier recommandé avec accusé réception à M. [Z] constatant son refus de continuer à exécuter le contrat d’architecte le liant à celle-ci, indiquant que, lors du rendez-vous, ce dernier avait déclaré vouloir rompre les relations contractuelles et retenir la documentation, puis mettait l’architecte en demeure de faire parvenir dans les huit jours une liste de la documentation existante ainsi que la documentation elle-même ; qu’en réponse, le conseil de l’architecte contestait, par courrier du 21 février, ces allégations indiquant que la société [Z] avait simplement précisé qu’elle souhaitait la régularisation d’un avenant au regard de l’augmentation considérable de la surface à construire, et faisait valoir que la demande de communication de l’ensemble des plans et études réalisés par la société [Z] destinée selon la SCI Daks à « avancer dans le projet » n’était destinée qu’à permettre au maître de l’ouvrage de faire réaliser les travaux sous la maîtrise d’exécution d’un tiers et qu’ainsi implicitement mais nécessairement la SCI Daks avait donc brusquement et unilatéralement rompu le contrat ; que, d’une part, la SCI Daks ne rapporte pas la preuve des propos qu’elle impute à la société [Z] lors de la réunion du 8 février 2013, d’autre part, la version du conseil de cette dernière est confirmée par les termes du contrat signé avec M. [P] architecte qui a succédé à la société [Z] : « Le maître d’ouvrage est à jour au niveau des règlements des honoraires avec les différents intervenants mais a décidé de remanier l’équipe de maîtrise d’oeuvre par souci d’efficacité et d’optimisation » ; que l’initiative de la rupture est imputable à la SCI Daks, qui dès lors n’est pas fondée à former une quelconque demande indemnitaire résultant de cette dernière ; que, sur les demandes accessoires, il est équitable de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit du Studio [Z] ; que le coût de l’expertise de M. [R] ne saurait être inclus dans les dépens et doit être intégré dans les frais irrépétibles ;
ALORS QU’en cas de bouleversement de l’économie d’un marché à forfait, le contrat perd son caractère forfaitaire et les stipulations relatives au calcul du forfait ne s’imposent plus ni aux parties ni au juge ; que, dès lors, en s’estimant liée par les stipulations du marché passé entre les sociétés Daks et [Z] relatives au calcul du forfait, pour calculer la « rémunération supplémentaire » due à la société [Z] en raison du bouleversement de l’économie du contrat (arrêt, p. 10, trois derniers §, et p. 11), la cour d’appel a méconnu l’étendue de son office et a violé l’article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l’article 1793 du même code.