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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 5
ARRET DU 05 OCTOBRE 2022
(n° /2022, 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00581
N° Portalis 35L7-V-B7G-CE62B
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 09 Décembre 2021 -Juge de la mise en état de Paris – RG n° 20/11389
APPELANTS
Monsieur [T] [M]
[Adresse 2]
[Localité 7]
représenté par Me Arthur ARNO de la SAS LGMA, avocat au barreau de PARIS
assisté de Me Raphael GIRAUD, avocat au barreau de TOULOUSE
S.A.R.L. FONCIERE ESCUDIER
[Adresse 5]
[Localité 6]
représentée par Me Arthur ARNO de la SAS LGMA, avocat au barreau de PARIS
assistée de Me Raphael GIRAUD, avocat au barreau de TOULOUSE
S.C. [Adresse 10]
[Adresse 5]
[Localité 6]
représentée par Me Arthur ARNO de la SAS LGMA, avocat au barreau de PARIS
assistée de Me Raphael GIRAUD, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIME
Monsieur [W] [K]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représenté et assisté par Me Inès BOUZAYEN, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Valérie MORLET, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre
Mme Valérie MORLET, conseillère
Mme Alexandra PELIER-TETREAU, vice-présidente placée faisant fonction de conseillère
Greffière lors des débats : Mme Roxanne THERASSE
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre et par Suzanne HAKOUN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS et PROCEDURE
Monsieur [T] [M] est gérant de la SARL FONCIERE ESCUDIER, société de promotion immobilière, de la SCCV [Adresse 10], constituée pour supporter un programme de construction situé à [Localité 7] (Seine Saint-Denis), [Adresse 4] (opération [Adresse 10]) et de la SCCV [Adresse 9], constituée pour supporter un programme de construction situé au [Localité 8] (Seine Saint-Denis), [Adresse 1].
La société [Adresse 10] a le 24 septembre 2018 conclu un contrat de maîtrise d”uvre de conception et de suivi architectural avec Monsieur [W] [K], architecte, au titre de l’opération [Adresse 10].
Un contrat a également été conclu entre la société [Adresse 9] et Monsieur [K], concernant l’opération opération [Localité 8].
Les relations entre les parties se sont détériorées au sujet, notamment, de la rémunération de l’architecte.
Monsieur [K], d’une part, et les sociétés FONCIERE ESCUDIER et [Adresse 10], d’autre part, ont le 29 décembre 2019 régularisé un contrat de transaction dans le cadre de l’opération [Adresse 10].
Aucun accord n’a pu être trouvé concernant l’opération [Localité 8].
*
Arguant du non-paiement de l’intégralité de ses honoraires au titre des opérations [Localité 8] et [Adresse 10] et se plaignant d’une atteinte à ses droits d’auteur dans le cadre de l’opération [Adresse 10], Monsieur [K] a par acte du 4 novembre 2020 assigné Monsieur [M] et les sociétés FONCIERE ESCUDIER, [Adresse 10] et [Adresse 9] en paiement et indemnisation devant le tribunal judiciaire de Paris.
*
Monsieur [M] et les sociétés FONCIERE ESCUDIER, [Adresse 10] et [Adresse 9] ont soulevé un incident devant le juge de la mise en état, soutenant que Monsieur [K] ne justifiait d’aucun intérêt à agir au titre de l’opération [Adresse 10], d’une part, et d’aucun intérêt à agir à l’encontre de Monsieur [M] et la société FONCIERE ESCUDIER au titre de l’opération [Localité 8], d’autre part.
Le juge de la mise en état, par ordonnance du 9 décembre 2021, a :
– rejeté la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée soulevée Monsieur [M] et les sociétés FONCIERE ESCUDIER et [Adresse 10] au titre de l’opération [Adresse 10],
– déclaré irrecevables les demandes formées par Monsieur [K] à l’encontre de la société FONCIERE ESCUDIER et de Monsieur [M] au titre de l’opération [Localité 8],
– rejeté la demande de clôture de l’instruction de l’affaire,
– dit n’y avoir lieu à indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– réservé les dépens,
– renvoyé les parties en mise en état.
Monsieur [M] et les sociétés FONCIERE ESCUDIER et [Adresse 10] ont par acte du 1er janvier 2022 interjeté appel de cette ordonnance, intimant Monsieur [K] devant la Cour.
*
Monsieur [M] et les sociétés FONCIERE ESCUDIER et [Adresse 10], dans leurs dernières conclusions n°1 signifiées le 21 février 2022, demandent à la Cour de :
– infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a :
. rejeté la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée qu’ils ont soulevée au titre de l’opération [Adresse 10],
. dit n’y avoir lieu à indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dire que Monsieur [K] ne justifie d’aucun intérêt à agir du fait du protocole conclu le 29 décembre 2019,
– déclarer, par conséquent, irrecevable l’ensemble des demandes, fins et prétentions formulées par Monsieur [K] au titre de l’opération [Adresse 10],
– condamner Monsieur [K] en entier dépens et à leur verser la somme de 1.000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [K], dans ses dernières conclusions n°1 signifiées le 18 mars 2022, demande à la Cour de :
– confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté l’irrecevabilité des demandes formulées au titre du projet [Adresse 10] pour défaut d’autorité tirée de la chose jugée,
– condamner les appelants à lui verser la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement des entiers dépens.
*
L’affaire a été plaidée le 25 mai 2022 et mise en délibéré au 5 octobre 2022.
MOTIFS
L’ordonnance dont appel n’est critiquée d’aucune part en ce qu’elle a déclaré irrecevables les demandes de Monsieur [K] à l’encontre de la société FONCIERE ESCUDIER et de Monsieur [M] au titre de l’opération [Localité 8].
Sur la recevabilité des demandes formées au titre de l’opération [Adresse 10]
Le juge de la mise en état a observé que Monsieur [M] et les sociétés FONCIERE ESCUDIER et [Adresse 10], qui fondent leur fin de non-recevoir sur un protocole transactionnel signé le 29 décembre 2019 avec Monsieur [K], ne le produisent pas aux débats, de sorte qu’il n’est pas en mesure d’en apprécier l’économie générale. Au vu des seuls éléments dont il a pu disposer, le magistrat a retenu que les dispositions non contestées de l’article 3 du protocole ne comprenaient pas expressément la rémunération des documents de vente n’ayant pas fait partie du dossier du PCM2 (second permis de construire modificatif), et notamment de la perspective arrière, et que les échanges de courriels entre les parties évoquaient la rémunération des images mais étaient insuffisants à démontrer qu’elles constituaient des images réalisées dans le cadre des opérations rémunérées par le protocole. Il a en conséquence rejeté la fin de non-recevoir.
Monsieur [M] et les sociétés FONCIERE ESCUDIER et [Adresse 10] critiquent l’ordonnance ainsi rendue, estimant que l’accord transactionnel du 29 décembre 2019 contenait des stipulations claires et précises et que l’engagement de la société [Adresse 10] de payer à Monsieur [K] la somme globale de 8.000 euros HT concrétisait les discussions antérieures et la rémunération forfaitaire de l’architecte pour les diligences accomplies et les frais engagés, mettant un terme définitif à tout litige.
Monsieur [K] ne critique pas l’ordonnance. Il affirme que si le protocole transactionnel conclu avec Monsieur [M] et les sociétés FONCIERE ESCUDIER et [Adresse 10] visait à mettre fin à leur différend concernant la rémunération des permis modificatifs, la perspective arrière, objet du litige, n’était pas intégrée dans le protocole.
Sur ce,
L’irrecevabilité est une fin de non-recevoir qui sanctionne, sans examen au fond, un défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée (article 122 du code de procédure civile).
L’article 2052 du code civil dispose que la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet. La transaction est donc une cause d’irrecevabilité des demandes qui constituent son objet même.
Or l’article 2048 du même code énonce que les transactions se renferment dans leur objet et que la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu. L’article 2049 suivant prévoit que les transactions ne règlent que les différends qui s’y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l’on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé.
Les parties s’opposent notamment au sujet de la rémunération de Monsieur [K], architecte, au titre du contrat de maîtrise d”uvre de conception et de suivi architectural signé avec la société [Adresse 10] le 24 septembre 2018.
Par ce contrat, Monsieur [K] était chargé d’une mission de maîtrise d”uvre au titre de la conception d’un immeuble à usage d’habitation situé à [Localité 7]. La mission couvrait le permis de démolir, le permis de construire, la mise au point du dossier de consultation des entreprises, l’établissement des documents commerciaux, la coloration des façades et la décoration des parties communes, la mise au point définitive des dossiers marchés, la demande éventuelle de permis de construire modificatif et le suivi architectural.
Le contrat de transaction conclu le 29 décembre 2019 entre Monsieur [K] et les sociétés FONCIERE ESCUDIER et [Adresse 10], dont le juge de la mise en état n’a pas eu connaissance, est communiqué devant la Cour.
En préambule du contrat est évoqué l’historique du différend opposant les parties. Il est notamment, au point 5 indiqué que “les honoraires et frais dus à Monsieur [K] (‘) n’ont pas fait l’objet d’accord entre les Parties”, de sorte que le contrat dépasse, dans son objet, les seuls honoraires du maître d”uvre et concerne également les frais divers qu’il a dû engager dans le cadre du projet [Adresse 10].
Ce contrat a pour objet de “terminer l’ensemble des contestations nées ou à naître” entre les parties, de déterminer les obligations et concessions réciproques de chacune d’elles, de régulariser la situation sur les études de faisabilité réalisées par Monsieur [K]. La société [Adresse 10] s’engage à verser la somme de 8.000 euros HT, soit 9.568 euros TTC, à Monsieur [K] à condition que le permis de construire modificatif n°2 (PCM2) soit obtenu et définitif (article 2). De son côté, Monsieur [K] s’engage à transmettre un certain nombre de pièces, à la mairie ou à son successeur (article 3). Les parties s’engagent en contrepartie à n’intenter aucune action judiciaire ou disciplinaire (article 4).
D’une manière générale, le contrat de transaction doit mettre fin au différend entre les parties et assurer la transmission par l’architecte de l’ensemble des éléments permettant à son successeur de poursuivre le projet.
Plus précisément, aux termes de l’article 3, Monsieur [K] s’engage notamment “à délivrer la totalité des plans et images réalisées dans le cadre du PCM1 et du PCM2 (‘)”. Monsieur [K] ne peut donc affirmer que ni le PCM1 ni le PCM2 ne comportant la perspective arrière, objet du présent litige, celle-ci peut faire l’objet d’une demande judiciaire, étant hors champs du contrat de transaction. Cet argument est en effet inopérant dans la mesure où ce protocole d’accord transactionnel ne concerne pas seulement les pièces déposées en mairie en vue de l’obtention des permis de construire modificatifs (le premier et le second), mais aussi les pièces “réalisées” dans ce “cadre”, non nécessairement déposées en mairie, lesquelles ont pu donner lieu à des honoraires, mais également à des frais non couverts par ces honoraires. Les pièces du dossier de permis de construire modificatif font d’ailleurs l’objet d’une obligation distincte de Monsieur [K], qui s’est également engagé à adresser à la mairie de [Localité 7] un certain nombre de pièces complémentaires visées dans un courrier du 3 octobre 2019 (formulaire de demande complété et/ou revu, plans de façade, plans intérieurs).
Les plans et images “réalisées dans le cadre du PCM1 et du PCM2” concernés par la transaction englobent en conséquence non seulement les pièces des dossiers de demandes de permis de construire modificatifs (lesquelles, en l’espèce, ne comprennent que la perspective avant, selon les explications de Monsieur [K]), mais également les documents de vente réalisés (plans des appartements, notice descriptive et divers documents nécessaires à la rédaction de l’acte de vente, excluant les perspectives) et encore, de manière plus large, les documents commerciaux. Or ces derniers incluent les perspectives, avant et arrière, réalisées dans le cadre de l’opération [Adresse 10].
Monsieur [K] ne peut soutenir qu’il a un temps été envisagé d’intégrer les documents commerciaux dans le contrat de transaction, à une époque où il réclamait une contrepartie financière de 6.000 euros HT (courriel du 22 novembre 2019 adressé à Monsieur [M]) pour être ensuite supprimés dans l’accord final, au titre duquel les sociétés FONCIERE ESCUDIER et [Adresse 10], qui n’ont aucun intérêt à cette suppression, s’engagent à le rémunérer à hauteur de 8.000 euros HT.
L’examen des échanges entre les parties révèle en tout état de cause que la perspective arrière du projet a bien été réalisée dans le cadre de la préparation du second dossier de demande de permis de construire modificatif (PCM2). Monsieur [K] en effet rappelle ainsi lui-même à Monsieur [M], dans un courriel du 9 décembre 2019, que celui-ci l’a “fait travailler sur un PCM2” qu’il refuse “de mener à bout sur [Adresse 4]” et précise que “ce PCM2 lui a pris beaucoup de temps”, ayant “dû payer des perspectives, des tirages” et “se faire aider par des confrères”. L’architecte évoque ainsi clairement le projet [Adresse 10] et les travaux réalisés dans ce cadre, incluant plusieurs perspectives effectuées à ses frais par un tiers. L’architecte ne contestant pas avoir fait effectuer deux perspectives seulement, avant et arrière, le pluriel concerne ces deux éléments et inclut nécessairement la perspective arrière (qui a induit des frais, ayant été confiée à un tiers), objet du litige présenté devant le tribunal.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments que l’engagement des sociétés FONCIERE ESCUDIER et [Adresse 10] de payer la somme de 8.000 euros HT à Monsieur [K] met fin au différend entre les parties concernant les honoraires et frais de l’architecte et constitue la contrepartie de la transmission par celui-ci de l’ensemble des pièces relatives au projet [Adresse 10], incluant la perspective arrière.
Monsieur [K] n’est donc plus recevable en sa demande en paiement réclamée au titre de ladite perspective, à laquelle le contrat de transaction du 29 décembre 2019, qui règle la question sur ce point, fait obstacle. Cette irrecevabilité affecte également les demandes subséquentes de Monsieur [K], et, ainsi, la demande formulée au titre des intérêts de retard. Elle ne touche en revanche pas son droit d’action en indemnisation de la violation alléguée de ses droits d’auteur, que le contrat de transaction n’évoque aucunement.
Le juge de la mise en état a donc à tort rejeté la fin de non-recevoir soulevée par Monsieur [M] et les sociétés FONCIERE ESCUDIER et [Adresse 10] au titre de l’opération [Adresse 10], tirée de l’obstacle à sa demande en paiement de sa perspective arrière constitué par le contrat de transaction précité.
L’ordonnance sera en conséquence infirmée de ce chef et, statuant à nouveau, la Cour dira Monsieur [K] irrecevable en ses demandes en paiement de frais ou honoraires présentées au titre de l’opération [Adresse 10].
Sur les dépens et frais irrépétibles
Monsieur [K], qui succombe devant la Cour, sera condamné aux dépens d’appel, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
Tenu aux dépens, il sera condamné à payer la somme équitable de 1.000 euros à Monsieur [M] et les sociétés FONCIERE ESCUDIER et [Adresse 10], celles-là ensemble dès lors qu’elles ont constitué un seul et même avocat, en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La COUR,
Vu l’ordonnance du 9 décembre 2021 du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris (RG n°20/11389),
Vu l’article 122 du code de procédure civile,
Vu les articles 2048, 2018 et 2052 du code civil,
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,
INFIRME l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par Monsieur [T] [M], la SARL FONCIERE ESCUDIER et la SCCV [Adresse 10], tirée de l’obstacle à l’action de Monsieur [W] [K] constitué par le contrat de transaction conclu entre les parties le 29 décembre 2019,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT Monsieur [W] [K] irrecevable en ses demandes en paiement de frais ou honoraires, présentées au titre de l’opération [Adresse 10],
CONDAMNE Monsieur [W] [K] aux dépens d’appel,
CONDAMNE Monsieur [W] [K] à payer la somme de 1.000 euros à Monsieur [T] [M], la SARL FONCIERE ESCUDIER et la SCCV [Adresse 10], ensemble, en indemnisation de leurs frais irrépétibles d’appel.
La Greffière La Présidente