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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 05 MAI 2022
N° RG 18/05651 – N° Portalis DBVJ-V-B7C-KVXS
SCI MALECO
c/
SARL M.[K]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 11 juin 2018 (R.G. 11-17-000307) par le Tribunal d’Instance de COGNAC suivant déclaration d’appel du 19 octobre 2018
APPELANTE :
La société civile immobilière MALECO inscrite au RCS Angoulême 813.093.895 ayant son siège social [Adresse 1], agissant par son gérant y domicilié ès qualité
Représentée par Me Michel PUYBARAUD de la SCP MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX
et assistée de Me Denis WERQUIN de la SELAS OGA, avocat au barreau de POITIERS
INTIMÉE :
M.[K], S.A.R.L, inscrite au RCS d’ANGOULEME sous le n° RCS 799 906 938 dont le siège social est [Adresse 2]) prise en la personne de sa gérante, Madame [H] [B]
Représentée par Me Philippe ROCHEFORT de la SCP BARRAUD LE BOULC’H-JOLLIT-ROCHEFORT-TURLOT-EHLEN, avocat au barreau de CHARENTE
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 08 mars 2022 en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Paule POIREL, Président,
Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,
Madame Catherine LEQUES, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Le 10 décembre 2015, la société civile immobilière Maleco (la SCI) a conclu avec la société à responsabilité limitée M. [K] (la société M. [K]) un contrat d’architecte portant sur un montant de travaux de 250 000 euros réalisés sur existant.
Ce contrat précisait les modalités de paiement de la rémunération de l’architecte, en l’occurrence un premier versement 1 540 euros TTC suite aux relevés effectués, un deuxième de 7 040 euros TTC au vu des études, un troisième de 14 960 euros TTC lors du chantier et enfin un dernier de 3 300 euros TTC pour ce qui concerne la décoration.
Une facturation a été émise par l’architecte le 11 janvier 2016 pour un montant de 8 580 euros à la suite de la réalisation des relevés et des études, laquelle a été réglée par chèque le 29 janvier suivant.
La société M. [K] indique avoir entrepris, entre le 17 novembre 2015 et le 8 février 2016, la diffusion du dossier de consultation des entreprises et l’analyse des devis, tandis qu’en parallèle, la SCI a fait intervenir différents corps de métiers sur le chantier, notamment aux fins de couverture, de pose de vélux, de démolition, d’ouverture d’une trémie et enfin d’ossature bois métallique.
La S.A.R.L. M. [K] a mis fin à sa mission le 28 mars 2016, arguant de l’absence d’assurance décennale de l’intéressé pour réaliser les travaux qui lui étaient confiés. Cette décision s’est matérialisée par une lettre recommandée avec accusé de réception datée du 28 mars 2016. Ce courrier a été présenté le surlendemain à son destinataire, mais non réitéré par celui-ci.
Le 20 septembre 2017, la société M. [K] a obtenu à l’encontre de la SCI une ordonnance portant injonction de payer la somme de 4 400 euros au titre du solde de sa prestation.
Cette décision a été signifiée à la SCI le 24 octobre suivant et celle-ci a formé opposition par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 novembre 2017.
Le jugement rendu le 11 juin 2018 par le tribunal d’instance de Cognac a :
– déclaré recevable et régulière l’opposition à l’ordonnance d’injonction de payer,
– dit que par application l’article 1420 du code de procédure civile, la présente décision se substitue à l’ordonnance portant injonction de payer frappée d’opposition,
– condamné la SCI à verser à la société M. [K] la somme de 4 400 euros TTC au titre de la facture n°58 du 28 mars 2016,
– rejeté les demandes en dommages et intérêts formées par la SCI à l’encontre de la société M. [K],
– rejeté la demande en dommages et intérêts formée par la société M. [K] à l’encontre de la SCI pour résistance abusive à régler les sommes prévues au contrat,
– rejeté les autres demandes formées par la SCI,
– condamné la SCI à régler à la société M. [K] une somme de 900 euros sur par application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SCI aux entiers dépens.
Par déclaration électronique en date du 19 octobre 2018, la SCI a relevé appel du jugement en ce qu’il :
– l’a déboutée de sa demande visant à voir mettre à néant l’ordonnance portant injonction de payer du 20 septembre 2017,
– l’a condamnée à payer à la société M. [K] la somme de 4 400euros TTC au titre de la facture n° 58 du 28 mars 2016,
– l’a déboutée de sa demande visant à voir la société M. [K] à lui verser une somme de 5 000 euros au titre du préjudice subi,
– l’a déboutée de sa demande visant à voir la société M. [K] à lui verser une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’a condamnée à payer à la société [K] une somme de 900 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’a déboutée de sa demande visant à voir condamner la société M. [K] aux entiers dépens de l’instance et d’action,
– l’a condamnée aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions d’appelant du 14 janvier 2019, la SCI demande à la cour :
– de la dire et juger recevable et bien fondée en son appel,
– d’infirmer le jugement en tout son dispositif,
– de mettre à néant l’ordonnance d’injonction de payer du 20 septembre 2017,
Statuant à nouveau :
– de débouter la société M. [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– de condamner la société M. [K] à lui payer :
– 5 000 euros au titre du préjudice subi :
– 1 080 + 960 + 1198 + 301,75 euros au titre de ses frais irrépétibles ;
– condamner la société M. [K] aux entiers dépens d’instance et d’action.
Suivant ses dernières conclusions d’intimée du 8 avril 2019, la société M. [K] demande à la cour, au visas des articles 1103, 1104, 1194, 1224, 1231 – 1 du code civil, 696 et 700 du code de procédure civile, de :
– juger l’appel de la SCI recevable mais non fondé,
– confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
– condamner l’appelante au paiement :
– de la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– des dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 février 2022.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le rabat de l’ordonnance de clôture
Sans opposition de la part de l’appelante, il convient, compte-tenu de la nécessité d’assurer le respect du principe du contradictoire, d’ordonner le rabat de l’ordonnance de clôture et de fixer la date de clôture des débats au jour des plaidoiries. Dès lors, les conclusions de l’intimée sont recevables.
Sur la résiliation du contrat
L`article G.9.3 du contrat d’architecte stipule que ‘La résiliation du présent contrat ne peut intervenir sur initiative de l’architecte que pour des motifs justes et raisonnables tels que, par exemple (…), le choix imposé par le maître d’ouvrage d’une entreprise ne présentant pas les garanties indispensables à la bonne exécution de l’ouvrage’.
Les parties s’accordent pour relever que la 2ème phase (études) a été réalisée et intégralement réglée. Le litige porte sur la 3ème phase correspondant à l’ établissement des plans (conception) et du dossier de consultation des entreprises (DCE).
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 mars 2016, la S.A.R.L. M. [K] a informé la SCI de sa volonté de mettre fin au contrat en raison ‘du choix de cette dernière de faire réaliser les travaux par son entreprise (la S.A.R.L. Freddy Paurion, dont le gérant est également celui de l’appelante), sans possibilité de présenter les garanties requises dans le cadre de ces travaux’. Plus précisément, elle motive sa décision par l’absence de souscription par cette société d’une assurance garantissant sa responsabilité décennale pour la réalisation des travaux d’électricité et de gros ‘uvre.
En réponse, l’appelante conteste le motif avancé par l’architecte et estime au contraire que celui-ci a fautivement abandonné le chantier. Elle soutient de plus que la S.A.R.L. M. [K] a commis plusieurs fautes dans l’exécution de sa mission justifiant également son refus de paiement du solde de sa prestation.
Le tribunal a considéré que l’architecte a justifié la rupture de sa mission par le comportement de la SCI résultant de l’absence d’accomplissement de la formalité consistant à exiger, de la part du maître de l’ouvrage, des sociétés intervenant sur le chantier une assurance de responsabilité décennale. Il en a déduit que la rupture des relations contractuelles était fondée.
La SCI reproche tout d’abord à la S.A.R.L. M. [K] d’avoir commis une faute en ne vérifiant pas au cours des travaux la souscription par ses soins d’une assurance dommages-ouvrage.
Cependant, comme le relève à raison l’intimée, le motif avancé par l’appelante ne constitue absolument pas celui qui a fondé sa décision de résilier le contrat.
Il doit être ajouté que la couverture assurantielle du maître d’ouvrage n’est pas légalement obligatoire, bien qu’envisagée dans le CCAG, alors que celle de la responsabilité décennale des entrepreneurs intervenant sur le chantier apparaît indispensable au regard de l’ampleur et la nature des travaux qu’ils sont amenés à réaliser.
Aussi, l’argument de la SCI tiré du caractère tardif de la demande qui lui a été adressée par la S.A.R.L. M. [K] de vérification de la souscription d’une assurance dommages-ouvrage est, à supposer avéré, sans incidence sur les éléments retenus ci-dessus.
L’appelante affirme ensuite que la S.A.R.L. Freddy Paurion, à laquelle elle a confié le lot charpente, ossature bois et couverture zinguerie, était bien titulaire d’une assurance garantissant sa responsabilité décennale à la date de son intervention sur le chantier.
Cependant, s’il apparaît que cette société était bien assurée auprès des MMA, aucune garantie décennale n’avait été en revanche été souscrite par celle-ci pour ce qui concerne les travaux d’électricité, de démolition gros-‘uvre, de menuiseries intérieures et de plomberie, étant observé que la SCI ne conteste pas lui avoir attribué la réalisation de ces lots.
Seule la pièce n°23 produite par l’appelante démontre l’existence d’une couverture assurantielle garantissant la responsabilité décennale de la S.A.R.L. Freddy Paurion auprès de la SMABTP mais uniquement pour ce qui concerne l’année 2018, alors que le chantier s’est déroulé entre les années 2016 et 2017.
Or, au regard des clauses contractuelles, il appartenait à la SCI, qui disposait du choix des entrepreneurs, d’exiger de ceux-ci la démonstration de l’existence d’un contrat garantissant leur responsabilité des articles 1792 et suivants du code civil.
Dès lors, la S.A.R.L. M. [K] était bien fondée, après l’absence de réponse positive du maître d’ouvrage à son courriel du 3 février 2016, à se prévaloir de l’article 6.9.3 précité pour résilier le contrat du 10 décembre 2015.
Sur la demande en paiement
L’intimée réclame le paiement d’une somme totale de 4.400 euros correspondant à sa facture n°58 du 28 mars 2016.
En vertu des règles issues du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits (article 1103) et les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi (article 1104), textes dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance numéro 2016-131 du 10 février 2016. En outre, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
La SCI soutient que la S.A.R.L. M. [K] n’a pas réalisé la phase de conception qui ‘manque dans ses éléments’ et que la phase DCE ‘n’a aucun support’. Elle estime dès lors que la somme réclamée est infondée dans la mesure où l’architecte ne justifie pas avoir accompli la prestation dont le règlement est sollicité.
Il doit être constaté que l’appelante formule une critique d’ordre général sur le travail de l’architecte sans reprendre expressément les griefs invoqués en première instance relatifs aux imprécisions commises par celui-ci lors de l’implantation des cloisons, à l’absence de prise en compte de la présence d’un ascenseur ou aux manquements aux missions DCE et DET.
En outre, les différentes factures produites par la SCI démontrent que les opérations de réhabilitation de l’immeuble se sont convenablement déroulées jusqu’à la date à laquelle la S.A.R.L. M. [K] a résilié le contrat.
Les divers entrepreneurs n’ont pu réaliser les travaux qu’après avoir été choisis par le maître d’ouvrage en considération du dossier de consultation des entreprises établi par la S.A.R.L. M. [K] et qu’en fonction des plans dessinés par celle-ci.
Le maître d’ouvrage ne fournit aucun élément, qu’il s’agisse notamment d’un constat d’huissier ou d’une expertise amiable réalisée par un professionnel de l’activité du bâtiment, justifiant l’existence de manquements de l’architecte dans sa mission ou de désordres en résultant.
L’architecte a bien tenu compte, lors de l’établissement de ses facturations, d’un taux de TVA à 10% et ce même s’il a parfois indiqué par erreur un taux de 20% dans d’autres documents établis par ses soins. La SCI ne subit donc aucun préjudice de ce chef.
Enfin, l’appelante, relancée à plusieurs reprises par son cocontractant pour obtenir le règlement de sa facture n°58, n’a jamais émis de contestation sur la qualité de sa prestation et sur le quantum de la somme réclamée avant son assignation en justice.
Au regard de ces éléments, la S.A.R.L. M. [K] est bien fondée à réclamer la condamnation de la SCI au paiement de la somme de 4 400 euros TTC (conception : 3 600 euros HT +DCE 400 euros HT + 400 euros de TVA à 10%). Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages-intérêts
Compte-tenu de la confirmation du jugement entrepris ayant rejeté les moyens soulevés par la SCI, il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande de dommages et intérêts.
La S.A.R.L. M. [K] réclame à l’encontre de son cocontractant le versement d’une somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts mais ne fournit aucun élément à l’appui de cette prétention venant établir le caractère fautif ou abusif de l’absence du paiement par l’appelante du montant correspondant à sa facture n°58.
Sur l’article 700 du code de procédure civile
Outre la somme mise à la charge de la SCI en première instance, il y a lieu en cause d’appel de la condamner au versement à la S.A.R.L. M. [K] d’une indemnité complémentaire de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de rejeter les autres demandes de ce chef.
PAR CES MOTIFS
– Ordonne le rabat de l’ordonnance de clôture et fixe la date de clôture des débats au 08 mars 2022 ;
– Confirme en toutes ses dispositions le jugement en date du 11 juin 2018 rendu par le tribunal d’instance de Cognac ;
Y ajoutant ;
– Rejette la demande de dommages et intérêts présentée par la société à responsabilité limitée M. [K] ;
– Condamne la société civile immobilière Maleco à verser à la société à responsabilité limitée M. [K] une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Rejette les autres demandes présentées sur ce fondement ;
– Condamne la société civile immobilière Maleco au paiement des dépens d’appel.
La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE