Your cart is currently empty!
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 54G
4e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 30 MAI 2022
N° RG 20/02668 – N° Portalis DBV3-V-B7E-T4RK
AFFAIRE :
SMABTP
SCI DREUX L’ILE AU POETE
C/
[Y] [Z]
ET ONZE AUTRES
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Mars 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHARTRES
N° chambre : 1
N° Section :
N° RG : 19/00006
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Anne-laure DUMEAU
Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT
Me Emmanuelle LECADIEU
Me Philippe CHATEAUNEUF
Me Stéphanie TERIITEHAU
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
SMABTP prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège pris en sa qualité d’assureur responsabilité civile ‘promoteur’ et responsabilité décennale constructeur non réalisateur de la
Représentant : Me Anne-laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628, et Me Michel-Louis COURCELLES de la SCP PACREAU COURCELLES, Plaidant, avocat au barreau d’ORLEANS, vestiaire : 24 –
APPELANTE
****************
Monsieur [Y] [Z]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629
et Me Antoine GUEPIN de la SELARL GIBIER FESTIVI RIVIERRE GUEPIN, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000021
Madame [I] [C] veuve [Z]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629
et Me Antoine GUEPIN de la SELARL GIBIER FESTIVI RIVIERRE GUEPIN, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000021
Monsieur [J] [M]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629, et Me Antoine GUEPIN de la SELARL GIBIER FESTIVI RIVIERRE GUEPIN, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000021
Madame [N] [O] épouse [M]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 , et Me Antoine GUEPIN de la SELARL GIBIER FESTIVI RIVIERRE GUEPIN, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000021
Monsieur [R] [P]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629, et Me Antoine GUEPIN de la SELARL GIBIER FESTIVI RIVIERRE GUEPIN, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000021
Madame [K] [F] épouse [P]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629, et Me Antoine GUEPIN de la SELARL GIBIER FESTIVI RIVIERRE GUEPIN, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000021
Madame [D] [V]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629, et Me Antoine GUEPIN de la SELARL GIBIER FESTIVI RIVIERRE GUEPIN, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000021
E.U.R.L. AMOPRIM prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège;
N° SIRET : 488 745 670
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Emmanuelle LECADIEU de la SCP ODEXI AVOCATS, Plaidant et Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000029
S.C.I. DREUX – L’ILE AU POETE, au capital de 1000,00 €, immatriculée au RCS d’Orléans sous le n°482 763 190, prise en la personne de son gérant, la SAS INFINIM, domiciliée en cette qualité audit siège
N° SIRET : 482 76 3 1 90
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Représentant : Me Flora GALLY de la SELARL KROVNIKOFF GALLY, Plaidant, avocat au barreau d’ORLEANS, vestiaire : 16, et Me Philippe CHATEAUNEUF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643
S.A.S. ANTUNES, société au capital de 121 960 €, Immatriculée au RCS de MELUN sous le N°384 600 516 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
N° SIRET : 384 60 0 5 16
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représentant : Me Virginie MIRÉ de la SELAS Virginie Miré et Jérôme Blanchetière, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0156 – Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619
S.D.C. RESIDENCE DE L’ISLE AU POETE représenté par son syndic la société FONCIA NORMILE ayant son siège social [Adresse 3], lui même pris en ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629, et Me Antoine GUEPIN de la SELARL GIBIER FESTIVI RIVIERRE GUEPIN, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000021
INTIMÉS
****************
Madame [U] [Z] épouse [E]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629, et Me Antoine GUEPIN de la SELARL GIBIER FESTIVI RIVIERRE GUEPIN, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000021
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 11 Avril 2022, Madame Valentine BUCK, conseiller, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Emmanuel ROBIN, Président,
Madame Pascale CARIOU, Conseiller,
Madame Valentine BUCK, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Boubacar BARRY
FAITS ET PROCÉDURE
La SCI Dreux l’Île au poète (ci-après la SCI Dreux), assurée auprès de la SMABTP, a fait construire un ensemble immobilier composé d’un immeuble neuf et de la réhabilitation de six maisons de ville d’un ancien hôtel particulier du 17ème siècle, qu’elle a vendu en l’état futur d’achèvement.
Sont notamment intervenues à cette opération :
‘ la société Amoprim, en qualité d’assistant au maître d’ouvrage puis de maître d”uvre d’exécution,
‘ la société Antunes chargée, entre autres, de la réfection des façades de l’ancien hôtel particulier, assurée auprès de la SMABTP.
La réception est intervenue le 17 juin 2009 avec des réserves ponctuelles concernant la société Antunes qui ont été levées suivant procès-verbal du 26 novembre 2010. La livraison des parties communes a eu lieu le 27 mai 2009 et les réserves faites à la livraison concernant notamment le ravalement ont été levées le 12 juillet 2011.
Se plaignant de désordres concernant le revêtement de façade, le syndicat des copropriétaires et les consorts [Z], [P], [M] et [V], acquéreurs de maisons de ville et copropriétaires, ont obtenu par ordonnance du 6 juin 2014 la désignation de M. [A] en tant qu’expert judiciaire ; celui-ci a déposé son rapport le 30 juin 2015.
Le syndicat des copropriétaires et les consorts [Z], [P], [M] et [V] ont assigné les 31 décembre 2015, 2 et 6 janvier 2016 la SCI Dreux, la société Amoprim, la société Antunes et la SMABTP devant le tribunal de grande instance de Chartes.
Par jugement du 11 mars 2020, le tribunal judiciaire de Chartres a condamné in solidum la SCI Dreux et la SMABTP à payer au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 2] la somme de 152 170, 53 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2016 et indexation sur l’indice BT01 entre le 30 juin 2015 et le 11 mars 2020 outre une indemnité de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Le tribunal a rejeté la demande du syndicat des copropriétaires et des copropriétaires sur le fondement des vices et défauts non apparents (articles 1642-1 et 1648 du code civil) et de l’article 1646-1 du code civil. Il a retenu la responsabilité contractuelle de la SCI Dreux. Il a estimé que le vendeur était tenu de livrer un immeuble sans vice et qu’il avait donc engagé sa responsabilité contractuelle, que la société Amoprim n’était pas responsable du remplacement de l’enduit monocouche par de la peinture en simple badigeon, qu’aucune faute ne pouvait être reprochée à la société Antunes qui n’avait pas choisi le produit à poser. Il a considéré que la SMABTP devait sa garantie en tant qu’assureur de la SCI Dreux, la clause qu’elle invoquait n’étant pas opposable
*
La SMABTP a interjeté appel le 19 juin 2020.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 9 novembre 2021 et l’affaire a été fixée à l’audience de la cour du 11 avril 2022, à l’issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
*
Par conclusions du 5 mars 2021, la SMABTP demande à la cour d’infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de la mettre hors de cause, de condamner tous succombants à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par conclusions du 11 mars 2021, la SCI Dreux forme appel incident et demande à la cour de débouter le syndicat des copropriétaires et les consorts [Z], [M], [P] et [V] de l’ensemble de leurs demandes, à titre subsidiaire de condamner in solidum les sociétés Amoprim et Antunes à la garantir de l’ensemble des condamnations à intervenir à son encontre, et, en tout état de cause, de condamner in solidum la SMABTP, les sociétés Amoprim et Antunes à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.
Par conclusions du 11 décembre 2020, le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 2], Mme [I] [Z], M. et Mme [M], M. et Mme [P], Mme [V], ainsi que Mme [U] [Z] intervenante volontaire, demandent à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner in solidum la SCI Dreux à payer au syndicat des copropriétaires ou, subsidiairement, aux copropriétaires la somme de 152 170,53 euros toutes taxes comprises « augmentée de variation d’indice BT 01 entre le 30 juin 2015 [‘] et la date du jugement à intervenir, puis de l’intérêt au taux légal jusqu’à parfait paiement », et à leur payer la somme de 6 000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de la présente procédure ainsi que de la procédure de référé outre les frais d’expertise judiciaire.
Par conclusions du 16 mars 2021, la société Antunes demande à la cour de confirmer le jugement déféré en l’absence de faute de sa part, de débouter la SCI Dreux de son appel en garantie total, à titre subsidiaire de limiter sa part de responsabilité à 14,88 % du montant global des travaux retenu par l’expert, de condamner la SCI Dreux et la société Amoprim à la relever et garantir à hauteur de leur propre part de responsabilité, de débouter la société Amoprim de l’ensemble de ses demandes, de condamner la SMABTP à la garantir et de condamner tout succombant à lui verser la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par conclusions du 11 mai 2021, la société Amoprim demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, ou, à titre subsidiaire, de débouter la SCI Dreux et la société Antunes de leur demande en garantie, de juger que la responsabilité de la société Amoprim ne saurait excéder une part de 10 % sur un montant de 62 769,16 euros toutes taxes comprises au titre du préjudice matériel (réfection de peinture), de condamner la société Antunes et son assureur la SMABTP à la garantir, en tout état de cause, de condamner tous succombants à lui régler la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.
MOTIFS
Sur les limites de l’appel
Selon l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Dans le dispositif de ses conclusions, la SCI Dreux sollicite à titre principal uniquement le débouté du syndicat des copropriétaires et des consorts [Z], [M], [P] et [V] de l’ensemble de leurs demandes. Par conséquent, la cour n’est pas saisie non seulement de la fin de non-recevoir des demandes de Mme [V] évoquée par la SCI Dreux dans les motifs de ses conclusions (pages 6 à 8), mais de toute fin de non-recevoir de l’action engagée par le syndicat des copropriétaires et les consorts [Z], [M], [P] et [V].
Il en est de même des conclusions de la société Amoprim qui ne reprend pas dans son dispositif la fin de non-recevoir évoquée dans les motifs en page 9.
Sur la demande d’indemnisation dirigée contre la SCI Dreux
Sur le seul fondement de l’article 1147 du code civil, le syndicat des copropriétaires et les copropriétaires reprochent à la SCI Dreux de leur avoir livré un bien revêtu d’un badigeon alors qu’il leur avait été vendu un bien avec un enduit bénéficiant d’une garantie décennale, d’avoir choisi un badigeon mal mis en ‘uvre, techniquement inadapté et qui n’était pas imposé par les services de l’urbanisme de la ville ou l’architecte des bâtiments de France, et d’avoir accepté sans réserve les travaux réalisés par la société Antunes.
La SCI Dreux rétorque qu’il n’a jamais été prévu techniquement et contractuellement un enduit monocouche d’ailleurs non systématiquement associé à une garantie décennale, et que les acquéreurs étaient informés de la remise en cause par l’architecte des bâtiments de France du traitement des façades. À l’égard des désordres intermédiaires dénoncés, elle réplique qu’elle n’a commis aucune faute, qu’incompétente en la matière, elle n’est pas intervenue dans le choix du matériau appliqué qui avait été imposé par l’architecte des bâtiments de France. Elle estime que la responsabilité relève de la maîtrise d”uvre d’exécution et de celle de la société Antunes qui a manqué à son devoir de conseil.
***
La cour observe que le débat porte à titre principal sur la responsabilité contractuelle de la SCI Dreux.
1) Les désordres
Le syndicat des copropriétaires et les copropriétaires demandent l’indemnisation du coût de reprise des façades sud, nord et ouest de l’ancien hôtel particulier.
En effet, le 17 avril 2012 le service d’urbanisme de la ville de [Localité 7] a été informé du décollement de la peinture en façade. Les 9 juillet et 29 novembre 2012, le syndicat des copropriétaires a dénoncé au vendeur une dégradation du ravalement des « maisons de ville », ce que des photos prises en avril et octobre 2013 confirment. Quant à l’expert judiciaire, il a relevé, dans son rapport, qu’un courrier en réponse du vendeur du 10 octobre 2012 confirmait « des décollements ponctuels de peinture et [sa] volonté de faire intervenir la société en charge de ces tâches ».
En tout état de cause, l’expert a constaté qu’« une peinture (badigeon) a été appliquée sur les briques, le soubassement, l’entourage des fenêtres et sur l’ensemble des façades des six lots ». Il a expliqué que « les décollements de badigeon résultent de remontées capillaires à travers le soubassement des façades ; le film de peinture utilisée (badigeon) est insuffisamment micro-poreux (pas assez perméable à la vapeur d’eau) ».
Il a conclu que ces désordres ont pour cause, d’une part, l’utilisation d’un matériau inadapté et, d’autre part, un défaut de mise en ‘uvre du badigeon.
2) L’obligation de délivrance conforme de la SCI Dreux
Selon les articles 1604 et suivants du code civil, le vendeur est tenu à l’égard de l’acquéreur d’une obligation de délivrance du bien conforme aux stipulations contractuelles.
Les actes de vente produits des 27 novembre 2006, 7 juin 2007, 2 septembre 2008, 21 septembre 2009 renvoient aux « plans annexés », aux « documents figurant au dépôt de pièces ci-après visé », à « l’acte de dépôt reçu par Maître [T] [G], notaire à [Localité 7] (28 100), le 20 octobre 2006 », aux « devis descriptifs ayant servi ou devant servir de base aux marchés » de travaux, à la « notice descriptive » et au permis de construire.
Ainsi, les plans figurant dans l’acte déposé devant notaire mentionnent expressément pour la façade de l’immeuble litigieux, pour les briques, un « nettoyage » et pour les murs des façades un « repiquage de l’enduit dégrossi et enduit ».
Parmi les « devis descriptifs ayant servi ou devant servir de base aux marchés » figure le « dossier marché » du 2 mai 2006 qui, pour le lot ravalement, précise :
‘ pour l’ensemble des façades et pignons du bâtiment conservé, un piquetage de l’enduit existant, y compris protection des briques de parement encadrant les ouvertures,
‘ pour les façades et pignons des maisons de ville, sauf les briques et pierres de parement conservées, un enduit monocouche projeté d’imperméabilisation et de protection de façades à base de liants hydrauliques bénéficiant d’un accord sans réserve de l’ARCES, de type Monopral F de chez [W] et [X], en deux couches et avec un avis technique et une garantie de dix ans,
‘ pour les briques et pierres en façades et pignons des maisons litigieuses, un décapage des briques et une peinture sur les briques,
‘ pour les peintures des briques, pierres et corniches existantes conservées des maisons litigieuses, la préparation des supports, le brossage et grattage et l’exécution d’une peinture pliolite avec garantie décennale exigée.
Un additif au dossier marché du lot ravalement a été établi le 2 juillet 2008 prévoyant comme prestations complémentaires, pour les maisons de villes réhabilitées, un enduit monocouche projeté d’imperméabilisation et de protection de façade équivalent au mortier type Elipral F de chez [W] et [X] ainsi qu’un badigeon à base de chaux aérienne de type Vixalit de chez Tollens ayant reçu un avis technique et une garantie de dix ans, selon plan de localisation.
De son côté, la notice descriptive indique pour les parements extérieurs, au point 1.2.3., une « rénovation des façades altérées ». Elle prévoit aussi « que, dans le cas où la construction, la fourniture ou la mise en ‘uvre de certains matériaux, équipements ou matériels se révéleraient impossibles, difficiles ou susceptibles d’entraîner des désordres et ce pour un motif quelconque (exemple : réglementation administrative, retards d’approvisionnement, défauts de fabrication, difficultés d’importation, impératifs ou en cas d’apparition de matériel nouveau) le maître d’ouvrage pourra remplacer ces matériaux, équipements ou appareils, par d’autres, de qualité au moins équivalente. Le maître d’ouvrage pourra également améliorer la qualité ou la présentation de tout ou partie de la construction ». Elle précise encore, pour les peintures extérieures, au point 2.8.1.4., « sur enduits, habillages en bois, murs et plafonds, sous-faces et rives des balcons, terrasses ou loggias : 2 couches de peinture spéciale ravalement extérieur de type pliolite ou équivalent. Localisation : en sous-face et nez des balcons ».
Le permis de construire PC 281340500060 du 15 mars 2006 a été accordé sous réserve du respect des prescriptions suivantes :
‘ « les prescriptions émises par l’architecte des bâtiments de France, dans son avis en date du 6 mars 2006 »,
‘ « lors de la réhabilitation de cet hôtel particulier, des rendez-vous de chantier devront être organisés aux différents stades des travaux en présence de monsieur l’architecte des bâtiments de France et du conseiller municipal délégué à l’urbanisme et au patrimoine ».
L’architecte des bâtiments de France a donné le 6 mars 2006 son avis conforme sous la réserve suivante : « la partie des bâtiments existants n’est pas acceptable en l’état et devra faire l’objet d’une nouvelle demande après concertation avec l’architecte des bâtiments de France ». Il n’avait donc pas vraiment donné à cette date d’avis technique.
Il résulte de ces éléments contractuels que la SCI Dreux a vendu des maisons dont la rénovation des façades impliquait, pour les murs de façade, l’application d’un enduit monocouche d’imperméabilisation offrant une garantie décennale et, pour les briques, leur nettoyage et l’application d’une peinture pliolite avec une garantie décennale.
Or, il ressort du compte-rendu de chantier n°65 du 17 juin 2009 que la société Amoprim avait refusé la finition en façade côté rue pour avoir constaté « aucune préparation avant la réalisation de la peinture », et remarqué « le décollement quasi général de la peinture sur les bandeaux façade » et demandé à la société Antunes « la cause de ce phénomène » et la reprise de « la totalité des ouvrages incriminés ».
Puis, le 9 novembre 2012, les services d’urbanisme de la ville ont adressé un courrier au vendeur lui reprochant de ne pas avoir effectué les travaux « comme prévu sur le plan du 16 septembre 2005 annexé au permis de construire. Il était question de faire un nettoyage des briques et celles-ci ont été peintes sans un nettoyage sérieux au préalable. Il en résulte des décollements. Votre ravaleur ne s’est pas préoccupé de ce plan et la réalisation n’est pas conforme à ce qui était prévu. Ces décollements vont s’accentuer avec le temps ».
Enfin, l’expert judiciaire a constaté que seul un badigeon avait été appliqué et sans préparation de la surface (pages 13, 14, 17 du rapport). Il a conclu que « les acquéreurs ont fait l’acquisition de maisons avec enduit monocouche prévu dans l’acte de vente (bénéficiant d’une garantie décennale) ; or c’est un badigeon (assimilable à une peinture) qui a été appliqué (garantie biennale) ».
En livrant un immeuble ne comportant que l’application d’un badigeon, la SCI Dreux a donc manqué à son obligation de délivrance conforme aux prescriptions contractuelles.
La SCI Dreux rétorque qu’elle a dû respecter les préconisations de l’architecte des bâtiments de France qui s’imposent à elle.
Lorsque le 6 mars 2006 l’architecte des bâtiments de France n’a pas admis en l’état le projet relatif à la partie des bâtiments existants, il n’a pas précisé ce qui était inacceptable. Et cet avis réservé n’a fait l’objet d’aucune formalisation d’une nouvelle demande après concertation avec l’architecte des bâtiments de France.
Un avis de l’architecte des bâtiments de France a été donné lors de la réunion de chantier du 4 juin 2017 où il a uniquement préconisé le choix de teinte pour le ravalement des façades, ainsi que la réparation des briques puis leur peinture (référence place des Vosges), étant rappelé que le dossier du marché initial prévoyait déjà un enduit des murs des façades et un nettoyage suivi d’une peinture des briques, et que l’application d’un enduit n’empêche pas de prévoir l’application supplémentaire d’un badigeon.
Les avis postérieurs de l’architecte des bâtiments de France, lors des réunions de chantier du 3 juillet, du 30 août et du 17 décembre 2008, ont porté essentiellement sur le choix des couleurs des ravalements de façade sans remettre en cause les choix techniques antérieurs (formalisé dans l’additif du 2 juillet 2008) sur la nature des matériaux, soit notamment la peinture Vixalit.
Contrairement à ce que soutient la SCI Dreux il n’est donc pas établi que l’architecte des bâtiments de France avait imposé un changement des préconisations techniques pour le ravalement et que les acquéreurs en avaient été informés.
3) Les réparations
La SCI Dreux considère que le montant d’indemnisation est disproportionné, car les peintures ne sont pas dégradées sur tout l’immeuble, les supports en pierre et briques sont en bon état et le devis retenu par l’expert va au-delà de ses préconisations et en est même parfois contraire.
L’expert a constaté des décollements du badigeon sur toutes les façades, localisés ou généralisés, surtout au niveau des soubassements ou du bandeau du plancher haut du rez-de-chaussée.
Il a préconisé des réparations basées sur les prescriptions d’origine, et examiné, après dire des parties, trois devis. Il a conclu que celui de l’entreprise [E] répondait à ses préconisations et, en réponse à un dire, il a expliqué qu’il était inenvisageable d’effectuer des réparations partielles.
Les critiques de la SCI Dreux du devis de l’entreprise [E] et du montant de la rémunération de l’architecte retenus par l’expert n’étant étayées par aucun élément technique, le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu, sur la base du rapport d’expertise, un montant total des frais de reprise de 152 170,53 euros toutes taxes comprises, réévalué selon l’évolution de l’indice BT 01 de la construction entre le 30 juin 2015, date du rapport d’expertise, et la date du jugement.
Les non-conformités portant sur les façades de l’immeuble en copropriété, la SCI Dreux sera condamnée à payer cette somme au syndicat des copropriétaires, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens soulevés.
Sur les appels en garantie des intervenants à la construction
Certes, la fiche technique de la peinture Vixalit produite aux débats précise qu’elle offre « une excellente perméabilité à la vapeur d’eau » et celle de l’enduit Parexal le définit comme permettant l’imperméabilisation des maçonneries.
Il n’en demeure pas moins que, selon l’expert, les désordres proviennent, d’une part, de l’utilisation d’un matériau inadapté (badigeon) alors qu’était prévu un enduit monocouche sur la façade et un nettoyage des briques et, d’autre part, d’un défaut de mise en ‘uvre du badigeon du fait du manque de préparation du support.
Or, les conclusions de l’expert ne sont pas sérieusement critiquées par la SCI Dreux, la société Amoprim et la société Antunes qui n’avancent, au demeurant, aucune autre explication technique de l’apparition des désordres.
1) La responsabilité de la société Antunes
Suivant l’ordre de service du 16 juillet 2008, la société Antunes devait réaliser le lot n°2 ravalement en conformité notamment aux plans, CCTP et additifs. Et, son devis du 18 juillet 2008 prévoyait, pour le bâtiment réhabilité, la préparation du support et l’application d’« une vixalit » à certains endroits et d’« un enduit de type parexal de chez parex » à d’autres.
En se contentant d’appliquer une peinture sur les murs de façade et les briques sans préparer le support et sans respecter toutes les préconisations du marché, la société Antunes a manqué à ses obligations contractuelles à l’égard du maître de l’ouvrage.
2) La responsabilité de la société Amoprim
Le 3 avril 2006, la société Amoprim a signé un contrat d’assistance à la maîtrise d’ouvrage avec pour mission d’assister notamment à la constitution du dossier marché, au contrôle de la direction des travaux, à la mise au point du dossier de permis de construire, à la rédaction de la notice descriptive de vente, à la consultation et à la passation des marchés de travaux, à la rédaction des additifs au CCTP, au contrôle de la conformité du dossier marché par rapport au dossier du permis de construire, aux plans de vente et à la notice descriptive, de représenter la maîtrise d’ouvrage aux réunions de chantier, aux opérations de réception et de levée de réserves.
Or, la SCI Dreux n’explique pas en quoi la société Amoprim aurait failli à cette mission d’assistance à la maîtrise d’ouvrage.
Puis, le 26 novembre 2007, la société Amoprim a signé un contrat de maîtrise d”uvre d’exécution des travaux. À ce titre, elle est tenue d’une obligation de moyens lors du suivi du chantier. Ainsi, compte-tenu de l’ampleur des travaux de ravalement commencés en 2008, elle ne pouvait ne pas s’apercevoir des manquements de l’entreprise et elle a nécessairement failli à sa mission en n’alertant pas la société Antunes qu’elle ne respectait pas les préconisations du marché.
3) La responsabilité de la SCI Dreux
En sa qualité de maître d’ouvrage, dont il n’est pas établi de compétence en matière de ravalement, d’immixtion dans la réalisation des travaux ou d’acceptation des risques. Par ailleurs, la commande qu’elle a passée à la société Antunes prévoyait bien, outre le badigeon de type Vixalit, la pose d’un enduit.
Aucune part de responsabilité ne peut être retenue à l’encontre de la SCI Dreux.
4) Le partage de responsabilité
Au regard de ce qui précède, la part de responsabilité dans la réalisation des désordres sera la suivante :
‘ société Antunes, 80 %
‘ société Amoprim, 20 %.
La SCI Dreux est donc bien fondée à appeler en garantie ces deux sociétés.
La société Amoprim est bien fondée à appeler en garantie la société Antunes dans la limite de sa part de responsabilité.
Sur la garantie de la SMABTP
1) La SMABTP assureur de la SCI Dreux
La SCI Dreux sollicite la garantie de son assureur la SMABTP.
Or, la SMABTP rétorque que sa police n’a pas vocation à s’appliquer pour un simple badigeon ou peinture ne constituant pas un ouvrage, ne s’agissant pas de dommages matériels subis par les ouvrages du fait de leur non-conformité à la réglementation fixée par les lois, décrets et arrêtés ministériels applicables à la date d’ouverture du chantier au sens de l’article L. 462-2 du code de l’urbanisme. Elle expose que les désordres ne sont qu’esthétiques et résultent de l’application d’un badigeon qui n’est pas un ouvrage au sens des articles 1792 et suivants du code civil. Elle estime que le badigeon est conforme aux pièces contractuelles.
En l’espèce, la responsabilité de la SCI Dreux est engagée sur le fondement de sa responsabilité contractuelle et non d’une garantie décennale de sorte que le moyen tiré de l’absence d’ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil est rejeté.
Selon les conditions particulières du contrat d’assurance signées le 19 janvier 2010, la SMABTP garantit tous dommages matériels résultant de la responsabilité de son assuré.
L’article 7.18 des conditions générales du contrat exclut la garantie ainsi :
« toute responsabilité encourue du fait de la non-conformité de l’ouvrage avec le devis descriptif (ou toute autre pièce écrite ou graphique décrivant l’ouvrage) ou avec le document annexe au contrat de vente ou au contrat préliminaire visé à l’article 11 de la loi du 3 janvier 2017 précisant la consistance et les caractéristiques de l’immeuble ou aux articles 33 et suivants de la loi du 16 juillet 1971, sauf lorsque cette non-conformité est la conséquence d’une erreur ou d’une omission commise par un tiers, ou encore lorsqu’il s’agit d’une non-conformité des ouvrages édifiés aux règlements de construction, selon les termes de l’article 8 ci-après ».
Or, la non-conformité aux stipulations contractuelles est imputable à des tiers de sorte que la SMABTP est mal fondée à opposer cette exclusion de garantie à son assurée.
2) La SMABTP assureur de la société Antunes
La société Amoprim et la société Antunes appellent également en garantie la SMABTP en qualité d’assureur de la société Antunes.
Il résulte de l’attestation d’assurance versée aux débats (pièce 14 de la société Antunes et de la SCI Dreux) que la société Antunes était assurée auprès de la SMABTP au titre de sa responsabilité en cas de dommages à l’ouvrage après réception.
En l’absence de toute contestation de la SMABTP dans ses conclusions, elle sera condamnée à garantir les sociétés Amoprim et Antunes, à concurrence de la part de responsabilité de la société Antunes.
Sur les dépens et les autres frais de procédure
Le sens de l’arrêt commande de confirmer le jugement au titre des dépens et des frais de procédure exposés en première instance par le syndicat des copropriétaires.
La SCI Dreux et la SMABTP seront condamnées à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code procédure civile pour les frais de procédure exposés en cause d’appel.
La société Antunes, la SMABTP et la société Amoprim seront condamnées in solidum aux dépens et à payer à la SCI Dreux la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La SMABTP sera condamnée à garantir ces condamnations de la société Antunes et de la société Amoprim.
La société Antunes et la SMABTP seront condamnées in solidum à garantir ces condamnations de la société Amoprim à hauteur de 80 %.
La société Antunes, la SMABTP et la société Amoprim seront déboutées de leurs demandes au titre des frais exclus des dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement déféré ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la SCI Dreux et la SMABTP in solidum à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code procédure civile pour les frais de procédure exposés en cause d’appel ;
CONDAMNE in solidum la société Amoprim et la société Antunes à garantir la SCI Dreux de toutes ses condamnations ;
FIXE la part de responsabilité dans la réalisation des désordres ainsi :
‘ société Antunes, 80 %
‘ société Amoprim, 20 % ;
CONDAMNE in solidum la société Antunes, la SMABTP et la société Amoprim à payer à la SCI Dreux la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Antunes, la SMABTP et la société Amoprim in solidum aux dépens exposés en cause d’appel ;
CONDAMNE la société Antunes in solidum avec la SMABTP à garantir les condamnations de la société Amoprim à hauteur de 80 % ;
CONDAMNE la SMABTP à garantir les condamnations de la société Antunes ;
DÉBOUTE la société Antunes, la SMABTP et la société Amoprim de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Emmanuel ROBIN, Président et par Monsieur Boubacar BARRY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,