Your cart is currently empty!
30/05/2022
ARRÊT N°
N° RG 20/00337
N° Portalis DBVI-V-B7E-NNT7
SL / RC
Décision déférée du 10 Septembre 2019 Tribunal de Grande Instance de Toulouse 18/01227
Mme [Y] [W]
[S] [R] épouse [X]
[M] [X]
C/
[F] [I]
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
***
ARRÊT DU TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTS
Madame [S] [R] épouse [X]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Nicolas RAMONDENC de la SELARL NICOLAS RAMONDENC, avocat au barreau de TOULOUSE
Monsieur [M] [X]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Nicolas RAMONDENC de la SELARL NICOLAS RAMONDENC, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIME
Monsieur [E] [O] [I]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Sylvie ATTAL de la SELAS ATCM, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 14 Décembre 2021 en audience publique, devant la Cour composée de :
J.C. GARRIGUES, président
A.M. ROBERT, conseiller
S. LECLERCQ, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : L. SAINT LOUIS AUGUSTIN
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par J.C. GARRIGUES, président, et par C. GIRAUD, Directrice des services de greffe.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [S] [R] épouse [X] et M. [M] [X] sont propriétaires d’un ensemble immobilier composé d’une habitation principale de deux niveaux et de plusieurs dépendances situé commune de [Localité 5].
Dans le courant de l’année 2013, ils ont confié à M. [I], architecte, une mission de maîtrise d’oeuvre pour la rénovation de leur bien immobilier. Ce dernier a émis une proposition d’honoraires le 31 octobre 2013, qui n’a pas été signée par les maîtres d’ouvrage. M. [I] a poursuivi ses prestations et a établi le dossier de déclaration préalable le 24 avril 2014 qui a été validé par l’administration le 30 septembre 2014. Il a établi 5 avant-projets sommaires entre les mois de mars 2014 et mai 2014. Le 13 mai 2014, il a adressé à M. et Mme [X] une proposition d’honoraires qui n’a pas été signée par les maîtres d’ouvrage.
M. [I] a établi le 16 juin 2014 une facture d’honoraires d’un montant de 11 680 € HT, soit 14 016 € TTC, qui n’a pas été payée.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 janvier 2015, M. [I] a mis en demeure M. et Mme [X] de lui payer cette somme.
Par exploit en date du 10 avril 2018, M. [F] [I] a fait assigner Mme [S] [R] épouse [X] et M. [M] [X] devant le tribunal de grande instance de Toulouse pour obtenir le paiement de ses honoraires.
Par un jugement du 10 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse a :
– condamné Mme [R] épouse [X] et M. [X] à payer à M. [I] :
* la somme de 14.016 € TTC avec intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2015,
* la somme de 1.800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté M. [I] de ses plus amples demandes,
– ordonné l’exécution provisoire,
– condamné Mme et M. [X] aux dépens avec distraction au profit de la Selas Atcm.
Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que le contrat de maîtrise d’oeuvre se formait par la rencontre des volontés ; que l’établissement d’un écrit n’était pas requis à peine de nullité ; que l’absence de contrat écrit ne privait pas l’architecte de ses honoraires ; qu’il n’était pas démontré un préjudice causé par l’absence d’un contrat écrit ; que M. et Mme [X] avaient été informés du coût des honoraires par la proposition qui leur avait été adressée le 30 octobre 2013, la circonstance que cette proposition n’aurait pas été effectivement signée ne permettant pas d’établir qu’elle a été contestée ; que la réalité des travaux était démontrée ; que les courriels échangés entre les parties établissaient le principe d’une commande et l’ampleur de cette dernière ; qu’il importait peu que des travaux de moindre ampleur aient finalement été commandés à l’entreprise ZMJL ; que ce choix des maîtres d’ouvrage ne les autorisait pas à s’exonérer de la rémunération due à l’architecte ; qu’aucune faute de l’architecte ne saurait être déduite de ce que ses propositions n’avaient pas rencontré l’agrément des maîtres d’ouvrage qui auraient finalement opté pour des réalisations moins coûteuses ; qu’il n’était pas démontré que les devis établis par la société ZMJL complétés par celui de la société BSA correspondaient à l’intégralité des réalisations proposées par l’architecte à la demande des maîtres de l’ouvrage ; qu’en conséquence, les travaux facturés correspondaient bien à ceux effectivement réalisés en exécution de la convention des parties.
Par déclaration en date du 16 janvier 2020, Mme [R] épouse [X] et M. [X] ont relevé appel de ce jugement dans toutes ses dispositions.
DEMANDES DES PARTIES
Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 10 juin 2020, Mme [R] épouse [X] et M. [X], appelants, demandent à la cour, au visa des articles 1103 et 1104 du code de civil de :
– infirmer la décision entreprise,
– débouter M. [I] de sa demande de rémunération, celle-ci ne correspondant ni à la réalité des prestations exécutées, ni à la réalité de leur budget,
– dire qu’ils offrent de régler pour solde de tout compte la somme de 3 024 € TTC,
Subsidiairement,
– dire que le calcul des honoraires ne pourra s’établir que sur la base du devis signé avec l’entreprise Zmjl,
– condamner M. [I] à leur régler la somme de 2 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Ils soutiennent que M. [I] a manqué à ses obligations professionnelles ; qu’il a commis une faute en ne proposant pas, avant toute intervention, la signature d’un contrat clair permettant de définir ses honoraires, et qu’il n’a jamais obtenu leur accord sur les différentes propositions établies et n’a jamais sollicité de leur part la définition d’une enveloppe financière de travaux. Ils font valoir que le projet établi par M. [I] a été abandonné, faute de correspondre à leurs moyens financiers, et que la seule partie de mission utile a été celle des relevés des existants, soit une somme due de 3.024 euros ; subsidiairement, ils soutiennent que l’assiette servant de base à la rémunération de l’architecte doit être le coût des travaux effectivement réalisés, soit sur la base d’un devis de 129.572,69 euros HT.
Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 5 août 2020, M. [I], intimé, demande à la cour, au visa des articles 1147 et 1134 du code de civil de :
– confirmer le jugement dont appel tant en principal qu’au titre des condamnations prononcée au titre de l’article 700,
– condamner M. et Mme [X] à lui régler la somme de 14 016 € TTC avec intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2015,
– les condamner à lui verser une somme de 2 000 € complémentaire au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Il soutient que le contrat de maîtrise d’oeuvre se forme par la rencontre des volontés ; que l’établissement d’un écrit n’est pas requis à peine de nullité ; qu’il a réalisé pas moins de 5 études et que les mails effectivement échangés entre les parties entre les mois d’avril 2014 et mai 2014 démontrent la réalité de la commande et de l’ampleur des travaux.
Motifs de la décision :
Sur les honoraires dus à M. [I] :
En vertu de l’article 1134 ancien du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L’écrit n’est pas une condition de validité du contrat d’architecte.
En l’espèce, aucun contrat écrit n’a été signé. Cependant, il ressort des échanges entre les parties que M. et Mme [X] ont conclu avec M. [I] un contrat d’architecte, en vue de la rénovation de l’ensemble immobilier dont ils étaient propriétaires. La mission de l’architecte comprenait aussi bien la maison principale que le chai. En effet, dans les échanges de mails en avril et mai 2014, il est demandé à M. [I] de travailler sur le chai.
En vertu de l’article 1147 ancien du code civil, l’architecte peut voir sa responsabilité engagée pour faute, en cas de manquement à son devoir de conseil, notamment au sujet du coût estimatif des travaux projetés. Il se doit en effet d’alerter le client sur le coût global de l’opération. Il doit s’assurer que le projet envisagé correspond aux capacités financières du client.
En l’espèce, la proposition d’honoraires du 31 octobre 2013 portait sur :
– un forfait de 2.520 euros HT pour le relevé d’état des lieux de l’ensemble de la maison et des différentes annexes et le plan d’état des lieux ;
– 3% de l’estimation des travaux avec un minimum de 2.500 euros HT pour l’avant-projet sommaire, l’avant-projet définitif, l’estimation sommaire et la déclaration préalable.
Aucune estimation des travaux n’était faite à ce stade.
La proposition d’honoraires du 13 mai 2014 portait sur :
– un forfait de 2.520 euros HT pour le relevé d’état des lieux de l’ensemble de la maison et des différentes annexes et le plan d’état des lieux ;
– 3% de l’estimation des travaux soit 550.000 euros HT (au lieu de 594.0000 euros HT) X 3% = 16.500 euros HT pour l’avant-projet sommaire, l’avant-projet définitif, l’estimation sommaire et la déclaration préalable.
La facture n°1 du 16 juin 2014, ‘calculée au plus juste’ selon les termes de M. [I], portait sur un forfait de 11.680 euros HT pour le relevé d’état des lieux de l’ensemble de la maison et des différentes annexes et le plan d’état des lieux, les avants-projets sommaires, l’avant-projet définitif, l’estimation sommaire et la déclaration préalable.
M. [I] a effectué :
– un relevé d’état des lieux ;
– les plans état des lieux (plans, coupes et façades) de l’ensemble de la construction ;
– 5 avants-projets sommaires ;
– le dossier de déclaration préalable concernant les travaux portant sur ‘cuisine d’été’, ‘réhabilitation de la grange garage’ ; ‘rénovation de la maison existante avec modification et création de plusieurs ouvertures’ ;
– une estimation sommaire des travaux à 594.000 euros HT pour l’ensemble du projet ;
– l’avant-projet définitif.
Les maîtres d’ouvrage font valoir que le budget de travaux de 594.000 euros HT pour la maison et le chai était inenvisageable pour eux, et qu’ainsi les travaux projetés par M. [I] ne correspondaient pas à leur budget.
L’architecte ne produit aucun document par lequel il les auraient interrogés sur leur budget de travaux avant l’exécution de sa mission. La première proposition chiffrée est intervenue le 13 mai 2014, soit postérieurement au début de sa mission, et il ne ressort pas des échanges entre les parties que l’enveloppe budgétaire ait été préalablement discutée entre elles. Aucune proposition d’honoraires n’a été retournée signée par les maîtres d’ouvrage.
En conséquence, l’architecte a manqué à son devoir de conseil.
Il n’est pas démontré que les époux [X] ont pu réaliser le projet à l’identique.
Au contraire, il ressort de l’expertise judiciaire réalisée par M. [B] dans le cadre d’un litige les opposant aux diverses entreprises ayant réalisé le chantier qu’ils ont fait effectuer par la société ZMJL des travaux d’un montant de 130.881,50 euros HT, outre des travaux supplémentaires de 97.363,73 euros HT, soit un montant total de 228.245,23 euros HT. Ils ont également fait réaliser des travaux de menuiserie par la Sarl BSA suivant facture du 23 mars 2015 pour un coût de 24.624 euros HT. Ceci est loin des estimatifs de M. [I]. Le projet envisagé par M. [I] n’a donc pas été réalisé.
Dès lors, la faute de M. [I] a pour conséquence que sa mission n’a pas été exécutée à la satisfaction des maîtres de l’ouvrage.
Au final, la seule partie de mission utile réalisée par M. [I] correspond au relevé des existants (relevé d’état des lieux et plan d’état des lieux), pour la somme de 2.520 euros HT, soit 3.024 euros TTC, que M. et Mme [X] reconnaissent devoir.
Le jugement du tribunal de grande instance de Toulouse du 10 septembre 2019 sera confirmé sur le principe de la condamnation au paiement d’honoraires, sauf à minorer les honoraires dus à M. [I].
M. [X] et Mme [R] son épouse seront condamnés à payer à M. [I] la somme de 3.024 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2015, date de la mise en demeure.
Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :
Le jugement dont appel étant confirmé sur le principe de la condamnation au paiement d’honoraires, les dispositions statuant sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens seront confirmées.
M. [I] qui succombe en appel sera condamné aux dépens d’appel.
Compte tenu de l’équité, tant M. [I] que M. et Mme [X] seront déboutés de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et non compris dans les dépens.
Par ces motifs,
La Cour,
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Toulouse du 10 septembre 2019, sauf sur le quantum des honoraires dus à M. [F] [I] ;
Statuant à nouveau sur le chef infirmé, et y ajoutant,
Dit que M. [I] a commis une faute dans l’exercice de sa mission en manquant à son devoir de conseil ;
Condamne Mme [S] [R] épouse [X] et M. [M] [X] à payer à M. [F] [I] la somme de 3.024 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2015 ;
Condamne M. [I] aux dépens d’appel ;
Déboute M. [I] et M. et Mme [X] de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et non compris dans les dépens.
La Directrice des services de GreffeLe Président
C. GIRAUDJ.C GARRIGUES