Rémunération de l’Architecte : 30 janvier 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/02450

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Rémunération de l’Architecte : 30 janvier 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/02450
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COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 30 JANVIER 2023

N° RG 22/02450 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MWWG

S.A.S. ROBIN

c/

[K] [H]

Nature de la décision : AU FOND

APPEL D’UNE ORDONNANCE DE REFERE

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 02 mai 2022 par le Président du Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (RG : 21/02388) suivant déclaration d’appel du 20 mai 2022

APPELANTE :

S.A.S. ROBIN, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]

représentée par Maître Max BARDET de la SELARL BARDET & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

[K] [H]

né le 04 Janvier 1988 à [Localité 3]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Mathieu BONNET-LAMBERT, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître David BODIN, avocat plaidant au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 décembre 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Emmanuel BREARD, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Roland POTEE, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Emmanuel BREARD, conseiller,

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Par contrat du 17 septembre 2020, la SAS Robin a confié à M. [K] [H] une mission de maîtrise d”uvre dans le cadre d’un projet d’extension d’un bâtiment industriel.

Il a été mis fin au contrat d’architecte par les parties suite à une réunion tenue le 23 février 2021.

Par facture du 24 février 2021, M. [H] a réclamé paiement de ses honoraires.

Par acte d’huissier en date du 18 novembre 2021, M. [H] a fait assigner en référé la SAS Robin aux fins notamment de la voir condamner à lui verser les sommes de 45.500 € à titre de provision à valoir sur ses honoraires d’architecte et de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance en date du 2 mai 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux a :

– Condamné la SAS Robin à verser à M. [H] la somme provisionnelle de 45.500 € au titre de ses honoraires ;

– Condamné la SAS Robin à verser à M. [H] la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Rejeté toutes les autres demandes ;

– Condamné la SAS Robin aux entiers dépens de l’instance.

La SAS Robin a relevé appel de cette décision par déclaration du 20 mai 2022.

Par conclusions déposées le 5 décembre 2022, la SAS Robin demande à la cour de :

– Infirmer l’ordonnance de référé rendue le 2 mai 2022 précitée en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau

– Constater que la demande en paiement provisionnelle se heurte à des contestations sérieuses qu’il n’appartient pas au juge des référés de trancher ;

– Se déclarer incompétente pour statuer sur le présent litige et inviter M. [H] à saisir le juge du fond ;

– Débouter ce dernier de ses demandes ;

– Constater qu’en cas d’éventuelle demande d’expertise judiciaire, il sera formulé les protestations et réserves d’usage ;

En tout état de cause,

– Condamner M. [H] à lui verser la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;

A titre subsidiaire,

– Infirmer l’ordonnance de référé rendue le 2 mai 2022 précitée en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau

– Constater que la somme due au titre des honoraires d’architecte ne peut être supérieure à 26.050 € ;

– Constater que si elle été tenue de payer une somme d’argent, cette dernière serait forcément compensée par des sommes indemnitaires ;

– Constater que la demande en paiement provisionnelle se heurte à des contestations sérieuses ;

– Constater que le fait d’avoir à envisager une procédure au fond avec des demandes indemnitaires de compensation est de nature à créer des contestations sérieuses ;

En conséquence,

– Débouter M. [H] de ses demandes ;

– Constater qu’en cas d’éventuelle demande d’expertise judiciaire, il sera formulé les protestations et réserves d’usage ;

En tout état de cause,

– Condamner M. [H] à lui verser la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;

A titre infiniment subsidiaire,

– Infirmer l’ordonnance de référé rendue le 2 mai 2022 précitée en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau

– Constater que la somme due au titre des honoraires d’architecte ne peut être supérieure à 26.050 € ;

– Débouter M. [H] de ses demandes ;

– Constater qu’en cas d’éventuelle demande d’expertise judiciaire, il sera formulé les protestations et réserves d’usage ;

En conséquence,

– Condamner M. [H] à lui verser la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Par conclusions déposées le 17 novembre 2022, M. [H] demande à la cour de :

– Confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé du 2 mai 2022 en ce qu’elle a condamné la SAS Robin à lui payer la somme de 45.500 € à titre de provision à valoir sur la somme qui lui est due au titre de ses prestations d’architecte, outre 1.500 € au titre des frais irrépétibles et aux dépens ;

– Y ajoutant, condamner la SAS Robin à lui payer 5.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens pour la procédure en appel ;

– A titre infiniment subsidiaire, si une expertise judiciaire était ordonnée, dire et juger qu’elle interviendra aux frais avancés de la SAS Robin ;

– Rejeter toutes demandes contraires.

L’affaire a été fixée à l’audience du 5 décembre 2022.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 21 novembre 2022, mais a fait l’objet d’un rabat par la cour et la clôture est intervenue en dernier lieu le 5 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

I Sur l’existence d’une contestation sérieuse.

L’article 835 du code de procédure civile prévoit que ‘Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire’.

La Sas Robin reproche à la décision du 2 mai 2022 d’avoir interprété le contrat conclu entre les parties le 17 septembre 2020, de ne pas avoir vérifié les diligences ayant permis l’obtention du permis de construire ou la bonne exécution des prestations dont le paiement est réclamé.

S’agissant de la première étape du contrat, celle des études préliminaires, elle dénonce le fait que l’intimé n’a pas réalisé d’estimation provisoire du coût prévisionnel des travaux.

Quant à la seconde, celle d’études d’avant-projet, elle observe que le montant des travaux a été sous-évalué suite à des oublis consécutifs à l’absence de descriptif et de mises au point du projet, notamment il a été omis la salle de production, les portes sectionnelles, l’ossature primaire, des portes de placard, des poses de bordure, des murets de soutènement. Elle souligne le fait que le budget estimé par M. [H] l’a été à hauteur de 1.394.128 € alors que le budget final a été selon elle de plus de 1.600.000 €. Elle note encore que divers murs coupe-feu prévus n’étaient au final pas nécessaires, qu’il n’a pas été prévu de normes incendie et la récupération des eaux pluviales et que le planning a été modifié du fait d’une nouvelle solution technique permettant de faire des économies, alors que les travaux avaient débuté.

Sur la troisième étape, celle relative au dossier du permis de construire, elle remarque que si ce dernier a été accordé, il contient néanmoins deux réserves relatives aux réserves émises par le SDIS et à l’obligation de végétaliser la toiture ou de poser des panneaux photovoltaïques sur la toiture ou le parking. Elle affirme que ces deux nouvelles contraintes ont remis l’équilibre du projet en cause.

Sur la facturation de l’étape ‘Etudes de projet’, elle insiste sur le fait que les documents prévus par le contrat, en particulier les pièces complémentaires administratives particulières et le cahier des clauses techniques particulières, n’ont jamais été fournis. Elle en déduit qu’aucune somme, même réduite, ne peut être due de ce chef.

Par ailleurs, elle reproche un mauvais suivi administratif du projet objet du litige, des changements de solution technique modifiant les plannings et commandes, un décalage de certains travaux alors que les travaux devaient être finis au 30 juin 2021 du fait de son activité. Ces éléments lui permettent selon elle de compenser les demandes faites par des sommes indemnitaires.

Elle admet que le rapport réalisé par M. [F] n’est pas contradictoire, mais soutient que ce dernier établit que les honoraires réclamés par M. [H] ne correspondent pas à la prestation fournie, notamment du fait documents techniques non établis ou insuffisants, d’erreurs d’estimation prévisionnelles des travaux.

A titre subsidiaire, elle reconnaît que son adversaire a réalisé une partie de son travail, mais limite le paiement de chaque étape et retient que les honoraires dus ne sauraient être supérieurs à 26.050 € HT.

Elle dit en outre avoir subi des préjudices listés par M. [F] liés à l’intervention d’un autre professionnel pour coordonner les travaux, des dépassements de budget de plus de 200.000 € du fait de carences dans la mise au point technique du projet et à l’achèvement des travaux avec 6 mois de retard.

***

La cour constate tout d’abord que l’appelante ne remet pas en cause le contrat signé entre les parties le 17 septembre 2020, ni le fait que ce dernier ait prévu une rémunération de l’architecte en fonction de phases d’avancement du projet confié.

Le premier juge n’a donc pas commis d’interprétation du contrat, n’ayant que rappelé son contenu.

Au soutien de son exception d’inexécution, la Sas Robin verse aux débats, outre les écrits émanant de ses services, l’avis de M. [B] [R] et le rapport d’assistance technique de M. [F] (pièces 8, 22 et 23 de l’appelante).

Il doit être souligné que le contrat signé le 17 septembre 2020 ne fait pas référence aux pièces pourtant considérées comme nécessaires au marché par MM. [R] et [F] (pièce 1 de l’intimée article VII en particulier). Il doit être déduit que ces documents, faute d’être entrés dans le champ contractuel, n’étaient pas obligatoires et qu’ils ne sauraient fonder une critique de la prestation réalisée par l’intimé.

Pour le surplus des contestations faites par l’appelante, il doit être remarqué que celles-ci ne résultent que du rapport de M. [F] et de son courrier subséquent. Or, il est constant qu’une partie ne saurait fonder une prétention sur le seul rapport d’un sachant, au surplus non contradictoire.

Il s’ensuit que le premier juge a justement retenu que la Sas Robin ne justifie d’aucun élément permettant de remettre en cause l’adéquation des prestations réalisées par l’architecte aux missions contractuellement fixées, donc d’une inexécution ou du moindre préjudice en découlant. Cette partie a donc l’obligation de s’acquitter des honoraires de M. [H] pour les missions accomplies jusqu’au stade du permis de construire, faute de contestation sérieuse.

C’est pourquoi, l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux le 2 mai 2022 sera confirmée.

II Sur les demandes annexes.

Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Sur ce fondement, la Sas Robin, qui succombe au principal, supportera la charge des dépens.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

En l’espèce, l’équité commande que la Sas Robin soit condamnée à verser à M. [H] la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS.

La cour,

CONFIRME l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux le 2 mai 2022 ;

y ajoutant,

CONDAMNE la Sas Robin à verser à M. [H] la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Sas Robin aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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