Rémunération de l’Architecte : 27 mai 2022 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 20/01352

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Rémunération de l’Architecte : 27 mai 2022 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 20/01352
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ARRÊT N°

MD

N° RG 20/01352 – N° Portalis DBWB-V-B7E-FM6B

[E]

C/

[O]

COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS

ARRÊT DU 27 MAI 2022

Chambre civile

Appel d’une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SAINT-DENIS en date du 25 MARS 2020 suivant déclaration d’appel en date du 13 AOUT 2020 RG n° 16/03982

APPELANTE :

Madame [D] [E]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentant : Me Cynthia LAGOURGUE, avocat postulant au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION et Me Martin RADZIKOWSKI avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur [J] [O]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Rémi BONIFACE, avocat plaidant au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DATE DE CLÔTURE : 27 Mai 2021

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 25 Mars 2022 devant Monsieur DELAGE Martin, Président de la Chambre d’Appel de Mamoudzou, délégué à la Cour d’Appel de Saint Denis de la Réunion par ordonnance de Monsieur Le Premier Président , qui en a fait un rapport, assisté de Madame Alexandra BOCQUILLON, Adjointe administrative, les parties ne s’y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l’issue des débats, que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 27 Mai 2022.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Monsieur Martin DELAGE, Président de chambre à la Chambre d’Appel de Mamoudzou, délégué à la Cour d’Appel de Saint Denis de la Réunion par ordonnance de Monsieur Le Premier Président

Conseiller :Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de la Chambre d’Appel de Mamoudzou, délégué à la Cour d’Appel de Saint Denis de la Réunion par ordonnance de Monsieur Le Premier Président

Conseiller :Monsieur Cyril OZOUX, Président de la Chambre d’Appel à la Chambre d’appel de Mamoudzou, délégué à la Cour d’Appel de Saint Denis de la Réunion par ordonnance de Monsieur Le Premier Président

Qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Alexandra BOCQUILLON

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Nathalie TORSIELLO

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 27 Mai 2022.

* * *

LA COUR :

EXPOSE DU LITIGE

1. Dans le cadre d’un projet initial de réhabilitation hôtelière d’un ensemble immobilier situé au [Adresse 1], comprenant notamment une villa inscrite au titre des monuments historiques (ci-après « la Villa ») et ses dépendances, Madame [E] s’est rapprochée en novembre 2011 de l’Etude de Monsieur [O], architecte.

2. Après un premier rendez-vous sur site le 22 décembre 2011, le 6 mars 2012, l’architecte a fait parvenir à Mme [E] une « Notice descriptive Sommaire » des travaux de restauration de la Villa en précisant que « la décomposition des missions [était] en cours et lui [serait] communiquée un peu plus tard. »

3. Le 5 avril 2012, Monsieur [O] a adressé à Mme [E] une seconde estimation et une proposition d’honoraires associée. Cette proposition se décomposait en sept phases distinctes de missions de maîtrise d”uvre APS, APD, PROJET, ACT, VISA, DET, AOR, auxquelles s’ajoutait notamment une mission complémentaire préalable de diagnostic DIAG. A chacune de ces étapes était associé un pourcentage du montant total des travaux.

4. Aux termes de cette estimation prévisionnelle, le coût total des travaux de réhabilitation s’élevait à 1.964.360,80 euros TTC, options exclues. Quant au taux de rémunération de l’architecte mandataire, il était fixé à 10% de l’estimation prévisionnelle totale incluant les missions complémentaires, soit à 217.810,58 euros TTC.

5. Après divers échanges et un mois de réflexion suite à la réception de la proposition d’honoraires, Mme [E] a donné le 7 mai 2012 à M. [O], d’une part, et à son co-traitant la société BOIS DE BOUT, d’autre part, deux ordres de commande pour la première phase dite « Diagnostic», estimée à un montant de 4.177,25 euros TTC.

6. Par la suite Mme [E] a adressé à l’architecte un ordre de commande pour la phase esquisse. Le 8 octobre suivant, la note d’honoraires correspondant à la phase esquisse lui était adressée.

7. Le 8 mars 2013, M. [O] a adressé à Mme [E] une note d’honoraires n°2 relative à la facturation à hauteur de 30% de la phase « APS » pour l’ensemble du projet hôtelier, calculée sur le montant prévu à la proposition d’honoraires initiale du 5 avril 2012, soit à hauteur de 7.600,95 euros TTC.

8. Par courriel en date du 20 mars 2014, M. [O] écrivait à Mme [E] qu’il entendait lui facturer entre 70 et 80% de la mission « APS », considérant qu’il avait réalisé « la quasi-totalité des études d’Avant-Projet Sommaire sur la base du projet d’hôtel.

9. Le 20 octobre 2014, M. [O] a remis à Madame [E] une facture correspondant à 80 % de la phase « APS », soit un montant de 12.177, 80 euros TTC.

10. Par courriers recommandés en date des 25 novembre 2014 et 23 janvier 2015, Monsieur [O] mettait Madame [E] en demeure de payer ladite facture.

11. Monsieur [O] a saisi l’ordre des architectes qui a rendu après deux rencontres des parties un procès-verbal de non conciliation.

12. Par acte introductif du 24 octobre 2016, Monsieur [J] [O] a assigné Madame [D] [E] devant le tribunal de grande instance de SAINT-DENIS, en réclamant à la juridiction saisie de :

– Constater que Mme [E] a refusé de régler sans motif légitime les honoraires dus au titre des prestations réalisées dans le cadre de la phase « APS » et correspondant à la somme de 12.177,80 euros TTC ;

– Constater que Madame [E] a commis de graves manquements contractuels ;

– Prononcer la résolution judiciaire du contrat aux torts exclusifs de Madame [E] ;

– Condamner Madame [E] à payer à M. [O] :

‘ Au titre des prestations réalisées à hauteur de 80% de la phase « APS », la somme de 12.177,80 euros TTC ;

‘ Au titre de 20% du montant total des honoraires lesquels auraient dus prétendument lui être versés au-delà de la phase « APS », la somme de 36.492,41 euros TTC ;

– Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir ;

– Condamner Madame [E] à payer à M. [O] la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

13. Le tribunal a rendu son jugement le 25 mars 2020 aux termes duquel il a:

– Prononcé la résolution judiciaire du contrat APS aux torts exclusifs de Mme [E] ;

– A condamné Mme [E] à payer à M. [O] la somme de 12177,80€ au titre des prestations réalisées à hauteur de 80% de la phase APS;

– A débouté les parties et notamment M. [O] pour le surplus de ses demandes ;

– A condamné Mme [E] au paiement d’un article 700 du CPC et aux dépens.

14. Mme [E] a interjeté appel de cette décision.

******

Vu les conclusions prises pour Madame [D] [E], déposées et notifiées par RPVA le 13 Novembre 2021, par lesquelles elle demande à la Cour de :

– CONSTATER l’absence d’un quelconque contrat ou accord légalement formé entre M. [J] [O] et Mme [D] [E] pouvant porter sur des prestations au-delà de la phase « APS » ;

-CONSTATER au surplus l’absence d’une quelconque diligence exécutée par M. [J] [O] dans ce cadre;

– CONSTATER par ailleurs le défaut d’accomplissement de 80% de la phase « APS » par M. [J] [O] ;

– CONSTATER enfin l’absence de manquement(s) contractuel(s) de la part de Mme [D] [E].

En conséquence,

-DIRE ET JUGER que M. [J] [O] doit être débouté de sa demande en paiement de 20% du montant des honoraires prévisionnels portant sur de prétendues diligences jamais réalisées au-delà de la phase «APS»;

-DIRE ET JUGER que M. [J] [O] doit être débouté de sa demande en paiement de 80% du montant des honoraires prévisionnels afférents à la phase «APS» ;

-DIRE ET JUGER que M. [J] [O] doit être débouté de sa demande tendant au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat « APS » aux torts exclusifs de Mme [D] [E].

A titre reconventionnel :

-DIRE ET JUGER que M. [J] [O] a manqué à son devoir de conseil dans son appréciation de la possibilité de déposer la façade principale de la Villa ;

-DIRE ET JUGER que M. [J] [O] a fait preuve de mauvaise foi dans l’exécution de ses obligations contractuelles.

En conséquence,

-CONDAMNER M. [J] [O] à payer à Mme [D] [E] la somme de 16 625,75 € à titre de dommages et intérêts, en réparation des préjudices qu’elle a subis ;

-PRONONCER la résiliation du contrat «APS» aux torts exclusifs de M. [O].

En tout état de cause :

-CONDAMNER M. [J] [O] à payer à Mme [D] [E] la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

-Le CONDAMNER en tous les dépens ;

-ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Vu les conclusions prises pour Monsieur [J] [O], déposées et notifiées par RPVA le 12 février 2021, par lesquelles il demande à la Cour de:

-CONFIRMER le jugement rendu le 25 mars 2020 par le Tribunal Judiciaire de Saint Denis en ce qu’il a :

-PRONONCE la résolution judiciaire du contrat aux torts exclusifs de Madame [E],

-CONDAMNE Madame [E] au paiement des sommes suivantes :

– la somme de 12.177,80€ TTC due au titre des prestations réalisées à hauteur de 80% de la phase APS,

– la somme de 3000€ au titre de l’article 700 du CPC et aux entiers dépens,

-DEBOUTE Madame [E] de ses demandes,

Y ajoutant,

-CONDAMNER Madame [E] à verser la somme de 5000€ au titre de l’article 700 du CPC correspondant aux frais irrépétibles de première instance,

-INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de paiement formulé par Monsieur [O] à hauteur de la somme de 36.492,41€,

Statuant à nouveau ,

-JUGER recevable et bien fondée les demandes , fins et prétentions de Monsieur [O]

-CONSTATER l’existence d’un contrat liant les parties dont Madame [E] reconnaît l’existence par aveu judiciaire,

-JUGER que Monsieur [O] a accompli les diligences commandées à hauteur de 80% de la phase APS,

-CONSTATER que Madame [E] a refusé de régler sans motif légitime les honoraires restant dus au titre des prestations réalisées dans le cadre de la phase APS et correspondant à la somme de 12.177,80 € TTC,

– JUGER que Madame [E] a commis de graves manquements contractuels,

-JUGER que Monsieur [O] a été privé de l’intégralité de sa mission et de l’intégralité de ses honoraires,

-CONDAMNER Madame [E] à verser à Monsieur [O] 12.177,80€ TTC due au titre des prestations réalisées à hauteur de 80% de la phase APS,

-CONDAMNER Madame [E] à verser à Monsieur [O] la somme de 36.492,41€ correspondant à 20% du montant total qui auraient dus être versés à Monsieur [O] au titre de la phase APS restant à réaliser ainsi qu’aux honoraires au-delà de la phase APS,

-DEBOUTER Madame [E] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

-JUGER que la demande reconventionnelle de Madame [E] tendant à faire reconnaître un manquement au devoir de conseil de [J] [O] et voir prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs de ce dernier n’est pas mentionnée expressément dans la déclaration d’appel enregistrée ,

-JUGER que la demande reconventionnelle ne défère pas à la Cour ces deux chefs de jugement critiqués,

-JUGER que la Cour n’a pas été saisie de ces demandes reconventionnelles,

-JUGER irrecevables les demandes reconventionnelles de Madame [E],

En tout état de cause,

-JUGER infondé l’appel limité par Madame [E] aux chefs de jugement critiqués dans sa déclaration d’appel,

En tout état de cause,

-ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir,

-CONDAMNER Madame [E] à payer à Monsieur [O] la somme de 5.000,00 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Rémi BONIFACE conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de Procédure Civile.

******

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION:

15. Les demandes tendant simplement à voir «dire et juger», «rappeler» ou «constater» ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu’il soit tranché un point litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n’y répondra pas.

16. Les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance, y compris celles relatives à l’exécution provisoire. En l’absence d’élément nouveaux soumis à son appréciation la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu’elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties. Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions.

17. Mme [E] ne conteste avoir missionné Monsieur [O] pour l’accomplissement des phases de « Diagnostic », « Esquisse » et « APS », chacun de ces ordres de mission manifestant son acceptation des termes de la proposition d’honoraire relatifs à ces différentes phases. Madame [E] réfute en revanche la formation de tout contrat de louage d’ouvrage au-delà de la phase « APS ». Elle considère que la phase « APS » n’a elle-même pas été achevée du fait des différends opposants les parties, et qu’en aucun cas elle n’a donné ordre de mission à M. [O] pour l’accomplissement des phases d’étude et de réalisation postérieures.

18. Madame [E] reconnaît qu’un contrat ayant pour première étape « la réalisation de la phase diagnostic » s’est formé entre les parties lorsque par son ordre de mission du 7 mai 2012, elle a accepté par écrit la proposition d’honoraires fixée préalablement. Elle admet que le contrat a été poursuivi avec la réalisation de la phase esquisse également validée lorsqu’elle a missionné son architecte par courriel en date du 22 août 2012.

19. Elle reconnait avoir accepté la phase APS- objet du litige- en donnant ordre de commande à l’entreprise BOIS DEBOUT associée à cette mission par courriel du 10 avril 2013 ainsi qu’en versant au demandeur un acompte de 30% des honoraires correspondant à cette mission.

20. Aux termes de ses écritures, elle ne conteste plus l’existence d’un contrat liant les parties jusqu’à la phase APS incluse mais soutient qu’il n’y aurait jamais eu de contrat au-delà de la phase APS.

21. La Cour relève que le conseil de l’ordre des architectes saisi d’une demande de résolution amiable du conflit, à l’issue d’une première réunion qui s’est tenue le 24 août 2015 à l’ordre des architectes, en présence des deux parties (Cf. pièce n°26 intimé : Convocation de l’ordre des architectes du 17.08.15), a estimé, au vu des pièces fournies, que la demande en paiement de la phase APS correspondant à la note d’honoraires n°3 de Monsieur [O] était bien fondée. L’avis des conclusions du Conseil a été donc rendus dans ces termes (Cf. pièce n°27 : PV du 24.08.15) : « Le Conseil estime juste la position de l’architecte au vu du travail global fourni sur l’ensemble des phases réalisées [‘].

22. Le bordereau d’envoi comportant la note honoraires n°3 signée par Madame [E] vise bien « la facturation de la phase APS à 80% de l’opération citée en objet » (Cf pièce n°41 : bordereau de remise de la note honoraires n°3 concernant la facturation de la phase APS à 80% de l’opération citée en objet). L’existence de cette mention et la signature du maître d’ouvrage sur ce document explicite confirment l’existence d’un contrat au niveau de la phase APS entre les parties.

23. C’est donc à juste titre que le tribunal a prononcé la résolution judiciaire du contrat APS aux torts exclusifs de Madame [E] et l’a condamnée à payer à [J] [O] la somme de 12.177,80€ au titre des prestations réalisées à hauteur de 80% de la phase APS.

24. C’est également à juste titre que le tribunal a débouté M.[O] de ses demandes pour des missions au delà de la phase APS, celles-ci n’ayant pas été réalisées ce qui n’est pas contesté.

25. La décision sera confirmée en toutes ses dispositions.

26. Il serait inéquitable de laisser à la charge de M.[O] l’intégralité des frais engagés en cause d’appel et non compris dans les dépens. Madame [E] sera condamnée à lui verser la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

27. Madame [E] qui succombe supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS:

La Cour d’appel de Saint Denis, statuant par décision contradictoire et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions la décision du tribunal judiciaire de Saint Denis en date du 25 mars 2020,

Condamne Madame [D] [E] à verser à Monsieur [J] [O] la somme de 2.000 euros en application ses dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame [D] [E] aux dépens dont distraction au profit de Maître Rémi BONIFACE conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Martin DELAGE, Président de chambre, et par Madame Nathalie TORSIELLO, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT

 


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