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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 25 MAI 2023
N° RG 19/05375 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LING
SCCV BYRON BAY
c/
SELARL ARCHITECTURE SITES ET ENVIRONNEMENT
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 04 septembre 2019 (R.G. 18/09208) par la 7ème chambre civile du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 10 octobre 2019
APPELANTE :
La SCCV BYRON BAY,
Société Civile de Construction Vente, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de BORDEAUX sous le numéro 824 479 505, dont le siège social est situé [Adresse 1],
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié es qualité audit siège
Représentée par Me Mathieu BONNET-LAMBERT, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
La SELARL ARCHITECTURE SITES & ENVIRONNEMENT,
immatriculée au R.C.S. de BORDEAUX sous le numéro 412 197 188, au capital de 7 .622,45 €, représentée par son gérant Monsieur [H] [W], architecte DPLG, ayant son siège social [Adresse 2]
Représentée par Me Julien MAZILLE de la SCP LATOURNERIE – MILON – CZAMANSKI – MAZILLE, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 avril 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Paule POIREL, Président,
Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,
Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller,
Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE :
Par contrat du 15 septembre 2016, la société par actions simplifiées Fontenelle (la SAS Fontenelle) a confié a la Selarl Architecture Sites & Environnement, représentée par M. [H] [W], architecte, une mission de maîtrise d’oeuvre en vue de la construction d’une résidence dénommée Byron Bay située aux numéros [Adresse 3] à [Localité 4], ensemble immobilier comportant des logements et deux commerces.
Le coût global de 1’opération a été chiffré à la somme de 2 437 500 euros HT et la rémunération de l’architecte calculée sur la base d’un taux de 8% du montant prévisionnel HT des travaux, soit 1a somme de 195 000 euros HT.
Le 20 juillet 2017, la société civile de construction vente Byron Bay (la SCCV Byron Bay), venant en lieu et place de la SAS Fontenelle, a régularisé avec la Selarl Architecture Sites & Environnement un nouveau contrat valant réitération des termes de l’engagement initial et précisant la répartition des honoraires entre la maîtrise d”uvre de conception et la maîtrise d”uvre d’exécution.
Alléguant l’absence de paiement intégral de ses honoraires, la Selarl Architecture Sites et Environnement a saisi le conseil régional de 1’ordre des architectes qui a rendu un avis le 5 février 2018.
Par la suite, la société d’architecture a, par actes du 17 octobre 2018, assigné la SAS Fontenelle et la SCCV Byron Bay devant le tribunal de grande instance de Bordeaux afin d’obtenir, sur le fondement de l’article 1217 du code civil, la résiliation anticipée du contrat.
Le jugement rendu le 04 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Bordeaux a :
– déclaré irrecevables les demandes formées par la Selarl Architecture Sites et Environnement contre la SAS Fontenelle,
– rejeté l’exception d’inexécution soulevée par la SCCV Byron Bay,
– condamné la SCCV Byron Bay à payer à la Selarl Architectures Sites et Environnement la somme de 20 856 euros TTC au titre du solde de ses honoraires avec intérêts moratoires contractuels à compter du 30 septembre 2017,
– ordonné la déconsignation de la somme de 20 856 euros TTC consignée sur le compte CARPA de Me [E] le 1er février 2018 au profit de la Selarl Architecture Sites et Environnement sur production de la signification à partie du jugement,
– prononcé la résiliation du contrat du 20 juillet 2017 aux torts exclusifs de la SCCV Byron Bay,
– condamné la SCCV Byron Bay à payer à la Selarl Architecture Sites et Environnement la somme de 9 004 euros HT, soit 10 804,80 euros TTC, au titre de l’indemnité contractuelle,
– sursis à statuer sur la demande complémentaire portant sur le solde des honoraires dus pour la phase ‘après purge du permis de construire’ dans 1’attente de la décision de la juridiction administrative suite au recours exercé par un tiers, 1e litige étant actuellement pendant devant le tribunal administratif de Bordeaux et ordonné le renvoi à l’audience de mise en état du 27 mars 2020,
– débouté la SCCV Byron Bay de ses demandes,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– condamné la SCCV Byron Bay à payer à la Selarl Architecture Sites et Environnement la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SCCV Byron Bay aux entiers dépens,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
– rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.
La SCCV Byron Bay a relevé appel de cette décision le 10 octobre 2019 et intimée uniquement la Selarl Architecture Sites & Environnement, critiquant le jugement en ce qu’il :
– a rejeté l’exception d’inexécution soulevée par ses soins,
– l’a condamnée à payer à la Selarl Architectures Sites & Environnement la somme de 20 856 euros TTC au titre du solde de ses honoraires avec intérêts moratoires contractuels à compter du 30 septembre 2017,
– a ordonné la déconsignation de la somme de 20 856 euros TTC consignée sur le compte CARPA de Me [E] le 1er février 2018 au profit de la Selarl Architecture Sites et Environnement sur production de la signification à partie du jugement,
– a prononcé la résiliation du contrat du 20 juillet 2017 à ses torts exclusifs,
– l’a condamnée à payer à la Selarl Architecture Sites & Environnement la somme de 9 004 euros HT soit 10 804,80 euros TTC, au titre de l’indemnité contractuelle,
– sursis à statuer sur la demande complémentaire portant sur le solde des honoraires dus pour la phase ‘après purge du permis de construire’ dans 1’attente de la décision de la juridiction administrative suite au recours exercé par un tiers, 1e litige étant actuellement pendant devant le tribunal administratif de Bordeaux et ordonné le renvoi à l’audience de mise en état du 27 mars 2020,
– l’a déboutée de ses demandes,
– a débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– l’a condamnée à payer à la Selarl Architecture Sites & Environnement la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’a condamnée aux entiers dépens,
– a dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
– a rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 02 juin 2020, la SCCV Byron Bay demande à la cour, sur le fondement des articles 1219 et 1220 du code civil ainsi que de l’article 564 du code de procédure civile :
– de la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
A titre principal :
– de la dire et juger bien fondée à se prévaloir de l’exception d’inexécution en raison des graves manquements de la société Architectures Sites et Environnement à ses obligations contractuelles,
– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fait droit aux demandes en paiement d’honoraires dirigées à son encontre,
– de débouter en conséquence la société Architecture Sites et Environnement de l’intégralité de ses demandes en paiement à son encontre,
– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la résiliation anticipée du contrat d’architecture en date du 20 juillet 2017,
– de l’infirmer en ce qu’il a fait droit aux prétentions indemnitaires de la société Architecture Sites et Environnement de ce chef,
En tout état de cause :
– de dire et juger n’y avoir lieu au versement d’une indemnité de résiliation anticipée au profit de la société Architecture Sites & Environnement,
– de déclarer la société Architecture Sites et Environnement irrecevable en sa demande de paiement du solde des honoraires après purge du permis de construire,
– de débouter en tout état de cause la société Architecture Sites & Environnement de l’intégralité de ses prétentions à son encontre,
– de condamner la société Architecture Sites & Environnement à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de Me [E] en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 07 décembre 2020, la Selarl Architecture Sites & Environnement demande à la cour de :
– déclarer la SCCV Byron Bay mal fondée en son appel et l’en débouter,
– rejeter l’ensemble de ses demandes,
– confirmer la décision déférée,
Y ajoutant :
– constater que la cause du sursis à statuer prononcé par le tribunal sur la demande relative aux honoraires dus après ‘purge du permis de construire’ a disparu,
– condamner la SCCV Byron Bay à lui payer les sommes de :
– 24 000 euros TTC avec intérêts de droit à compter du 23 octobre 2019,
– 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2023.
MOTIVATION
Sur la demande en paiement du solde des honoraires
Aux termes des dispositions de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance numéro 2016-131 du 10 février 2016 applicable au présent litige, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
La mission confiée à la société d’architecte comprenait une première phase APS-APD et PC prévoyant le règlement d’honoraires de 5% au dépôt du dossier de permis de construire, de 15% à I’obtention de ce permis et de 15% à la purge du permis de construire.
La phase APS facturée au maître d’ouvrage a bien été réglée par celui-ci à hauteur de la somme de 9.750 € HT.
Le permis de construire a été délivré le 06 juillet 2017 par la mairie de la commune d'[Localité 4] et transféré à la SCCV Byron Bay le 03 août suivant.
La Selarl Architecture Sites & Environnement a émis le 13 juillet 2017 une seconde note d’honoraires représentant la somme de 28 230 euros HT.
Le 29 août 2017, la SCCV Byron Bay s’est acquittée de la somme de 13.020 €.
La Selarl Architecture Sites & Environnement réclame le paiement par l’appelante du montant du solde de la facture relative à la mission APD s’élevant à la somme de 20 856 euros TTC.
Se prévalant de l’exception d’inexécution, le maître d’ouvrage a refusé le versement réclamé en arguant de la commission de graves fautes commises par la Selarl Architecture Sites & Environnement dans l’exécution de sa prestation.
La contestation par un riverain du permis de construire ne constitue pas à elle-seule un motif permettant à la SCCV Byron Bay de se dispenser du paiement du montant réclamé par la société d’architecture.
L’appelante considère que la Selarl Architecture Sites & Environnement a commis des fautes d’exécution consistant d’une part en l’insuffisance de la notice architecturale, du plan de masse ainsi que d’autre part une méconnaissance des règles du code de l’urbanisme et du plan local d’urbanisme (PLU). Elle estime que les graves manquements commis par celle-ci l’obligent à procéder à un demande d’un permis de construire modificatif.
La société Qualiconsult, mandatée par la SCCV Byron Bay, a relevé dans un rapport le non respect dans les plans réalisés par la société d’architecture des règles relatives à l’accessibilité des personnes handicapées, certains oublis (gaine de ventilation), les erreurs commises en matière de sécurité incendie du bâtiment rejaillissant notamment sur sa solidité (p12 à 14).
Pour autant, ces griefs, à supposer établis ce qui ne peut être le cas par la production d’un unique document établi, qu’il soit soumis ou non à la contradiction des parties, et non corroboré par d’autres éléments de preuve, doivent être appréciés au stade de l’exécution par la Selarl Architecture Sites & Environnement de sa mission PRO et non de celui des missions APD et PC.
Il doit être ajouté que la requête initiée par certains riverains devant le juge administratif afin d’obtenir l’annulation du permis de construire n’a été déposée que le 05 janvier 2018 alors que le solde des honoraires a été réclamé par la société d’architecture dès le 13 juillet 2017.
Enfin, dans sa décision du 04 mars 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a constaté le désistement d’action des requérants de sorte qu’il doit être considéré que le permis de construire est désormais purgé de tout recours à cette date. Aucun permis modificatif ne doit en l’état être déposé.
En conséquence, la SCCV Byron Bay ne peut se prévaloir de l’exception d’inexécution pour refuser le paiement des sommes dues à la Selarl Architecture Sites & Environnement. Ne s’étant pas acquittée de ses propres obligations contractuelles, le jugement l’ayant condamnée au versement à la société d’architecture de la somme de 20 856 euros TTC au titre du solde de ses honoraires, avec intérêts moratoires contractuels à compter du 30 septembre 2017 et au taux légal à compter du jugement, et prononcé la résiliation du contrat à ses torts exclusifs sera donc confirmé. L’indemnité contractuelle prévue en cas de résiliation imputable à l’une des parties est donc due de sorte que le jugement entrepris sera également confirmé sur ce point.
Sur le paiement de la mission PC
Selon les dispositions de l’article 564 du code de procédure civile ‘A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles pretensions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les pretensions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.’
Cependant, les dispositions de l’article 565 y ajoutent que ‘les pretensions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges, même si leur fondement juridique est différent’ et celles de l’article 566 que ‘les parties ne peuvent ajouter aux pretensions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.’
En première instance, la Selarl Architecture Sites & Environnement avait sollicité le paiement par la SCCV Byron Bay de la somme de 24 000 euros TTC correspondant à ses honoraires en exécution de la mission PC tout en réclamant une décision de sursis à statuer dans l’attente de la décision administrative.
L’appelante ne peut dès lors prétendre que cette prétention est nouvelle en cause d’appel pour soulever son irrecevabilité. Certes, la date de la décision administrative constatant le désistement des requérants est antérieure à celle du jugement déféré. Cependant, la réclamation présentée par la société d’architecture était dans les débats dès le stade de la première instance et celle-ci démontre très clairement que la SCCV Byron Bay lui a volontairement caché l’issue du recours déposé devant la juridiction administrative lors de la procédure de première instance.
Comme indiqué ci-dessus, le permis de construire obtenu le 06 juillet 2017 est désormais purgé.
Le 23 octobre 2019, la société d’architecture a réclamé en vain le versement par la SCCV Byron Bay de la somme en exécution de la mission PC.
Compte-tenu de ces éléments, il n’y a donc plus lieu de prononcer un sursis à statuer. En exécution de ses obligations contractuelles, l’appelante sera donc condamnée au paiement à la Selarl Architecture Sites & Environnement de la somme de 24 000 euros TTC, avec intérêts au taux légal, et non ‘de droit’, à compter de la date de la demande en paiement valant mise en demeure.
Sur l’article 700 du code de procédure civile
Outre la somme mise à la charge de la SCCV Byron Bay en première instance, il y a lieu en cause d’appel de la condamner au versement à la Selarl Architecture Sites & Environnement d’une indemnité complémentaire de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de rejeter les autres demandes de ce chef.
PAR CES MOTIFS
– Infirme le jugement rendu le 04 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Bordeaux en ce qu’il a :
– sursis à statuer sur la demande complémentaire portant sur le solde des honoraires dus pour la phase ‘après purge du permis de construire’ dans l’attente de la décision de la juridiction administrative suite au recours exercé par un tiers ;
– ordonné le renvoi à l’audience de mise en état du 27 mars 2020 ;
et, statuant à nouveau dans cette limite :
– Condamne la Société Civile de Construction Vente Byron Bay à payer à la Société d’Exercice Libéral à Responsabilité Limitée Architecture Sites & Environnement la somme de 24 000 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 2019 ;
– Confirme le jugement déféré pour le surplus avec la précision que la condamnation de la société civile de construction vente Byron Bay au paiement à la Société d’Exercice Libéral à Responsabilité Limitée Architecture Sites & Environnement de la somme de 20 856 euros TTC au titre du solde de ses honoraires est prononcée avec intérêts moratoires contractuels à compter du 30 septembre 2017 et au taux légal à compter du jugement ;
Y ajoutant ;
– Condamne la Société Civile de Construction Vente Byron Bay à verser à la Société d’Exercice Libéral à Responsabilité Limitée Architecture Sites & Environnement une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Rejette les autres demandes présentées sur ce fondement ;
– Condamne la Société Civile de Construction Vente Byron Bay au paiement des dépens d’appel.
La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE