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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 54G
4e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 16 MAI 2022
N° RG 20/01450 – N° Portalis DBV3-V-B7E-TZLS
AFFAIRE :
[W] [I]
C/
[L] [B] [O]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 16 Janvier 2020 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
N° Chambre : 4
N° RG : 18/05634
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Jean-Christophe CARON
Me Ghislaine MAZZEI-BEAUGRAND
Me Claire RICARD,
Me Sophie POULAIN
Me Christophe DEBRAY
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT-TROIS MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [W] [I]
Né le 19 Mars 1943 à [Localité 9] ([Localité 9])
de nationalité française
[Adresse 7]
[Localité 10]
Représentant : Me Jean-Christophe CARON de la SELARL DES DEUX PALAIS, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 38.
APPELANT
****************
Monsieur [L] [B] [O]
Né le 09 Décembre 1969 à PITTSBURGH, PENNSYLVANIE (Etats (USA), de nationalité américaine
[Adresse 4]
[Localité 9]
Représentant : Me Sophie POULAIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 180, et Me Jacques MIQUEL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0290.
S.A.R.L. BATIMENT TRAVAUX CONSTRUCTION ETUDES FRANCE La société BATIMENT TRAVAUX CONSTRUCTION ETUDES France (BTCE), SARL inscrite au RCS d’EVREUX sous le numéro 533 389 656,
N° SIRET : 533 38 9 6 56
[Adresse 6]
[Localité 9]
Représentant : Me Ghislaine MAZZEI-BEAUGRAND, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 688, et Me Olivier BEAUGRAND de l’AARPI OB£MA CONSEILS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0457.
COMPAGNIE D ‘ASSURANCE LLOYD’S BEAZELY SOLUTION LTD prise en sa qualité d’assureur de responsabilité civile et décennale de l’entreprise BTCE
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622, et Me Sarah XERRI-HANOTE de la SELAS HMN & PARTNERS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0581.
SARL BEAZELY SOLUTIONS LIMITED prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : 491 49 9 0 75
[Adresse 2]
[Localité 9]
Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622, et Me Sarah XERRI-HANOTE de la SELAS HMN & PARTNERS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0581.
L’AUXILIAIRE Société d’assurances mutuelles, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité
N° SIRET : 775 64 9 0 56
[Adresse 5]
[Localité 8]
S.A.R.L. EDIFIRA prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité
[Adresse 14]
[Localité 12]
Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627, et Me Marie-Charlotte MARTY- PRUVOST, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R085.
S.A.S. QUALICONSULT prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité
[Adresse 1]
[Localité 11]
Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627, et Me Marie-Charlotte MARTY- PRUVOST, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R085.
LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD’S DE LONDRES représentés par la SAS LLOYD’S FRANCE, sise [Adresse 13], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : B42 206 661 3
[Adresse 13]
[Localité 9]
Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622, et Me Sarah XERRI-HANOTE de la SELAS HMN & PARTNERS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0581.
INTIMÉS
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Mars 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Emmanuel ROBIN, Président, ayant été enténdu en son rapport, et Madame Pascale CARIOU, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Emmanuel ROBIN, Président,
Madame Agnès Bodard-Hermant, Président,
Madame Pascale CARIOU, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Boubacar BARRY,
FAITS ET PROCÉDURE
M. [L] [O] est propriétaire d’un appartement au n°[Adresse 4]. Le 11 mai 2011, cet appartement a été endommagé par un incendie et, le 14 février 2012, M. [L] [O] a confié à M. [W] [I] une mission de maîtrise d”uvre pour la rénovation du bien immobilier ; M. [W] [I] a sous-traité à la société Cabinet Champion économie de la construction et maîtrise d”uvre (la société CCECMO), aujourd’hui dénommée Edifira, certaines missions ; M. [L] [O] a également fait appel aux services de M. [D] [N], en qualité de décorateur. Le 21 octobre 2013, M. [L] [O] a rompu le contrat conclu avec M. [W] [I] en reprochant à celui-ci des manquements à ses obligations contractuelles.
Le 3 juin 2014, à l’issue d’une réunion de la commission de conciliation de l’ordre des architectes, M. [L] [O] et M. [W] [I] ont conclu un procès-verbal de conciliation.
Le 17 septembre 2015, M. [L] [O] a fait assigner M. [W] [I] devant le tribunal de grande instance de Versailles afin qu’il soit condamné à lui rembourser des honoraires indûment perçus et à l’indemniser des préjudices qu’il lui a causés. Par acte d’huissier des 22, 25, 26 et 28 juillet et 23 août 2016, M. [W] [I] a appelé en intervention forcée la société Edifira et son assureur, la société L’Auxiliaire, la société Qualiconsult et son assureur, la société Axa France, la société Bâtiment travaux construction études France (la société BTCE) et son assureur, la société Beazley Solutions, la société TPI et son assureur, la société Gan assurances, ainsi que la société Services thermiques et techniques. La société des Souscripteurs du Lloyd’s de Londres est intervenue volontairement à l’instance en indiquant être l’assureur de la société BTCE.
Par ordonnance du 30 mai 2017, le juge de la mise en état a ordonné une expertise ; le rapport a été déposé le 27 avril 2018.
Par jugement en date du 16 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Versailles a :
1) condamné M. [W] [I] à payer à M. [L] [O] la somme de 73 322,40 euros en indemnisation des manquements en lien avec les cloisons Carrobric et condamné in solidum la société Edifira et la société L’Auxiliaire à garantir M. [W] [I] à concurrence de 50 % de cette condamnation,
2) condamné M. [W] [I] à payer à M. [L] [O] la somme de 10 721,39 euros en indemnisation des manquements en lien avec les plans d’implantation des appareillages d’électricité et de chauffage,
3) condamné M. [W] [I] à payer à M. [L] [O] la somme de 75 517,20 euros en restitution des honoraires indûment perçus,
4) débouté les parties de leurs autres demandes,
5) condamné M. [W] [I] aux dépens et au paiement d’indemnités par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a écarté la demande de M. [L] [O] au titre des erreurs commises sur le taux de taxe sur la valeur ajoutée en relevant que, si M. [W] [I] avait effectivement commis une faute en ne relevant pas les erreurs des entreprises qui avaient appliqué un taux réduit, cette erreur n’avait pas généré de préjudice dans la mesure où le maître de l’ouvrage s’était seulement acquitté de la taxe qu’il devait après rectification du taux par l’administration. En revanche, en considération des conclusions de l’expert judiciaire, le tribunal a retenu que M. [W] [I] avait commis une faute en faisant édifier sans étude préalable suffisante des cloisons en Carrobric, alors que ce matériau n’était pas conforme aux prescriptions du cahier des clauses techniques particulières et qu’il ne permettait pas de satisfaire les demandes du maître de l’ouvrage, et que cette faute était à l’origine de frais d’édification et de destruction inutiles ainsi que de frais de reprise de la distribution électrique. Le tribunal a également considéré que M. [W] [I] avait omis d’effectuer certaines études lui incombant, ce qui avait contraint M. [L] [O] à exposer des frais supplémentaires. Il a rejeté la demande d’indemnisation au titre d’un préjudice de jouissance et d’un préjudice moral en relevant que M. [L] [O] se contentait d’allégations et qu’il ne rapportait pas la preuve des préjudices invoqués. Pour ordonner le remboursement d’une partie des honoraires, le tribunal a évalué l’état d’avancement du chantier et a retenu le calcul proposé par l’expert judiciaire, faute pour M. [W] [I] d’avoir proposé une évaluation conforme aux stipulations contractuelles.
Pour condamner la société Edifira à garantir M. [W] [I], le tribunal, au regard de la liste des missions sous-traitées à celle-ci, a estimé que la démolition-reconstruction des cloisons relevaient de manquements à la mission ordonnancement-pilotage-coordination, mais que l’architecte, qui était présent et actif sur le chantier, n’avait pas totalement confié cette mission à son sous-traitant. En revanche, il a rejeté l’appel en garantie contre la société BTCE, qui avait réalisé les cloisons en Carrobric, aux motifs, d’une part, que, si celles-ci présentaient des défauts de harpage, ces défauts n’étaient pas la cause de la démolition des cloisons, et, d’autre part, que la société BTCE n’avait pas manqué à une obligation de conseil dans le choix des matériaux à mettre en ‘uvre. Le tribunal a également rejeté une demande de garantie contre la société Qualiconsult, contrôleur technique, en ce que le choix inadapté du matériau des cloisons était sans lien avec les missions de cette société.
Pour débouter M. [W] [I] de ses demandes reconventionnelles, le tribunal a considéré que celui-ci était mal fondé à se plaindre de l’intervention d’un décorateur choisi dès l’origine du chantier par le maître de l’ouvrage et de l’architecte de la copropriété, et qu’il avait commis des manquements à ses obligations justifiant la résiliation du contrat par le maître de l’ouvrage
*
Le 5 mars 2020, M. [W] [I] a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions déposées le 3 avril 2020, il a déclaré se désister de son appel à l’égard de la société Qualiconsult.
La société BTCE a été placée en liquidation judiciaire le 3 décembre 2020 et son mandataire liquidateur est intervenu à la procédure.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 11 janvier 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience de la cour du 14 mars 2022, à l’issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
*
Par conclusions déposées le 13 mai 2020, M. [W] [I] demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris, de débouter M. [L] [O] de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 31 665,70 euros ; il sollicite également la condamnation de la société BTCE et de la société Edifira, ainsi que celle de leur assureur, à le garantir ; enfin il réclame une indemnité de 10 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [W] [I] critique le rapport d’expertise et la motivation du jugement ; il conteste avoir commis des erreurs d’appréciation, en soutenant qu’il a été contraint d’adapter les travaux à des demandes qui n’étaient pas prévues à l’origine ; il affirme que rien n’imposait de démolir les cloisons édifiées en Carrobric et ajoute qu’il ne lui incombait pas d’établir les schémas d’implantation des appareils d’électricité et de chauffage. En ce qui concerne ses honoraires, M. [W] [I] invoque la force obligatoire du contrat conclu avec M. [L] [O] et reproche à l’expert judiciaire d’avoir ignoré la réalité des prestations et le tarif applicable. Au titre de ses appels en garantie, M. [W] [I] soutient que la société Edifira était responsable de la passation des marchés et affirme que, si le choix du matériau des cloisons devient inadapté en cours de chantier, il appartient à l’entreprise de garantir l’architecte qui n’est pas un chef de chantier.
Par conclusions déposées le 7 janvier 2021, M. [L] [O] demande à la cour d’infirmer partiellement le jugement entrepris, de débouter M. [W] [I] de ses demandes, de le condamner à rembourser la somme de 101 117 euros au titre des honoraires perçus indûment, ainsi que les sommes de 29 708,04 et 9 808,12 euros payées aux bureaux d’études techniques S2T et Axys, et celle de 25 619,47 euros acquittée au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, de condamner également M. [W] [I] à lui payer la somme de 22 440 euros en réparation du préjudice de jouissance et celle de 50 000 euros en réparation du préjudice moral, et de le condamner aux dépens et au paiement d’une indemnité de 20 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [L] [O] invoque des manquements de M. [W] [I] à ses obligations ayant conduit à la résiliation du contrat de maîtrise d”uvre ; il se réfère aux conclusions du rapport d’expertise pour démontrer les fautes commises dans l’exécution de la mission d’architecte et reproche également à son cocontractant de lui avoir fait signer un contrat ne respectant pas les usages, dans l’intérêt exclusif de l’architecte. En ce qui concerne les comptes entre les parties, M. [L] [O] reprend les constatations de l’expert et reproche au tribunal de n’avoir pas pris en compte l’intégralité des paiements et d’avoir commis une erreur sur le taux de la taxe sur la valeur ajoutée. En ce qui concerne l’erreur sur le taux de cette taxe applicable aux marchés de travaux, M. [L] [O] indique subir un préjudice résultant de l’augmentation du coût des travaux au-delà du budget fixé ; il invoque également un préjudice de jouissance résultant d’une prolongation de quatre mois de la durée des travaux et un préjudice moral résultant de la perte de confiance provoquée par les fautes de l’architecte.
Par conclusions déposées le 12 octobre 2020, la société Edifira et la société L’Auxiliaire demandent à la cour de réformer le jugement entrepris et de débouter M. [W] [I] de son appel en garantie ; la société L’Auxiliaire invoque en outre l’existence d’un plafond de garantie et d’une franchise ; elles demandent la condamnation de M. [W] [I] aux dépens et au paiement d’une indemnité de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Edifira et la société L’Auxiliaire font valoir que M. [W] [I] a sous-traité seulement une mission d’assistance à la maîtrise d”uvre d’exécution et qu’il en a donc conservé la maîtrise ; elles ajoutent que l’erreur reprochée à M. [W] [I] concernant les cloisons a été commise au stade de la conception, qu’elle n’est donc pas imputable à l’intervention ultérieure du sous-traitant et que, s’agissant des plans d’exécution, le sous-traitant était seulement chargé d’établir le planning de remise de ces plans et non ceux-ci.
Par conclusions déposées le 5 juillet 2021, le liquidateur de la société BTCE demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [W] [I] de ses demandes à son encontre, à titre subsidiaire de limiter à 5 000 euros le montant de la somme qu’elle pourrait devoir et de condamner la société des Souscripteurs du Lloyd’s de Londres à la garantir, et, en tout état de cause, de condamner M. [W] [I] aux dépens et au paiement d’une indemnité de 5 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le liquidateur de la société BTCE soutient qu’aucune faute ne peut être reprochée à cette entreprise, qui a exécuté son contrat sans susciter aucune remarque ; les cloisons auraient été démolies sans aucun constat de non-conformité ni mise en demeure d’y remédier. En outre, leur absence de conformité serait la conséquence d’erreurs de conception et de suivi de chantier commises par l’architecte, et de l’immixtion fautive du maître de l’ouvrage
Par conclusions déposées le 3 novembre 2021, la société Lloyd’s Insurance, venant aux droits de la société des Souscripteurs du Lloyd’s de Londres, et la société Beazley Solutions demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris, ou, subsidiairement, de faire application de la franchise prévue par le contrat d’assurance ; la société Lloyd’s Insurance sollicite une indemnité de 5 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Lloyd’s Insurance et la société Beazley Solutions exposent que la première a repris les contrats de la société des Souscripteurs du Lloyd’s de Londres et que la seconde n’est qu’un intermédiaire d’assurance qu’il convient de mettre hors de cause. Elles soutiennent que la responsabilité de la société BTCE n’est pas engagée et ajoutent que les demandes à l’encontre de cette société ne relèvent pas des garanties souscrites ; à ce titre, elles précisent qu’à la date de l’ordre de service la société BTCE n’était pas assurée pour l’activité cloisons sèches, que les travaux n’ont pas donné lieu à une réception, que les cloisons n’étaient pas affectées d’un désordre relevant de la responsabilité décennale du constructeur, que le contrat d’assurance a été résilié avant la réclamation et que les désordres affectant les travaux de l’assuré sont exclus de la garantie de sa responsabilité civile de droit commun. Par ailleurs, elles invoquent l’existence de fautes commises par M. [W] [I] et s’opposent à une condamnation in solidum avec celui-ci
MOTIFS
Sur les honoraires
La convention conclue entre les parties
Conformément au contrat conclu le 14 février 2012, M. [L] [O] avait confié à M. [W] [I], d’une part, une mission d’assistance dans le cadre de la gestion de l’incendie ayant détruit son appartement, afin de l’aider à élaborer le dossier de demande d’indemnisation à soumettre aux compagnies d’assurance et à l’expert judiciaire, et, d’autre part, une mission d’architecte pour la rénovation du bien immobilier, conformément à des plans à établir avec l’accord du maître d’ouvrage ; à ce titre, il avait été expressément demandé à l’architecte d’établir son projet et de définir tous les éléments de sa composition, leur importance et leur exigence particulière. Il était convenu que cette seconde mission se décomposerait en trois phases : les relevés et diagnostics, les études préliminaires, la conception du projet et la direction des travaux.
La rémunération de l’architecte avait été fixée à 11 % du montant définitif de l’ensemble des travaux, elle était payable en fonction de l’avancement des phases 2 et 3 définies ci-dessus, et elle pouvait être augmentée de deux points de pourcentage en cas de mission complémentaire d’ordonnancement, coordination et pilotage du chantier ; une rémunération horaire de 300 euros hors taxes était également prévue pour toute mission complémentaire d’assistance.
Il résulte des explications des parties, et du courriel adressé le 26 avril 2012 par M. [L] [O] à M. [W] [I], que « le budget total (incl. frais d’archi, TVA, etc) ne dois pas dépasser 1,500,000 euro ». L’expert judiciaire confirme qu’un tel budget était largement suffisant pour la rénovation de l’appartement litigieux, d’une superficie de 130 m², même en assurant des prestations luxueuses. Ainsi, compte tenu du taux de la taxe sur la valeur ajoutée, le budget total hors taxes ne devait pas excéder [1 500 000/1,195] 1 255 230 euros, dont 1 110 823 euros pour les travaux et 144 407 euros pour les honoraires de maîtrise d”uvre, y compris la mission de pilotage dans l’hypothèse où celle-ci serait confiée à M. [W] [I].
L’expert a ainsi considéré à juste titre que la rémunération maximum à laquelle M. [W] [I] pouvait prétendre s’élevait à 172 567 euros toutes taxes comprises, dont 146 019 euros pour la mission de base et 26 548 euros pour l’éventuelle mission complémentaire.
Il importe peu que le coût total de l’opération se soit élevé, après la rupture du contrat, à une somme supérieure au budget global imparti par M. [L] [O], alors que, d’une part, M. [W] [I] n’a pas exécuté sa mission pour l’ensemble des travaux ayant entraîné ce dépassement et que, d’autre part, aucun élément ne permet d’affirmer que, à la date de la rupture du contrat, les travaux décidés par le maître de l’ouvrage entraînaient déjà un dépassement de ce budget global.
L’exécution du contrat
Le contrat a été résilié sans que l’architecte ait achevé sa mission.
Les parties ne discutent pas de l’exécution de la phase 1 (relevés et diagnostics).
En ce qui concerne la phase 2, M. [W] [I] s’était engagé à réaliser une esquisse de solution d’ensemble, répondant aux attentes du maître de l’ouvrage, traduisant soit les éléments majeurs du programme déjà défini par celui-ci, soit les objectifs de l’opération et les besoins qu’elle devait satisfaire ; à ce titre il devait établir des plans des différents niveaux et, le cas échéant, certains détails et croquis permettant d’exprimer la volumétrie d’ensemble. M. [W] [I] s’était également engagé à établir et à transmettre au maître de l’ouvrage une évaluation sommaire du coût des travaux, des honoraires de l’architecte et des autres intervenants, et des autres dépenses. Enfin, il devait transmettre des conclusions sur la faisabilité de l’opération, puis arrêter le programme et l’enveloppe financière de l’opération.
Ainsi que l’a constaté l’expert, ni l’esquisse, ni l’évaluation financière, ni les conclusions de l’architecte sur la faisabilité de l’opération n’ont été établies. Contrairement à l’appréciation de l’expert, les relevés des existants n’étaient pas inclus dans la phase 2 des études préliminaires, mais dans la phase 1 définie par le contrat. Ainsi la seule activité démontrée de l’architecte en lien avec la phase 2 est un rendez-vous avec le client, ce qui ne correspond à aucune des prestations permettant de justifier une rémunération.
En ce qui concerne la phase 3, le contrat imposait à M. [W] [I] d’établir un avant-projet sommaire, avec une estimation provisoire du coût prévisionnel des travaux et du délai global de réalisation de l’opération, un avant-projet définitif détaillant les différents éléments du programme et justifiant les solutions techniques retenues, accompagné d’une estimation définitive du coût prévisionnel des travaux avec une marge de 10 %, un dossier de demande de permis de construire ou de déclaration de travaux et une étude de projet de conception générale avec un calendrier prévisible du déroulement de l’opération.
Les « trois recalages de budget successifs » invoqués par M. [W] [I], à savoir la constatation d’une augmentation des coûts faite en octobre et novembre 2013, soit plus d’un an après le démarrage des travaux, démontrent l’absence totale d’évaluation préalable et d’assistance apportée au maître de l’ouvrage pour la définition d’un programme de travaux respectant le budget global de l’opération contractuellement défini.
Au titre de ces études d’avant-projet, M. [W] [I] s’est contenté d’établir les plans d’avant-projet sommaire et des plans de projet de conception générale, ceux-ci étant d’un degré de définition similaire à ceux-là, ce dont l’expert a conclu que l’étude d’avant-projet avait été établie de façon très succincte.
Au titre de la passation des marchés de travaux, M. [W] [I] s’est contenté d’émettre trois ordres de service, sans établir de dossier de consultation des entreprises ni assister M. [L] [O] lors du choix de celles-ci. Les cahiers des clauses techniques particulières auxquels M. [W] [I] se réfère dans ses conclusions d’appel ne rapportent pas la preuve de diligences effectives accomplies à l’époque du chantier susceptibles de contredire l’appréciation portée par l’expert ; en effet, outre qu’aucun élément ne confère à ces documents une date certaine, ils ne suffisent pas à constituer un dossier de consultation des entreprises et démontreraient, au mieux, des diligences formelles succinctes sans aucune définition préalable des travaux à réaliser.
En ce qui concerne plus particulièrement le lot n°2 maçonnerie ‘ plâtrerie ‘ isolation ‘ carrelage, M. [W] [I] invoque un cahier des clauses techniques particulières établi en janvier 2013, plus de six mois après le début des travaux, et il produit un ordre de service du 9 janvier 2013, soit le même jour que l’établissement du devis de l’entreprise, ainsi qu’une décomposition du prix global et forfaitaire également datée du même jour, mais à laquelle l’ordre de service ne se réfère pas. La concomitance de ces trois documents démontre le caractère purement formel du dossier de consultation des entreprises établi pour ce lot et la carence totale de M. [W] [I] dans ses missions d’assistance au maître de l’ouvrage.
M. [W] [I] n’a pas contrôlé des études d’exécution établies par les entreprises.
M. [W] [I] a dirigé l’exécution de quelques travaux, jusqu’à la rupture du contrat d’architecte ; selon l’expert, l’avancement des travaux était alors compris entre 40 et 50 %. Les dernières missions de la phase 3, à savoir l’assistance aux opérations de réception et l’établissement du dossier des ouvrages exécutés, n’ont pas été réalisées.
En ce qui concerne la mission d’ordonnancement ‘ pilotage ‘ coordination, l’expert a constaté que celle-ci n’avait pas donné lieu à une exécution effective, en relevant qu’aucun planning détaillé n’avait été établi, et que les questions d’ordonnancement et de planification avaient été abordées de manière extrêmement sommaire et tardive lors des réunions de chantier.
Compte tenu de l’exécution effective du contrat par M. [W] [I], celui-ci est fondé à solliciter une part de la rémunération due au titre de l’établissement de l’avant-projet sommaire, un complément réduit de rémunération au titre du projet de conception générale et une part des honoraires convenus pour la direction des travaux, réduite en considération à la fois de l’exécution partielle de la mission qui lui incombait et de l’exécution partielle des travaux.
Ainsi les honoraires dus à M. [W] [I] pour les tâches réalisées n’excèdent pas 30 % du montant maximum prévisible de ses honoraires, hors mission complémentaire. Dès lors, M. [W] [I] est mal fondé à critiquer le jugement déféré en ce qu’il a considéré que, conformément aux conclusions de l’expert, il pouvait prétendre à une rémunération correspondant à 34 % de celle à laquelle il aurait pu prétendre s’il avait achevé sa mission, à concurrence du montant total du budget maximum imparti par le maître de l’ouvrage et en incluant de surcroît la partie ordonnancement ‘ pilotage ‘ coordination.
La répétition de l’indu
M. [L] [O] a payé à M. [W] [I] le montant total des factures émises par celui-ci, soit 144 690 euros hors taxes. Le montant des honoraires conventionnels pour les prestations effectivement réalisées par M. [W] [I] n’excède pas 60 144 euros hors taxes. Dès lors, M. [L] [O] est fondé à réclamer le remboursement de la différence, soit [144 690 ‘ 60 144] 84 546 euros.
M. [L] [O] est également fondé à réclamer à M. [W] [I] le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée que celui-ci a perçu indûment, soit, compte tenu du taux de 19,6 % appliqué à l’époque, [0,196 × 84 546] 16 571,02 euros.
M. [W] [I] sera donc condamné à rembourser à M. [L] [O] la somme totale de 101 117 euros réclamée par celui-ci, qui n’est pas supérieure à celle qui lui est due.
Sur les schémas d’implantation des appareils
Il est constant que M. [W] [I] n’a pas établi le schéma d’implantation des appareils électriques et des appareils de chauffage.
Contrairement à ce que soutient M. [W] [I], il lui appartenait de définir l’implantation de tels appareils, en accord avec le maître de l’ouvrage. Notamment, le contrat lui imposait expressément, au titre de l’« étude du projet de conception générale », de déterminer « l’implantation et l’encombrement [‘] des équipements techniques » et de préciser « les tracés des alimentations et évacuations des fluides » ; en outre, les entreprises ne peuvent établir leurs plans d’exécution sans connaître la nature, les caractéristiques et la disposition des équipements à installer et à raccorder.
Or, le projet de conception générale établi par M. [W] [I] ne définissait pas les appareils nécessaires, il ne comportait aucun schéma d’implantation des appareils sanitaires, électriques ou de chauffage et climatisation, et l’architecte a dirigé l’exécution de travaux sans solliciter au préalable des plans d’exécution que les entreprises n’avaient pu établir.
Ainsi que cela ressort du rapport d’expertise, cette carence fautive du maître d”uvre a contraint le maître de l’ouvrage à avoir recours à des bureaux d’études pour y suppléer et remédier aux conséquences d’une mise en ‘uvre aléatoire consécutive à une absence totale de réflexion préalable et de planification.
M. [L] [O] est donc fondé à demander, au titre de l’indemnisation du préjudice causé par les fautes de l’architecte, le remboursement par M. [W] [I] du coût des études que le maître de l’ouvrage a été contraint d’exposer en sus du prix des travaux et des honoraires divers prévus à l’origine.
Il convient de lui allouer à ce titre la somme de 39 516,16 euros qu’il réclame et qui correspond, d’une part, à l’intervention de la société S2T pour les études d’électricité (29 708,04 euros) et, d’autre part, à celle de la société Axys pour les études de chauffage ‘ ventilation ‘ climatisation et de plomberie (9 808,12 euros).
Sur les cloisons
En cours de chantier, M. [W] [I] a décidé de faire réaliser les cloisons de l’appartement en matériau de marque Carrobric. Ainsi que l’a relevé l’expert, l’architecte porte ainsi la responsabilité d’avoir choisi un type de cloison incompatible avec l’encastrement des nombreux fourreaux électriques qu’imposait l’aménagement de l’appartement conformément aux souhaits du maître de l’ouvrage ; en particulier, l’architecte est responsable de n’avoir pas envisagé et traité cette question en phase étude et notamment de n’avoir pas établi de plan pour l’électricité ; l’expert a également relevé qu’à l’origine les cloisons devaient être réalisées dans un autre matériau, de marque Placostil, que M. [W] [I] a découvert en cours de chantier que M. [L] [O] souhaitait faire appliquer sur les cloisons un enduit à la chaux et qu’il a également estimé que le nouveau matériau aurait un meilleur comportement en milieu humide ; tout en relevant l’insuffisance des études préalables résultant de ces explications données par M. [W] [I], l’expert a indiqué, sans jamais être contredit, qu’il n’était pas nécessaire de changer de type de cloison pour appliquer un enduit à la chaux, mais qu’il suffisait de modifier leur matériau en remplaçant les plaques de plâtre prévues à l’origine par des plaques en ciment, telles que proposées par plusieurs fabricants.
Ainsi, il est démontré, d’une part, que les modifications successives des cloisons sont la conséquence de la carence de l’architecte dans la conception du projet et, d’autre part, que l’édification de cloisons en Carrobric, qui résulte de la seule décision de l’architecte, était incompatible avec les attentes du maître de l’ouvrage alors même qu’il existait des alternatives permettant de satisfaire ces attentes.
L’inadéquation du matériau justifiait à elle seule le remplacement des cloisons et les malfaçons, au demeurant mineures et sans conséquences préjudiciables, affectant leur exécution n’auraient pas suffi à entraîner leur démolition.
Les fautes de M. [W] [I] sont donc la cause directe et exclusive du remplacement des cloisons et il est, en conséquence, mal fondé à contester sa responsabilité à ce titre.
Par ailleurs, le tribunal a fait une juste évaluation du préjudice subi par M. [L] [O].
Sur la taxe sur la valeur ajoutée
M. [W] [I], qui a participé à l’évaluation de l’indemnité d’assurance revenant au propriétaire du bien immobilier, qui a défini le programme de travaux et qui a facturé des honoraires en appliquant le taux normal de taxe sur la valeur ajoutée, n’ignorait manifestement pas que l’ampleur des travaux nécessaires à la suite de l’incendie de l’appartement de M. [L] [O] ne permettait pas l’application du taux réduit de cette taxe.
M. [L] [O] est donc fondé à lui reprocher d’avoir commis une faute en retenant un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée pour les travaux.
Toutefois, le paiement par M. [L] [O] de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux travaux qu’il a fait réaliser n’est pas un préjudice résultant directement de la faute commise par M. [W] [I] mais une composante du coût de ces travaux, dont il n’est pas démontré qu’elle aurait été inférieure en l’absence de faute de l’architecte.
M. [L] [O] est donc mal fondé à demander que M. [W] [I] soit condamné à lui rembourser la somme payée au titre du supplément de taxe sur la valeur ajoutée.
Sur le préjudice de jouissance
L’expert a évalué la durée normale des travaux à dix mois, en rappelant qu’il s’agissait seulement de la rénovation d’un appartement de 130 m². M. [W] [I] n’apporte aucun élément permettant de contredire cette estimation. Or, le contrat d’architecte a été conclu en février 2012, les travaux ont débuté cinq mois plus tard en juillet de la même année et, à la date de résiliation du contrat d’architecte, soit quatorze mois plus tard, l’avancement des travaux était compris entre 50 et 60 % seulement.
Les nombreux manquements de M. [W] [I] à ses obligations, notamment ses carences lors de la conception du projet et l’absence de définition précise des travaux à réaliser, sont à l’origine de ce que l’expert qualifie de « problèmes de chantier », à savoir la nécessité de résoudre des désaccords concernant le choix des matériaux, la disposition du projet, le budget…
L’expert a notamment mis en évidence que les plans du projet de conception générale avaient été établis après l’établissement des devis des entreprises et même après le début de leurs travaux ; il précise que « tout ceci n’a aucun sens » et que « cela s’inscrit en totale opposition aux méthodes enseignées aux architectes et aux usages professionnels ».
Ces difficultés rencontrées lors de l’exécution des travaux et le temps pris par leur résolution, voire pour défaire des travaux avant de les recommencer, ont entravé la réalisation du projet et sont directement à l’origine d’une partie du retard, même s’il convient de tenir compte d’autres facteurs tel notamment qu’un incendie survenu en cours de chantier.
L’expert a également relevé les conséquences de la carence de M. [W] [I] dans l’ordonnancement et le pilotage du chantier.
Ainsi, M. [L] [O] est fondé à reprocher à M. [W] [I] d’être à l’origine d’une durée anormalement longue des travaux qui l’a privé de la jouissance de son appartement au-delà du délai prévisible. Même en tenant compte des aléas de chantier, les fautes de M. [W] [I] n’ont pas contribué à ce retard pour moins de quatre mois, et, compte tenu de la valeur locative de l’appartement, le préjudice de jouissance subi à ce titre n’est pas inférieur à la somme de 22 440 euros réclamée par M. [L] [O].
Il convient en conséquence de faire droit à sa demande.
Sur le préjudice moral
M. [L] [O] invoque à juste titre les nombreuses carences de M. [W] [I] dans l’exécution de sa mission, mises en évidence par le rapport de l’expert, de même que les manquements de l’architecte à ses obligations professionnelles.
Il en ressort notamment que M. [W] [I] s’est abstenu de rechercher et de prendre en compte les souhaits du maître de l’ouvrage et de définir avec celui-ci un programme de travaux précis répondant à ses attentes.
En outre, la démarche de l’architecte a entraîné le maître de l’ouvrage dans une opération de construction dépourvue de sens et à l’origine de nombreuses frustrations.
Enfin, M. [L] [O] a pu légitimement éprouver le sentiment d’avoir été trompé par l’architecte sur le taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux travaux, alors même qu’il avait pris le soin d’impartir un budget élevé permettant d’obtenir des prestations luxueuses sans être exposé à des suppléments inattendus. Il est ainsi fondé à invoquer une perte de confiance.
Le préjudice moral ainsi éprouvé sera réparé par la somme de 30 000 euros.
Sur la garantie de la société Edifira et de son assureur
Par un contrat intitulé « contrat d’économiste et OPC » M. [W] [I] a confié à la société CCECMO, aujourd’hui dénommée Edifira, les missions suivantes :
« ‘ établissement des dossiers DCE, CCTP et CCAP,
‘ consultation des entreprises et passations des marchés,
‘ suivi financier du chantier compris assistance administrative et technique sur chantier
‘ assistance réception des travaux ‘ levée des réserves et décompte définitif
‘ mission OPC pour coordination par mise à disposition d’un pilote confirmé, relances des entreprises, recalage du planning, des pénalités et synthèses des plans d’exécution avec les BET spécialisés ».
L’obligation pour M. [W] [I] de restituer des honoraires qu’il a indûment perçus est la conséquence de l’absence de contrepartie au paiement de ces honoraires. Il n’y a donc pas lieu de condamner la société Edifira à garantir M. [W] [I] de cette condamnation.
Les missions confiées au sous-traitant ne comportaient pas l’établissement des schémas d’implantations des appareils électriques et de chauffage. M. [W] [I] ne peut donc demander la garantie de la société Edifira au titre de sa propre carence dans l’exécution de ses obligations.
De même, le choix des matériaux à mettre en ‘uvre n’incombait pas au sous-traitant et M. [W] [I] ne peut donc reprocher à la société Edifira les conséquences préjudiciables de l’édification de cloisons en Carrobric. Il convient, en conséquence, de réformer le jugement déféré sur ce point et de débouter M. [W] [I] de sa demande de garantie en ce qui concerne l’indemnisation du préjudice consécutif au remplacement des cloisons.
Les carences de l’architecte dans sa relation avec le maître de l’ouvrage, à l’origine du préjudice moral subi par celui-ci, sont également sans lien avec des manquements de l’assistant auquel incombait uniquement des tâches techniques et administratives.
Au titre de l’assistance administrative et du suivi financier du chantier, le sous-traitant aurait dû déceler le taux inexact de taxe sur la valeur ajoutée facturée par les entreprises ; néanmoins, outre que M. [W] [I] n’ignorait pas lui-même le caractère erroné de ce taux, en l’absence de condamnation de ce chef, sa demande de garantie est sans objet.
En ce qui concerne le retard pris par le chantier, et le préjudice de jouissance qui en est résulté pour le maître de l’ouvrage, les causes identifiées par l’expert sont imputables principalement à une carence totale de l’architecte en phase de conception et à un projet mené en totale opposition aux méthodes enseignées aux architectes et aux usages professionnels.
S’agissant du rôle du sous-traitant avant le démarrage des travaux, aucun élément ne permet de connaître la date du contrat conclu entre M. [W] [I] et la société CCECMO ; or il résulte des constatations de l’expert que les rares éléments du projet de conception générale, sans lequel le dossier de consultation des entreprises ne pouvait être établi, sont postérieurs à l’établissement des devis et même au début des travaux des entreprises ; dès lors, aucun élément ne permet d’imputer la carence de la maîtrise d”uvre à des fautes commises par le sous-traitant au titre de ses deux premières missions, relatives au dossier de consultation des entreprises et à la passation des marchés.
S’agissant de la direction des travaux et de la mission ordonnancement ‘ pilotage ‘ coordination, les missions du sous-traitant se limitaient, pour la première, à un « suivi financier du chantier y compris assistance administrative et technique » et, pour la seconde, à la « mise à disposition d’un pilote confirmé, relances des entreprises, recalage du planning, des pénalités et synthèses des plans d’exécution » ; or M. [W] [I] ne produit aucun élément permettant de caractériser une défaillance de son sous-traitant dans l’exécution de ses obligations contractuelles à son égard.
Il convient en conséquence de débouter M. [W] [I] de son appel en garantie contre la société Edifira et la société L’Auxiliaire.
Sur la garantie de la société BTCE et de son assureur
Ainsi que l’a relevé le tribunal, la seule cause de la démolition des cloisons édifiées en Carrobric est le choix inadapté fait par l’architecte ; elle est sans lien avec les défauts d’exécution constatés par l’expert.
M. [W] [I], qui invoque l’obligation d’information et de conseil à laquelle les entrepreneurs sont tenus, n’invoque aucun fait permettant de caractériser un manquement de la société BTCE à ses obligations, en ce qui concerne son domaine de compétence, à savoir la réalisation de cloisons ; il résulte au contraire du rapport d’expertise que le choix inadapté du matériau Carrobric relève d’un problème de prise en compte des réseaux électriques lors de la conception de l’ouvrage et qu’aucune modalité de mise en ‘uvre des cloisons en Carrobric ne permettait de surmonter la difficulté rencontrée lors de la réalisation de ces réseaux, une fois les cloisons achevées.
Dès lors, aucune faute de la société BTCE n’a concouru à la réalisation du préjudice subi en raison de la réalisation de cloisons inadaptées et M. [W] [I] a été débouté à juste titre de son appel en garantie contre cette société. Le tribunal a également considéré à bon droit que l’appel en garantie de l’entreprise contre son assureur était sans objet.
Sur les dépens et les autres frais de procédure
M. [W] [I], qui succombe, a été à juste titre condamné aux dépens de première instance. Il sera également condamné aux dépens d’appel, conformément à l’article 696 du code de procédure civile. Les dépens pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l’article 699 du même code.
Selon l’article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
Le premier juge a fait une application équitable de ces dispositions ; les circonstances de l’espèce justifient de condamner M. [W] [I] à payer à M. [L] [O] une indemnité de 7 000 euros, à la société Edifira et à la société L’Auxiliaire, ensemble, une indemnité de 2 000 euros, à la société BTCE une indemnité de 3 000 euros, et à la société Beazley Solutions et à la société Lloyd’s Insurance, ensemble, une indemnité de 3 000 euros, au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d’appel ; il sera lui-même débouté de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu’il a :
1) condamné in solidum la société Edifira et la société L’Auxiliaire à garantir M. [W] [I] de la condamnation au paiement de la somme de 73 322,40 euros au profit de M. [L] [O],
2) condamné M. [W] [I] à payer à M. [L] [O] la somme de 10 721,39 euros en indemnisation des manquements en lien avec les plans d’implantation des appareillages d’électricité et de chauffage,
3) condamné M. [W] [I] à payer à M. [L] [O] la somme de 75 517,20 euros en restitution des honoraires indûment perçus,
4) débouté M. [L] [O] de ses demandes d’indemnisation d’un préjudice de jouissance et d’un préjudice moral,
5) condamné la société Edifira à garantir M. [W] [I] de sa condamnation aux dépens et au paiement d’indemnités au titre des frais irrépétibles ;
L’INFIRME de ces chefs ;
Et, statuant à nouveau,
CONDAMNE M. [W] [I] à rembourser à M. [L] [O] la somme de 101 117 euros au titre des honoraires indûment perçus ;
CONDAMNE M. [W] [I] à payer à M. [L] [O] la somme de 39 516,16 euros en réparation du préjudice consécutif à l’absence de schémas d’implantation des appareils électriques ou de chauffage ;
CONDAMNE M. [W] [I] à payer à M. [L] [O] la somme de 22 440 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;
CONDAMNE M. [W] [I] à payer à M. [L] [O] la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
DÉBOUTE M. [W] [I] de son appel en garantie contre la société Edifira et la société L’Auxiliaire ;
Ajoutant au jugement déféré,
CONDAMNE M. [W] [I] aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l’article 699 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [W] [I] à payer, par application de l’article 700 du code de procédure civile :
1) une indemnité de 7 000 euros à M. [L] [O],
2) une indemnité de 2 000 euros, à la société Edifira et à la société L’Auxiliaire,
3) une indemnité de 3 000 euros, à la société BTCE représentée par son liquidateur judiciaire,
4) une indemnité de 3 000 euros à la société Beazley Solutions et à la société Lloyd’s Insurance,
et le DÉBOUTE de sa demande à ce titre.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Emmanuel ROBIN, Président et par Monsieur Boubacar BARRY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,