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ARRÊT N°57
N° RG 21/01593
– N° Portalis DBV5-V-B7F-GIZR
Société LE 176 GIBAUDERIE (SCCV)
C/
S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU ET ASSOCIES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 21 FÉVRIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 avril 2021 rendu par le Tribunal Judiciaire de POITIERS
APPELANTE :
SCCV [Adresse 5]
[Adresse 1]
[Localité 4]
ayant pour avocat postulant Me Jessy RENNER, avocat au barreau de POITIERS
ayant pour avocat plaidant Me Justine NIBAUDEAU, avocat au barreau de POITIERS
INTIMÉE :
S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU & ASSOCIÉS
[Adresse 2]
[Localité 3]
ayant pour avocat postulant Me Marion LE LAIN de la SCP DROUINEAU-LE LAIN-VERGER-BERNARDEAU, avocat au barreau de POITIERS
ayant pour avocat plaidant Me Lola BERNARDEAU, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 12 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU ET ASSOCIÉS a été chargée par la S.A.R.L. Alcor Développement, aux droits de laquelle vient la S.C.I. SCCV LE 176 GIBAUDERIE, de la construction de deux immeubles comprenant 47 logements [Adresse 6], par contrat du 4 octobre 2016, pour un honoraire forfaitaire fixé à 75 000 € HT, à verser selon un échéancier, pour un montant de travaux estimés à 2 500 000 € HT.
Le maître de l’ouvrage a mis fin au contrat par lettre recommandée du 16 octobre 2017 en raison des manquements allégués de l’architecte.
La S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU ET ASSOCIÉS a adressé une note d’honoraires pour solde de tout compte d’un montant de 30 600 € le 4 décembre 2017 à la S.A.R.L. Alcor Développement correspondant à l’honoraire habituel représentant 1,5 % du montant des travaux au stade de la mission permis de construire effectuée, somme que le maître d’ouvrage a refusé de régler.
Le conseil régional de l’ordre des architectes Nouvelle Aquitaine saisi de la question, a émis un avis le 10 avril 2019 aux termes duquel il considérait que l’échéancier de paiement était indépendant de la valeur des prestations produites par l’architecte et distinct des droits acquis au regard des éléments de la mission réalisée et a confirmé le bien-fondé de la note d’honoraires.
N’ayant pu obtenir amiablement le règlement de cette somme, la S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU ET ASSOCIÉS a, par exploit du 4 octobre 2019 fait assigner la S.C.I. SCCV LE 176 GIBAUDERIE devant le tribunal judiciaire de POITIERS.
Aux termes de ses dernières écritures, elle sollicitait sa condamnation à lui payer la somme de 30 600 € au titre du solde de ses honoraires, 3000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, le tout assorti de l’exécution provisoire, concluant au débouté des demandes formulées par la défenderesse.
La S.C.I. SCCV le 176 Gibauderie, aux termes de ses dernières écritures , concluait au débouté des demandes, à la condamnation de la demanderesse à lui payer la somme de 3000 € à titre de dommages-intérêts outre celle de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par jugement contradictoire en date du 06/04/2021, le tribunal judiciaire de POITIERS a statué comme suit :
‘Condamne la S.C.I. SCCV le 176 Gibauderie à payer à la S.A.R.L. Ateliers Montarou la somme de 30 600 €.
Rejette les autres demandes.
Condamne la S.C.I. SCCV le 176 Gibauderie aux dépens.
Ordonne l’exécution provisoire’.
Le premier juge a notamment retenu que :
– le contrat de maîtrise d’oeuvre de conception conclu entre les parties prévoit en son article 10.1 prévoit que le taux de rémunération pour la mission globale telle que définie étant de 3 % HT du montant total HT des marchés de travaux compris lots VRD et espaces verts, soit la somme de 75 000 € HT
– l’article10.2 prévoit que cet honoraire sera payé sur présentation de factures au fur et à mesure de l’exécution de la mission selon un échéancier
– ces dispositions contractuelles doivent s’entendre en ce que le maître de l’ouvrage ne pouvait être tenu de verser une somme supérieure à la somme totale de 17 000 HT tant que le financement de l’opération n’aurait pas été assuré par l’organisme bancaire, nonobstant une maladresse de rédaction de l’article 10,2 évoquant une « rémunération forfaitaire » terme ambigu puisque susceptible d’interprétation mais qui contredit le principe général édicté par l’article 10.1 selon lequel les honoraires sont déterminés en fonction de la mission à intervenir et fixés à la somme de 75 000 € sans qu’il soit fait référence à des forfaits.
– l’article VII du contrat prévoit qu’en cas de résiliation, le maître d’ouvrage devra régler au maître d’oeuvre le montant des prestations effectivement réalisées jusqu’à la réception de la notification de résiliation.
– Il résulte de l’analyse effectuée par l’ordre des architectes de Nouvelle Aquitaine du dossier litigieux, se référant aux usages en la matière, que la demanderesse a réalisé les études telles que convenues au contrat à l’exception du dossier de consultation des entreprises
– il a considéré que la note d’honoraires correspondait au travail effectivement effectué que la demanderesse a chiffré à 42 500 € pour un montant total prévu de 75 000 €, cet avis spécifique ne pouvant être invalidé au motif d’une condamnation de l’ordre national des architectes par l’autorité de la concurrence.
– il y a lieu à condamnation à paiement de la somme de 30 600 € correspondant au montant restant dû au regard de la provision versée.
– sur la demande reconventionnelle, la S.C.I. SCCV le 176 Gibauderie ne justifie d’aucun préjudice qu’elle aurait subi du fait de cette rétention alléguée, pendant une période relativement courte.
LA COUR
Vu l’appel en date du 19/05/2021interjeté par la société SCCV LE 176 GIBAUDERIE,
Vu l’article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 19/10/2022, la société SCCV LE 176 GIBAUDERIE a présenté les demandes suivantes :
‘Vu les articles 1103 et 1104 du code civil
Vu les articles 11 et 46 du code de déontologie des architectes
Vu l’article 700 du code de procédure civile
Vu les pièces versées aux débats
La SCCV LE 176 GIBAUDERIE demande à la juridiction de céans de :
– DIRE ET JUGER recevable l’appel formé par la SCCV le 176 GIBAUDERIE
– D’INFIRMER la décision attaquée du 06 avril 2021 rendue par le tribunal judiciaire de Poitiers en ce qu’il a :
o CONDAMNÉ la SCCV LE 176 GIBAUDERIE à payer à la S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU ET ASSOCIES, la somme de 30.600 € à titre de dommages et intérêts
o CONDAMNÉ la SCCV LE 176 GIBAUDERIE à supporter les dépens de l’instance
o REJETÉ la demande de la SCCV LE 176 GIBAUDERIE visant à obtenir la condamnation de la S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU ET ASSOCIES à lui verser la somme de 3.000 € au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive
Par conséquent et statuant à nouveau :
– REJETER l’intégralité des demandes et prétentions de la S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU ET ASSOCIES
– CONDAMNER la S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU ET ASSOCIES à verser à la SCCV LE 176 GIBAUDERIE la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive
– CONDAMNER la S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU ET ASSOCIES à verser à la SCCV LE 176 GIBAUDERIE la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les entiers dépens de l’instance’.
A l’appui de ses prétentions, la société SCCV LE 176 GIBAUDERIE soutient notamment que :
– le financement des missions de la S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU ET ASSOCIES avait été fixé par le contrat de maîtrise d’oeuvre au montant forfaitaire de 75 000 € HT, le contrat prévoyant en outre un échéancier.
– la note d’honoraires de la S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU ET ASSOCIÉS n°2 en date du 24 octobre 2016, adressée donc immédiatement après la notification de la résiliation par la SCCV LE 176 GIBAUDERIE intervenue le 16 octobre 2016, atteste qu’à cette date, l’appelante avait d’ores et déjà réglé la somme de 12.000 € HT.
– seules les deux phases « Permis de construire » et « Dossier de commercialisation » ont été réalisées par l’intimée et payées par l’appelante
– le montant supplémentaire de 25.500 € HT soit 30 600 € T.T.C. sollicité ne correspond à aucune des sommes annoncées dans l’échéancier pour les missions relatives au dossier du permis de construire et de commercialisation et de mise en place du financement de l’ouvrage. Aucun élément contractuel ne justifie cette demande.
– si les sommes annoncées dans l’échéancier étaient de simples paiements partiels, la S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU ET ASSOCIÉS aurait dû le mentionner.
Il y a lieu de considérer que l’échéancier prévoit le versement de la somme forfaitaire annoncée dès lors que la phase en question est terminée.
– aucune clause ou mention dans le contrat ne stipule que les montants inscrits dans l’échéancier ne sont pas définitifs et susceptibles d’être augmentés.
– il ne peut être affirmé que le coût de la mission de permis de construire devait correspondre “à l’honoraire habituel de 1,5% du montant des travaux’ et les honoraires doivent correspondre à ce qui avait été contractuellement prévu par
l’échéancier de paiement.
– le juge a le pouvoir de réduire le montant des honoraires stipulé dans un contrat de maîtrise d’oeuvre, lorsqu’il estime qu’ils sont excessifs au regard des prestations effectuées, mais il n’est pas dit qu’il puisse augmenter le montant des honoraires fixés dans le contrat.
– la résiliation du contrat de maîtrise d’oeuvre par la SCCV le 176 GIBAUDERIE était parfaitement justifiée et explicitée dans divers courriers qui n’ont pas été contestés, la S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU ET ASSOCIÉS ayant conscience de ses manquements .
– le contrat prévoit en cas de résiliation que les seuls honoraires auxquels peut prétendre le maître d’oeuvre sont ceux prévus dans l’échéancier de paiement.
– l’avis de l’ordre des architectes n’est pas un avis contraignant, d’autant que l’ordre a été condamné au paiement d’une amende de 1.5 millions d’euros par l’autorité de la concurrence, pour sa pratique quant aux honoraires des architectes et l’ont peut douter de son objectivité.
– les juges du tribunal de commerce de Poitiers dans une autre instance, ont retenus que l’avis de l’ordre des architectes ne « pouvait se prévaloir au contrat signé ».
– la S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU ET ASSOCIÉS a pris pour habitude de contourner les dispositions contractuelles en facturant systématiquement des montants bien supérieurs à ce qui été prévu au contrat, et d’autres contentieux existent
– la S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU ET ASSOCIÉS verse aux débats un
« guide MICCP d’honoraires maîtrise d’oeuvre » qu’elle prétend avoir transmis à l’appelante, sans le démontrer.
Or, ce document a vocation à détailler la répartition de la rémunération de l’architecte (pour chaque élément de la mission) sous forme de pourcentage, mais le contrat prévoit en l’espèce que la rémunération est forfaitaire.
Si une rémunération au pourcentage avait été prévue, l’échéancier du contrat aurait mentionné un taux (pourcentage) au lieu de mentionner des sommes forfaitaires.
– sur la résistance abusive, rien ne justifiait la non-transmission de ces documents, ce qui a inévitablement créé un important préjudice pour la SCCV LE 176 GIBAUDERIE.
– aucune résistance abusive ne peut lui être reprochée.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 26/10/2022, la société S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU & ASSOCIÉS a présenté les demandes suivantes :
‘Vu les dispositions des articles 1103 et 1231-1 du code Civil,
Vu les dispositions de l’article 784 du code de procédure civile,
Vu le contrat d’architecte,
Vu l’avis du Conseil Régional de l’Ordre des Architectes Nouvelle Aquitaine,
Vu le jugement du tribunal judiciaire de POITIERS
CONFIRMER le jugement de première instance en ce qu’il a :
Condamné La SCCV le 176 GIBAUDERIE à verser à la S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU ET ASSOCIÉS la somme de 30 600 € T.T.C. au titre du solde de ses honoraires, assortie des intérêts aux taux légal à compter de la mise en demeure,
REFORMER le jugement en ce qu’il a :
Débouté la Société ATELIERS MONTAROU ET ASSOCIÉS de sa demande de dommages et intérêts
Par conséquent, et statuant de nouveau sur ce point,
Condamner La SCCV le 176 GIBAUDERIE à verser à la S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU ET ASSOCIÉS la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
En tout état de cause,
Condamner La SCCV le 76 GIBAUDERIE à verser à la S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU ET ASSOCIÉS la somme de 2 000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens
Débouter la SCCV le 176 GIBAUDERIE de sa demande de condamnation, et de l’intégralité de ses demandes présentées à l’encontre de la S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU ET ASSOCIÉS
A l’appui de ses prétentions, la société S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU & ASSOCIÉS soutient notamment que :
– un honoraire forfaitaire a été fixé contractuellement, à hauteur de 75 000 € HT sur un montant de travaux estimé à 2 500 000 € HT.
Le contrat prévoyait un échéancier de paiement pour tenir compte de la mise en place du financement imposé au maître de l’ouvrage par sa banque.
Ainsi l’honoraire total prévu de 75 000 € devait être versé en plusieurs fois et notamment :
* Un premier acompte au moment du dépôt du dossier de permis de construire pour la somme de 12 000 € HT,
* Un deuxième acompte de 5 000 € HT au moment de l’établissement du dossier de commercialisation, et le solde ensuite.
– la résiliation apparaît arbitraire et injustifiée, en l’absence de tout manquement dans l’exercice de la mission de l’architecte.
– quoi qu’il en soit, la société ATELIER MONTAROU & ASSOCIÉS a légitiment adressé au maître de l’ouvrage une note d’honoraires pour solde de tout compte, soit une facture n°17.12.2146 d’un montant de 30 600 € à la SCCV LE 176 GIBAUDERIE, rappelant que la mission permis de construire effectuée devait correspondre à l’honoraire habituel de 1,5% du montant des travaux.
– l’échéancier, fixant un honoraire de 12 000 €, ne visait que la mission dépôt du dossier de permis et pour prendre en considération la manière dont le projet était financé, mais il n’avait jamais été question de ne pas prendre en compte la réalité de l’intervention globale de la S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU ET ASSOCIÉS au titre de la constitution du dossier de permis de construire.
– faute d’accord de paiement, elle a saisi le Conseil Régional de l’Ordre des Architectes qui a émis un avis le 10 avril 2019, indiquant que l’échéancier de paiement ne présentait rigoureusement aucune valeur et était totalement indépendante de la valeur “des prestations produites par l’architecte”. Il ne s’agit que d’un simple échéancier des paiements totalement distinct des droits acquis par l’architecte, en l’absence de précision sur ce point dans le contrat, eu égard aux usages en la matière.
Le Conseil Régional de l’Ordre des Architectes a donc confirmé le bien-fondé de la note d’honoraires du 4 décembre 2017 eu égard aux prestations réalisées.
– elle a réalisé les études telles que convenues au contrat à l’exception du dossier de consultation des entreprises.
– l’ordre des architectes Nouvelle Aquitaine se réfère aux usages en la matière, considérant que sur une mission complète, les études jusqu’au permis de construire correspondent à un tiers de la totalité, la phase projet consultation des entreprises à un deuxième tiers et le suivi des travaux au dernier tiers, le permis de construire ayant été délivré en l’espèce et les travaux étant en cours au moment de la résiliation.
– la somme de 17 000 € HT réglée par le maître d’ouvrage est sans lien avec les prestations exécutées par la société ATELIERS MONTAROU, cette somme ne correspondant qu’à des échéanciers de paiement fixés au contrat mais ne valorisant en aucun cas les missions exécutées.
– au regard des prestations réalisées, mais également au regard de ce que le contrat prévoit à savoir que la mission totale de la S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU était valorisée à 3% du montant des travaux, soit 75 000 € HT pour la réalisation des études, le dossier de permis de construire et pour la mission de dossier de consultation des entreprises
– le Conseil Régional des Architectes précise que les deux tiers de la mission de la Société ATELIERS MONTAROU ET ASSOCIÉS ont été réalisés.
– l’échéancier n’avait vocation qu’à répondre aux contraintes de financement de l’opération par le maître de l’ouvrage et non à valoriser les missions de l’architecte en tant que tel.
– le défaut de règlement spontané pour les missions réalisées, apparaît abusif et une somme indemnitaire de 3000 € est demandée à ce titre.
– les juges du fond peuvent souverainement apprécier la rémunération de l’architecte au vu des accords pris et des missions exécutées.
La société ATELIERS MONTAROU a réalisé l’ensemble de ses missions, à l’exception du dossier de consultation des entreprises, et pour ses missions, sa rémunération a été fixée à la somme totale de 75.000 € HT, soit 3% du montant total des travaux.
– elle n’a perçu que 17 000 € alors que les deux tiers de ses missions ont été réalisées.
– la fixation des honoraires, par un échéancier de paiement, avait pour unique objet de faciliter le financement du programme par le maître d’ouvrage.
– l’échéancier fixe des périodes et dates de règlement de telle ou telle mission, mais pas la valorisation de la rémunération des missions en tant que telles.
– ceci résulte expressément du contrat puisqu’il est rappelé que le règlement sera dû, pour la totalité de mission, au moment de la mise en place du financement du maître d’ouvrage.
– il n’a jamais en revanche été question de limiter la rémunération du maître d’oeuvre à un honoraire modique pour la réalisation des deux tiers de ses missions.
– la SCCV 176 GIBAUDERIE a été en relations d’affaires courantes avec la société MONTAROU, et elle n’est donc pas sans connaître la rémunération de l’architecte pour un projet de cette ampleur.
– est versé le guide à l’attention des maîtres de l’ouvrages pour la négociation des rémunérations de maîtrise d’oeuvre publié par la Mission Interministérielle pour la qualité des constructions publiques.
– la résistance abusive n’est pas établie. Le maître de l’ouvrage ne démontre pas son préjudice et son lien de causalité avec un éventuel retard de transmission.
Le maître de l’ouvrage fait à cet égard mine d’ignorer que le concluant a toujours considéré ne pas avoir été réglé à la hauteur et à la mesure des prestations réalisées, alors qu’aucun reproche particulier n’est formulé dans les courriers.
Les fiches de commercialisation ont été établies par l’architecte et sont versées aux débats.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Vu l’ordonnance de clôture en date du 27/10/2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande en paiement d’honoraires :
L’article 1134 ancien du code civil dispose que :
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
Le principe de ces dispositions est repris désormais aux articles 1103 du code civil : ‘ les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits,’ et 1104 du code civil ‘les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi’.
L’engagement de la responsabilité contractuelle trouve son fondement dans l’article 1231-1 du code civil (1147 ancien) qui dispose que ‘le débiteur est condamné, s’il y a lieu, à paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure’.
L’article 1353 du même code dispose que ‘celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation’.
S’agissant de l’exception d’inexécution, l’article 1219 du code civil dispose que ‘une partie peur refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave’.
Si les juges du fond peuvent apprécier la rémunération de l’architecte au vu des accords pris et des missions exécutées, ils se doivent d’apprécier la volonté des parties au regard des termes contractuels effectivement retenus, étant rappelé
que :
– L’article 1189 du code civil dispose que ‘toutes les clauses d’un contrat s’interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l’acte tout entier. Lorsque, dans l’intention commune des parties, plusieurs contrats concourent à une même opération, ils s’interprètent en fonction de celle-ci’.
– L’article 1190 du même code dispose que ‘dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d’adhésion contre celui qui l’a proposé’.
En l’espèce, le contrat de maîtrise d’oeuvre de conception conclu entre les parties stipule précisément :
‘X – RÉMUNÉRATION.
X.1. HONORAIRES AU POURCENTAGE.
“Pour la mission qui lui est confiée, le maître d’oeuvre sera rémunéré exclusivement par le maître d’ouvrage, par des honoraires qui seront en fonction :
– du contenu et de l’étendue de la mission
– de la complexité de l’opération
– de l’importance des travaux
Sur la base de la mission décrite dans la présente convention, le taux de rémunération pour la mission globale tel que définie aux présentes sera de 3% HT du montant total hors taxes des marchés de travaux compris lot VRD et espaces verts que le maître d’oeuvre devra déclarer à son assureur.
Cette rémunération s’entend pour une réalisation du projet par tranches ou non et dont les marchés seront traités par lots séparés ou non.
Montant HT des travaux, VRD – espaces verts estimé ………………2 500 000€
Taux 3%.
Montant total …….. …………………………………………………………….75 000 € HT
Le maître d’ouvrage versera en sus le montant de la TVA au taux en vigueur à la date d’émission de la note d’honoraires.
X.2. ÉCHÉANCIER DE PAIEMENT
Cet honoraire sera payable sur présentation de factures au fur et à mesure de l’exécution de la mission selon l’échéancier suivant :
1 – Pour la réalisation de la mission PC : Rémunération forfaitaire dit “dépôt de PC” de 12 000 € HT.
2 – Pour le dossier de commercialisation : Rémunération forfaitaire dit “dossier de commercialisation” de 5 000 € HT.
3 – À la mise en place du financement du maître d’ouvrage :
100% du montant total HT des honoraires fixé au paragraphe X.1 déduction faite des forfaits “dépôt de PC” et “dossier de commercialisation”.’
Il est établi que la note d’honoraires n°1 du 2 juin 2017 pour un montant de 12 000 € HT, réglée par le maître d’ouvrage le 3 juillet 2017, au titre de la mission DPC, portait la mention ‘RAPPEL : taux forfaitaire de rémunération des honoraires’.
La note d’honoraires n°2 du 24 octobre 2017 pour un montant de 5 000 € HT a également été réglée par le maître d’ouvrage, s’agissant de l’élément de mission ‘dossier de commercialisation’.
De nouveau, cette note portait la mention ‘RAPPEL : taux forfaitaire de rémunération des honoraires’.
Elle mentionnait que le solde de 58 000 € HT restant du sur le montant total des honoraires prévus correspondait aux éléments de mission : ‘mise en place du financement du maître de l’ouvrage’.
En revanche, la note d’honoraires ‘solde d’honoraires’, soldant l’intervention de la Société ATELIERS MONTAROU, diffusée par l’architecte après la résiliation du contrat par le maître d’ouvrage, portant sur un montant de 25 500 € HT, soit 30 600 € T.T.C., n’a pas reçu règlement, étant relevé que deux postes apparaissaient sur ce document : ‘dossier de permis de construire’, pour 37 500 € HT et ‘dossier de commercialisation’ pour 5 000 € HT.
En effet, par courrier recommandé en date du 16 octobre 2017, la société SCCV 176 GIBAUDERIE indiquait à la société S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU & ASSOCIÉS sa décision de résiliation du contrat souscrit, évoquant les nombreux différents intervenus entre les deux sociétés, et évoquant par courrier postérieur en date du 18 décembre 2017 ‘l’accumulation de vos erreurs et de vos délais anormaux notamment’.
Or, il résulte des stipulations contractuelles qu’était expressément prévu en ‘VII’ :
RÉSILIATION DE LA MISSION
Le présent contrat sera résilié de plein droit :
1/ En cas de cessation d’activité ou de tout autre cas de force majeure pouvant empêcher le Maître d’oeuvre de poursuivre sa mission.
2/ En cas de défaut d’assurance ou de non-paiement des primes.
3/ En cas de non-respect des délais d’établissement des documents, huit jours après une mise en demeure restée infructueuse ou sans effet.
4/ En cas de non dépôt de permis de construire pour quelque raison que ce soit ou non obtention du permis de construire, de retrait ou de recours gracieux ou contentieux contre le permis de construire ou de non obtention de toute autre autorisation ou convention, privée ou administrative, nécessaire à la réalisation de l’opération.
Pour les cas résiliation ci-dessus (1 à 4), la rémunération du Maître d’oeuvre sera calculée conformément à l’article cl-après définissant l’échéancier de paiement.
5/ En cas d’arrêt définitif de l’opération après obtention d’un permis de construire devenu définitif, pour quelque raison que ce soit et du fait de qui que ce soit, et après dénonciation par lettre recommandée avec accusé de réception. Cette résiliation sera effective huit jours après cette dénonciation.
Le Maître d’oeuvre ne pourra prétendre à aucune demande d’Indemnité pour quel que préjudice que ce soit, autre que le paiement des honoraires prévu conformément à l’article cl-après « Echéancier de paiement ».
6/ Le Maître d’ouvrage se réserve la possibilité de mettre un terme, sans qu’aucune indemnité ne puisse être réclamée par le Maître d’oeuvre, à l’exécution des prestations objet des présentes au terme de chacune des phases, éléments de missions définis à l’article ci-après « Déroulement du contrat ». Le Maître d’ouvrage en avisera le Maître d’oeuvre par lettre recommandée avec accusé de réception,
Le Maître d’ouvrage ne devra régler au Maître d’oeuvre les prestations effectivement réalisées jusqu’à la réception de la notification de résiliation dans les conditions de l’article ci-après «Echéancier de paiement ».’
Il en résulte que si une possibilité de résiliation était ainsi offerte au maître de l’ouvrage, le contrat prévoyait expressément que dans l’hypothèse de cette résiliation, le paiement des prestations effectivement réalisées serait dû, mais exclusivement dans les conditions expressément stipulées à l’échéancier de paiement.
Il ne peut être en conséquence soutenu que les sommes prévues, dont il est souligné qu’elles comportent un caractère forfaitaire, ne correspondraient qu’à des échéanciers de paiement, sans tenir compte de la valorisation des missions exécutées.
Les termes des dispositions contractuelles, faisant référence à des paiements forfaitaires précis pour chaque élément de mission, ne peuvent être ignorés par la société S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU & ASSOCIÉS qui ne démontre pas que cet échéancier n’aurait été souscrit qu’afin de faciliter le financement du programme par le maître d’ouvrage, sans que son engagement tarifaire n’existe en ces termes.
Si la société intimée produit aux débats un « guide MICCP d’honoraires maîtrise d’oeuvre », ce document qui détaille la répartition de la rémunération de l’architecte sous forme de pourcentage ne peut en l’espèce recevoir application dès lors qu’il est prévu que la rémunération est forfaitaire, dans l’hypothèse d’une résiliation du contrat souscrit.
Il est sans incidence sur le présent litige que l’ordre des avocats de Nouvelle Aquitaine ait émis un avis contraire à cette analyse, laquelle repose sur les termes mêmes du contrat qui fait la loi des parties.
Il y a lieu en l’espèce de retenir l’application des dispositions spécifiquement prévues au contrat, seuls les sommes forfaitairement prévus de la volonté des parties pouvant être revendiquées, cela doncen l’espèce dans la limite des 17 000 € HT effectivement versés par la société SCCV 176 GIBAUDERIE.
En conséquence et par infirmation du jugement rendu, la société S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU & ASSOCIÉS sera déboutée de sa demande en paiement de la somme de 30 600 € T.T.C. au titre du solde de ses honoraires, assortie des intérêts aux taux légal à compter de la mise en demeure.
Sur la demande de la société SCCV 176 GIBAUDERIE au titre de la résistance abusive :
Si la société SCCV 176 GIBAUDERIE réclamait la transmission de fichiers , soit selon son courrier du 18 décembre 2017 les plans destinés au notaire en phase de commercialisation, il est constant que ces plans ont été versés aux débats. En outre, la société appelante ne justifie par aucune pièce de la réalité du préjudice qu’elle allègue en conséquence d’un retard de transmission.
Elle sera en conséquence déboutée de sa demande.
Sur la demande la société S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU & ASSOCIÉS au titre de la résistance abusive :
Au regard de la décision rendue au principal, cette demande injustifiée doit être écartée.
Sur les dépens et l’application de l’article 699 du code de procédure civile:
Il résulte de l’article 696 du code de procédure civile que ‘ La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. (…).’
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens de première instance et d’appel seront fixés à la charge de la société S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU & ASSOCIÉS.
Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile :
Il est équitable de condamner la société S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU & ASSOCIÉS à payer à la société SCCV LE 176 GIBAUDERIE la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris.
Statuant à nouveau,
DÉBOUTE la société S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU & ASSOCIÉS de sa demande en paiement de la somme de 30 600 € T.T.C. au titre du solde de ses honoraires, assortie des intérêts aux taux légal à compter de la mise en demeure.
DÉBOUTE la société S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU & ASSOCIÉS et la société SCCV 176 GIBAUDERIE de leurs demandes formées au titre de l’indemnisation d’une résistance abusive.
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.
CONDAMNE la société S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU & ASSOCIÉS à payer à la société SCCV LE 176 GIBAUDERIE la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d’appel.
CONDAMNE la société S.A.R.L. ATELIERS MONTAROU & ASSOCIÉS aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,