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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 5
ARRET DU 12 OCTOBRE 2022
(n° /2022, 13 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/20072 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6J3K
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Mai 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 16/02640
APPELANTS
Monsieur [V] [I]
[Adresse 2]
[Localité 3]
né le 18 Septembre 1943 à PARIS 75015
Représenté par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653
ayant pour avocat plaidant Me Anne PUYBARET, avocat au barreau de PARIS
Société d’assurance mutuelle à cotisations variables MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF)
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653
ayant pour avocat plaidant Me Anne PUYBARET, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
Société civile de construction ROSSAN
[Adresse 4]
[Localité 13]
Représentée par Me Maud EGLOFF-CAHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1757
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 10 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre
Mme Valérie MORLET, conseillère
M. Laurent ROULAUD, conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre et par Suzanne HAKOUN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Il résulte du jugement prononcé le 28 février 2013 par le tribunal administratif de Saint Denis de la Réunion, saisi d’une requête en annulation du permis de construire délivré le 3 juillet 2007 à la société SOBEFI, aux droits de laquelle vient la société SCCV ROSSAN, intimée, les éléments suivants :
Un permis de construire 104 logements sur un ensemble de parcelles cadastrées [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 8] dans le quartier de [Localité 12] à [Localité 13] de la Réunion a été accordé à la société SOBEFI par arrêté du 3 juillet 2007 en vue de la construction de 104 logements.
Le 20 août 2007 le maire a fait droit à la demande de transfert au profit de la SCCV ROSSAN qui a sollicité et obtenu par arrêté du 10 juin 2009 la prorogation du permis de construire jusqu’au 3 juillet 2011 inclus. Le 29 octobre 2009 la SCCV ROSSAN a déposé une demande tendant à obtenir un permis modificatif permettant de réduire à 95 le nombre de logements prévu et de créer des logements sociaux susceptibles d’ouvrir droit à défiscalisation. Par arrêté du 3 février 2010 portant en tête « permis de construire » mais visant la demande de permis modificatif, la demande a été acceptée et suivant déclaration d’ouverture de chantier en date du 2 septembre 2011 la SCCV ROSSAN a entamé des travaux de construction de l’immeuble.
Un contrat de maîtrise d’oeuvre a été signé le 19 novembre 2007 entre la SCCV Résidence ROSSAN et l’Agence d’Architecture [I] sur la base d’ un montant de travaux de 11 275 000 euros TTC et d’ un honoraire convenu d’un montant global de 620 125 euros TTC comportant dans la partie 1 Cahier des Clauses Particulières les éléments de mission suivants :
Etudes Préliminaires
Avant Projet Sommaire
Avant Projet définitif
Dossier de Demande de Permis de Construire
Projet de Conception Générale
Dossier de Consultation des Entrepreneurs
Mise au point des Marchés de Travaux
Visa des Documents des Entrepreneurs
Direction de l’Exécution des contrats de travaux
Assistance aux Opérations de Réception des Travaux
Dossiers des Ouvrages Exécutés
Au titre des missions complémentaires l’Agence [I] s’engageait à réaliser :
Le Relevé des Existants
La Demande de Permis de Démolir
Le Dossier Quantitatif des Ouvrages
Les Etudes d’Exécution
Les Etudes de Synthèse
L’Ordonnancement- Pilotage-Coordination
En partie 2 le Cahier des Clauses Générales comporte une clause G 3 4-PCG intitulée Les Etudes de Projet de Conception Générale énonçant : « L’architecte précise par des plans, coupes et élévations les formes des différents éléments de la construction, la nature et les caractéristiqes des matériaux et les conditions de leur mise en ‘uvre.
Il détermine l’implantation et l’encombrement de tous les éléments de structure et de tous les équipements techniques, précise les tracés des alimentations et évacuations de tous les fluides, décrit les ouvrages et établit les plans de repérage nécessaires à la compréhension du projet (…) »
La clause G10 Litiges énonce : « En cas de litige portant sur le respect des clauses du présent contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le Conseil Régional de l’Ordre dont relève l’Architecte, avant toute procédure judiciaire sauf conservatoire.
Cette saisine intervient sur l’initiative de la partie la plus diligente. »
Par un avenant n°2 au contrat de maîtrise d’oeuvre signé le 18 avril 2012 entre la SCCV ROSSAN et l’AGENCE [I], la rémunération de l’architecte AGENCE [I] était actée à hauteur de 65 100 euros TTC pour l’adaptation du projet de 110 à 95 logements, l’augmentation de la surface habitable de 406 m2, l’augmentation de la surface finançable de 136 m2, le dépôt de PC modificatif correspondant.
Le jugement prononcé le 28 mars 2013 par le Tribunal Administratif de Saint Denis de la Réunion a dit en son article 1er qu’il n’y a plus lieu à statuer sur la requête en annulation du permis de construire délivré le 3 juillet 2007 devenu caduc depuis le 4 juillet 2011 retenant en son troisième énoncé :
– que le permis de construire délivré le 3 juillet 2007 en cours de validité au 20 décembre 2008 n’a pu être valablement prorogé que jusqu’au 3 juillet 2011, qu’il était donc caduc lorsque les travaux ont été entamés le 2 septembre 2011,
– que la SCCV ROSSAN a sollicité et obtenu un permis modificatif qui n’a pu avoir pour effet de proroger la validité du permis initial et que si le groupe SOBEFI soutient que le permis modificatif doit s’ analyser en un nouveau permis, il résulte des pièces produites que le permis sollicité était bien un permis modificatif qui autorisait des réaménagements de la disposition intérieure des bâtiments, la modification de quelques ouvertures pour réduire à 95 au lieu de 104 le nombre de logements mais ne modifiait ni le volume du bâtiment ni son implantation ;
– que par suite le service instructeur, saisi d’une demande de permis modificatif n’était pas tenu d’exiger une nouvelle demande de permis de construire qui n’avait pas été envisagée par le pétitionnaire et qu’il n’y avait donc plus lieu à statuer sur la demande d’annulation à raison de la péremption du permis attaqué qui emporte nécessairement celle du permis modificatif.
Un devis n°1305002 était émis par la SARL ODEM CONCEPT le 19 juin 2013 à hauteur de 21 700 euros TTC pour le dossier de permis de construire opération Rossan portant sur la construction de 95 logements sociaux à [Localité 12].
Deux factures étaient transmises par la SARL ODEM CONCEPT au vu de ce devis :
– le 2 juillet 2013 visant l’avance de 50% sur le devis à hauteur de 10 850 euros.
– le 14 août 2013 visant le solde de 50 % à hauteur de 10 850 euros.
Par lettre du 7 novembre 2013 la SCCV ROSSAN notifiait à l’AGENCE [I] une contestation portant sur les notes d’honoraires 21 et 22 au motif de l’inachèvement des travaux, imputant à celle-ci l’abandon du chantier depuis 4 mois, la non conformité au PLU du projet et les erreurs commises ayant contraint la SCCV ROSSAN à négocier avec la mairie de [Localité 13] l’achat d’une parcelle de terrain communal afin de rendre conforme l’ouvrage exécuté sous le visa de l’architecte.
Selon contrat du 12 novembre 2013, signé par le Maître d’ouvrage la SCCV ROSSAN, Monsieur [V] [I] confiait en raison de son éloignement à la SARL ODEM CONCEPT, une mission de suivi de chantier (DET) sur une durée prévisionnelle de 2 mois pour terminer l’opération à l’occasion de la reprise finale du chantier moyennant une délégation de paiement.
Un permis de construire modificatif a été déposé le 5 décembre 2013 et accordé le 31 décembre suivant.
La société ODEM est intervenue en qualité de sous-traitant de l’AGENCE [I] pour la maîtrise d’oeuvre d’exécution lorsque l’architecte Monsieur [V] [I] a pris sa retraite au 31 décembre 2013.
La réception des ouvrages est intervenue le 12 juin 2014.
Par une délibération du 28 juin 2014 le Conseil Municipal du département de la Réunion commune de [Localité 13], approuvait la cession par la commune d’une portion des terrains communaux cadastrés [Cadastre 9] et [Cadastre 10] au profit de la SCCV ROSSAN au motif que cette dernière ayant obtenu un permis de construire pour une opération immobilière à [Localité 12] et s’étant engagée à céder en VEFA à la SIDR s’agissant d’une opération de logements sociaux, la finalisation du projet nécessitait la cession d’une portion de ces terrains communaux.
Par exploits délivrés le 29 janvier et le 11 février 2016, la SCCV ROSSAN a assigné Monsieur [V] [I] devant le tribunal de grande instance de Paris en paiement d’une somme de 203 728,27 euros à titre de dommages et intérêts portant intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2016 pour Monsieur [I] et du 11 février 2016 pour la Mutuelle des Architectes Français dite MAF outre la garantie du paiement des pénalités de retard qui pourraient lui être réclamées par la société LS 7 acquéreur de la parcelle [Cadastre 11] cédée par la commune, la capitalisation des intérêts échus et une somme de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Le jugement entrepris prononcé le 29 juin 2018 a :
Déclaré recevables les demandes formées par la SCCV ROSSAN ;
Condamné in solidum Monsieur [V] [I] et son asssureur la Mutuelle des Architectes Francais à payer à la SCCV ROSSAN la somme de 153 728,27 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation soit le 29 janvier 2016 s’agissant de Monsieur [I] et le 11 février 2016 s’agissant de la Mutuelle des Architectes Francais ;
Débouté la SCCV ROSSAN de son appel en garantie dirigé à l’encontre de Monsieur [V] [I] et son asssureur la Mutuelle des Architectes Francais ;
Débouté les parties de leurs plus amples demandes ;
Condamné in solidum Monsieur [V] [I] et son asssureur la Mutuelle des Architectes Francais à payer à la SCCV ROSSAN la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Débouté Monsieur [V] [I] et son assureur la Mutuelle des Architectes Francais de leur demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamné Monsieur [V] [I] et son asssureur la Mutuelle des Architectes Francais aux dépens.
Monsieur [V] [I] et son asssureur la Mutuelle des Architectes Francais ont interjeté appel selon déclaration reçue au greffe de la cour le 4 septembre 2018.
Par conclusions signifiées le 2 mai 2019 Monsieur [V] [I] et son asssureur la Mutuelle des Architectes Francais demande à la cour de :
Vu l’article 122 du code de procédure civile,
Constater que le contrat de maîtrise d’oeuvre prévoit la saisine préalable du Conseil de l’Ordre des Architectes avant toute introduction de la procédure ;
Constater que la la SSCV ROSSAN ne rapporte pas la preuve qu’elle s’est acquittée de cette diligence ;
En conséquence,
Dire que l’absence de saisine préalable de l’Ordre des Architectes constitue une fin de non recevoir rendant irrecevable la demande du Maître de l’Ouvrage à l’encontre de Monsieur [I] ;
En conséquence,
Débouter purement et simplement la SSCV ROSSAN de toutes ses demandes, fins et conclusions, formées à l’encontre de Monsieur [I] ;
Vu l’article 1134 du Code civil,
Constater que l’implantation du bâtiment a été faite au vu des plans de bornage établis par un géomètre ;
Constater que le retard du chantier est dû à la caducité du premier permis de construire déposé et au refus du maître de l’ouvrage de régler régulièrement les entreprises mais aussi à des dégradations liées à l’abandon du chantier pendant plusieurs mois ;
Constater que la SCCV ROSSAN n’est pas en meusre d’établir la preuve d’une faute imputable à Monsieur [I] en relation avec les préjudices qu’elle subirait ;
En conséquence,
Débouter la SCCV ROSSAN de toutes les demandes, fins et conclusions qu’elle forme,
Subsidiairement,
Constater que les liens de causalité entre les préjudices dont la SCCV ROSSAN se prévaut et les fautes de l’architecte n’étant pas établies, la demanderesse ne saurait nullement obtenir la condamnation de l’architecte à son profit ;
Constater que la nécessité de régler la société ODEM pour qu’elle achève la direction des travaux est liée au retard pris par le chantier qui aurait dû s’achever en 2012 avant le départ à la retraite de l’architecte ;
Constater que Monsieur [I] est tiers au contrat de VEFA intervenu entre la SCCV ROSSAN et la SIDR de sorte qu’il ne saurait nullement être tenu de quelconques pénalités de retard au profit de l’acquéreur ;
Constater que la SCCV ROSSAN n’établit pas la réalité du préjudice commercial ou de perte d’image qu’elle invoque ;
En conséquence,
Débouter purement et simplement la SCCV ROSSAN de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Sur les limites contractuelles de la police,
Dire et juger qu’aucune condamnation ne saurait intervenir à l’encontre de la MAF qui excèderait les limites contractuelles de la police qu’elle a délivrée, la franchise étant opposable aux tiers lésés ;
En toute hypothèse,
Condamner la SCCV ROSSAN à verser à Monsieur [V] [I] et son asssureur la Mutuelle des Architectes Francais la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
La condamner aux entiers dépens ;
Par conclusions récapitulatives d’intimé et d’appel incident signifiées le 16 septembre 2019 la SCCV ROSSAN aux visas des articles 1134, 1147, 1153 et 1154 du Code civil, L 124-3 du Code des assurances, demande à la cour de :
Confirmer le jugement en ce qu’il a :
Déclaré recevables les demandes formées par la SCCV ROSSAN ;
Condamné in solidum Monsieur [V] [I] et son asssureur la Mutuelle des Architectes Francais à payer à la SCCV ROSSAN la somme de 153 728,27 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation soit le 29 janvier 2016 s’agissant de Monsieur [I] et le 11 février 2016 s’agissant de la Mutuelle des Architectes Francais ;
Condamné in solidum Monsieur [V] [I] et son asssureur la Mutuelle des Architectes Francais à payer à la SCCV ROSSAN la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Débouté Monsieur [V] [I] et son assureur la Mutuelle des Architectes Francais de leur demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Y ajoutant,
Infirmer le jugement pour le surplus ;
Débouter [V] [I] et la MAF de toutes leurs demandes ;
Juger que la SSCV ROSSAN dispose d’une action directe contre la MAF en sa qualité d’assureur de Monsieur [V] [I]
Juger qu’aucune limitation de garantie ne saurait être opposée à la SCCV ROSSAN par la MAF
Condamner in solidum Monsieur [V] [I] et la Mutuelle des Architectes Français à payer à la société SCCV ROSSAN la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice d’image, portant intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2016 pour Monsieur [V] [I] et du 11 février 2016 pour la Mutuelle des Architectes Français ;
Condamner in solidum Monsieur [V] [I] et la Mutuelle des Architectes Français à garantir la société SCCV ROSSAN du paiement de toute pénalité de retard d’achèvement et de livraison qui pourrait être réclamée par la SCI LS 7 ;
Ordonner la capitalisation des intérêts ;
Condamner in solidum Monsieur [V] [I] et la Mutuelle des Architectes Français aux dépens ainsi qu’au règlement d’une somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles.
L’ordonnance de clôture était rendue le 18 janvier 2022.
SUR QUOI,
LA COUR
1-Sur la recevabilité de la demande à l’égard de l’architecte
Le tribunal a retenu que les clauses contractuelles prévoyant une tentative de règlement amiable, non assortie de conditions particulières de mise en oeuvre, ne constituent pas une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge dont le non-respect caractérise une fin de non recevoir s’imposant à celui-ci.
Monsieur [V] [I] et la MAF soutiennent, au visa de la clause G 10 du contrat d’architecte Litiges et de la jurisprudence, que la clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge est licite et constitue une fin de non-recevoir qui s’impose si les parties l’invoquent.
La SCCV ROSSAN fait valoir que cette clause n’impose à aucune partie de saisir obligatoirement le Conseil Régional de l’Ordre des Architectes dont relevait Monsieur [I], qu’elle n’est aucunement une clause de conciliation puisqu’elle ne prévoit qu’un simple avis, que la jurisprudence invoquée n’est pas applicable puisqu’elle concerne une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge différente de la présente espèce et qu’en tout état de cause cette clause compromissoire est nulle, s’agissant d’un acte conclu avec un retraité n’exerçant plus d’activité professionnelle cependant que l’action directe à l’encontre de la MAF est recevable ne application de l’article L 124-3 du Code des assurances.
Réponse de la cour :
Selon les dispositions de l’article 1134 du Code civil dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016 applicable au litige : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
Selon les articles 122 et 124 du Code de procédure civile :
article 122 : « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit à agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »
article 124 : « Les fins de non-recevoir doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief et alors même que l’irrecevabilité ne résulterait d’aucune disposition expresse. »
La clause article G 10 du contrat d’architecte intitulée Litiges est ainsi rédigée :
« En cas de litige portant sur le respect des clauses du présent contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le Conseil Régional de l’Ordre des architectes dont relève l’architecte, avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire ; cette saisine intervient sur l’initiative de la partie la plus diligente”.
Il suit de ces dispositions prises ensemble que les fins de non-recevoir ne sont pas limitativement énumérées et que la clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge dont la mise en ‘uvre, par l’effet de la jurisprudence antérieure à la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, applicable au contrat rédigé le 19 novembre 2007 alors que l’architecte étant en activité, le moyen tiré de la nullité invoquée du fait de la mise à la retraite de Monsieur [I], intervenue le 31 décembre 2013 est de ce fait inopérante, suspend jusqu’à son issue le cour de la prescription si les parties l’invoque, institue une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge et constitue une fin de non-recevoir qui s’impose au juge si les parties l’invoque, au demeurant non régularisable en cours d’instance.
Il en résulte que faute pour la SCCV ROSSA d’avoir mis en ‘uvre la procédure de conciliation obligatoire, celle-ci n’est pas recevable en ses demandes formées à l’encontre de Monsieur [V] [I].
Le jugement sera donc infirmé de ce chef.
2- Sur la recevabilité de la demande à l’égard de l’assureur
Selon les dispositions de l’article L 124-3 du Code des assurances : « Le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.
L’assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n’a pas été désintéressé, jusqu’à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l’assuré. »
Il suit de ces dispositions que le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable qui n’impose pas à la victime de mettre en cause l’assuré dont la responsabilité est recherchée dans le cadre de l’exercice de l’action directe.
Par conséquent de ce chef mais par substitution de motifs, le jugement sera confirmé.
3- Sur la responsabilité de l’architecte
Le tribunal a retenu la responsabilité de l’architecte au visa des articles 1134 et 1147 anciens du Code civil avait commis une faute en ne vérifiant pas la conformité du plan d’implantation aux règles d’urbanisme et notamment au plan de nouvelle voierie établi en 2006.
Il a également estimé qu’étant chargé d’une mission complète de maîtrise d’oeuvre l’architecte a manqué à son obligation de direction et de suivi du chantier faute de rapporter la preuve de la sous-traitance de cette mission.
Monsieur [V] [I] et la MAF font valoir que les plans qui lui ont été remis étaient conformes au PLU et au permis de construire, que si défaut d’implantation il y a eu c’est bien en raison des erreurs affectant les documents établis par le premier géomètre dont se sont servis les entreprises pour implanter les bâtiments, que l’architecte ne saurait répondre des fautes commises par un tiers et qu’en toute hypothèse l’empiètement a pu être régularisé grâce à l’acquisition d’une parcelle et la difficulté résolue en cours de chantier. Il souligne également que la nécessité de déposer un permis modificatif n’était pas exclusivement liée à un défaut d’empiètement mais ressortait également du fait que l’opération qui à l’origine devait contenir 104 logements a été ramenée à 95 logements.
La SCCV ROSSAN oppose que Monsieur [I] a fourni des plans erronés, manquant à son devoir de vigilance, que le permis initial a été délivré le 3 juillet 2007 soit plus d’un semestre après les éventuelles modifications de la voirie commune lesquelles ne sont au demeurant pas démontrées et que contrairement à ce qui est allégué elle n’avait nullement l’intention d’agrandir la surface de construction et a été contrainte de le faire par la faute de l’architecte.
Réponse de la cour :
L’action directe qui bénéficie au tiers lésé suppose que soient établis à la fois l’existence de la responsabilité de l’assuré à l’égard de la victime et le montant de la créance d’indemnisation de celle-ci contre l’assuré.
Selon les dispositions de l’article 1134 et 1147 du Code civil dans leur version antérieure à l’entrée en vigeur de l’Ordonnance du 10 février 2016 applicables au litige, pour le premier de ces articles, les conventions légalement formées tiennent leu de loi à ceux qui les ont faites et pour le second, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Il suit de ces dispositions que la responsabilité de l’architecte s’analyse à l’aune des termes de sa mission lesquels sont énoncés par le contrat de maîtrise d’oeuvre signé le 19 novembre 2007 entre la SCCV Résidence ROSSAN et l’Agence d’Architecture [I] qui prévoient en partie 1 Cahier des Clauses Particulières les éléments de mission relatifs au Projet de Conception Générale et plus particulièrement en partie 1 dans le Cahier des Clauses Générales qu’Il (l’architecte ) détermine l’implantation et l’encombrement de tous les éléments de structure et de tous les équipements techniques, précise les tracés des alimentations et évacuations de tous les fluides, décrit les ouvrages et établit les plans de repérage nécessaires à la compréhension du projet (…) »
La détermination de l’implantation du bâtiment ressort donc expressément de la mission de l’architecte qui répond à l’égard de son co-contractant des conséquences du défaut d’implantation de l’immeuble, la circonstance que celui-ci résulte du plan de bornage établi par le géomètre étant sans emport sur l’obligation contractée à l’égard du maître de l’ouvrage.
En l’espèce le problème de l’implantation hors les limites de propriété sur un côté a été relevé par le compte-rendu de chantier établi le 19 octobre 2011 par l’architecte, réitérée dans le compte-rendu du 26 octobre 2011 qui indique avoir été informé par BTB le 12 octobre 2011 que son géomètre a relevé un problème d’implantation du bâtiment et qu’une vérification sur site est prévue entre l’architecte, l’entreprise et un géomètre agrée le 21 octobre pour confirmer la résolution du problème.
Ainsi nonobstant la circonstance que la réduction du nombre de logements ait également conduit la SCCV ROSSAN à solliciter un permis modificatif, dès lors que celui-ci a été rendu nécessaire par l’erreur d’implantation la responsabilité de l’architecte doit être retenue.
Cette erreur a directement concouru au préjudice lié à la nécessité d’acquérir une portion de terrain communal au prix de 87 600 euros outre les frais d’acquisition, 8 300 euros ainsi que les frais afférents à la rétrocession formalisée pour un euro symbolique, de la parcelle à l’acquéreur représenté par la SIDR dans le cadre de la vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) soit 7 828,27 euros.
Il ne saurait cependant être imputé à l’erreur d’implantation le coût de la maîtrise d’oeuvre lié à l’intervention de la société ODEM CONCEPT quand celle-ci fait suite au contrat de sous-traitance de maîtrise d’oeuvre conclu le 12 novembre 2013 par l’architecte pour la reprise du chantier de l’opération ROSSAN et la mission de suivi en raison de l’éloignement de Monsieur [I] celui-ci envisageant de prendre sa retraite au cours du deuxième semestre de l’année 2013.
Par conséquent le jugement sera infirmé de ce chef et la MAF condamnée à régler à la SCCV ROSSAN la somme de 103 728,27 euros en réparation du préjudice lié à l’erreur d’implantation.
4- Sur le retard de livraison
Le tribunal, se fondant notamment sur la lettre datée du 22 juillet 2013 de la société ODEM CONCEPT a retenu que la SCCV ROSSAN ne rapporte pas la preuve que le retard pris sur le chantier soit imputable à l’erreur d’implantation et à un abandon du chantier.
La SCCV ROSSAN soutient que le retard de livraison est dû à l’erreur d’implantation mais également à l’abandon de chantier imputable à Monsieur [I] et que ce retard lui a causé un préjudice commercial caractérisé par un préjudice d’image réparable par une somme de 50 000 euros.
Monsieur [I] et la MAF opposent qu’il n’y a eu aucune carence dans le suivi du chantier, que le collaborateur de l’architecte, puis la société ODEM dans le cadre d’une sous-traitance de la mission de maîtrise d’oeuvre ont été missionnés pour ce suivi à partir de la cessation de son activité le 30 juin 2013. Ils soulignent que le promoteur est seul responsable de la caducité du premier permis de construire depuis le 4 juillet 2011, que des retards de paiement ont été accumulés par le maître de l’ouvrage entraînant une interruption de chantier pendant un an et de nombreuses dégradations, qu’en outre l’architecte n’est pas partie au contrat de VEFA intervenu entre la SCCV ROSSAN et la société SIDR et ne saurait être tenu des pénalités de retard.
Réponse de la cour :
Il a été vu que l’erreur d’implantation a été décelée dès le 19 octobre 2011 par l’architecte or, il résulte du rapport de garantie de parfait achèvement établi le 2 octobre 2015 par la société ODEM CONCEPT, liée à l’architecte par un contrat de sous-traitance de maîtrise d’oeuvre pour la reprise du chantier à partir du 12 novembre 2013, non utilement contredit au demeurant par la SCCV ROSSAN, que le chantier a été interrompu pendant un an à la suite de l’aggravation des difficultés de paiement des entreprises par le fait de la SCCV ROSSAN et ce à partir du mois de mars 2013, date à laquelle le permis modificatif était atteint par la péremption du fait de la péremption du permis initial ainsi que le tribunal administratif l’a jugé.
Les courriers produits par la SCCV ROSSAN établissent que Monsieur [I] s’est préoccupé dès avant le 29 juin 2012, date du courrier récapitulant l’historique des démarches accomplies, de la prise en compte de la limite du domaine public défini par le plan auprès des services de l’urbanisme et que l’acceptation de cette limite était bien enterinée par la mairie de [Localité 13] du fait de l’opposabilité du permis de construire obtenu sur cette base.
Il est en outre établi par les échanges de lettres entre l’architecte et le maître de l’ouvrage que l’architecte Monsieur [I] avait missionné dès 2012 son collaborateur Monsieur [T] pour assurer le suivi du chantier et que celui-ci a rejoint la société ODEM CONCEPT à laquelle la sous-traitance du suivi d’exécution du chantier a finalement été dévolue par Monsieur [I].
La société ODEM CONCEPT précise également dans son rapport que le chantier n’a redémarré que le 22 avril 2014 après la mise en place par la société ODEM CONCEPT d’offres irrévocables de paiement par devant notaire, lesquelles ont été signées par les entreprises le 14 mars 2014 cependant que certaines entreprises ayant disparu, la fin du chantier a été faite dans l’urgence et alors que l’architecte Monsieur [I] avait fait diligence pour obtenir un permis modificatif le 31 décembre 2013 rectifiant l’erreur d’implantation. Elle souligne l’intervention de l’acquéreur des logements sociaux en VEFA le SIDR pour obtenir l’accord des entreprises pour accepter d’intervenir dans le cadre de la garantie de parfait achèvement nonobstant les impayés et l’engagement de son directeur adjoint pour assurer le paiement des entreprises.
Il apparaît par conséquent que l’abandon du chantier imputé par la SCCV ROSSAN à l’architecte Monsieur [I] est en réalité lié aux situations de travaux impayées par le maître de l’ouvrage tandis que l’architecte a assuré dès le démarrage des travaux en 2011 et jusqu’à la livraison du chantier au mois de juin 2014 la continuité de sa mission de maîtrise d’oeuvre par l’intermédiaire de son collaborateur Monsieur [T] puis via la société ODEM CONCEPT que Monsieur [T] a rejoint à partir de 2013.
En outre le défaut d’implantation ne saurait être considéré comme une cause du retard du chantier quand il n’en est résulté aucun préjudice pour l’ouvrage lui-même au vu de la réduction du nombre de logements et de la modification de la surface hors oeuvre nette finalement demandée par la SCCV ROSSAN dans son permis modificatif déposé le 22 octobre 2009 cependant que ce retard est exclusivement imputable au défaut de paiement des situations de travaux dues aux entrepreneurs.
La société SCCV ROSSAN sera donc déboutée de sa demande complémentaire de dommages et intérêts, le jugement étant confirmé de ce chef.
5- Sur la franchise opposée par la MAF
Le tribunal a retenu que la MAF doit sa garantie dans les limites de la police souscrite prévoyant une franchise.
La SCCV ROSSAN conteste l’opposabilité de cette franchise faute de production des conditions particulières.
Réponse de la cour :
La MAF produit les conditions générales de la police de responsabilité civile professionnelle des architectes laquelle prévoit en son article 1-32 Franchise :
‘ 1-3.2.1 – En cas de sinistre, le sociétaire conserve à sa charge une partie de l’indemnité dont le montant est fixé aux conditions particulières.’
Cependant les conditions particulières fixant cette franchise ne sont pas produites de sorte que la société MAF doit être déboutée de sa demande au titre de la franchise contractuelle.
6- Sur les frais irrépétibles
Sur infirmation, chacune des parties supportera la charge des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d’appel ainsi que les dépens qui seront partagés par moitié.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions excepté en ce qu’il a déclaré recevables les demandes de la société SCCV ROSSAN à l’égard de la société MAF ;
Statuant à nouveau,
DECLARE irrecevable la société SCCV ROSSAN en ses demandes dirigées à l’encontre de Monsieur [V] [I] ;
DECLARE la société SCCV ROSSAN recevable en son action directe à l’encontre de la société MAF ;
CONDAMNE la société MAF à régler à la société SCCV ROSSAN la somme de 103 728,27 euros en réparation du préjudice lié à l’erreur d’implantation ;
DEBOUTE la société MAF et Monsieur [V] [I] de leur demande de limitation de garantie au titre de la franchise contractuelle ;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
DIT que chacune des parties supportera la charge des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ;
FAIT MASSE des dépens et CONDAMNE chacune des parties au paiement de la moitié des dépens ;
La greffière La Présidente