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Une société qui commande un ouvrage à un prestataire / auteur doit, en cas de litige, s’adresser au Tribunal judiciaire et non au Tribunal de commerce.
Selon les dispositions de l’article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle, les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux judiciaires déterminés par voie réglementaire.
Pour contester la décision du tribunal de commerce qui n’a pas retenu sa compétence, la société Sacred fait valoir que la procédure qu’elle a initiée avait pour objet l’obtention d’engagements nés du contrat conclu entre deux sociétés commerçantes.
Néanmoins, il résulte des échanges entre les parties ci-avant rappelés que les difficultés d’exécution du contrat et particulièrement la non remise par la société Hors commerce du fichier haute définition du livre commandé par la société Sacred sont dues à la reconnaissance de la qualité de co-auteur de l’ouvrage et au crédit de son nom.
Aussi, si l’action engagée est fondée sur la responsabilité contractuelle, c’est à juste titre que le tribunal de commerce a considéré que celle-ci relève de la compétence du tribunal judiciaire de Paris, la détermination des obligations de chacune des parties contractantes et de leurs éventuels manquements dont réparation est sollicitée, impose à la juridiction saisie de statuer sur des questions touchant à la propriété intellectuelle et notamment à la qualité d’auteur et au respect du droit moral.
Enfin, la société Sacred n’invoque pas utilement les dispositions du code de commerce quant à la rupture brutale des relations commerciales qui ne sont nullement invoquées par les intimées.
Le tribunal judiciaire de Paris est donc compétent pour connaître du litige et le jugement du tribunal de commerce de Paris doit être confirmé.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 5 – Chambre 2 ARRÊT DU 16 SEPTEMBRE 2022 Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 21/20432 – n° Portalis 35L7-V-B7F-CEWWR Décision déférée à la Cour : jugement du 15 novembre 2021 – Tribunal de commerce de PARIS – 15ème chambre – RG n°2021037313 APPELANTE Société SACRED RIVER LIMITED, exerçant sous l’enseigne sketch, société de droit anglais, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège social situé [Adresse 5] [Adresse 1] LONDRES EC1Y 2AB ROYAUME-UNI Représentée par Me Eric ALLERIT de la SELARL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque P 241 Assistée de Me François THOMAS plaidant pour la SELAS NMW, avocat au barreau de PARIS, toque A 314 INTIMEES S.A.R.L.U. HORS COMMERCE, prise en la personne de sa représentante légale, Mme [D] [S], domiciliée en cette qualité au siège social situé [Adresse 4] [Localité 6] Immatriculée au rcs de [Localité 6] sous le numéro 534 777 644 Mme [D] [S] Née le 6 mai 1968 à [Localité 6] ([Localité 3]) De nationalité française Exerçant la profession de graphiste Demeurant [Adresse 2] Représentées par Me Jean-Marc FELZENSZWALBE, avocat au barreau de PARIS, toque C 119 COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Agnès MARCADE, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport Mme [M] [F] a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, Faisant Fonction de Présidente Mme Agnès MARCADE, Conseillère Mme Françoise BARUTEL, Conseillère, désignée pour compléter la Cour Greffière lors des débats : Mme Karine ABELKALON ARRET : Contradictoire Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile Signé par Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, Faisant Fonction de Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition. Vu le jugement contradictoire rendu le 15 novembre 2021 par le tribunal de commerce de Paris. Vu l’appel interjeté le 24 novembre 2021 par la société Sacred River Limited. Vu les assignations à jour fixe de la société Hors commerce et de Mme [D] [S] en date du 7 décembre 2021 et déposées au greffe le 10 décembre 2021. Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 24 novembre 2021 par la société Sacred River Limited, appelante. Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 6 janvier 2022 par la société Hors Commerce et Mme [D] [S], intimées. SUR CE, LA COUR Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties. La société de droit anglais Sacred River Limited (Sacred) exploite un restaurant étoilé à Londres sous l’enseigne ‘Sketch’ crée par M. [Y] [C] en 2003 et placé sous la direction de M. [A] [N]. Mme [D] [S] est gérante de la société Hors commerce, société à responsabilité limitée qui exploite un établissement secondaire sous l’enseigne Ich&Kar. La société Sacred a demandé à Mme [S], avec qui elle avait précédemment collaboré, de rédiger un livre consacré au restaurant Sketch intitulé ‘Sketch Book’ La société Hors Commerce a alors soumis à la société Sacred un devis en date du 6 mai 2019 d’un montant de 34.500 euros pour 400 pages, mentionnant que la somme de 4.600 euros a déjà été versée. Ce devis a été accepté. Le 1er mars 2021, Mme [S] a communiqué une version « basse résolution » du livre et demandé à se voir reconnaître la qualité d’auteur de celui-ci, ce que refusait la société Sacred par courriel du 13 avril 2021, affirmant que le livre et les droits d’auteur sur ce dernier lui appartiennent, considérant que la société Ich&Kar n’a été sollicitée qu’en tant que prestataire de services, et demandant à recevoir la version du livre en haute résolution avant le 14 avril 2021. Par lettre du 14 avril 2021, le conseil de Mme [S] maintenait que sa cliente se considère comme auteur de l’ouvrage, qu’elle ne remet pas en cause le paiement forfaitaire convenu mais sollicite que son droit moral soit respecté notamment par la mention de son nom selon les usages et mettait en demeure la société Sacred de lui fournir les éléments manquants. La société Sacred ayant en vain demandé la mise à disposition du fichier haute définition du livre par mise en demeure délivrée par huissier de justice en date du 14 mai 2021, a fait assigner en référé la société Hors commerce devant le président du tribunal de commerce de Paris, par acte en date du 18 juin 2021 pour la voir condamner sous astreinte à lui remettre les fichiers haute définition du livre ‘Sketch book’ ainsi qu’à lui verser une indemnité provisionnelle à valoir sur l’indemnisation des préjudices subis. Par ordonnance du 6 juillet 2021, le président du tribunal de commerce de Paris : — s’est déclaré compétent, — dit n’y avoir lieu à référé, ni à application de l’article 700 du code de procédure civile, — a renvoyé l’affaire à l’audience collégiale du 3 septembre 2021, pour qu’il soit statué sur le fond. Mme [S] est intervenue volontairement à l’instance devant le tribunal de commerce de Paris. Devant le tribunal, la société Sacred soulevait l’irrecevabilité de l’intervention volontaire de Mme [S] et demandait désormais l’allocation de la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice qu’elle estimait avoir subi en raison des agissements de la société Hors commerce. Le jugement du tribunal de commerce du 15 novembre 2021 dont appel s’est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris. La société Sacred a interjeté appel dudit jugement le 24 novembre 2021. Autorisée par ordonnance du 1er décembre 2021, elle a fait assigner à jour fixe pour l’audience du 25 mai 2022 la société Hors commerce et Mme [S] par actes en date du 7 décembre 2021. Par ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 24 novembre 2021, la société Sacred demande à la cour de : — la recevoir en son appel et le déclarer bien fondé. Y faisant droit, — infirmer la décision entreprise, Statuant à nouveau. — déclarer le tribunal de commerce de Paris compétent pour connaître de ses demandes, — dire n’y avoir lieu à renvoyer l’affaire devant le tribunal judiciaire de Paris, — condamner in solidum la société Hors commerce et Mme [D] [S] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, — condamner in solidum la société Hors commerce et Mme [D] [S] aux entiers dépens de première instance et d’appel avec possibilité de recouvrement selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. Par leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 6 janvier 2022, la société Hors Commerce et Mme [S] demandent à la cour de : — constater que le jugement du 15 novembre 2021, rendu par le tribunal de commerce de Paris, s’est prononcé sur la recevabilité de Mme [S] puis sur la compétence du tribunal judiciaire de Paris, — dire qu’en conséquence, les dispositions combinées des articles 83 et 85 du code de procédure civile ne permettent pas un appel à jour fixe, — dire que la saisine de la cour étant irrégulière, l’appel à jour fixe de la société Sacred est nul et le rejeter, — dire que le motif exposé par la société Sacred au soutien de son appel est inexistant, — dire que l’appel n’est pas motivé, le rejeter, — dire la société Sacred irrecevable et mal fondée en son appel. — confirmer le jugement du 15 novembre 2021, rendu par le tribunal de commerce de Paris, en toutes ses dispositions, — condamner la société Sacred à leur payer à chacune, la somme de 10.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, — condamner la société Sacred aux dépens, avec recouvrement par application de l’article 699 du code de procédure civile. Sur la recevabilité de l’appel Par jugement du 15 novembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a : — dit recevable et bien fondée l’exception de compétence soulevée par la société Hors Commerce et Mme [S], — s’est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris, — dit qu’en application de l’article 84 du code de procédure civile, la voie de l’appel est ouverte contre la présente décision dans le délai de quinze jours à compter de ladite notification, — dit qu’il n’y a lieu à ordonner l’exécution provisoire, — dit qu’il n’y a lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, — condamné la société Sacred River Limited aux dépens. Il ressort du dispositif précité que le jugement a statué sur la recevabilité de l’exception d’incompétence et sur ladite exception. En conséquence, contrairement à ce que soutiennent la société Hors commerce et Mme [S], le tribunal a exclusivement statué sur sa compétence et non sur la recevabilité de l’intervention volontaire de Mme [S], ce quand bien même la recevabilité de cette intervention volontaire était discutée par la société Sacred, étant relevé que le tribunal ne statue pas plus sur ce point dans les motifs de la décision. De même, si le tribunal motive son incompétence au profit du tribunal judiciaire de Paris par le fait que l’appréciation des manquements des parties à leurs obligations contractuelles nécessite qu’il soit statué sur des questions mettant en cause les règles spécifiques du droit de la propriété littéraire et artistique, les premiers juges ne tranchent pas non plus, contrairement à ce que soutiennent les intimées, une question de fond. En effet, la détermination de la compétence du tribunal ne dépend pas d’une question de fond qu’il a tranché dans les motifs de sa décision, seul le dispositif ayant autorité de la chose jugée. En outre, si la société Sacred a renoncé à demander devant le tribunal l’exécution forcée du contrat la liant à la société Hors commerce par la mise à disposition des fichiers haute définition de l’ouvrage, il n’en demeure pas moins qu’elle a maintenu ses demandes de dommages et intérêts au titre de l’inexécution du contrat et il n’est pas utilement soutenu par la société Hors commerce et Mme [S] que le motif exposé par la société Sacred au soutien de son appel est inexistant et que l’appel n’est pas motivé, la déclaration d’appel étant accompagnée de conclusions dûment motivées. Il ressort de ce qui précède que l’appel à jour fixe de la société Sacred doit être considéré comme régulier et recevable. Sur la compétence du tribunal judiciaire de Paris Selon les dispositions de l’article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle, les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux judiciaires déterminés par voie réglementaire. Pour contester la décision du tribunal de commerce qui n’a pas retenu sa compétence, la société Sacred fait valoir que la procédure qu’elle a initiée avait pour objet l’obtention d’engagements nés du contrat conclu entre deux sociétés commerçantes, que l’intervention volontaire de Mme [S] n’avait pour objet que la dénaturation des débats, celle-ci ne formant que des demandes d’indemnisation du préjudice au titre de la rupture unilatérale d’un contrat auquel elle n’est pas partie. Elle ajoute qu’il ressort des écritures de première instance que les demandes indemnitaires formées par les intimées étaient fondées sur les dispositions de l’article L. 442-1 du code de commerce ce qui justifie la compétence du tribunal de commerce de Paris. Néanmoins, il résulte des échanges entre les parties ci-avant rappelés que les difficultés d’exécution du contrat et particulièrement la non remise par la société Hors commerce du fichier haute définition du livre en litige sont dues à la reconnaissance de la qualité de co-auteur notamment de Mme [S] et de la société Hors commerce et au crédit de leur nom dans l’ouvrage. Aussi, si l’action engagée est fondée sur la responsabilité contractuelle, c’est à juste titre que le tribunal de commerce a considéré que celle-ci relève de la compétence du tribunal judiciaire de Paris, la détermination des obligations de chacune des parties contractantes et de leurs éventuels manquements dont réparation est sollicitée, impose à la juridiction saisie de statuer sur des questions touchant à la propriété intellectuelle et notamment à la qualité d’auteur de Mme [S] et au respect de son droit moral. Enfin, la société Sacred n’invoque pas utilement les dispositions du code de commerce quant à la rupture brutale des relations commerciales qui ne sont nullement invoquées par les intimées. Le tribunal judiciaire de Paris est donc compétent pour connaître du litige et le jugement du tribunal de commerce de Paris doit être confirmé. Sur les autres demandes Le sens de l’arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement concernant les frais irrépétibles et les dépens. Parties perdantes, la société Sacred est condamnée aux dépens d’appel et à payer à Mme [S] et à la société Hors commerce, en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 3.000 euros à chacune soit la somme totale de 6.000 euros. PAR CES MOTIFS La cour, Dit l’appel de la société Sacred River Limited régulier et recevable, Confirme le jugement déféré, Renvoie l’affaire au tribunal judiciare de Paris conformément aux articles 86 alinéa 1 et 87 du code de procédure civile, Vu l’article 700 du code de procédure civile, Condamne la société Sacred River Limited à payer à Mme [D] [S] la somme de 3.000 euros, Condamne la société Sacred River Limited à payer à la société Hors commerce la somme de 3.000 euros, Rejette toute autre demande plus ample ou contraire, Condamne la société Sacred River Limited aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. La Greffière La Conseillère, Faisant Fonction de Présidente | |