La SA Creatis a accordé un prêt de regroupement de crédits à Mme [S] [O] et M. [L] [B] en octobre 2013, d’un montant de 44.300 euros, remboursable en 143 mensualités. En juin 2016, un réaménagement de la dette a été convenu, réduisant le montant restant à 42.130,02 euros, remboursable en 144 mensualités. En septembre 2020, la SA Creatis a mis en demeure les emprunteurs pour des échéances impayées et a prononcé la déchéance du terme en octobre 2020. En février 2021, elle a assigné M. [B] pour obtenir le paiement de la somme due. M. [B] a contesté les demandes et a demandé la déchéance du droit aux intérêts. Le tribunal a déclaré la demande de la SA Creatis irrecevable en juillet 2022, ce qui a conduit la SA Creatis à interjeter appel. En janvier 2024, la cour a infirmé le jugement concernant M. [B], a déclaré recevables les demandes de la SA Creatis, mais a prononcé la déchéance du droit aux intérêts pour non-respect de l’information précontractuelle. La cour a ensuite condamné M. [B] à verser une somme à la SA Creatis avec intérêts au taux légal, tout en écartant l’application de la majoration du taux d’intérêt légal et en le condamnant aux dépens.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 22/02118 – N° Portalis DBVS-V-B7G-FZYX
Minute n° 24/00252
S.A. CREATIS
C/
[B]
Jugement Au fond, origine Juge des contentieux de la protection de METZ, décision attaquée en date du 21 Juillet 2022, enregistrée sous le n° 11-21-215
COUR D’APPEL DE METZ
3ème CHAMBRE – TI
ARRÊT DU 10 OCTOBRE 2024
APPELANTE :
S.A. CREATIS
[Adresse 2]
Représentée par Me Nathalie ROCHE-DUDEK, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Christine BOUDET, avocat plaidant au barreau de COLMAR
INTIMÉ :
Monsieur [L] [B]
[Adresse 1]
Représenté par Me Cédric GIANCECCHI, avocat au barreau de METZ
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés devant M. MICHEL,Conseiller, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries.
A l’issue des débats, les parties ont été informées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 10 Octobre 2024, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
PRÉSIDENT : Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre
ASSESSEURS : M. MICHEL, Conseiller
M. KOEHL, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme BAJEUX, Greffier
ARRÊT :
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Présidente de Chambre, et par Mme BAJEUX, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Selon offre préalable de crédit acceptée le 14 octobre 2013, la SA Creatis a consenti à Mme [S] [O] et M. [L] [B] un prêt de regroupement de crédits d’un montant de 44.300 euros remboursable en 143 mensualités de 565,80 euros avec un TAEG de 10,38 %.
Par acte du 17 juin 2016, la SA Creatis et M. [B] ont convenu d’un réaménagement de la dette restante de 42.130,02 euros en 144 mensualités de 519,36 euros avec un TAEG de 7,63 %.
Par courrier du 14 septembre 2020, la SA Creatis a mis en demeure les emprunteurs de régulariser les échéances impayées et par courrier du 23 octobre 2020, elle a prononcé la déchéance du terme.
Par acte d’huissier du 10 février 2021, elle a fait assigner M. [B] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Metz aux fins de le voir condamner à lui verser les sommes de 39.897,44 euros arrêtée au 23 octobre 2020 avec intérêts au taux conventionnel de 8,36% à compter de la déchéance du terme, de 2.819,44 euros au titre de l’indemnité conventionnelle avec intérêts au taux légal à compter de la décision et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et dire n’y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts.
M. [B] s’est opposé aux demandes et a sollicité la déchéance du droit aux intérêts avec production d’un décompte expurgé des indemnités et sommes perçues au titre des intérêts, à défaut déclarer la demande irrecevable, rejeter la demande au titre de la clause pénale, à titre infiniment subsidiaire dire que la somme retenue porte intérêt au taux légal.
Par jugement du 21 juillet 2022, le tribunal a déclaré irrecevable la demande de la SA Creatis dirigée contre M. [B] en exécution du contrat de prêt du 14 octobre 2013, l’a déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens.
Par déclaration d’appel déposée au greffe de la cour le 17 août 2022, la SA Creatis a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.
Aux termes de ses dernières conclusions du 10 août 2023, l’appelante a demandé à la cour d’infirmer le jugement et de :
– condamner M. [B] à lui payer les sommes de 39.897,44 euros avec intérêts au taux conventionnel de 8,36 % l’an à compter du 23 octobre 2020 et celle de 2.819,44 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision
– débouter M. [B] de l’ensemble de ses demandes
– le condamner à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux frais et dépens de première instance et d’appel.
Aux termes de ses dernières conclusions du 30 juin 2023, M. [B] a demandé à la cour de:
– déclarer l’appel irrecevable
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions
– à titre subsidiaire débouter la SA Creatis de l’ensemble de ses demandes
– plus subsidiairement prononcer la déchéance du droit aux intérêts et inviter la SA Creatis à produire un décompte faisant apparaître le capital restant dû après déduction des diverses indemnités et sommes perçues au titre des intérêts productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement
– à défaut déclarer la demande de la SA Creatis irrecevable et en tous les cas mal fondée et rejeter l’ensemble de ses demandes,
– en toute hypothèse débouter la SA Creatis de ses prétentions au titre de la clause pénale et dire que la somme retenue portera intérêt au taux légal
– condamner la SA Creatis à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers frais et dépens de première instance et d’appel.
Par arrêt mixte du 25 janvier 2024, la cour a :
– débouté M. [B] de sa demande d’irrecevabilité de l’appel
– infirmé le jugement en ce qu’il a déclaré irrecevable la demande de la SA Creatis dirigée contre M. [L] [B] en exécution du contrat de prêt du 14 octobre 2013 et statuant à nouveau
– déclaré recevables et non forcloses les demandes de la SA Creatis formées à l’encontre de M. [L] [B] en exécution du contrat de prêt du 14 octobre 2013
– prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la SA Creatis pour non respect de l’information précontractuelle
– invité la SA Creatis à produire un décompte expurgé des intérêts et pénalités en déduisant le coût des intérêts au taux légal produits par les sommes perçues par elle au titre des intérêts à compter de leur versement, et les parties à faire toute observation utile sur le nouveau décompte
– réservé le surplus des demandes et les dépens et renvoyé l’affaire à l’audience de plaidoirie du 27 juin 2024.
Par conclusions du 15 mars 2024, M. [B] demande à la cour de :
– déclarer l’appel irrecevable
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions
– à titre subsidiaire débouter la SA Creatis de l’ensemble de ses demandes
– lui enjoindre de produire un décompte faisant apparaître le capital restant dû après déduction des indemnité et sommes perçues au titre de intérêts productives d’intérêts au taux légal à compter de chaque versement
– à défaut déclarer la demande de la SA Creatis irrecevable et la débouter de ses demandes
– en toute hypothèse débouter la SA Creatis de ses prétentions au titre de la clause pénale et dire que la somme retenue portera intérêt au taux légal
– condamner la SA Creatis à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers frais et dépens de première instance et d’appel.
Après avoir produit un premier décompte le 5 mars 2024, la SA Creatis, par note du 20 mars 2024, indique produire un nouveau décompte expurgé comportant la déduction des intérêts au taux légal produits par les sommes perçues.
En liminaire, il est relevé que la cour a déjà statué sur les fins de non recevoir invoquées par l’intimé et que seule la question du montant restant dû après déchéance du droit aux intérêts doit être tranchée.
Le prêteur, déchu de son droit aux intérêts, ne peut réclamer à l’emprunteur, conformément à l’article L. 341-8 du code de la consommation, que le seul remboursement du capital, déduction faite des paiements opérés, à l’exclusion de l’indemnité conventionnelle de 8 % sur le capital dû. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui s’imputent sur le capital restant dû, sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement.
En l’espèce, il est constaté que l’appelante verse aux débats :
– un tableau sur lequel figurent tous les règlements effectués et leur date de paiement pour un montant total de 35.894,30 euros
– un tableau détaillant pour chaque règlement les parts correspondant au capital, aux intérêts, à l’assurance et aux frais accessoires
– un tableau des intérêts au taux légal calculé sur la part intérêts des sommes versées à partir du jour de leur versement jusqu’au 14 mars 2024, soit un montant total de 1.651,51 euros.
Au vu de ces éléments, il est considéré que l’appelante démontre que M. [B] reste devoir la somme de 6.754,19 euros après déduction du coût des intérêts au taux légal produits par les sommes perçues au titre des intérêts à compter de leur versement. En conséquence il convient de condamner l’intimé à verser à la SA Creatis la somme de 6.754,19 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Selon l’article 23 de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 du Parlement européen et du conseil de l’UE concernant les contrats de crédit aux consommateurs, les états membres définissent le régime des sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la présente directive et prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte qu’elles soient appliquées, les sanctions devant être effectives, proportionnées et dissuasives. Selon l’article 27 de la directive, les états membres doivent adopter et publier avant le 11 juin 2010 les dispositions nécessaires pour se conformer à la directive et appliquer ces dispositions à compter du 11 juin 2010. Enfin l’article 30 relatif aux mesures transitoires, précise que la présente directive ne s’applique pas aux contrats de crédit en cours à la date d’entrée en vigueur des mesures nationales de transposition.
Il en découle que la sanction de la déchéance du droit aux intérêts conventionnels du prêteur doit demeurer effective, proportionnée et dissuasive et le droit de ce dernier à percevoir néanmoins les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de payer en application de l’article 1153 du code civil, ne doit pas lui permettre de bénéficier de sommes d’un montant équivalent à celui des intérêts conventionnels dont il a été déchu.
En l’espèce, le taux d’intérêts conventionnel s’élevant à 8,36 % l’an, l’application de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier, portant majoration de 5 points des intérêts au taux légal à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, conduirait à permettre au prêteur de percevoir au titre des intérêts au taux légal majoré des sommes d’un montant qui serait équivalent à celui dont il aurait pu bénéficier au titre des intérêts conventionnels qu’il a perdu le droit de percevoir.
En conséquence, afin d’assurer l’effectivité et le caractère proportionné et dissuasif de la sanction prononcée, il convient d’écarter la majoration du taux d’intérêt légal prévue par l’article L. 313-3 alinéa 1er du code monétaire et financier.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles sont confirmées et infirmées quant aux dépens.
M. [B], partie perdante, devra supporter les dépens de première instance et d’appel. Il n’y a pas lieu en équité de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [L] [B] à verser à la SA Creatis la somme de 6.754,19 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
ECARTE l’application de la majoration du taux d’intérêt légal prévue par l’article L. 313-3 alinéa 1er du code monétaire et financier ;
CONDAMNE M. [L] [B] aux dépens de première instance et d’appel ;
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT