Remboursement des sommes indûment prélevées : la responsabilité de l’établissement bancaire engagée face à des opérations contestées.

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Remboursement des sommes indûment prélevées : la responsabilité de l’établissement bancaire engagée face à des opérations contestées.

Monsieur [G] [Z] et madame [N] [P] épouse [Z] ont constaté des virements non autorisés sur leurs comptes bancaires à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE AQUITAINE POITOU-CHARENTES, entraînant une plainte et une mise en demeure pour le remboursement de 20.736,22 euros. Après une assignation en justice, ils demandent le remboursement des sommes indûment prélevées, des dommages et intérêts, ainsi qu’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Ils soutiennent que les opérations contestées n’étaient pas autorisées et que la banque n’a pas respecté son devoir de vigilance. La banque, de son côté, conteste la demande en affirmant que les opérations ont été validées par un dispositif d’authentification forte et que les époux n’ont pas prouvé leur non-autorisation. Le tribunal a condamné la banque à rembourser certaines sommes, tout en déboutant les époux de leurs demandes d’indemnisation.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

8 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Bordeaux
RG
22/08672
N° RG 22/08672 – N° Portalis DBX6-W-B7G-XFSV
CINQUIÈME CHAMBRE
CIVILE

SUR LE FOND

38E

N° RG 22/08672 – N° Portalis DBX6-W-B7G-XFSV

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[G] [Z], [N] [Z]

C/

Société CAISSE D’EPARGNE AQUITAIINE POITOU-CHARENTES

Grosses délivrées
le

à
Avocats : la SARL AHBL AVOCATS
la SELARL RAMURE AVOCATS

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 08 OCTOBRE 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré

Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente,
Statuant à Juge Unique

Greffier, lors des débats et du prononcé
Isabelle SANCHEZ, Greffier

DÉBATS

A l’audience publique du 09 Juillet 2024

JUGEMENT

Contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile

DEMANDEURS

Monsieur [G] [Z]
de nationalité Française
10 Quartier Lamothe
33410 GABARNAC

représenté par Maître Alexandre BIENVENU de la SELARL RAMURE AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX

Madame [N] [Z]
de nationalité Française
10 Quartier Lamothe
33410 GABARNAC

représentée par Maître Alexandre BIENVENU de la SELARL RAMURE AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX

N° RG 22/08672 – N° Portalis DBX6-W-B7G-XFSV

DÉFENDERESSE

Société CAISSE D’EPARGNE AQUITAIINE POITOU-CHARENTES
1 Parvis Corto Maltese
33000 BORDEAUX

représentée par Maître Benjamin HADJADJ de la SARL AHBL AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX

EXPOSE DU LITIGE

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Les 10 et 15 septembre 2020, monsieur [G] [Z] et madame [N] [P] épouse [Z], titulaires de comptes bancaires ouverts dans les livres de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE AQUITAINE POITOU-CHARENTES ont déposé plainte et alerté leur agence bancaire exposant avoir constaté des virements non autorisés par leurs soins réalisés au débit de leurs comptes.

Après une tentative de médiation infructueuse, monsieur et madame [Z] ont, par courrier du 25 août 2022, vainement mis en demeure la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE AQUITAINE POITOU-CHARENTES d’avoir à leur restituer la somme totale de 20.736,22 euros, correspondant à la somme de 7.363,43 euros prélevée sur le compte personnel de madame, et à la somme de 13.372,79 euros prélevée sur leur compte joint.

Par acte délivré le 15 novembre 2022, monsieur [G] [Z] et madame [N] [P] épouse [Z] ont fait assigner la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE AQUITAINE POITOU-CHARENTES devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins de remboursement des sommes indument débitées et d’indemnisation de leur préjudice.

La clôture est intervenue le 05 juin 2024 par ordonnance du juge de la mise en état du même jour.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 05 décembre 2023, monsieur [G] [Z] et madame [N] [P] épouse [Z] sollicitent du tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire de droit, de condamner la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE AQUITAINE POITOU-CHARENTES :

à payer à madame [N] [Z] la somme de 7.363,43 euros au titre des sommes indument débitées,à leur payer la somme de 13.236,79 euros au titre des sommes indument débitées,à leur payer chacun la somme de 3.500 euros de dommages et intérêts,au paiement des dépens et à leur payer une indemnité de 2.500 euros à chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de leur demande de remboursement des sommes indument débitées, monsieur et madame [Z] font valoir, sur le fondement des article L133-6 et L133-23 du code monétaire et financier, que les opérations réalisées n’étaient pas autorisées. Selon eux, le consentement du client à la réalisation de l’opération litigieuse ne peut se déduire de la simple utilisation de l’instrument de paiement proposé par la banque. Ils prétendent que les termes de ces textes, résultant d’une règlementation de 2007, ont été considérés comme toujours parfaitement adaptés par les institutions nationales et européennes, et doivent être appliqués tels quels, sans qu’il n’y ait lieu à renverser la charge de la preuve sous couvert d’une interprétation dévoyée des textes comme proposé par la banque. Ils ajoutent au visa de l’article L133-17 du code monétaire et financier que ces opérations ont été dûment signalées, monsieur [Z] s’étant rendu à son agence bancaire à deux reprises les 10 et 15 septembre pour contester les opérations intervenues le 9 septembre et le 12 septembre durant la nuit.
Monsieur et madame [Z] prétendent, sur le fondement de l’article L133-19 du code de commerce, que la banque ne rapporte pas la preuve d’une quelconque négligence grave ou d’un agissement frauduleux de leur part par la seule utilisation des données d’authentification de monsieur. Ainsi, ils font valoir que madame [Z] ne dispose pas de l’application mobile et donc ne bénéficie pas du dispositif de sécurité « secur’pass », et qu’il ne peut dès lors lui être reproché une quelconque négligence en l’absence de toute participation active de sa part. Ils ajoutent que la banque ne démontre pas qu’ils auraient commis une négligence grave en communicant leurs données de sécurité, lesquelles ont été détournées, preuve qui doit être rapportée en plus de la démonstration de la mise en place d’un système d’authentification forte.
Ils exposent par ailleurs, sur le fondement de l’article L133-23 du code monétaire et financier, que la banque échoue à rapporter la preuve de l’absence de déficience technique. Ils indiquent que le système d’authentification « secur’pass » a été installé cinq jours avant la réalisation des opérations frauduleuses, la banque ne pouvant se réfugier derrière l’efficacité de ce système qui n’a pas empêché la réalisation d’une fraude d’ampleur. Ils ajoutent que des virements vers des comptes tiers ont été réalisés depuis le livret A de madame [Z], alors que ces opérations sont réglementairement interdites par l’article R221-5 du code monétaire et financier et la décision de caractère général n°62-09 du 8 mai 1969 du conseil national du crédit relative aux conditions de réception des fonds par les banques. Ils soutiennent enfin que le système de détection des fraudes a fait preuve d’une grande défaillance dès lors qu’ils ont subi une nouvelle fraude deux jours après avoir signalé la première.

Au soutien de leurs prétentions indemnitaires, ils font valoir à titre principal, que la responsabilité contractuelle de la banque est engagée pour manquement à son devoir de vigilance qui leur occasionne un préjudice moral. Ils exposent ainsi que l’attention de la banque aurait dû être alertée dès lors qu’au cours d’une seule nuit 3 comptes externes dont un compte étranger ont été ajoutés et 10 virements ont été effectués. Ils ajoutent que ces opérations se distinguent de leurs opérations bancaires habituelles, leur objectif ayant toujours été de se constituer un capital visant à leur assurer un complément de retraite. Ils soutiennent enfin l’inertie de la banque constitutive d’un manquement à son devoir de vigilance pour ne pas avoir bloqué leurs comptes bancaires après le premier signalement et pour ne pas leur avoir indiqué la procédure à suivre pour procéder au changement du code de sécurité. Selon eux, leur préjudice moral est caractérisé par le temps et l’énergie consacrés depuis trois ans pour obtenir le remboursement de leurs économies de toute une vie, en ce qu’ils ne disposent aujourd’hui d’aucune sécurité financière ce qui est source d’angoisse, ni de la possibilité de bénéficier de l’augmentation des taux pour réaliser des placements plus avantageux.
A titre subsidiaire, si le manquement au devoir de vigilance n’est pas retenu, ils font valoir que ce même préjudice résulte de la résistance abusive de la banque.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 27 septembre 2023, la SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE AQUITAINE POITOU-CHARENTES demande au tribunal de débouter monsieur [G] [Z] et madame [N] [P] épouse [Z] de l’ensemble de leurs demandes et de les condamner au paiement des dépens et à lui payer une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour s’opposer à la demande en remboursement des virements effectués, la CAISSE D’EPARGNE fait valoir, à titre principal que les dispositions de l’article L133-18 du code monétaire et financier ne sont applicables qu’aux opérations de paiement qui n’ont pas été autorisées par le titulaire de l’instrument de paiement. Elle ajoute que, conformément à l’article L133-23 du code monétaire et financier, elle démontre que les opérations contestées ont été valablement authentifiées par un dispositif d’authentification forte, enregistrées et comptabilisées. Ainsi, elle prétend démontrer que les ajouts de comptes externes du fraudeur présumé ainsi qu’une partie des virements ont été validés via le dispositif « secur’pass » installé sur le téléphone de monsieur [Z], lequel n’a jamais contesté l’avoir mis en place 5 jours avant le début des opérations litigieuses ce qui implique de saisir son identifiant et son mot de passe dans l’application bancaire. Elle indique n’avoir constaté aucune modification du numéro de téléphone dans sa base de données ni avant ni après les opérations litigieuses. S’agissant des opérations de virement émis vers des comptes externes, elle explique qu’ils ont été validés via une authentification par SMS, que monsieur [Z] reconnait avoir reçus. Elle en conclut, au visa des articles L133-6 et L133-7 du code monétaire et financier que ces opérations de virement ont bien été autorisées, et qu’il n’y a pas eu de déficience technique puisqu’elles ont été valablement enregistrées et comptabilisées.
La CAISSE D’EPARGNE soutient que les dispositions de l’article L133-23 du code monétaire et financier, invoqués par les époux [Z] doivent se comprendre en replaçant ce texte dans son contexte historique, et retenir que, depuis son adoption, les technologies ont évolué pour permettre l’authentification forte. Elle expose que ce système d’authentification n’existait pas lors de l’adoption de ce texte, et qu’il ne permet quasiment plus de détournement à distance par un tiers sans que le client n’intervienne dans le processus. Selon elle, l’usage du dispositif de paiement, eu égard au processus d’authentification mis en place, doit permettre de présumer du caractère autorisé de l’ordre, mécanisme qui ne modifie pas la charge de la preuve mais seulement son objet. La CAISSE D’EPARGNE retient à ce titre que les époux [Z] qui contestent le caractère autorisé de l’ordre de virement, ne rapportent pas la preuve qui leur incombe sur le fondement de l’article 1353 du code civil des éléments factuels permettant d’éclairer le contexte dans lequel l’opération est intervenue.
La CAISSE D’EPARGNE conteste toute déficience technique, dès lors que monsieur [Z] est à l’origine de la mise en place sur son téléphone portable du dispositif « secur’pass ». S’agissant de la déficience technique alléguée au titre du virement depuis le livret A vers un compte externe, elle prétend que cette opération a été validée via le dispositif d’authentification forte, et que cela n’induit pas l’existence d’une déficience technique de l’opération au sens de l’article L133-23 du code monétaire et financier. Elle ajoute qu’en tout état de cause cet ordre de virement d’un montant de 1.400 euros n’est pas concerné par la présente procédure dès lors qu’elle a fait l’objet d’un recall qui s’est avérée fructueuse. Enfin s’agissant des accès aux comptes de madame [Z], la banque indique que monsieur [Z] bénéficiant d’une procuration, il est en mesure d’exécuter les opérations depuis les comptes de son épouse, et que madame [Z] n’a jamais sollicité la banque pour détenir un accès à distance personnel.

A titre subsidiaire, la banque expose sur le fondement de l’article L133-19 IV du code monétaire et financier, que même dans l’hypothèse où ces opérations seraient qualifiées de non autorisées, les négligences graves commises par monsieur [Z] font obstacle à toute possibilité de remboursement. Ainsi, elle soutient que cette négligence est caractérisée compte tenu des informations nécessaires pour réaliser les opérations litigieuses, dont l’utilisation du dispositif « secur’pass » installé sur son téléphone portable et la saisine de ses codes confidentiels, ce dont elle déduit que monsieur [Z] a fourni à un tiers tous les éléments nécessaires à la mise en place de la fraude. Elle soutient que si la charge de la preuve de la négligence grave du client repose sur la banque, le client est en revanche tenu de collaborer en fournissant les éléments de compréhension de la fraude en sa possession.

A titre très subsidiaire, la CAISSE D’EPARGNE soutient que les dispositions de l’article L133-18 du code monétaire et financier ne sont pas applicables dans le cadre du présent litige dès lors que cette mesure est entrée en vigueur le 18 août 2022, et que conformément à l’article 2 du code civil, elle n’est pas applicable aux opérations litigieuses des 9 et 12 septembre 2020.

En réponse aux prétentions indemnitaires des époux [Z], la CAISSE D’EPARGNE soutient l’absence de faute démontrée et l’absence de justification du préjudice moral.

MOTIVATION

Sur la demande en remboursement des sommes débitées

L’article L133-6-I du code monétaire et financier définit l’opération autorisée comme étant l’opération par laquelle le payeur a donné son consentement à son exécution.

En vertu de l’article L133-18 alinéa 1 du code monétaire et financier, en cas d’opération de paiement non autorisée signalée par l’utilisateur dans les conditions prévues à l’article L. 133-24, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l’opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l’opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf s’il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l’utilisateur du service de paiement et s’il communique ces raisons par écrit à la Banque de France. Le cas échéant, le prestataire de services de paiement du payeur rétablit le compte débité dans l’état où il se serait trouvé si l’opération de paiement non autorisée n’avait pas eu lieu. L’article L133-24 du code monétaire et financier impose à l’utilisateur du service de paiement d’informer, sans tarder, une opération de paiement non autorisée.

Par dérogation à ce principe, l’article L133-19 IV du code monétaire et financier prévoit que le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’un agissement frauduleux de sa part ou s’il n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L. 133-16 et L. 133-17.

L’article L133-23 du code de commerce fixe les règles de preuve, et dispose que lorsqu’un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, ou affirme que l’opération de paiement n’a pas été exécutée correctement, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l’opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre. / L’utilisation de l’instrument de paiement telle qu’enregistrée par le prestataire de services de paiement ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l’opération a été autorisée par le payeur ou que celui-ci n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations lui incombant en la matière. Le prestataire de services de paiement, y compris, le cas échéant, le prestataire de services de paiement fournissant un service d’initiation de paiement, fournit des éléments afin de prouver la fraude ou la négligence grave commise par l’utilisateur de services de paiement.

Il appartient donc à la banque, en application de ce texte, de prouver que le paiement a été autorisé par le payeur, et ce autrement qu’en démontrant uniquement l’utilisation de données confidentielles.
En application de ce texte, elle ne peut solliciter de son client qu’il contribue à la preuve en expliquant les conditions de déroulement du paiement, dont il prétend tout ignorer. En outre, et en tout état de cause, contrairement à ce qu’indique la banque ce texte qui n’a pas été modifié par les réformes ultérieures du code monétaire est financier est toujours en vigueur. Il a donc vocation à s’appliquer même en cas de mise en œuvre du système d’authentification forte, la banque indiquant elle-même dans ses écritures que ces systèmes ne permettent « quasiment plus » de détournement à distance par un tiers sans que le client d’intervienne dans le processus, cette phrase laissant la place à la possibilité de la subsistance d’un tel détournement. Il ne peut être déduit de l’introduction de la technologie de l’authentification forte une quelconque modification de l’objet de la preuve imposant alors au client de démontrer dans quel contexte la fraude est intervenue, ni l’existence d’une présomption dès lors que celle-ci est écartée par le texte.

L’établissement bancaire qui invoque une négligence grave pour fonder la mise en œuvre des dispositions de l’article L133-19 IV du code monétaire et financier en supporte également la charge de la preuve.

En l’espèce, monsieur et madame [Z] contestent avoir réalisé plusieurs paiements constitués par des virements depuis leurs comptes bancaires les 09 et 12 septembre 2024 au cours de la nuit.
La CAISSE D’EPARGNE produit des relevés informatiques qui démontrent que les ajouts de comptes externes et les virements qui ont suivi ont été réalisés depuis l’application internet mobile et via une authentification par « secur’pass », ou via internet mobile avec authentification par SMS, ce que ne conteste pas monsieur [Z] qui indique avoir reçu lesdits SMS.
Toutefois, il résulte des plaintes déposées les 10 et 15 septembre 2020 que monsieur [Z] a immédiatement informé son établissement bancaire de ce que les virements réalisés ne correspondaient pas à des paiements autorisés par ses soins. La banque a ainsi tenté de mettre en œuvre les procédures permettant de réaliser le retour des fonds, démontrant ainsi qu’elle a été informé rapidement de la contestation par monsieur et madame [Z] de la validité des paiements réalisés.

La CAISSE D’EPARGNE, qui ne peut uniquement se retrancher derrière l’absence d’explication des époux [Z], ne produit aucun autre élément de preuve tendant à démontrer qu’ils ont effectivement autorisé ces paiements.

Par ailleurs, et en tout état de cause, en retenant que les paiements constituent des paiements non autorisés, la CAISSE D’EPARGNE, qui ne produit aucune pièce complémentaire et ne peut se retrancher derrière la seule utilisation du système d’authentification forte, est également défaillante à démontrer que les époux [Z] auraient commis une négligence grave à ses obligations par exemple en communiquant leurs codes d’accès ou en laissant leur téléphone et les codes d’accès à disposition d’un tiers.

Dans ces conditions, et sans qu’il ne soit nécessaire d’examiner le moyen relatif à la déficience technique, il convient de dire que la banque est tenue au remboursement des sommes indument prélevées sur les comptes de monsieur et madame [Z].

Les sommes dont le remboursement est sollicité ne sont pas contestées par la CAISSE D’EPARGNE et correspondent aux sommes indument prélevées, déductions faites de celles qui ont pu faire l’objet d’une procédure de recall.

Par conséquent, au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient de condamner la SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE AQUITAINE POITOU-CHARENTES à payer à madame [N] [P] épouse [Z] la somme de 7.363,43 euros, et à monsieur [G] [Z] et madame [N] [P] épouse [Z] la somme de 13.236,79 euros.

Sur la demande de dommages et intérêts

Sur le fondement du manquement au devoir de vigilance
En vertu de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
En application de ce texte, le banquier est tenu d’un devoir de vigilance qui lui impose de détecter les anomalies liées au fonctionnement du compte. Ce devoir de vigilance se heurte toutefois au principe de non immixtion dans les affaires de son client.

En l’espèce, s’il est constant que la banque a laissé réaliser une nouvelle série de virements quelques jours après la contestation par son client de la validité de ceux réalisés, il convient cependant de constater que monsieur et madame [Z] ne démontrent pas que la réalisation de virements ne constituait pas un mode de fonctionnement habituel de leur compte bancaire, permettant à la banque d’opposer le devoir de non-ingérence.

Sur le fondement de la résistance abusive
En vertu de l’article 1231-6 alinéa 3 du code civil, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.

En l’espèce, la résistance abusive de la banque, laquelle a mis en œuvre la procédure de recall, et avait la possibilité de faire valoir son argumentation dans le cadre d’une procédure judiciaire, n’est pas démontrée.

L’existence de leur préjudice n’est par ailleurs et en tout état de cause étayée par aucune pièce justificative.

Par conséquent, il convient de débouter monsieur et madame [Z] de leur prétention indemnitaire.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

Dépens
En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, la SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE AQUITAINE POITOU-CHARENTES perdant la présente instance, il convient de la condamner au paiement des dépens.

Frais irrépétiblesEn application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; / […] / Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. /Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent. / […]

En l’espèce, la SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE AQUITAINE POITOU-CHARENTES, tenue au paiement des dépens, est condamnée à payer à monsieur et madame [Z] la somme globale de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.

Exécution provisoire
Conformément à l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
L’article 514-1 du code de procédure civile dispose que le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.
Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.

En l’espèce, il convient donc de rappeler que l’exécution provisoire du jugement est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Condamne la SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE AQUITAINE POITOU-CHARENTES à payer à madame [N] [P] épouse [Z] la somme de 7.363,43 euros ;

Condamne la SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE AQUITAINE POITOU-CHARENTES à payer à madame [N] [P] épouse [Z] et monsieur [G] [Z] la somme de 13.236,79 euros ;

Déboute madame [N] [P] épouse [Z] et monsieur [G] [Z] de leurs prétentions indemnitaires ;

Condamne la SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE AQUITAINE POITOU-CHARENTES au paiement des dépens ;

Condamne la SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE AQUITAINE POITOU-CHARENTES à payer à madame [N] [P] épouse [Z] et monsieur [G] [Z] la somme globale de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE AQUITAINE POITOU-CHARENTES de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que le présent jugement assorti de l’exécution provisoire de droit ;

La présente décision est signée par Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente, et Isabelle SANCHEZ, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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