Remarques sexuelles et déplacées au travail : risque maximal de licenciement
Remarques sexuelles et déplacées au travail : risque maximal de licenciement
Ce point juridique est utile ?

Peu importe l’ancienneté d’un salarié cadre, si celui-ci est l’auteur de remarques sexuelles et déplacées au travail, il s’expose à un licenciement pour faute et harcèlement sexuel. En effet, sont assimilés au harcèlement sexuel, les faits consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers’, selon l’article L1153-1 du code du travail dans sa version applicable au litige.

Maintien du salarié impossible

En l’occurrence, le maintien du salarié à son poste de travail s’avérait impossible, alors que la répétition des faits- dans un contexte créé par le responsable du service et son adjoint-, les excès commis – débordant à l’évidence le cadre humoristique allégué – et leur impact péjoratif sur la santé de plusieurs autres membres du personnel étaient démontrés.

Conditions du harcèlement sexuel

Pour mémoire, aucun salarié ne doit subir des faits :

1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers’, selon l’article L1153-1 du code du travail dans sa version applicable au litige.

Agissements répétés de harcèlement moral

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Qualification de faute grave

La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ; il appartient à l’employeur d’en rapporter la preuve. En l’espèce, il résulte du compte rendu d’entretien de la déléguée syndicale du SNB avec deux salariées du service décrites comme étant ‘en état de stress important’ et ‘en vraie souffrance’ que ces dernières ont alerté les représentants du personnel sur les agissements à caractère sexuel de l’appelant, ses propos tendancieux et ses messages connotés, sur la durée de ce climat difficile les empêchant de se concentrer sur leur travail; la teneur de ce document est corroborée par les attestations des deux salariées concernées qui ont initialement participé à l’ambiance « potache» du service, avant de voir leur ‘seuil de tolérance’ se réduire progressivement et se sentant ‘isolées dans un bureau fermé’, devant faire face à des remarques de plus en plus intrusives sur leur vie privée, à des propos sexuels ‘donnant la nausée’, dont elles n’arrivent plus à faire abstraction.

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 8
ARRET DU 08 SEPTEMBRE 2022
 
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/10296 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAYXY
 
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Septembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS 10 – RG n° F18/04603
 
APPELANT
 
Monsieur [C] [U]
 
[Adresse 2]
 
[Localité 4]
 
Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
 
INTIMÉE
 
SA SOCIÉTÉ GENERALE
 
[Adresse 1]
 
[Localité 3]
 
Représentée par Me Dominique SANTACRU, avocat au barreau de PARIS, toque : B1084
 
COMPOSITION DE LA COUR :
 
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Nathalie FRENOY, Présidente, chargée du rapport.
 
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
 
Madame Nathalie FRENOY, présidente
 
Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère
 
Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée
 
Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU
 
ARRÊT :
 
— CONTRADICTOIRE
 
— mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
 
— signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
 
EXPOSÉ DU LITIGE
 
Monsieur [C] [U] a été engagé par la Société Générale par contrat à durée indéterminée du 2 novembre 2006 en qualité d’adjoint responsable d’agence.
 
Par lettre du 23 mars 2018, M. [U] a été dispensé d’exercer ses fonctions.
 
Par courrier du 28 mars 2018, il a été convoqué à un entretien préalable, qui a eu lieu le 16 avril 2018 et il a été licencié pour faute grave par lettre du 4 mai 2018.
 
Contestant la rupture de son contrat de travail, M.[U] a saisi le 19 juin 2018 le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 20 septembre 2019, notifié aux parties par lettre du 27 septembre 2019, a :
 
— débouté le demandeur de l’ensemble de ses demandes,
 
— débouté la Société Générale de sa demande reconventionnelle,
 
— condamné M. [U] aux dépens.
 
Par déclaration du 10 octobre 2019, M.[U] a interjeté appel de ce jugement.
 
Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 mars 2022, M. [U] demande à la Cour :
 
— de le recevoir en ses demandes et l’y déclarer bien fondé,
 
— de fixer sa rémunération à 4 153,27 euros,
 
— d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en date du 20 septembre 2019 en ce qu’il déboute Monsieur [U] de toutes ses demandes,
 
en conséquence :
 
— de condamner la Société Générale au paiement de :
 
-12 458,82 euros à titre d’indemnité de licenciement,
 
-12 459,81 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
 
-1 245,98 euros à titre de congés payés afférents,
 
-43 609,33 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
 
-24 919,40 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,
 
— d’ordonner l’affichage du jugement à intervenir sur les panneaux d’information de l’entreprise, pendant une durée de 15 jours,
 
en tout état de cause,
 
— d’ordonner la remise de l’attestation Pôle Emploi rectifiée conforme, du certificat de travail, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
 
— d’ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1343-2 du Code civil,
 
— de condamner la Société Générale à 7 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
 
— de condamner la société, prise en la personne de son représentant légal, aux entiers dépens y compris les frais d’exécution éventuelle par voie d’huissier,
 
— de dire que ceux d’appel seront recouvrés par la selarl Lexavoué Paris-Versailles conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
 
Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 décembre 2021, la Société Générale demande à la Cour :
 
— de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 20 septembre 2019 en toutes ses dispositions,
 
— de débouter en conséquence M. [U] de l’intégralité de ses demandes comme mal fondées à l’encontre de la Société Générale,
 
y ajoutant,
 
— de le condamner reconventionnellement au paiement à la Société Générale de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
 
L’ordonnance de clôture est intervenue le 12 avril 2022 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 14 juin 2022.
 
Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu’aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.
 
MOTIFS DE L’ARRET
 
Sur le caractère vexatoire du licenciement:
 
M. [U] considère que son licenciement est vexatoire dans la mesure où, malgré plusieurs demandes en ce sens, la direction ne l’a pas entendu sur les faits qui lui étaient reprochés, alors même qu’il disposait d’une ancienneté de 11 ans et six mois, et dans la mesure où le directeur des affaires sociales n’a pas pris la peine de signer lui-même la lettre de licenciement; il réclame la somme de 24’919,40 à titre de dommages-intérêts pour le préjudice distinct résultant des circonstances vexatoires du licenciement.
 
La banque Société Générale rappelle qu’à la suite de l’alerte donnée le 21 mars 2018 par un syndicat et deux salariées quant au comportement inadmissible de M. [U], elle a dû le dispenser d’activité pour recueillir de façon précise les déclarations des plaignantes, qu’elle l’a convoqué à un entretien préalable – dont la date a été déplacée à la demande de l’intéressé – au cours duquel il a pu faire valoir ses observations, qu’aucun empressement n’est caractérisé, ni aucune longueur inhabituelle de procédure, et souligne que l’intéressé a préféré ne pas saisir la Commission paritaire de recours interne ou la Commission paritaire de la banque. Elle rappelle que le salarié n’établit nullement le préjudice qui serait résulté de cette procédure prétendument vexatoire et conclut au rejet de la demande.
 
Il convient tout d’abord de relever que M. [U], assisté d’un représentant syndical, a pu s’exprimer lors de l’entretien préalable du 16 avril 2018, qu’à la lecture des différents témoignages recueillis, il n’a pas souhaité s’exprimer tout de suite, puis a réclamé communication des preuves recueillies, et a enfin contesté les faits reprochés, considérant que l’enquête avait été faite à charge, que le service faisait face à une forte pression, qu’il n’avait jamais été l’initiateur des propos dénoncés, n’ayant jamais surenchéri. Il s’est dit, au cours de cet entretien préalable, très choqué des accusations de racisme notamment proférées à son encontre, et a mis en avant le témoignage de nombreuses personnes ayant apprécié de travailler avec lui.
 
Il appartient au salarié de caractériser les circonstances vexatoires de la procédure de licenciement, ce qui n’est pas fait en l’espèce, d’autant que l’intéressé n’a pas jugé utile de saisir la commission paritaire, que la lettre le dispensant de l’exercice de ses fonctions vise des ‘impératifs de sécurité’ de façon neutre et non vexatoire, qu’il contient la précision de l’absence d’impact sur la rémunération du salarié et sur son droit d’accès aux locaux de l’entreprise (hors son service) et que la suspension de ses accès à sa messagerie professionnelle et aux ‘applications métier’ était nécessaire durant l’enquête menée quant à la véracité des faits dénoncés.
 
Enfin, le fait que la lettre de licenciement ait été signée non par le directeur des relations sociales, mais à sa place, n’est pas démontré comme vexatoire.
 
Surabondamment, aucun préjudice n’est caractérisé.
 
La demande doit donc être rejetée et le jugement de première instance confirmé de ce chef.
 
Sur le bien-fondé du licenciement :
 
La lettre de licenciement adressée à M. [U] le 4 mai 2018 contient les motifs suivants, strictement reproduits :
 
« (…) le 21 mars 2018, nous avons été alertés par trois collaboratrices de votre service du comportement totalement déplacé et inadmissible que vous aviez vis-à-vis d’elles.
 
En effet, vous leur avez fait subir, de façon répétée et quasi journalière, des agissements sexistes, et vous leur avez tenu des propos choquants à caractère pornographique.
 
A titre d’exemples (non exhaustifs), ces collaboratrices nous ont rapporté les faits et propos suivants :
 
— F.T. (votre manager) dit: «[C], j’ai une érection ! Qu’est-ce que j’en fais’». Vous lui répondez : « Je sais pas moi, tu as qu’à la coller sur l’oreille de Val » en parlant de votre collègue V.;
 
— « Oh Val, Oh Val » en imitant le bruit d’un orgasme. « Oh Val, avale tout. Oh Val tu me rends dingue, j’ai envie de toi » ;
 
— « Tu la sens ‘ » en tapant sur le bureau pour imiter le bruit d’un sexe en érection ;
 
— « Mets lui une photo de bite en fond d’écran. Oh quoique, elle en voit tellement, ça ne va pas la choquer » ;
 
— Une des collaboratrices déclare à une autre : « ça sent bon ton parfum ! ». Vous répondez: «non c’est mon cul, fleur d’anus senteur sauvage » ;
 
— Sur votre nouvelle manager (N+2) A. L C. : « je crois que je vais la pécho » ;
 
— « J’aurais dû péter dans le bureau d’A.L.C» ;
 
— Vous baissez votre pantalon pour montrer votre caleçon de super héros ;
 
— Vous chantez des chansons paillardes dans le bureau : La petite Huguette, la bite à Dudulle ;
 
— Envoi de Gifs sur WhatsApp : image représentant une main gantée sur laquelle est posé du lubrifiant accompagnée du commentaire : « Va voir le docteur » ;
 
— Envoi d’un Gif créé par vos soins et mimant une fellation ;
 
— Vous imitez, en présence de vos collaboratrices, les bruits de pets ou de fellations ;
 
— Blagues diverses relatives à la sodomie ;
 
— Vous cherchez des photos de profils de clientes sur Facebook et Twitter pour faire des remarques à connotation sexuelle.
 
Vous leur avez également tenu, à de nombreuses reprises, des propos choquants à caractère raciste, tels que :
 
— «Nous on fait pas dans le noir » à propos d’une cliente se plaignant de ne pas être rappelée en raison de son origine africaine ;
 
— « J’ai toute l’Afrique qui tape aux carreaux » pour signifier que vous aviez envie d’aller aux toilettes.
 
— « Ah moi je ne parle pas aux Dylan » en faisant référence aux gens du Nord de la France.
 
Vos collègues nous ont également fait part d’agissements contraires à nos valeurs de respect et d’éthique, tels que des actes d’humiliation.
 
A titre d’exemples, les propos et agissements suivants nous ont été rapportés :
 
— Des tirs de pistolet nerf (fléchettes en plastique) à faible distance sur vos collaboratrices ;
 
— FT. demande : « Elle est où ma boulette ‘ » en faisant référence à une crotte de nez. Vous répondez : « Ramasse vite sinon [T] va la manger ».
 
Vos trois collègues ont été choquées par la grossièreté de vos propos, leur caractère dégradant et la fréquence de ceux-ci. Elles se sentent oppressées, humiliées quotidiennement et sont très affectées par cette situation. Ces agissements ont une forte répercussion sur leur état de santé physique et mental et elles ont précisé que l’intensité de vos propos à connotation sexuelle n’était plus supportable.
 
Les faits reprochés sont particulièrement inappropriés et inadmissibles et s’assimilent à des pratiques de harcèlement.
 
Nous ne saurions tolérer une telle attitude qui constitue une violation caractérisée de vos obligations, en totale contradiction avec les valeurs de respect et d’éthique qui sont les nôtres.
 
Nous considérons que votre comportement inadmissible rend impossible votre maintien au sein de Société Générale. En conséquence, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave en application de l’article 27 de la Convention Collective de la Banque’.
 
M. [U] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, insiste sur le contexte familier et convivial existant dans le service, sur la familiarité réciproque et la proximité qu’il avait avec ses collègues qui se livraient également à des blagues potaches, que son ancienneté et ses états de service doivent être pris en considération pour le calibrage de la faute retenue. Il conteste tout racisme, toute humiliation imposée aux salariées, expliquant que les plaisanteries grivoises -sorties de leur contexte- sont des signes sociaux conventionnels sur le lieu de travail et ont été largement partagées par les plaignantes dont le comportement est particulièrement ambigu. Il rappelle avoir toujours été apprécié de ses collègues, conteste tout harcèlement moral ou sexuel du fait de son rapport égalitaire avec les salariées du service qui prenaient largement part aux échanges connotés, voire même en avaient l’initiative. Considérant que le conseil de prud’hommes n’a pas fait une lecture objective des faits reprochés, faisant grand cas des attestations adverses, il considère son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et réclame, eu égard à son salaire moyen mensuel brut de 4153,27 €, une indemnité compensatrice de préavis d’une durée de trois mois compte tenu de sa qualité de cadre, les congés payés y afférents, une indemnité de licenciement de 12 458,82 € ainsi que des dommages-intérêts à hauteur de 43’609,33 €, conformément au barème de l’Ordonnance du 22 septembre 2017, en l’état de sa situation de chômage et de sa situation financière obérée lui imposant de solliciter le report d’échéance de son prêt immobilier.
 
La Société Générale rappelle les agissements sexuels constitutifs de harcèlement commis par le salarié, portant atteinte à la dignité des salariées du service et à l’origine d’un environnement dégradant et offensant dont se sont plaintes les intéressées, ainsi que les propos à caractère raciste, les actes d’humiliation et les agissements contraires aux valeurs de respect et d’éthique, établis par différentes attestations produites aux débats.
 
Considérant la matérialité des faits incontestable, l’intimée relève le caractère répétitif des agissements et propos de M. [U], les exemples donnés dans la lettre de licenciement n’étant pas limitatifs, souligne l’absence d’alternative pour les membres du service qui ne pouvaient qu’y souscrire et y participer, leur tolérance initiale s’étant réduite progressivement. Elle fait valoir qu’en dépit de son ancienneté et de sa séniorité qui aurait dû le conduire à un comportement plus adapté, M. [U] n’a fait preuve d’aucune retenue, bénéficiant du caractère fermé de l’espace dans lequel le service a déménagé en décembre 2016. Elle considère que la gravité des faits empêchait la poursuite de la relation de travail, sa qualité d’employeur la rendant garante de la sécurité du personnel, l’ancienneté du salarié et ses états de service ne pouvant disqualifier la réalité de son comportement, l’intéressé ayant été au surplus sensibilisé en juillet 2017 par une session de formation dispensée sur les agissements à caractère sexiste et leurs conséquences préjudiciables. Elle critique les montants sollicités et conclut au rejet des demandes.
 
‘Aucun salarié ne doit subir des faits :
 
1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
 
2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers’, selon l’article L1153-1 du code du travail dans sa version applicable au litige.
 
Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
 
La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ; il appartient à l’employeur d’en rapporter la preuve.
 
En l’espèce, il résulte du compte rendu d’entretien de la déléguée syndicale du SNB avec deux salariées du service décrites comme étant ‘en état de stress important’ et ‘en vraie souffrance’ que ces dernières ont alerté les représentants du personnel sur les agissements à caractère sexuel de l’appelant, ses propos tendancieux et ses messages connotés, sur la durée de ce climat difficile les empêchant de se concentrer sur leur travail; la teneur de ce document est corroborée par les attestations des deux salariées concernées qui ont initialement participé à l’ambiance « potache» du service, avant de voir leur ‘seuil de tolérance’ se réduire progressivement et se sentant ‘isolées dans un bureau fermé’, devant faire face à des remarques de plus en plus intrusives sur leur vie privée, à des propos sexuels ‘donnant la nausée’, dont elles n’arrivent plus à faire abstraction.
 
L’une d’elles, ayant tenté de faire comprendre son mal-être à M. [U], joint à son attestation une capture d’écran d’un article sur le harcèlement sexuel adressé à ce dernier.
 
L’attestation de la seconde salariée souligne clairement la fréquence, chaque jour, des remarques déplacées et sur ses conséquences, cette répétition ayant conduit à un sentiment d’humiliation la privant de toute force pour répliquer, son état de santé commençant à se dégrader; elle affirme ne plus pouvoir supporter l’immixtion du chef du service et de M. [U], son adjoint, ‘dans sa vie personnelle au travers d’un système abject qu’ils ont construit dans le service pour nous dominer et nous garder sous leur emprise.’
 
Ces attestations sont concordantes et établies conformément aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile ; elles peuvent être retenues au soutien des prétentions de la société intimée à qui on ne saurait reprocher de ne faire état que de ces pièces dans la mesure où le nombre de personnes appartenant au service de M. [U] était limité.
 
Si différentes pièces produites par l’appelant montrent que ces deux collègues ont participé, voire pris l’initiative de propos ou de gestes déplacés, ce que les intéressées reconnaissent d’ailleurs, force est de constater que leur statut de subordonnées les contraignaient à cette participation qui est devenue petit à petit délétère, comme l’ambiance de travail. En outre, la répétition des comportements de M. [U], son intrusion progressive dans l’intimité de la vie privée de ses collègues, et en dépit de l’avertissement notifié au chef de service et de la formation dispensée à l’appelant sur le sujet, l’absence de toute perspective plus favorable de travail ont conduit à une modification du positionnement des salariées, devenant victimes, en souffrance du fait de ces relations anormales.
 
Cette situation est confirmée de façon objective par les éléments médicaux et les arrêts de travail des salariées concernées.
 
Au surplus, aucune participation à l’ambiance du service ne peut être opposée à la Community Manager, arrivée en décembre 2017 alors que les deux autres salariées du service étaient en arrêt maladie; cette dernière a témoigné de l’humiliation qu’elle avait ressentie du fait de la nature et de la répétition des faits dénoncés à connotation sexuelle mais également sexiste, la conduisant à se sentir ‘rabaissée en permanence’ ainsi qu’ ‘impuissante car en période d’essai’.
 
En ce qui concerne les propos à connotation raciste reprochés à l’appelant, ils sont évoqués de façon circonstanciée et corroborée par plusieurs attestations des salariées du service et ne sauraient être remis en cause, ni justifiés par le métissage de ses proches invoqué – sans pertinence – par l’intéressé, en l’espèce.
 
Par ailleurs, les attestations produites par l’appelant émanant de collaborateurs ou de supérieurs satisfaits de sa prestation de travail et ayant apprécié ses qualités professionnelles, mais n’ayant pas subi l’ambiance de travail délétère décrite dans le service considéré, ne sauraient, pas plus que l’ancienneté ou les bons états de service de l’intéressé, influer sur la qualification de faute grave donnée aux faits de façon légitime par l’employeur qui devait veiller, dans le cadre de son obligation de sécurité, à la santé de son personnel et prévenir tout nouveau dérapage, d’autant que la formation dispensée en juillet 2017 tendant à sensibiliser sur les comportements sexistes n’avait manifestement pas produit ses fruits.
 
Le maintien de M. [U] à son poste de travail s’avérait impossible dans ces conditions, alors que la répétition des faits- dans un contexte créé par le responsable du service et son adjoint-, les excès commis – débordant à l’évidence le cadre humoristique allégué – et leur impact péjoratif sur la santé de plusieurs autres membres du personnel étaient démontrés.
 
Le licenciement pour faute grave de M. [U] est donc justifié. Ses demandes à ce titre doivent être rejetées, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.
 
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
 
M. [U], qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance, par confirmation du jugement entrepris, et d’appel.
 
L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile à l’une quelconque des parties ni pour la procédure de première instance, par confirmation du jugement entrepris de ce chef, ni pour celle d’appel.
 
PAR CES MOTIFS
 
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
 
CONFIRME le jugement déféré,
 
Y ajoutant,
 
REJETTE les autres demandes des parties,
 
CONDAMNE Monsieur [C] [U] aux dépens d’appel.
 
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
 

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