M. [C] [Y] a été engagé par l’association Diagrama intervention psychosociale en tant que moniteur éducateur, d’abord par un contrat à durée déterminée puis par un contrat à durée indéterminée. Après une altercation avec un mineur le 7 janvier 2018, il a été convoqué à un entretien préalable au licenciement et a été licencié pour faute grave le 22 janvier 2018. La CPAM a reconnu l’accident de travail lié à cet incident en décembre 2018. En juillet 2020, l’association a été placée en liquidation judiciaire. M. [Y] a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes, demandant sa nullité et des indemnités. La cour d’appel a relaxé M. [Y] des accusations de violence, mais le conseil a confirmé la faute grave justifiant le licenciement. M. [Y] a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement et la reconnaissance de son licenciement comme nul. Les parties ont formulé diverses demandes et conclusions, y compris des demandes d’indemnités pour préjudices moral et financier, ainsi que des indemnités de licenciement. L’affaire a été renvoyée pour plaidoiries à plusieurs reprises, avec des demandes d’irrecevabilité soulevées concernant certaines demandes de M. [Y].
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-6
ARRET N° /2024
CONTRADICTOIRE
DU 05 SEPTEMBRE 2024
N° RG 21/02335 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UUWF
AFFAIRE :
[C] [Y]
C/
[U] [Z] es qualité de mandataire liquidateur de l’Association DIAGRAMA INTERVENTION PSYCHOSOCIALE
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Juin 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DREUX
N° Section : AD
N° RG : F 20/00067
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Frank LAFON
Me Claire RICARD
Me Claude-Marc BENOIT
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [C] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Florence MARIA BRUN, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000052 –
Représentant : Me Franck LAFON, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618
APPELANT
Maître [U] [Z] es qualité de mandataire liquidateur de l’Association DIAGRAMA INTERVENTION PSYCHOSOCIALE
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentant : Me Véronique ALGLAVE de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de RENNES, avocat vestiaire : 41 –
Représentant : Me Claire RICARD, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622
Association AGS CGEA [Localité 4] UNEDIC
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Claude-Marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1953
INTIMES
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 11 Juin 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique PITE, Conseillère chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Nathalie COURTOIS, Présidente
Madame Véronique PITE, Conseillère,
Madame Odile CRIQ, Conseillère
Greffière lors des débats : Madame Juliette DUPONT,
Greffière lors du prononcé : Madame Isabelle FIORE
M. [C] [Y] a été engagé par contrat à durée déterminée, à compter du 30 mars 2016, puis par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er décembre 2017, en qualité de moniteur éducateur, par l’association Diagrama intervention psychosociale, qui assurait la gestion de deux structures alternatives à l’incarcération destinées à accueillir des jeunes de 14 à 17 ans, en l’occurrence des centres éducatifs fermés, employait plus de dix salariés et relevait de la convention collective des établissements et services de personnes inadaptées.
Le 7 janvier 2018, à la suite d’une altercation avec l’un des mineurs accueillis par la structure, M. [Y] a été convoqué le 10 janvier 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 17 janvier suivant, puis a été licencié par lettre datée du 22 janvier 2018 énonçant une faute grave.
Par décision du 28 décembre 2018, la CPAM reconnaissait le caractère professionnel de l’accident de travail déclaré à cette occasion.
Selon jugement du 3 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Rennes a prononcé la liquidation judiciaire de l’association Diagrama et a désigné la société [Z] et associés, prise en la personne de Maître [Z], ès qualités de mandataire liquidateur.
M. [Y] a saisi, par réinscription après radiation de deux requêtes datant des 26 juillet 2018 et 16 janvier 2019, le 18 septembre 2020, le conseil de prud’hommes de Dreux aux fins de demander la nullité de son licenciement à titre principal, de le voir juger dénué de cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire, et de solliciter la condamnation de la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire, ce à quoi l’employeur s’opposait.
Par arrêt rendu le 2 mars 2021, la cour d’appel de Versailles relaxait M. [Y] des faits de violence du 7 janvier 2018 ayant occasionné le licenciement.
Par jugement rendu le 19 juin 2021, notifié les 23 et 28 juin 2021, le conseil a statué comme suit :
En la forme,
Déclare M. [Y] recevable en ses demandes,
Déclare Maître [Z] mandataire liquidateur de l’association Diagrama intervention psychosociale recevable en sa demande reconventionnelle,
Déclare le CGEA de [Localité 4] recevable en sa demande reconventionnelle,
En droit,
Ordonne la jonction des affaires RG20/67 et RG20/68.
Dit que M. [Y], par sa réaction violente envers un jeune dont il avait la charge au sein du centre d’éducation fermé et de son manque de contenance a bien commis une faute grave justifiant son licenciement
Estime que le contrat de travail n’était pas suspendu pour cause d’accident du travail au moment du licenciement. La reconnaissance en accident du travail par la CPAM en décembre 2018, soit 11 mois plus tard, ne peut remettre en cause le fait que ce licenciement est bien motivé par une faute grave.
En conséquence :
– dit que le licenciement de M. [Y] repose bien sur une faute grave,
– rejette la demande à titre principal d’indemnité pour licenciement nul d’un montant de 37.567,80 euros
– rejette la demande à titre subsidiaire d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant de 37.567,80 euros
– rejette le montant du préjudice moral fixé à 35.000 euros
-rejette le montant du préjudice financier fixé à 45.000 euros
-rejette la demande d’indemnité compensatrice de préavis d’un montant de 4.174,20 euros ainsi que la somme de 417,42 euros pour congés payés y afférents
– rejette la demande d’indemnité conventionnelle de licenciement d’un montant de 1.913,17 euros
Dit qu’il n’y a pas lieu à remise de documents sociaux.
Ne met pas à charge de Maître [Z] le remboursement des indemnités chômage que M. [Y] a perçues.
Rejette les demandes des parties formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Rejette les demandes reconventionnelles.
Rejette les demandes plus amples ou contraires des parties.
Attribue l’aide juridictionnelle provisoire à Maître Maria Brun.
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens.
Le 17 juillet 2021, M. [Y] a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Par ordonnance rendue le 10 mai 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 30 mai 2023.
A l’audience, le conseiller rapporteur a soulevé le moyen d’office d’une éventuelle irrecevabilité de la demande en réparation du préjudice financier dérivant de l’accident du travail du 7 janvier 2018 qui relèverait des dispositions de l’article L.451-1 du code de la sécurité sociale évinçant l’action de droit commun.
Par note en délibéré reçue le 31 mai suivant, l’AGS conclut à l’irrecevabilité de la demande au regard des dispositions de l’article L.451-1 du code de la sécurité sociale.
Par arrêt du 6 juillet 2023, la cour d’appel de Versailles a statué comme suit :
Rouvre les débats ;
Renvoie l’affaire à l’audience tenue le 17 octobre 2023 à 9 heures devant la 21eme chambre autrement composée.
Réserve les dépens.
L’audience a finalement été reportée et par ordonnance rendue le 15 mai 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 11 juin suivant.
Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 23 février 2024, M. [Y] demande à la cour de :
Le déclarer recevable et bien fondé en son appel et en l’intégralité de ses demandes ;
Y faisant droit,
Infirmer en toutes ses dispositions le jugement en ce qu’il a dit que son licenciement reposait sur une faute grave ;
Y faisant droit, statuant de nouveau,
A titre principal,
Juger son licenciement pour faute grave notifié le 22 janvier 2018, nul.
En conséquence, en application des dispositions de l’article L 1235-3-1
Fixer sa créance à l’égard des organes de la procédure aux sommes suivantes :
37.567,80 euros (18 mois de salaire) à titre d’indemnité pour licenciement nul, et
à défaut à la somme de 12.522,60 euros (6 mois de salaire) au titre de la nullité du licenciement.
A titre subsidiaire,
Juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Juger que le barème prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail doit être écarté, ce plafonnement portant une atteinte à son droit de recevoir une indemnisation adéquate de l’ensemble de ses préjudices, en violation des dispositions des articles 4 et 10 de la convention 158 de l’OIT et de l’article 24 de la Charte sociale européenne, et constituant une discrimination en violation du droit de l’Union Européenne.
En conséquence,
Fixer sa créance à l’égard des organes de la procédure aux sommes suivantes :
37.567,80 euros (18 mois de salaire) à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et
à défaut d’écarter les dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail à la somme de 7.304,85 euros (3,5 mois de salaire) à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Au surplus, infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté ses demandes formées au titre de ses préjudices financier et moral,
Statuant de nouveau, fixer sa créance à l’égard des organes de la procédure aux sommes suivantes :
Préjudice moral : 35.000 euros
Préjudice financier : 45.000 euros
En tout état de cause,
Fixer sa créance à l’égard des organes de la procédure aux sommes suivantes :
Indemnité compensatrice de préavis (2 mois) : 4.174,20 euros
Congés payés sur indemnité compensatrice de préavis : 417,42 euros
Indemnité conventionnelle de licenciement : 1.913,17 euros
Ordonner à la société [Z] et associés, prise en la personne de Maître [Z], ès qualités de mandataire liquidateur de l’association Diagrama intervention psychosociale la remise à M. [Y] sous astreinte de 77 euros par jour de retard dont la cour se réservera la liquidation, des documents suivants :
– d’un certificat de travail rectifié portant la mention de la période de préavis et des indemnités ;
– d’une attestation Pôle Emploi rectifiée ;
– des bulletins de salaire mentionnant l’indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l’indemnité conventionnelle de licenciement.
Assortir l’intégralité des sommes à caractère salarial des intérêts au taux légal en application de l’article 1231-6 du code civil à compter de l’introduction de la demande soit le 18 septembre 2020.
Voir déclarer opposable le présent arrêt à l’AGS-CGEA de [Localité 4] prise en sa qualité d’assurance « Garantie des salaires »
Débouter les codéfendeurs de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.
Fixer sa créance à l’égard des organes de la procédure collective à la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamner la société [Z] et associés, prise en la personne de Maître [Z], es qualité de mandataire liquidateur de l’association Diagrama intervention psychosociale aux entiers dépens de la procédure dont distraction au profit de Maître Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Lui accorder l’aide juridictionnelle provisoire dans le cadre de la présente procédure.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 6 janvier 2022, la société [Z] et associés, ès qualités demande à la cour de :
A titre principal,
Déclarer justifié le licenciement pour faute grave de M. [Y],
Débouter par conséquent M. [Y] de l’ensemble de ses demandes.
A titre subsidiaire :
Si par extraordinaire la Cour considérait que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, débouter que M. [Y], compte tenu de son ancienneté et des règles applicables des demandes suivantes :
o plus d’un mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit 2.087,10 euros maximum ;
o plus d’un mois de salaire à titre d’indemnité compensatrice de préavis, soit 2.087,10 euros bruts, outre 208,71 euros bruts de congés payés afférents.
Débouter par conséquent M. [Y] du surplus de ses demandes.
En tout état de cause :
Condamner M. [Y] à verser à l’association, représentée par Maître [Z], ès qualités, la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner M. [Y] aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 23 février 2024, l’AGS CGEA de [Localité 4] demande à la cour de :
A titre principal,
Confirmer le jugement entrepris,
Dire ce que de droit sur le rappel de salaire,
Débouter M. [Y] de ses autres demandes.
A titre subsidiaire
Vu l’article L.1235-3 du code du travail,
Réduire à 3 mois le montant de l’indemnité pour licenciement injustifié,
Fixer au passif de la liquidation les créances retenues,
Dire le jugement opposable à l’AGS dans les termes et conditions de l’article L 3253-19 du code du travail,
Vu les articles L.3253-6, L.3253-8 et L.3253-17 du code du travail.
Dans la limite du plafond 6 toutes créances brutes confondues,
Exclure de l’opposabilité à l’AGS la créance éventuellement fixée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Exclure de l’opposabilité à l’AGS l’astreinte,
Vu l’article L 621-48 du code de commerce,
Rejeter la demande d’intérêts légaux,
Dire ce que de droit quant aux dépens sans qu’ils puissent être mis à la charge de l’AGS.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, énonce que :
le 7 janvier 2018, un mineur « [D] » placé dans le centre fermé, allongé sur les canapés de la salle de vie commune, refusa « obstinément » de suivre le salarié alors qu’il devait rejoindre sa chambre pour y faire le ménage en « réitérant insultes et provocations »,
selon les explications données par le salarié, ce mineur, qu’il avait saisi par le bras, l’aurait frappé d’un coup de pied au niveau de l’entrejambe, aurait tenté de lui asséner un second coup, serait sorti sur la terrasse, puis serait revenu vivement et aurait donné trois coups de pied dans la porte d’accès de la salle commune,
selon les images de la vidéoprotection visionnées contradictoirement, le salarié repoussait le jeune, allait à son contact, se collait à lui quand il reculait, lui aurait dit, selon les explications du salarié « vas-y, si tu veux frapper quelqu’un, frappe-moi », alors qu’un autre éducateur le tirait constamment, en vain par le bras vers l’arrière, puis le salarié s’étant reculé d’environ 5 mètres, se déplaçait résolument vers le mineur et lui assénait un coup de tête dans un même élan, qui entraînait un important mouvement de recul, suite à quoi, le jeune, « hors de lui », se jetait sur le salarié et le rouait de coups en dépit de l’intervention du collègue présent,
M. [Y] était accompagné à l’hôpital qui convenait d’une incapacité temporaire de travail de 6 jours, puis au commissariat pour déposer plainte, le jeune étant placé en garde à vue,
Le 8 janvier, de retour au centre, le mineur se plaignait d’avoir été agressé par le salarié sur la terrasse et dans la salle de vie commune, la veille,
Le 9 janvier, la police récupérait les bandes de la vidéosurveillance,
Le salarié maintint sa version au vu des images de la vidéo surveillance, parlant d’un « contact accidentel, non intentionnel et léger »,
Les parents du jeune ont sollicité des explications, souhaitant déposer plainte, et les parties convenaient de la nécessité que M. [Y] retire sa plainte,
Durant l’entretien préalable, le salarié concédait avoir eu l’occasion qu’il ne saisit pas, de laisser son collègue gérer la situation en se mettant lui-même à l’écart.
Pour caractériser la faute grave, elle considère :
Les faits de violences commises sur le jeune qui n’était pas menaçant quand il reçut le coup, sans fait justificatif,
L’attitude « inacceptable » du salarié se positionnant exclusivement en victime jusqu’à ce que la version du mineur et les bandes de la vidéosurveillance éveillent le doute, et maintenant sa version en dépit des multiples visionnages des bandes, sans expliquer au reste le saignement du nez du mineur dès la sortie de la salle commune avant les faits filmés, dont attestent plusieurs personnes.
Elle conclut : « au regard de votre fonction, nous ne pouvons en aucun cas tolérer ni votre comportement violent vis-à-vis d’un mineur accueilli, ni votre refus de reconnaître la réalité des faits. »
Sur la nullité
M. [Y] se prévaut de la protection contre le licenciement dès lors que l’employeur a connaissance de l’origine professionnelle de l’accident subi alors qu’ici il fut frappé et blessé par un jeune pris en charge, au su de l’employeur, et fut licencié alors qu’il était sous le régime légal des accidents du travail.
Le mandataire judiciaire considère fictif l’accident du travail dénoncé en décembre 2018 à la CPAM alors que le salarié ne fut pas arrêté et n’en parla jamais, si bien que son contrat de travail ne fut jamais suspendu de ce motif. Il en déduit qu’aucune nullité du licenciement n’est encourue.
L’AGS estime que l’intéressé ne pouvait se prévaloir d’aucune protection au moment de son licenciement et s’en remet aux observations du mandataire judiciaire.
L’article L.1226-9 du code du travail dit qu’« au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie », l’article L.1226-13 ajoutant que toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ce texte est nulle.
Cela étant, le contrat de travail de M. [Y] n’ayant jamais été suspendu, puisqu’il ne fut pas placé en arrêt de travail en dépit de la délivrance d’un certificat de 6 jours d’incapacité temporaire de travail par l’hôpital, il n’est pas habile à se réclamer de ces dispositions.
Par ailleurs, son assertion que l’origine professionnelle de l’accident pourrait par elle-même emporter la nullité du licenciement manque en droit.
Aucune disposition ne limitant le licenciement du salarié victime d’un accident du travail dont le contrat de travail n’est pas suspendu, sous réserve des lois ordinaires, il est sans intérêt dans la présente cause, contrairement à ce que M. [Y] prétend, que l’employeur ne déclarât pas cet accident, ou ne le mît à pied.
Ses prétentions en nullité du licenciement doivent être rejetées et le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.
Sur le bien-fondé
M. [Y] prétend qu’ayant été relaxé, il n’a commis aucune faute. Il fait valoir l’illicéité de la vidéo surveillance qui ne saurait servir de preuve pour justifier son licenciement.
Le mandataire judiciaire, auquel l’AGS s’associe, plaide la faute dérivant de l’attitude vindicative de l’éducateur qui, quoique en compagnie d’un autre collègue, alla au contact du jeune et lui donna sciemment un coup de tête. Il lui reproche son comportement sans mesure ni discernement, doublé d’un positionnement faux de victime. Il soutient la gravité de faits de violences volontaires, perpétrés dans l’exercice de ses fonctions.
Selon l’article L.1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du code du travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. L’employeur doit rapporter la preuve de l’existence d’une telle faute, et le doute profite au salarié.
Compte tenu de l’autorité au civil de la chose jugée au pénal, du moment que la lettre de licenciement reprochait au salarié des faits de violences volontaires ainsi qualifiés (« les faits de violence à l’égard du mineur sont établis sans contestation possible. Vous ne pouvez invoquer ni légitime défense, ni le danger immédiat pour la sécurité physique du mineur pour justifier votre intervention. ») et que M. [Y] a été relaxé par la cour des appels correctionnels de Versailles par arrêt du 2 mars 2021, précisément des mêmes faits de violences volontaires commises à [Localité 3] le 7 janvier 2018 sur le jeune [D] [X], il convient de dire le fait non acquis.
Par suite, le grief tiré du mensonge n’est pas reprochable.
Sans qu’il ne soit besoin de s’interroger sur la licéité d’une preuve qui n’est de toute façon pas versée aux débats, il convient de requalifier le licenciement comme étant sans cause justifiée par voie d’infirmation du jugement.
Sur les conséquences
Sur les indemnités de rupture
M. [Y], comme le relève le mandataire judiciaire, ne bénéficie que d’une ancienneté remontant au 1er décembre 2017 mentionnée à son contrat, faute de continuité avec la précédente relation interrompue, ainsi qu’en atteste le certificat de travail, le 23 novembre 2017.
Le salarié ne comptant pas 2 ans d’ancienneté n’a pas droit à l’indemnité de licenciement en application l’article 17 de la convention collective, l’article L.1234-9 du code du travail ne lui allouant aucun droit supplémentaire. Le jugement sera confirmé à cet égard par motifs substitués.
Conformément à l’article L.1234-1 du code du travail et à l’article 16 de la convention collective, il lui sera alloué la somme de 2.087,10 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, d’un mois, augmentée des congés payés afférents. Le jugement sera infirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.
M. [Y] plaide la non-conformité du barème prévu à l’article L.1235-3 du code du travail avec son droit d’une indemnisation adéquate de sa perte d’emploi, en violation des dispositions des articles 4 et 10 de la convention n°158 de l’Organisation internationale du travail et de l’article 24 de la Charte sociale européenne, que lui dénient le mandataire judiciaire et l’AGS.
Cela étant, les dispositions de la charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en ‘uvre nécessite qu’ils prennent des actes complémentaires d’application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.
De toute façon, les dispositions querellées sont de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT, au cas d’une méconnaissance de son article 4, disant que le travailleur ne devra pas être licencié sans motif valable.
Dès lors, l’invocation de ces textes ne peut pas conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’ordonnance du 22 septembre 2017.
M. [Y] estime que le barème constitue une discrimination indirecte en violation du droit de l’Union européenne, puisqu’il interdit de réparer le préjudice lié à son handicap. Toutefois, le handicap dont il parle dérivant en réalité de l’accident du travail, il ne saurait en être indemnisé par l’indemnité instituée à l’article L.1235-3 du code du travail, en raison des dispositions de l’article L.451-1 du code de la sécurité sociale scindant les deux régimes.
A défaut, il sollicite la somme de 7.304,85 euros sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail, que lui conteste le mandataire judiciaire, faute d’une ancienneté suffisante.
Il sera alloué à l’intéressé la somme, maximale, de 2.087,10 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la perte d’emploi, la proposition de l’AGS, vu son principe de spécialité et l’indisponibilité des droits qu’elle gère, ne pouvant s’interpréter comme l’offre d’un meilleur paiement que la loi empêche.
Ces sommes seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de l’association.
Sur le préjudice moral
M. [Y] fait valoir l’exigence de l’employeur d’un retrait de sa plainte contre le jeune, à laquelle il se soumit. Il plaide le caractère vexatoire du licenciement.
Le mandataire liquidateur et l’AGS lui objectent de ne pas démontrer les conditions de la responsabilité de l’association, notamment celle tenant au dommage.
Selon l’article 1231-1 du code civil, « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »
Dans la mesure où, aux termes de l’arrêt pénal, selon les policiers qui virent la vidéosurveillance et en firent procès-verbal, selon son collègue qui le retint, témoin des faits, et selon le discours du jeune, M. [Y] l’aurait frappé, il s’en suit qu’il ne peut reprocher à l’employeur, qui détenait ces seuls éléments, et ne le mit d’ailleurs pas à pied de manière conservatoire, les conditions de son éviction.
Par ailleurs, M. [Y] ne justifie pas d’un dommage spécifique dérivant de la pression de l’employeur, à la supposer acquise, pour voir retirer sa plainte contre le mineur du moment que cet acte n’emporte aucune conséquence définitive.
Sa demande sera rejetée par confirmation du jugement.
Sur le préjudice financier
M. [Y] fait valoir son état de santé l’empêchant d’exercer de nouveau sa profession. Il plaide le retentissement psychologique du licenciement le laissant sans capacité de travailler, et l’atteinte des droits à la retraite en résultant.
Le mandataire judiciaire et l’AGS lui objectent qu’aucun préjudice supplémentaire ne saurait être indemnisé.
Il résulte des pièces versées aux débats que M. [Y] a souffert, des suites de l’agression, de contusions, d’une dépression sévère, de troubles de l’audition, et qu’un syndrome cérébelleux lui a été diagnostiqué dont l’origine pourrait résulter, selon le neurologue, de l’agression subie le 7 janvier 2018. Il justifie avoir été en arrêt de travail du 25 janvier 2018 au 17 septembre 2021, et avoir perçu les indemnités journalières.
Pour autant, il ne saurait solliciter devant le conseil de prud’hommes les conséquences dommageables de l’accident du travail subi le 7 janvier 2018, et qui, selon l’article L.451-1 du code de la sécurité sociale n’est pas régi par le droit commun de la responsabilité. Sa demande est irrecevable.
Pour le surplus, les conséquences financières de son licenciement trouvent leur réparation dans l’indemnité allouée en application de l’article L.1235-3 du code du travail, qui est plafonnée, et dont le maximum lui a été alloué, en sorte que sa demande n’est pas fondée, et le jugement sera partiellement confirmé, par substitution de motifs.
Sur les frais de justice
Les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective. Faute d’aucune condamnation, les conditions d’application de l’article 699 du code de procédure civile ne sont, en tout état de cause, pas réunies.
Il sera alloué à M. [Y], qui triomphe partiellement, la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Enfin, il n’y a lieu de statuer de nouveau sur l’aide juridictionnelle provisoire déjà accordée en première instance.
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les demandes de M. [C] [Y] en nullité du licenciement, en paiement de l’indemnité de licenciement, en indemnisation de son préjudice moral, pour partie de son préjudice financier distinct, sur les frais de justice et en ce qu’il a admis M. [C] [Y] au titre de l’aide juridictionnelle provisoire ;
L’infirme pour le surplus ;
Statuant de nouveau des chefs infirmés ;
Dit infondé le licenciement de M. [C] [Y] ;
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de l’association Diagrama intervention psychosociale les sommes de :
2.087,10 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la perte d’emploi ;
2.087,10 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, et 208,71 euros pour les congés payés afférents ;
1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Dit irrecevable la demande de M. [C] [Y] de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier résultant de l’accident du travail du 7 janvier 2018 ;
Dit qu’en application des articles L 622-28 et L 641-3 du Code de commerce, le jugement d’ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement ;
Ordonne la remise des documents de fin de contrat (attestation Pôle-emploi, solde de tout compte et certificat de travail) conformes à la présente décision dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt ;
Rejette la demande d’astreinte ;
Dit le jugement opposable à l’AGS dans les conditions de sa garantie, en application des articles L. 3253-8, L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 699 du code de procédure civile ;
Dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Nathalie COURTOIS, Présidente et par Madame Isabelle FIORE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente