Rejet de demande de nationalité française

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Rejet de demande de nationalité française
Ce point juridique est utile ?

1. Il est essentiel de respecter les règles de forme, telles que la délivrance d’un récépissé conformément à l’article 1043 du code de procédure civile, pour que l’action soit recevable devant la juridiction civile.

2. En matière de nationalité française, la charge de la preuve incombe à celui dont la nationalité est en cause. Il est donc important de fournir des preuves solides pour établir la réalité des faits allégués.

3. Lorsqu’il s’agit de prouver son état civil, il est crucial de fournir des documents complets et fiables, tels que des actes de naissance conformes aux exigences légales. Tout manquement à ces exigences peut remettre en cause la validité des documents présentés et compromettre la demande.

Résumé de l’affaire

L’affaire concerne la demande de nationalité française de [G] [P], né en Côte d’Ivoire en 2002, qui a été confié au Conseil Départemental de l’Ain en 2016 et placé sous tutelle d’État en 2018. Après avoir souscrit une déclaration de nationalité française en 2019, sa demande a été refusée en 2020 en raison de doutes sur la validité de son acte de naissance ivoirien. [G] [P] a contesté cette décision en justice, arguant que ses documents étaient conformes à la législation ivoirienne et que la charge de la preuve incombait à l’administration. Le Ministère Public a quant à lui soutenu que l’acte de naissance présentait des irrégularités au regard de la loi ivoirienne, remettant en cause sa validité. Le tribunal devra donc statuer sur la recevabilité de la demande de [G] [P] et sur la validité de son acte de naissance pour l’acquisition de la nationalité française.

Les points essentiels

Sur la recevabilité de la demande

Il convient de relever que l’action de Monsieur [G] [P] devant la juridiction civile est recevable dès lors qu’a été respectée la règle de forme, soit la délivrance d’un récépissé conformément à l’article 1043 du code de procédure civile. Cependant, il n’y a pas lieu à statuer sur ce point en l’absence de demande.

Sur la demande de [G] [P]

Sur la charge de la preuve

Aux termes de l’article1353 du code civil, celui qui réclame l’éxécution d’une obligation doit la prouver. Il appartient ainsi au demandeur d’établir la réalité des faits qu’il allègue au succès de ses prétentions.

Sur l’exigence de l’état civil et notamment l’acte de naissance

Il est constant que nul ne peut se voir attribuer la nationalité française s’il ne justifie pas de façon certaine de son état civil.

Sur les demandes accessoires

Il convient de laisser les dépens et les frais exposés à la charge de [G] [P], succombant. En l’espèce, il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire en application des dispositions de l’article 1041 du code civil.

Les montants alloués dans cette affaire: – Sommes allouées à chaque partie par la juridiction :
– Aucune somme n’a été allouée à [G] [P].
– Les dépens sont laissés à la charge de [G] [P].

Réglementation applicable

– Code de procédure civile
– Article 1043

– Code civil
– Article 1353
– Article 16
– Article 30
– Article 31
– Article 47
– Article 24
– Article 42
– Article 29
– Article 27
– Article 28

– Loi ivoirienne 64-374 du 7 octobre 1964
– Article 52
– Article 24
– Article 29
– Article 27

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Claire ZOCCALI
– Rozenn HUON

Mots clefs associés & définitions

– Motivation
– Recevabilité de la demande
– Règle de forme
– Déclaration prévue par le code de procédure civile
– Charge de la preuve
– Article 1353 du code civil
– Déclaration de nationalité française
– Documents à fournir pour souscrire la déclaration de nationalité
– Article 30 du code civil
– Certificat de nationalité française
– Exigence de l’état civil
– Acte de naissance
– Loi ivoirienne sur l’état civil
– Copies d’actes de naissance
– Passeport ivoirien
– Déclaration de naissance
– Acte de naissance incomplet
– Fiabilité des actes d’état civil
– Rejet de la demande
– Ordonnance de mention de nationalité
– Dépens et frais
– Exécution provisoire
– Motivation : Justification écrite ou orale des raisons qui sous-tendent une décision judiciaire ou administrative.

– Recevabilité de la demande : Critère juridique permettant de déterminer si une demande peut être examinée par un tribunal, basé sur le respect de certaines conditions formelles et substantielles.

– Règle de forme : Ensemble des conditions formelles que doivent respecter les actes juridiques pour être valides, telles que la manière de les rédiger et de les présenter.

– Déclaration prévue par le code de procédure civile : Acte par lequel une partie expose certains faits ou intentions dans le cadre d’une procédure judiciaire, conformément aux exigences du code de procédure civile.

– Charge de la preuve : Obligation pour une partie dans un litige de fournir les preuves nécessaires pour étayer ses affirmations.

– Article 1353 du code civil : Article du code civil français qui stipule que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver, et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

– Déclaration de nationalité française : Procédure administrative par laquelle une personne affirme sa nationalité française sur la base de certains critères et preuves.

– Documents à fournir pour souscrire la déclaration de nationalité : Ensemble de documents requis pour prouver le droit à la nationalité française, tels que des actes de naissance, des preuves de résidence, etc.

– Article 30 du code civil : Article du code civil français qui traite des conditions et de la procédure de reconnaissance de la nationalité française par filiation.

– Certificat de nationalité française : Document officiel délivré par les autorités compétentes attestant de la nationalité française d’un individu.

– Exigence de l’état civil : Nécessité de disposer de documents officiels d’état civil (comme un acte de naissance) pour prouver l’identité et d’autres statuts légaux.

– Acte de naissance : Document officiel qui certifie la naissance d’une personne, indiquant le lieu, la date, et souvent les noms des parents.

– Loi ivoirienne sur l’état civil : Ensemble des règles régissant l’enregistrement des naissances, mariages, décès, et autres événements importants dans la vie civile en Côte d’Ivoire.

– Copies d’actes de naissance : Reproductions certifiées conformes des actes de naissance originaux.

– Passeport ivoirien : Document de voyage officiel délivré par le gouvernement ivoirien qui certifie l’identité et la nationalité du porteur.

– Déclaration de naissance : Notification officielle de la naissance d’un enfant aux autorités compétentes, nécessaire pour l’émission d’un acte de naissance.

– Acte de naissance incomplet : Document d’état civil qui manque certaines informations essentielles, rendant parfois difficile la pleine reconnaissance juridique de l’individu.

– Fiabilité des actes d’état civil : Degré de confiance que l’on peut accorder aux documents d’état civil, basé sur leur exactitude et leur intégrité.

– Rejet de la demande : Décision par laquelle une autorité refuse une demande ou une requête pour non-conformité aux critères légaux ou réglementaires.

– Ordonnance de mention de nationalité : Décision judiciaire qui ordonne l’inscription de la nationalité sur les registres d’état civil ou autres documents officiels.

– Dépens et frais : Ensemble des coûts liés à une procédure judiciaire, incluant les frais de justice et autres dépenses nécessaires.

– Exécution provisoire : Mesure permettant l’application immédiate d’une décision de justice, même si celle-ci est susceptible de recours ou d’appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 janvier 2024
Tribunal judiciaire de Lyon
RG n°
20/07891
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 9 cab 09 G

NUMÉRO DE R.G. : N° RG 20/07891 – N° Portalis DB2H-W-B7E-VLH2

N° de minute :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Jugement du :
10 Janvier 2024

Affaire :

M. [G] [P]
C/
M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE E9- 20/1726

le:

EXECUTOIRE+COPIE

Me Claire ZOCCALI – 2280

LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, en son audience de la Chambre 9 cab 09 G du 10 Janvier 2024, le jugement contradictoire suivant, après que l’instruction eût été clôturée le 23 Mars 2023,

Après rapport de Sandrine CAMPIOT, Vice-Présidente, et après que la cause eût été débattue à l’audience publique du 08 Novembre 2023, devant :

Président : Célia ESCOFFIER, Vice-Présidente

Assesseurs :Sandrine CAMPIOT, Vice-présidente
Joëlle TARRISSE, Juge

Assistés de Christine CARAPITO, greffière

et après qu’il en eût été délibéré par les magistrats ayant assisté aux débats, dans l’affaire opposant :

DEMANDEUR

Monsieur [G] [P]
né le 01 Octobre 2002 à [Localité 2], demeurant [Adresse 4]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/021080 du 16/10/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)
représenté par Me Claire ZOCCALI, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 2280

DEFENDEUR

M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE E9- 20/1726, [Adresse 1]

Représenté par Rozenn HUON, vice-procureure de la République

EXPOSE DU LITIGE

[G] [P] se dit être né le 11 octobre 2002 à [Localité 2] (Côte d’Ivoire).

Par ordonnance en date du 11 mai 2016, le juge des enfants du tribunal de grande instance de BOURG EN BRESSE a confié provisoirement [G] [P] au CONSEIL DEPARTEMENTAL DE l’AIN, DGAS domaine enfance, jusqu’à ce qu’il soit statué sur l’organisation d’une tutelle d’Etat.

Par ordonnance en date du 15 juin 2018, le juge des tutelles des mineurs de BOURG EN BRESSE a ouvert une mesure de tutelle d’état au profit de [G] [P], la déférant à la collectivité publique après avoir constaté la vacances de la tutelle.

Le 20 novembre 2019, [G] [P] a souscrit une déclaration de nationalité française sur le fondement des dispositions de l’article 21-12 du code civil auprès du Tribunal Judiciaire de BOURG EN BRESSE.

Par une décision du 24 juin 2020, le directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire de BOURG EN BRESSE a, au visa des dispositions de l’article 47 du code civil, refusé d’enregistrer sa déclaration de nationalité au motif que son acte de naissance n’était pas probant, n’ayant pas été dressé conformément au code ivoirien.

Le 17 novembre 2020, soit dans le délai de recours contentieux de 6 mois prévu à l’article 26-3 du code civil, [G] [P] a sollicité le bénéfice de l’aide juridictionnelle aux fins de contester cette décision. Par une décision du 16 octobre2020, le bénéfice de l’aide juridictionnelle totale lui a été accordé.

Par acte extra-judiciaire du 10 novembre 2020, enregistré au greffe du tribunal judiciaire de LYON le 15 novembre 2020, soit dans le délai de 6 mois suivant la décision d’aide juridictionnelle, [G] [P] a assigné le parquet civil devant le tribunal judiciaire de Lyon aux fins de contester cette décision.

En l’état de ses dernières conclusions notifiées le 23 septembre 2022, il sollicite du tribunal de voir :

– DÉCLARER le recours de Monsieur [G] [P] recevable ;

– DIRE ET JUGER que Monsieur [G] [P] a acquis la nationalité française à la date de sa déclaration ;

– ORDONNER l’enregistrement de la déclaration souscrite par Monsieur [G] [P] ;

– ORDONNER la transcription du dispositif du présent jugement sur les registres de l’Etat civil du Ministère des affaires étrangères à Nantes et dire que mention en sera portée en marge desdits registres à la date de la naissance, et ce dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement ;

– CONDAMNER le Trésor public au versement de la somme de 1500 euros au conseil de Monsieur [G] [P] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, sous réserve pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l’aide juridictionnelle ;

– LAISSER les dépens à la charge du Trésor public,

Au soutien de ses demandes, l indique à titre préliminaire que bénéficiant d’une décision d’aide juridictionnelle en date du 16 octobre 2020, le délai de recours de six mois pour contester la décision refusant l’enregistrement de sa demande de déclaration acquisitive de la nationalité française n’était pas expiré et qu’ainsi son assignation était recevable.

Sur le fond, il expose que les actes d’état civil étrangers sont présumés authentiques, que les éléments qui permettent de renverser la présomption d’authenticité d’un acte d’état civil étranger se limitent notamment, à l’apparence frauduleuse de l’acte, l’existence d’incohérences internes à l’acte, des différences manifestes entre la réalité et les informations contenues dans l’acte, des différences manifestes entre la réalité et les informations conrenues dans l’acte, l’existence d’autres actes qui remettent en cause l’authenticité de l’acte et des informations qu’il contient, les résutats d’une enquête effectuée par les autorités d’un pays.

Il ajoute que la présomption de validité des actes d’état civil étrangers ne peut être renversée qu’en rapportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité de l’acte en question, laquelle doit être rapportée par l’administration et rappelle ainsi que la charge de la preuve pèse sur l’administration qui conteste la validité de l’acte.

Il rappelle qu’en cas de doute, une levee d’acte auprès des autorites étrangères compétentes
peut permettre de vérifier la conformite des actes d’etat civil produits, au regard de la legislation locale, et donc des dispositions de l’article 47 du code civil.

Il indique présenter au tribunal :

– deux copies intégrales de l’acte de naissance, le 7 janvier 2019 et l’autre le 26 février 2020,
– un extrait du registre des actes de l’état civil,
– une carte consulaire établie par les autorités ivoiriennes,
– un certificat de nationalité ivoirienne et un passeport.

Il rappelle que ces documents sont dispensés de légalisation, en application de la convention franco-ivoirienne du 24 avril 1961, et que les copies intégrales d’acte de naissance ne présentent pas de différences, s’agissant des éléments essentiels de son état civil.

Sur la question de la régularité de son état civil, il indique que le Ministère Public fait référence aux articles 24, 27, 29, 41 et 31 al 2 du code civil ivoirien qui énumèrent les mentions devant figurer sur l’acte de naissance mais que l’article 24 de la loi indique que la nationalité des nommés est indiquée si possible, que [K] [P], père d’[G] [P], parle le français, langue officielle de la Côte d’Ivoire, mais ni ne le lit, ni ne l’écrit, que l’acte est rédigé en français et lu en français par l’officier d’état civil, que les points 20 et 21n’avaient pas à préciser la langue utilisée ni le nom de l’interprète, et qu’il a bien été indiqué que le père n’a pas signé, ne le sachant pas.

Il ajoute qu’il convient de combiner l’article 24 et 41, que du moment que la naissance doit être déclarée dans les 3 mois de l’accouchement (article 41), l’officier d’état civil qui constate que la déclaration de naissance est bien intervenue dans les 3 mois en précisant la date de la déclaration (en l’espèce le 31décembre 2002), n’a pas à en préciser nécessairement l’heure.

Il ajoute que si l’article 31 alinéa 2 de la loi susvisée prévoit que les copies intégrales d’acte de naissance doivent porter en toute lettre la date de leur délivrance, en l’espèce, les dates ont été rédigées le 07 janvier 2019 ou 26 février 2020, et non pas le 07/01/2019 ou 26/02/2020.

Il indique que Madame [I] est adjoint au Maire lorsqu’elle a recueilli la déclaration de naissance d’[G] [P], qu’elle est ainsi de fait officier d’état civil sans qu’il y ait nécessité d’une délégation par arrêté municipal, et que contrairement à ce que soutient le Ministère public, le point 22 n’avait pas à préciser l’arrêté portant délégation.

Il rappelle qu’il ne s’agit pas de vérifier si ces actes sont conformes à la loi française mais à la loi ivoirienne, et rappelle encore que si le Ministère Public remet en cause la régularité internationale de la copie intégrale d’acte de naissance, il convient de rappeler que ce contrôle de régularité concerne les jugements étrangers.

Il en conclut qu’il justifie d’un état civil fiable.

Il indique justifier avoir été placé pendant plus de trois ans durant sa minorité, notamment depuis le 18 avril 2016.

En l’état de ses dernières conclusions notifiées par voie éléctronique le 19 septembre 2022, le Ministère Public conclut au rejet des prétentions de Monsieur [G] [P] et requiert du tribunal de le voir :

– dire que le récépissé prévu par l’article 1040 du code de procédure civile a été délivré,

– débouter [G] [P] de ses demandes,

– dire et juger qu’[G] [P], se disant né le 11 octobre 2002 à [Localité 2] (Côte d’Ivoire), n’est pas de nationalité française,

– ordonner la mention prévue par l’article 28 du code civil.

Au soutien de ses réquisitions, il indique que les formalités de l’article 1043 du code de procédure civile ont été respectée, un récépissé ayant été délivré le 14 décembre 2020.

Il rappelle que le candidat à la nationalité en application de l’article 21-12 du code civil, doit justifier non seulement d’un état civil certain mais encore et par voie de conséquence, de sa minorité au moment de la souscription de nationalité, cette possibilité étant réservée aux seuls mineurs.

Il précise ainsi que cet acte doit être authentique, conforme à la législation du pays dans lequel il a été dressé et, le cas échéant, muni de la formalité de la légalisation, pour permettre au candidat à l’acquisition de la nationalité française de justifier d’un état civil certain, et par voie de conséquence de sa minorité à la date de la souscription.

A cet égard, il indique que la charge de la preuve, et notamment les conditions prévues par l’article 21-12 du code civil, pèse sur l’auteur de la déclaration de nationalité française.

– concernant la copie du 7 janvier 2020 délivré par le centre d’état civil de Dioulabougou d’un acte de naissance n° 4849, indiquant qu’il est né le 1er octobre 2002 à 4 heures 7 minutes et qu’il a pour père [K] [P], né le 30 juin 1971 à Dediafla, entrepreneur et pour mère, [R] [P], née à [Localité 3], commerçante, tous deux étant domiciliés à [Localité 2] ; il indique que l’acte mentionne qu’il a été dressé le 31 décembre 2002, sur la déclaration du père, et que le déclarant n’a pas signé l’acte, “ne le sachant”, que les mentions de cet acte sont identiques à celles qui figurent sur les copies délivrées le 7 janvier 2019 et le 26 février 2020.

Il indique, au visa de l’article 24 et 42 de la loi n° 64-374 du 7 octobre 1964, relative à l’état civil, que l’acte de naissance du demandeur comporte de nombreuses irrégularités au regard de la loi ivoirienne et notamment que :

– la date de naissance de la mère du déclarant n’a pas été mentionnée en ligne 13 de l’acte,

– En ligne 18, l’acte ne mentionne pas l’heure à laquelle il a été dressé, et ce, en violation de l’article 24 susvisé,

– En ligne 20, l’acte ne mentionne pas dans quelle langue il a été reçu, en violation de l’article 24 précité,

– En ligne 21, la mention du nom de l’interprète qui a assisté l’officier de l’état civil pour dresser l’acte n’est pas mentionné, en violation de l’article 24 précité,

– En ligne 22, le numéro de l’arrêté municipal en vertu duquel a été nommé l’officier de l’état civil qui a dressé l’acte, n’est pas renseigné,

– la nationalité des parents n’est pas renseignée (Pièce MP n° 6 et Pièces adverses n° 4).

Il résulte en outre de l’article 31 alinéa 2 de la loi ivoirienne susvisée que “les copies des actes de l’état civil doivent porter en toutes lettres la date de leur délivrance, et sont revêtues de la signature et du sceau de l’autorité qui les a délivrées” alors qu’en l’espèce, la date de délivrance de l’acte, soit “lundi 7 janvier 2019″ou “Mercredi 26 Février 2020″ ou “jeudi 7 mai 2020″ n’est pas libellée uniquement en lettres.

Il indique enfin que l’acte de naissance de l’intéressé indique qu’il a été dressé sur déclaration de son père, n’est pas signé par ce dernier en violation de l’article 44 de la loi précitée, alors qu’il est entrepreneur et qu’il devrait savoir lire et écrire.

Il en déduit que l’acte ne fait donc pas foi au sens de la loi ivoirienne et que étaient conformes à la loi ivoirienne, ils n’apparaissent pas probants au sens du droit français, rappelant que les dates de naissance des parents sont des mentions substantielles au sens du droit français, indispensables pour identifier les parents, même si la législation ivorienne ne l’exige pas sous peine de nullité de l’acte.

Il rappelle que selon l’article 47 du code civil, tous éléments extrinsèques (ex : contradictions avec desactes précédemment produits) ou intrinsèques (ex : incohérences internes) à l’acte permettent uneremise en cause de la valeur probante du document d’état civil, lorsqu’ils révèlent une simple irrégularité, que l’irrégularité est souvent assimilée à l’absence de respect des prescriptions de la loi étrangère (et dans ce cas, l’acte ne fait tout simplement pas foi en application de la première moitié dephrase de l’article 47) mais qu’elle renvoie plus largement à l’hypothèse où l’acte n’a pas été établi dans des conditions de rédaction permettant d’en garantir la fiabilité et la solennité(ex : législation étrangère n’imposant pas des formes que le droit français juge impératives), de sorte que l’incomplétude d’un document d’état civil étranger ne permet pas de reconnaître à un acte étranger la valeur probante accordée par l’article 47 du code civil.

Concernant la justification du placement, il admet que celui-ci est justifié.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il convient de se référer aux dernières conclusions signifiées en application de l’article 455 du code de procédure civile.

Après révocation de l’ordonnance de cloture initiale, l’ordonnance de clôture a été rendue le 23 mars 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience de plaidoirie du 8 novembre 2023.

Les parties ayant été avisées, le jugement a été mis en délibéré jusqu’au 10 janvier 2024 par mise à disposition au greffe de la juridiction.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de la demande

Il convient de relever que l’action de Monsieur [G] [P] devant la juridiction civile est recevable dès lors qu’a été respectée la règle de forme, soit la délivrance d’un récépissé conformément à l’article 1043 du code de procédure civile. Cependant, il n’y a pas lieu à statuer sur ce point en l’absence de demande.

Sur la demande de [G] [P]

Sur la charge de la preuve

Aux termes de l’article1353 du code civil, celui qui réclame l’éxécution d’une obligation doit la prouver.Il appartient ainsi au demandeur d’établir la réalité des faits qu’il allègue au succès de ses prétentions.

Il ressort des dispositions de l’article 16 du décret 93-1362 du 30 décembre 1993, que pour souscrire la déclaration prévue à l’article 21-12 du code civil, le déclarant fournit :

1° Son acte de naissance ;

2° Un document officiel d’identité, ainsi qu’une photographie d’identité récente ;

4° Lorsqu’il est un enfant recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française :

– tous documents justifiant qu’il réside en France ou, à défaut, que le recueillant de nationalité française a sa résidence habituelle à l’étranger ;

– un document officiel d’identité du recueillant ;

– tous documents mentionnés à l’article 11 établissant la qualité de Français du recueillant depuis au moins trois années à la date de la souscription de la déclaration ;

– la décision de justice ordonnant le recueil ;

– tous documents justifiant que le déclarant est élevé par le recueillant depuis au moins trois années ;

5° Lorsqu’il est un enfant confié au service de l’aide sociale à l’enfance :

– tous documents justifiant qu’il réside en France ;

– les décisions de justice, en cas de mesure judiciaire, ou tous documents administratifs, en cas de mesure extra-judiciaire, indiquant qu’il est confié à ce service depuis au moins trois années ;

6° Lorsqu’il est un enfant recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir une formation française :

– tous documents justifiant qu’il réside en France ;

– tous documents attestant qu’il est recueilli et élevé en France par un organisme public ou un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d’Etat et qu’il reçoit une formation française depuis cinq ans au moins ;

Aux termes de l’article 30 du code civil, La charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause. Toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d’un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants.

En l’espèce, la charge de la preuve incombant à [G] [P] en application de l’article 30 du code civil, il lui appartient de justifier d’un état civil fiable.

Sur l’exigence de l’état civil et notamment l’acte de naissance

Il est constant que nul ne peut se voir attribuer la nationalité française s’il ne justifie pas de façon certaine de son état civil.

Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l’état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent le cas échéant après toutes vérifications utiles que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

Aux termes de l’article 31 de la loi ivoirienne 64-374 du 7 octobre 1964 en vigueur sur l’état civil telle que modifiée par la loi 83-799 du 2 aout 1983 et la loi 99-691 du 14 décembre 1999, toute personne peut, sauf l’exception prévue à l’article 52, se faire délivrer par les dépositaires des registres de l’état civil, des copies des actes qui y sont inscrits. Ces copies, délivrées conformes aux registres, portent en toutes lettres la date de leur délivrance et sont revêtues de la signature et du sceau de l’autorité qui les a délivrées. Elles doivent, en outre, être légalisées, sauf conventions internationales contraires, lorsqu’il y a lieu de les produire devant les autorités étrangères. Il peut aussi être délivré de simples extraits qui contiennent outre le nom de la circonscription d’état civil et/ou du bureau d’état civil dans lequel l’acte a été dressé, la copie littérale de cet acte et des mentions et transcriptions mises en marge, à l’exception de tout ce qui est relatif aux pièces produites et à la comparution des témoins.

Il ressort des dispositions de l’article 24 du code civil ivoirien, issu de la loi précitée, que La déclaration, l’enregistrement des faits d’état civil sont obligatoires et gratuits. Les actes de l’état civil sont rédigés dans la langue officielle. Ils énoncent :

• l’année, le mois, le jour et l’heure où ils sont reçus ;

• les prénoms, noms, professions, domiciles et, si possible, les dates de naissance de tous ceux qui y sont dénommés ;

• le numéro de référence de l’acte ;

• le numéro national d’identification du bénéficiaire de l’acte, généré par le registre national de personnes physiques.
Toutefois, en ce qui concerne les témoins, leur qualité de majeur est seule indiquée.

De même, aux termes de l’article 42 du même code, l’acte de naissance énonce :

• l’année, le mois, le jour, l’heure et le lieu de la naissance, le sexe de l’enfant, les prénoms et nom qui lui sont donnés ;

• le numéro de référence de l’acte ;

• les prénoms, nom, dates et lieu de naissance, nationalités, professions et domiciles des père et mère et, s’il y a lieu, ceux du déclarant.

Si les père et mère de l’enfant ne sont pas désignés à l’officier ou à l’agent de l’état civil, il n’est fait sur le registre aucune mention à ce sujet.

Monsieur [G] [P] verse au débat copie d’un extrait du registre des actes de l’Etat civil pour l’année 2002 établi le 4 février 2016, établi par [U] [M] [W], conseiller municipal, officiel d’état civil délégué, qui a signé et a apposé son sceau.

Il verse également au débat deux copies intégrales d’acte de naissance, l’une établie le 7 janvier 2019, l’autre établie le 26 février 2020. Ces pièces, bien qu’elles soient des copies, sont assorties du sceau de la République de la Côte d’Ivoire, du timbre fiscal de 500 F et ont été établies le 7 janvier 2019, par [V] [E] conseiller municipal, officier d’Etat civil délégué, qui a signé et apposé son sceau et le 26 février 2020, par [U] [M] [W], conseiller municipal, officiel d’état civil délégué, qui a signé et a apposé son sceau.

Il verse également au débat copie de son passeport ivoirien qui a été établi le 14 novembre 2019 sous les références n° 19AA3835.

La lecture de la copie intégrale de l’acte de naissance, établie le 7 janvier 2019, permet de constater qu’elle a été établie sur la base d’un acte dressé à l’état civil sous les référénces n° 4849 du 31-12-2002, par Madame [I], adjoint au maire, officier de l’Etat civil délégué par arrêté municipal n° //, sur la déclaration du père, et aux termes duquel, le 1er octobre 2002, à 4h07, à [Localité 2]-Ville, est né [G] de sexe masculin , ayant pour père [K] [P] né le 30 juin 1971, à DEDIAFLA, entrepreneur, domicilié à [Localité 2] et pour mère, [R] [P] née à [Localité 3], commerçante, domiciliée à [Localité 2].

La lecture de la copie intégrale de l’acte de naissance, établie le 26 février 2020, permet de constater qu’elle a été établie sur la base d’un acte dressé à l’état civil sous les référénces n° 4849 du 31-12-2002, par Madame [I], adjoint au maire, officier de l’Etat civil délégué par arrêté municipal n° //????????, sur la déclaration du père, et aux termes duquel, le 1er octobre 2002, à 4h07, à [Localité 2]-Ville, est né [G] de sexe masculin, ayant pour père [K] [P] né le 30 juin 1971, à DEDIAFLA, entrepreneur, domicilié à [Localité 2] et pour mère, [R] [P] née à [Localité 3], commerçante, domiciliée à [Localité 2].

Dans ces deux copies intégrales d’acte de naissance, il est indiqué par l’officier d’état civil lors de la déclaration qu’il signe seul, mention étant ajoutée que le père, déclarant, ne sait pas signer.

Ces deux copie intégrales, versées en copie et relativement complètes, ne mentionnent cependant pas la date ni le lieu de naissance de la mère.

Pour autant, ces mentions ne sont pas substancielles, l’article 24 disposant que seuls les pénoms, noms, professions de tous ceux qui y sont dénommés sont substanciels, et que les dates et lieux de naissance sont indiquées dans la mesure du possible et de la même façon, les articles 30 et 31 de la loi susvisées imposant que seules les copies soient signées et revêtues du sceau de l’autorité qui les a établies.

Par ailleurs, si l’article 27 de la la loi ivoirienne prévoit bien l’obligation d’un interprête dont le nom et prénom et la prestation de serment sont indiqués ainsi que la langue parlée si les parties comparantes ne parlent pas la langue officielle, tel n’est pas le cas si les parties parlent la langue officielle. En l’espèce, il n’est aucunement indiqué que le père, déclarant viant par ailleurs à [Localité 2], ne parlerait pas la langue officielle, les mentions 20 et 21 n’ayant ainsi aucunement à être remplies.

Par ailleurs, ces deux copies renseignent, conformément aux exigences des dispositions de l’article 29 de la même loi, que le déclarant ne sait pas signer, cette circonstance n’étant aucunement incompatible avec la qualité d’entrepreneur.

D’autre part, si les dates de délivrance des copies intégrales d’acte de naissance, sont bien écrites partiellement en lettre, la date et heure de naissance de l’enfant sont bien renseignées en toute lettre.

Enfin, les deux copies intégrales ont des mentions concordantes et sont indiquées avoir établies à partir de la même base sachant que le passeport ivoirien de l’intéressé a été établi le 14 novembre 2019 sur la base des mêmes constatations.

Cependant, la lecture des deux actes de naissances permet de constater que l’heure de la déclaration de naissance n’est pas renseignée et qu’il s’agit d’une mention substancielle au sens de l’article 24 de la loi sus-visée peu important qu’elle ait été effectuée trois mois après.

Par ailleurs, la lecture attentive de l’extrait du registre des actes de l’Etat Civil pour l’année 2022 sur lequel les copies de naissances sont censées être établies, qui a été délivré le 4 février 2016, de l’acte n° 4849 du 31/12/2002 selon lequel est né le 1er octobre 2002 à 4 heures 07 minutes, [G] [P] à [Localité 2]-Ville de [K] [P] et de [R] [P], permet de constater que cet acte est effectivement très incomplet, comme ne comportant pas l’état civil complet des parents et notamment ni leur date ni leur lieu de naissance, ne comportant pas plus le nom de l’officier d’état civile ayant reçu la déclaration ni l’heure à laquelle la déclararion de naissance lui aurait été effectuée par le père.

Si la date et lieu de naissance des parents ne sont pas impératifs, d’autant que leur nationalité est renseignées dans les actes de naissance, il apparait que sur l’extrait d’acte de naissance, censé être la base des indications reproduites sur les copies, la qualité et l’identité complète de l’autorité ayant reçu la déclaration, ne sont renseignées dans aucun des actes et que l’heure de la déclaration n’est pas renseignée, ce qui ne permet pas de savoir, et ceci sur aucun des actes versés au débat, quel officier a réellement reçu la déclaration de naissance ni à quelle heure .

De surcroit, aucun des actes n’a été versé en original.

Il ressort de l’ensemble de ces constatations que si les deux copies sont conformes, l’extrait est parfaitement incomplet, et ces actes réunis ne permettent pas d’en garantir la fiabilité et la solennité ni d’en déduire qu’elles représentent la reproduction fidèle de l’acte original figurant au registre des naissances au demeurant incomplet, ni qu’elles font foi de l’état civil de [G] [P].

Le tribunal peut donc déduire de l’ensemble de ces constatations, que les faits qui ont été déclarés sur le registre ivoirien n° 4849 le 31 décembre 2022 par l’officier d’état civil ivoirien ne correspondent à la réalité, et que cet acte ne répond ainsi pas aux exigences des dispositions de l’article 47 du code civil.

La demande de [G] [P] n’est donc pas justifiée et sera rejetée.

Le présent jugement ayant trait à la nationalité, il y a lieu d’ordonner la mention prévue à l’article 28 du code civil.

Sur les demandes accessoires

Il convient de laisser les dépens et les frais exposés à la charge de [G] [P], succombant.

En l’espèce, il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire en application des dispositions de l’article 1041 du code civil.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement après débat en chambre du conseil, par jugement contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que le récépissé prévu par l’article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

REJETTE la demande de [G] [P], se disant né le 1er ocobre 2002 à [Localité 2]-Ville (Côte d’Ivoire) sur le fondement de l’article 21-12 du code civil,

DIT qu’il est étranger,

ORDONNE la mention prévue par l’article 28 du code civil,

DEBOUTE [G] [P] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

LAISSE les dépens à la charge de [G] [P],

En foi de quoi, le président et le greffier ont signé le présent jugement,

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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