Régularité des Procédures de Recouvrement

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Régularité des Procédures de Recouvrement

La SA BANQUE POSTALE a accordé un crédit personnel de 13 000 euros à Monsieur [B] [A] en août 2019, avec un remboursement prévu en 61 mensualités. En raison de paiements manquants, la banque a obtenu une ordonnance d’injonction de payer de 10 177,67 euros en mars 2022, signifiée en juin 2022. Monsieur [B] [A] a formé opposition en juillet 2022. L’affaire a été examinée en mars 2024, avec une réouverture des débats en avril 2024 suite à un courrier de l’emprunteur. Lors de l’audience de juin 2024, la banque a affirmé que les paiements n’avaient pas été effectués régulièrement, entraînant la déchéance du terme en août 2021, et a actualisé sa créance à 7 549,04 euros. Monsieur [B] [A] a reconnu sa dette et a proposé un échéancier de paiement de 150 euros par mois. La décision sera rendue le 30 août 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

30 août 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
23/08527
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :

Copie exécutoire délivrée
le :
à :

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/08527 – N° Portalis 352J-W-B7H-C3GLB

N° MINUTE :
2 JCP

JUGEMENT
rendu le vendredi 30 août 2024

DEMANDERESSE
S.A. LA BANQUE POSTALE, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Sébastien MENDES GIL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #P0173

DÉFENDEUR
Monsieur [B] [A], demeurant [Adresse 2]
comparant en personne

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Romain BRIEC, Juge, juge des contentieux de la protection
assisté de Audrey BELTOU, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 18 juin 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 30 août 2024 par Romain BRIEC, Juge assisté de Aline CAZEAUX, Greffier

Décision du 30 août 2024
PCP JCP fond – N° RG 23/08527 – N° Portalis 352J-W-B7H-C3GLB

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre préalable acceptée le 21 août 2019, la SA BANQUE POSTALE a consenti à Monsieur [B] [A] un crédit personnel d’un montant en capital de 13000 euros remboursable au taux nominal de 2,96% (soit un TAEG de 3%) en 61 mensualités de 243,15 euros avec assurance.

Des échéances étant demeurées impayées, la SA BANQUE POSTALE a obtenu le 10 mars 2022 du tribunal judiciaire de Paris une ordonnance d’injonction de payer la somme de 10177,67 euros avec intérêts au taux contractuel de 2,96% l’an à compter de la signification de l’ordonnance, à l’encontre de Monsieur [B] [A], qu’elle a fait signifier par acte de commissaire de justice du 30 juin 2022. Monsieur [B] [A] a formé opposition par lettre recommandée reçue le 10 juillet 2022.

L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 12 mars 2024, puis elle a fait l’objet d’une réouverture des débats à l’audience du 22 avril 2024 en raison de la réception au greffe d’un courrier de Monsieur [B] [A] concomitamment à l’audience initiale mais non versé aux débats. Puis l’affaire a été renvoyée à l’audience du 18 juin 2024 pour comparution des parties.

A cette audience, la SA BANQUE POSTALE, représentée par son conseil, a fait valoir que les mensualités d’emprunt n’ont pas été régulièrement payées, ce qui l’a contrainte à prononcer la déchéance du terme le 16 août 2021, rendant la totalité de la dette exigible. Elle a précisé que le premier incident de paiement non régularisé s’est situé au 30 janvier 2021. Elle a actualisé sa créance à la somme de 7549,04 euros au 15 juin 2024, suite à plusieurs versements effectués par l’emprunteur depuis l’ordonnance en injonction de payer, dont elle a sollicité de celui-ci le paiement, outre sa condamnation au titre des frais irrépétibles et des dépens. Elle ne s’est pas opposée à l’octroi de délais de paiement, comme mentionné dans le procès-verbal d’audience. La forclusion, la nullité, la déchéance du droit aux intérêts contractuels (FIPEN, notice d’assurance, FICP, vérification solvabilité) et légaux ont été mis dans le débat d’office.

Monsieur [B] [A] a comparu à l’audience du 18 juin 2024. Il a reconnu être débiteur de la SA BANQUE POSTALE. Il a indiqué respecter un échéancier amiable conclu avec l’organisme bancaire, à hauteur de versements de 150 euros par mois. Il a en conséquence sollicité le bénéfice de délais de paiement et proposé de poursuivre ses versements de 150 euros par mois.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 30 août 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l’opposition

Aux termes de l’article 1416 du code de procédure civile, l’opposition est formée dans le mois qui suit la signification de l’ordonnance. Toutefois, si la signification n’a pas été faite à personne, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant le premier acte signifié à personne, ou, à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur.

En l’espèce l’ordonnance d’injonction de payer a été signifiée à étude à Monsieur [B] [A] le 30 juin 2022.

L’opposition, formée le 10 juillet 2022, soit dans le délai réglementaire d’un mois, donc être déclarée recevable. Il convient de statuer à nouveau sur les demandes de la SA BANQUE POSTALE, le présent jugement se substituant à l’ordonnance d’injonction de payer en application de l’article 1420 du code de procédure civile.

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu’il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016.

L’article R.632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le juge à l’audience du 18 juin 2024, étant rappelé qu’en ce qu’il tend à faire rejeter comme non justifiée la demande en paiement.

L’article L.312-39 du code de la consommation prévoit qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restantes dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret. L’article D.312-16 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L.312-39, il peut demander une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance.

Ce texte n’a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu’après vérification de la régularité de la signature du contrat, de l’absence de forclusion de la créance, de l’absence de cause de nullité du contrat, et le cas échéant, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l’absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Sur la signature du contrat

Aux termes de l’article 1366 du code civil, l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité. L’article 1367 du même code ajoute que la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache.

Il en résulte qu’il existe deux types de signatures dites électroniques, la différence se situant au niveau de la charge de la preuve :
la signature électronique « qualifiée », répondant aux conditions de l’article 1367 du code civil et obtenue dans les conditions fixées par le décret n° 2001-272 du 30 mars 2001 (auquel s’est substitué le décret n°2017-1416 du 28 septembre 2017 lequel renvoie au règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014), laquelle repose sur un certificat qualifié de signature électronique délivré au signataire par un prestataire de services de certification électronique (PSCE) notamment après identification du signataire, signature dont la fiabilité est présumée,la signature électronique « simple » ne répondant pas à ces conditions (signature accompagnée d’un certificat électronique qui n’est pas qualifié ou sans vérifications de l’identité du signataire) et qui n’est pas dépourvue de toute valeur, mais pour laquelle il appartient à la SA BANQUE POSTALE de justifier en outre que les exigences de fiabilité de l’article 1367 du code civil sont respectées, à savoir l’identification de l’auteur et l’intégrité de l’acte, pour la vérification desquels sont examinés les éléments extérieurs suivants : production de la copie de la pièce d’identité, absence de dénégation d’écriture, paiement de nombreuses mensualités, échéancier de mensualités, existence de relations contractuelles antérieures entre le signataire désigné et son cocontractant etc.
En l’espèce, aucun certificat de PSCE n’a pas été produit, de sorte que la signature électronique ne saurait être qualifiée et sa fiabilité ne saurait donc être présumée.

Il appartient donc à la SA BANQUE POSTALE de prouver qu’il y a eu usage d’un procédé fiable d’identification garantissant le lien de la signature identifiant le signataire avec l’acte auquel la signature s’attache.

En ce sens, l’organisme bancaire produit plusieurs bulletins de salaire au nom de Monsieur [B] [A] annexé au contrat. Celui-ci n’a en outre pas contesté à l’audience avoir effectivement signé ledit contrat de prêt personnel.

En ces conditions, la régularité de la signature sera reconnue.

Sur la forclusion

L’article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal d’instance dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Ainsi, le prêteur est forclos pour l’intégralité de sa créance, dès lors que deux ans se sont écoulés depuis la première échéance impayée et non régularisée.

En l’espèce, au regard de l’historique du compte produit, il apparaît que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu pour l’échéance de janvier 2021. La date de la signification de l’injonction de payer est le 30 juin 2022. Dès lors, aucune forclusion de la créance ne saurait être relevée.

Sur la nullité du contrat

Aux termes de l’article L.312-25 du code de la consommation, pendant un délai de sept jours à compter de l’acceptation du contrat par l’emprunteur, aucun paiement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, ne peut être fait par le prêteur à l’emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l’emprunteur au prêteur.

La jurisprudence sanctionne la violation de ce texte par la nullité du contrat en vertu de l’article 6 du code civil, laquelle entraîne le remboursement par l’emprunteur du capital prêté (Ccass civ 1ère, 22 janvier 2009, 03-11.775).

En l’espèce, le déblocage des fonds a eu lieu le 28 août 2019, soit avant l’expiration du délai de sept jours précité courant à compter du 21 août 2019, de sorte que le contrat de prêt est nul.

Dans ces conditions, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens, il convient de prononcer la nullité du contrat de crédit conclu en violation des dispositions précitées, et de replacer les parties dans l’état où elles se trouvaient avant sa conclusion.

D’une part, depuis le premier incident non régularisé de janvier 2021, Monsieur [B] [A] a effectué des versements à hauteur de 926,58 euros (8475,62 euros correspondant au capital restant dû après cet incident – 7549,04 euros correspondant au capital restant dû tel qu’actualisé à l’audience du 18 juin 2024).

En conséquence, il y a lieu de condamner Monsieur [B] [A] à restituer à la SA BANQUE POSTALE la somme de 7061,47 euros (7549,04-487,57).

La nullité étant imputable au prêteur, il convient, en outre, d’écarter toute application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L 313-3 du code monétaire et financier et de dire que cette somme ne produira aucun intérêt, même au taux légal.

Sur les délais de paiement

En vertu de l’article 1343-5 du code civil compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

En l’espèce, Monsieur [B] [A] a exposé à l’audience effectuer des versements de 150 euros par mois pour apurer progressivement sa créance. La SA BANQUE POSTALE ne s’est pas opposée à l’octroi de délais de paiement.

Compte tenu de ces éléments et des propositions de règlements formulées à l’audience, Monsieur [B] [A] sera autorisé à se libérer du montant de sa dette selon les modalités qui seront rappelées au dispositif.

Il convient néanmoins de prévoir que tout défaut de paiement d’une mensualité justifiera de l’exigibilité totale de la somme due.

Sur les demandes accessoires

Chaque partie supportera la charge de ses dépens, comme prévu par l’article 696 du code de procédure civile.

L’équité commande de n’allouer aucune somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,

DÉCLARE que le prêt personnel du 21 août 2019 accordé par la SA BANQUE POSTALE à Monsieur [B] [A] est nul ;

CONDAMNE en conséquence Monsieur [B] [A] à restituer à la SA BANQUE POSTALE la somme de 7061,47 euros au titre du capital restant dû, sans application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L 313-3 du code monétaire et financier, et sans que cette somme ne produise aucun intérêt même au taux légal ;

AUTORISE Monsieur [B] [A] à s’acquitter des sommes susvisées en 24 mensualités de 150 euros, le 10 de chaque mois et pour la première fois le 10 du mois suivant la signification de la présente décision, la dernière mensualité étant majorée du solde de la dette ;

DIT qu’à défaut de paiement d’une seule mensualité à son terme, la totalité des sommes restant dues deviendra immédiatement exigible ;

DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;

REJETTE le surplus des demandes ;

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Le greffier Le juge des contentieux de la protection


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