Régularité des engagements contractuels et conséquences de la défaillance de l’emprunteur

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Régularité des engagements contractuels et conséquences de la défaillance de l’emprunteur

M. [E] [U] et Mme [L] [U] ont contracté un prêt personnel de 30 000 euros auprès de la SA CA CONSUMER FINANCE le 9 février 2022, avec un taux d’intérêt de 4,74% sur 96 mensualités. Suite à des paiements manquants, la banque a demandé la déchéance du terme. Le 8 février 2024, elle a assigné les époux devant le tribunal pour obtenir la constatation de cette déchéance, la résiliation du contrat, et le paiement d’une somme de 31 064,85 euros, ainsi que des intérêts et des frais. Lors de l’audience du 7 juin 2024, la banque a souligné que les époux bénéficiaient d’une décision de recevabilité de leur dossier de surendettement. Diverses questions juridiques ont été soulevées, notamment sur la validité du contrat et les obligations de la banque. M. [E] [U] a comparu, tandis que Mme [L] [U] ne s’est pas présentée. La décision a été mise en délibéré.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

30 août 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
24/02427
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le : 30/08/2024
à : Monsieur [E] [U], Madame [L] [U]

Copie exécutoire délivrée
le : 30/08/2024
à : Me Eric BOHBOT

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 24/02427 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4F5K

N° MINUTE :
6/2024

JUGEMENT
rendu le vendredi 30 août 2024

DEMANDERESSE
La Société CA CONSUMER FINANCE, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Eric BOHBOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0430

DÉFENDEURS
Monsieur [E] [U], demeurant [Adresse 2]
comparant en personne
Madame [L] [U], demeurant [Adresse 2]
non comparante, ni représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Véronique JACOB, Première vice-présidente adjointe, juge des contentieux de la protection
assistée de Florian PARISI, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 07 juin 2024

JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, mis en délibéré à la date initiale du 06 septembre 2024 puis avancé et prononcé par mise à disposition le 30 août 2024 par Véronique JACOB, Première vice-présidente adjointe assistée de Florian PARISI, Greffier

Décision du 30 août 2024
PCP JCP fond – N° RG 24/02427 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4F5K

EXPOSE DU LITIGE
M. [E] [U] et Mme [L] [U] (ci après les époux [U]) ont signé le 9 février 2022 une offre de prêt personnel de la société SA CA CONSUMER FINANCE d’un montant en capital de 30 000 euros, remboursable au taux débiteur de 4,74% en 96 mensualités d’un montant de 456,01euros, assurance comprise.

Plusieurs échéances n’ayant pas été honorées, la banque a entendu se prévaloir de la déchéance du terme.

Par acte du 8 février 2024, la SA CA CONSUMER FINANCE a fait assigner les époux [U] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, afin d’obtenir au visa des articles L311-1 et suivants du Code de la consommation et 1224 à 1230 du Code civil:
-le constat de la déchéance du terme et, à titre subsidiaire, le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de crédit,
-la condamnation solidaire de M. [E] [U] et Mme [L] [U] au paiement de la somme de 31 064,85 euros, augmentée des intérêts de retard courus au taux conventionnel de 4,74% l’an, à compter de la mise en demeure du 12 octobre 2023 jusqu’au jour du parfait paiement,
-la condamnation solidaire de M. [E] [U] et Mme [L] [U] au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers aux dépens de l’instance.

A l’audience du 7 juin 2024, la SA CA CONSUMER FINANCE, représentée par son conseil, sollicite le bénéfice de son exploit introductif d’instance. Elle précise solliciter l’obtention d’un titre alors que les époux [U] bénéficent de la part de la commission du surendettement d’une décision de recevabilité de leur dossier en date du 15 mars 2024.
Les diverses obligations édictées par le Code de la consommation relatives à une éventuelle forclusion de son action, la nullité du contrat pour omission de la date d’acceptation de l’offre et déblocage des fonds anticipée, la déchéance du droit aux intérêts contractuels (mentions et présentation de l’encadré du contrat, FIPEN et mentions obligatoires de cette fiche, notice d’assurance, consultation du FICP, vérification solvabilité) ainsi que l’exclusion des intérêts légaux ont été mis dans le débat d’office. La demanderesse n’a pas fait valoir d’observation sur ces points fixant la date du premier incident de paiement non régularisé au 5 mars 2023.

M. [E] [U] a comparu en personne et Mme [L] [U], assignée à l’étude et non comparante ne s’est pas fait représenter. M. [E] [U] a évoqué la décision de recevabilité de son dossier à la commission de surendettement, fait non contesté de la demanderesse.

Conformément à l’article 473 du Code de procédure civile, la décision à intervenir sera réputée contradictoire.

L’affaire a été mise en délibéré et rendue ce jour par mise à disposition au greffe en application des dispositions de l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile.

MOTIFS

Selon l’article 472 du Code de proécédure civile, lorsque le défendeur ne comparaït pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Aux termes de l’article L.141-4, devenu R.632-1 du Code de la consommation, le juge peut relever d’office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application, sous réserve de respecter le principe du contradictoire, il a été fait application de cette disposition par le juge à l’audience du 7 juin 2024.

L’article L.312-39 du Code de la consommation prévoit qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif les sommes, restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du Code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.
L’article D.312-16 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L.312-39, il peut demander une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance.

Ce texte n’a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu’après vérification de la régularité de la signature du contrat, de l’absence de cause de nullité du contrat, de l’absence de forclusion de la créance, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l’absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Sur la forclusion
L’article R.312-35 du Code de la consommation dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal judiciaire dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet article précise que lorsque les modalités de règlement des échéances ont fait l’objet d’un réaménagement ou d’un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés.

En l’espèce, au regard de l’historique du compte produit qui permet de fixer la date du premier incident de paiement au 5 avril 2023, la société SA CA CONSUMER FINANCE est recevable en son action, l’assignation datant du 8 février 2024, soit moins de deux ans après le premier impayé non régularisé.

Par ailleurs, aux termes de l’article L.722-2 du code de la consommation, la recevabilité de la demande [par la commission de surendettement des particuliers] emporte suspension et interdiction des procédures d’exécution diligentées à l’encontre des biens du débiteur ainsi que des cessions de rémunération consenties par celui-ci et portant sur les dettes autres qu’alimentaires.

Toutefois, en l’absence de texte interdisant une action tendant à l’obtention d’un titre exécutoire, un créancier peut, pendant le cours d’une procédure de redressement judiciaire civil, obtenir un titre exécutoire dont l’exécution sera différée pendant la durée du plan ( 1ère Civ., 7 janvier 1997, pourvoi n° 94-20.350, Bulletin 1997, I, n° 10; 2e Civ., 5 février 2009, pourvoi n° 07-21.306, Bull. 2009, II, n° 38).

En l’espèce, il n’est pas contesté de la demanderesse que les époux [U] ont fait l’objet d’une décision de recevabilité en date du 15 mars 2024 et cette dernière maintient ses demandes aux fins de disposer d’un titre exécutoire.

L’action de la SA CA CONSUMER FINANCE est donc recevable.

Sur la déchéance du terme
Aux termes de l’article 1103 du Code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l’article 1217 du même code, lorsque l’emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés.

Aux termes de l’article 1353 du Code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Il résulte des dispositions de l’article L.312-39 du Code de la consommation, que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Civ 1ère, 3 juin 2015).

La mise en demeure que le créancier doit adresser au débiteur n’étant pas de nature contentieuse, les dispositions des articles 665 à 670-3 du Code de procédure civile ne sont pas applicables et le défaut de réception effective par le débiteur de la mise en demeure, adressée par lettre recommandée, n’affecte pas sa validité. (Civ 1ère, 20 janvier 2021, pourvoi n° 19-20.680, publié).

En l’espèce, le contrat de prêt n’exclut pas de manière expresse et non équivoque l’envoi d’une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme et la demanderesse produit aux débats une mise en demeure adressée par lettre recommandé avec accusé de réception à chacun des époux [U], 18 deptembre 2023, exigeant le paiement de la somme de 2 944,45 euros correspondant au retard de paiements et visant la déchéance du terme à défaut de régularisation dans le délai de 15 jours.

La déchéance du terme a donc pu être valablement notifiée à chacun des époux, le 12 octobre 2023.

Sur la créance de la banque et la déchéance du droit aux intérêts
Aux termes de l’article 1103 du Code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires.

Selon les dispositions de l’article R. 632-1 du Code de la consommation, le juge peut également soulever d’office toutes les dispositions du Code de la consommation dans les litiges nés de son application,

En l’espèce, aucune cause de déchéance du droit aux intérêts n’a été relevée après examen des pièces produites par la demanderesse.

La société SA CA CONSUMER FINANCE rapporte la preuve de sa créance en versant notamment aux débats l’offre préalable de prêt, la fiche d’informations précontractuelles normalisée, la fiche de dialogue, le justificatif de la consultation du FICP, le tableau d’amortissement, un historique de compte ainsi qu’un décompte de créance du prêt en date du 27 octobre 2023 établissant sa créance à la somme de 28 308,17 euros, avec intérêts au taux contractuel de 4,74% l’an à compter du 12 octobre 2023.

En application de l’article 1231-5 du Code civil, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter l’indemnité convenue à titre de clause pénale si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Compte tenu du préjudice effectivement subi par la société SA CA CONSUMER FINANCE qui percevra les intérêts conventionnels et les intérêts au taux légal (voir ci-après), l’indemnité sollicitée est excessive et sera réduite à la somme de 1 euro.

Les défendeurs seront également condamnés au paiement de la somme de 551,25 euros au titre des primes impayées d’assurance.

Sur les mesures accessoires
M. [E] [U] et Mme [L] [U], qui succombent, supporteront les dépens ainsi que des propres frais irrépétibles.

Compte-tenu de l’équité et de la situation économique des parties, la SA CA CONSUMER FINANCE sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

En application de l’article 514 du Code de Procédure civile, l’exécution provisoire, de droit en la matière, ne sera pas écartée.

PAR CES MOTIFS
Le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, statuant publiquement en premier ressort par jugement réputé contradictoire mis à disposition au greffe,

DIT que l’action de la société SA CA CONSUMER FINANCE n’est pas forclose ;

CONSTATE que la déchéance du terme est valablement intervenue ;

CONDAMNE solidairement M. [E] [U] et Mme [L] [U] à payer à la société SA CA CONSUMER FINANCE la somme de 28 308,17 euros, avec intérêts au taux contractuel de 4,74% l’an à compter du 12 octobre 2023 ;

REDUIT l’indemnité conventionnelle et CONDAMNE solidairement M. [E] [U] et Mme [L] [U] à payer à la société SA CA CONSUMER FINANCE la somme de 1 euro, avec intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2023 ;

CONDAMNE solidairement M. [E] [U] et Mme [L] [U] à payer à la société SA CA CONSUMER FINANCE la somme de 551,25 euros au titre des primes impayées d’assurance, avec intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2023 ;

RAPPELLE que les mesures d’exécution à l’encontre de M. [E] [U] et Mme [L] [U] se trouvent suspendues par la décision de recevabilité prononcée par la Commission de surrendettement des particuliers en date du 15 mars 2024 pour la durée fixée par cette décision;

CONDAMNE in solidum M. [E] [U] et Mme [L] [U] aux dépens;

DEBOUTE la SAS SOGEFINANCEMENT du surplus de ses demandes ;

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de droit à titre provisoire ;

Ainsi jugé et prononcé par jugement signé les jour, mois et an susdits par le juge et le greffier susnommés et mis à disposition au greffe.

Le greffier Le juge des contentieux de la protection


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