Contexte de l’affaireM. [P] [U] a engagé la société Eiffage pour la pose d’un enrobé dans la cour de son immeuble, selon un devis accepté le 11 mars 2022, pour un montant total de 8.000 euros toutes taxes comprises. Facturation et mise en demeureAprès l’achèvement des travaux, la société Eiffage a émis une facture le 30 juin 2022 d’un montant de 7.992 euros. M. [U] a été mis en demeure de régler cette somme par plusieurs lettres envoyées entre octobre et novembre 2022. Procédure judiciaireLe 11 janvier 2023, la société Eiffage a assigné M. [U] devant le juge des référés pour obtenir le paiement de la facture et d’une indemnité conventionnelle. Le juge a rendu une ordonnance le 9 mars 2023, condamnant M. [U] à payer la somme due ainsi qu’une indemnité de 900 euros. Appel de M. [U]M. [U] a interjeté appel de cette ordonnance le 4 octobre 2023, demandant à la cour de déclarer son appel recevable et de rejeter les demandes de la société Eiffage, tout en réclamant des dommages et intérêts. Réponse de la société EiffageLa société Eiffage a contesté la déclaration d’appel de M. [U], arguant que l’adresse mentionnée dans celle-ci ne correspondait pas à son domicile réel, ce qui constituerait une irrégularité. Analyse de la courLa cour a constaté que M. [U] avait effectivement changé d’adresse et que l’irrégularité dans la déclaration d’appel était avérée. Bien que cette irrégularité puisse être régularisée, M. [U] n’a pas justifié de la réalité de son nouveau domicile. Décision de la courEn conséquence, la cour a prononcé la nullité de la déclaration d’appel de M. [U] et a constaté son dessaisissement. M. [U] a été condamné aux dépens et à verser 1.500 euros à la société Eiffage pour couvrir ses frais non répétibles. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Décision du Tribunal Judiciaire de ROANNE du 09 mars 2023
(Référé)
RG : 23/00023
[U]
C/
S.A.S. [Adresse 9]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 24 Octobre 2024
APPELANT :
M. [P] [U]
né le 29 Juin 1994 à [Localité 13]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Catherine PIBAROT, avocat au barreau de ROANNE
INTIMEE :
S.A.S. EIFFAGE ROUTE CENTRE EST
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Alexandre BOIRIVENT de la SELARL BK AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 438
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 25 Septembre 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 02 Octobre 2024
Date de mise à disposition : 24 Octobre 2024
Audience présidée par Julien SEITZ, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Séverine POLANO, greffier.
Composition de la Cour lors du délibéré :
– Anne WYON, président
– Julien SEITZ, conseiller
– Thierry GAUTHIER, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Selon devis accepté le 11 mars 2022, M. [P] [U] a chargé la société [Adresse 10] (la société Eiffage) de poser un enrobé dans la cour de son immeuble d’habitation sis [Adresse 2] [Localité 12] ([Localité 11]), contre paiement d’un prix de 8.000 euros toutes taxes comprises.
Ensuite de la réalisation des travaux, la société Eiffage a émis le 30 juin 2022 une facture n°F00947220600435 d’un montant de 7.992 euros toutes taxes comprises.
La société Eiffage a mis M. [U] en demeure de lui régler cette somme par lettres des 10 octobre, 27 octobre et 22 novembre 2022.
Par assignation signifiée le 11 janvier 2023 par remise à domicile, la société Eiffage a fait citer M. [U] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Roanne, en paiement de sa facture et de l’indemnité conventionnelle prévue à l’article 5 de ses conditions générales de vente.
Par ordonnance réputée contradictoire prononcée le 09 mars 2023, le juge des référés a :
– condamné M. [U] à payer à la société Eiffage une somme de 7.992 euros correspondant au montant de sa facture,
– condamné M. [U] à payer à la société Eiffage une somme de 900 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance,
– rejeté le surplus des demandes de la société Eiffage.
Cette ordonnance a été signifiée à M. [U] le 05 avril 2023 selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile.
M. [U] en a relevé appel selon déclaration enregistrée le 04 octobre 2023.
Aux termes de ses conclusions déposées le 04 décembre 2023, M. [U] demande à la cour, au visa des articles 1104, 1134 du code civil et 659 du code de procédure civile, de:
– déclarer son appel recevable et bien fondé,
y faisant droit et rejetant toutes demandes, fins et conclusions contraires :
– débouter la société Eiffage de sa demande de provision,
– lui accorder de justes dommages et intérêts pour les allégations délictuelles de la société Eiffage,
– condamner ladite société à la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts,
– condamner la même à la somme de 50.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions déposées le 03 janvier 2024, la société Eiffage demande à la cour, au visa des articles 9, 54, 542, 564, 835, 901 et 954 du code de procédure civile, de l’article L.162-1 du code des procédures civiles d’exécution, des articles 1103, 1104 et 1353 du code civil et des articles L.112-6 et D.112-3 du code monétaire et financier, de :
in limine litis :
– annuler la déclaration d’appel du 4 octobre 2023 interjetée par M. [U],
– prononcer, en conséquence, l’extinction de l’instance,
sur le fond :
– infirmer l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Roanne du 9 mars 2023 en ce qu’elle a rejeté sa demande de condamnation de M. [U] au paiement d’une somme de 1.000 euros au titre de l’indemnité contractuelle prévue à l’article 5 des conditions générales de vente,
et statuant à nouveau :
– condamner M. [U] à lui payer la somme provisionnelle de 1.000 euros au titre de l’indemnité contractuelle prévue à l’article 5 des conditions générales de vente,
– confirmer l’ordonnance entreprise pour le surplus,
– débouter M. [U] de l’ensemble de ses demandes, prétentions et moyens,
en tout état de cause et y ajoutant :
– débouter M. [U] de l’ensemble de ses demandes, prétentions et moyens.
– le condamner aux dépens et au paiement d’une somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé des moyens venant à l’appui de leurs prétentions.
Mme la présidente de chambre a prononcé la clôture de l’instruction par ordonnance du 25 septembre 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 02 octobre 2024, à laquelle elle a été mise en délibéré au 24 octobre 2024.
Vu l’article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 ;
Vu l’article 54 du même code
Vu les articles 114 et 115 du même code ;
Vu les articles 696 et 700 du même code ;
La société Eiffage fait valoir que l’adresse figurant dans la déclaration d’appel de M. [U] ne correspond pas à son domicile véritable, en violation des dispositions de l’article 901 du code de procédure civile.
Elle fait observer qu’aucun élément n’établit la réalité de la nouvelle adresse mentionnée dans les conclusions de M. [U].
Elle estime que l’appelant occulte intentionnellement sa véritable adresse et expose que cette irrégularité, de nature à faire obstacle à l’exécution de l’arrêt à intervenir, lui cause grief.
M. [U] ne réplique pas spécifiquement sur l’exception de nullité mais soutient qu’il aurait déménagé fin mars 2023 après avoir vendu sa maison aux consorts [E] et résiderait désormais [Adresse 4] à [Localité 7] ([Localité 11]). Il conteste avoir caché cette nouvelle adresse et fait observer que la société Crédit agricole, entre les mains de laquelle la société Eiffage a fait pratiquer la saisie-attribution des sommes déposées sur ses comptes en banque, l’aurait communiquée à l’huissier instrumentaire, si celui-ci le lui avait demandé.
Sur ce :
En vertu de l’article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable à l’espèce, la déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57 du même code, et à peine de nullité :
1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;
2° L’indication de la décision attaquée ;
3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
L’article 54 3° du même code dispose que la demande initiale doit mentionner, à peine de nullité, pour les personnes physiques, leur nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance.
En application de l’article 114 du code de procédure civile, la nullité tirée de l’inexactitude ou de l’insuffisance des mentions figurant sur une déclaration d’appel, qui obéit au régime applicable aux irrégularités de forme, ne peut être accueillie qu’à charge pour celui qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité qu’il allègue.
L’article 115 du même code prévoit qu’une telle nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l’acte si aucune forclusion n’est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief.
En l’espèce, la déclaration d’appel du 04 octobre 2023 mentionne que M. [U] demeure [Adresse 1] à [Localité 12] ([Localité 11]).
Or, l’huissier ayant procédé le 20 septembre 2023 à la signification de l’ordonnance entreprise s’est rendu à cette adresse et a constaté que M. [U] n’y résidait plus, les noms [Z] et [F] figurant sur la boîte aux lettres.
M. [U] admet avoir quitté l’adresse de [Localité 12] fin mars 2023, après avoir vendu l’immeuble à Mme [E] et M. [Z]. Il produit d’ailleurs une attestation de vente émanant de Maître [O], notaire à la résidence du [Localité 8] ([Localité 11]) établissant la réalité de cette vente intervenue le 31 mars 2023. Il a indiqué dans ses conclusions d’appel avoir fixé son nouveau domicile [Adresse 4] à [Localité 7] ([Localité 11]).
Il s’ensuit que M. [U] n’était plus domicilié [Adresse 2] [Localité 12] à la date de la déclaration d’appel et que l’irrégularité invoquée est avérée.
Une telle irrégularité cause grief à la société Eiffage, en ce que l’indication par son contradicteur d’un domicile erroné est de nature à faire obstacle à l’exécution de la décision à intervenir.
Elle est cependant susceptible de régularisation, dans le délai imparti à l’appelant pour conclure conformément aux articles 910-4, alinéa 1, et 954, alinéa 1, du code de procédure civile, soit un délai de 3 mois courant à compter de la déclaration d’appel irrégulière (Cass. Avis du 20 décembre 2017 n° 17-70.036).
La déclaration d’appel irrégulière a été déposée le 04 octobre 2023 et les conclusions d’appel par lesquelles M. [U] a communiqué une nouvelle adresse ont été déposées le 04 décembre 2023, dans le délai imparti pour la régularisation.
Force est toutefois de constater que M. [U] ne justifie pas de la réalité de son nouveau domicile allégué, malgré les réserves élevées par la société Eiffage, ce dont il suit que l’indication de ce nouveau domicile dans ses conclusions d’appel ne vaut point régularisation et qu’elle laisse subsister le grief initial.
Il convient en conséquence de prononcer la nullité de la déclaration d’appel et le dessaisissement corrélatif de la cour.
La saisine de la cour étant anéantie, il n’y a pas lieu d’examiner l’appel incident.
M. [U] succombe à l’instance d’appel et il convient de le condamner aux dépens.
L’équité commande de le condamner à payer à la société Eiffage la somme de 1.500 euros en indemnisation de ses frais non répétibles. Elle commande également de rejeter la demande formée par M. [U] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé en dernier ressort,
– Prononce la nullité de la déclaration d’appel formée le 04 octobre 2023 par M. [P] [U];
– Constate le dessaisissement corrélatif de la cour ;
– Condamne M. [P] [U] aux dépens de l’instance d’appel ;
– Condamne M. [P] [U] à payer à la société [Adresse 10] la somme de 1.500 euros en indemnisation des frais irrépétibles générés par l’instance d’appel et rejette sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT