Régularisation de la pension d’invalidité : enjeux de la prescription et des créances périodiques

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Régularisation de la pension d’invalidité : enjeux de la prescription et des créances périodiques

Attribution de la pension d’invalidité

Par décision du 03 juin 2009, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des Bouches-du-Rhône a attribué à Monsieur [L] [P] une pension d’invalidité d’un montant brut annuel de 14 587,22 Euros, à compter du 03 août 2009, calculée sur la base d’un salaire annuel moyen de 29 174,44 Euros.

Mise à jour du relevé de carrière

Le 28 mars 2019, Monsieur [L] [P] a informé la CPCAM des Bouches-du-Rhône de la mise à jour de son relevé de carrière par la CARSAT, augmentant le salaire de l’année 2006 de 21 313 Euros à 24 114 Euros.

Notification rectificative de la pension

Le 17 avril 2019, une notification rectificative a été émise, indiquant que le montant brut annuel de la pension s’élève désormais à 16 347,68 Euros, avec un salaire annuel moyen de base de 30 080 Euros.

Versement de la régularisation

Le 03 mai 2019, un versement de 3 798,55 Euros a été effectué à Monsieur [P], comprenant une régularisation pour la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2019 et des arrérages pour avril 2019.

Contestation de la régularisation

Monsieur [P] a saisi la commission de recours amiable pour contester que la régularisation devait s’opérer à compter du 3 août 2019, mais sa demande a été rejetée le 05 novembre 2019.

Recours au Tribunal

Le 06 janvier 2020, Monsieur [P] a introduit un recours devant le Pôle Social du Tribunal de Grande Instance de Marseille contre la décision de la commission de recours amiable.

Demandes de Monsieur [P]

Monsieur [P] demande au Tribunal de juger qu’il n’est pas prescrit dans son action, de faire droit à sa demande de rappel de pension d’invalidité à compter d’août 2009, et de condamner la CPAM à lui verser 22 759,85 Euros.

Position de la CPCAM

La CPCAM des Bouches-du-Rhône demande au Tribunal de débouter Monsieur [P], arguant que la pension d’invalidité est une créance périodique, chaque échéance ayant son propre délai de prescription de 5 ans.

Délibération et décision du Tribunal

Le Tribunal a mis l’affaire en délibéré au 31 octobre 2024 et a finalement débouté Monsieur [P] de l’ensemble de ses demandes, le condamnant aux dépens de l’instance.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

31 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Marseille
RG
20/00125
REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]

JUGEMENT N°24/04244 du 31 Octobre 2024

Numéro de recours: N° RG 20/00125 – N° Portalis DBW3-W-B7E-XELM

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [L] [P]
né le 02 Novembre 1975 à [Localité 5] (BOUCHES-DU-RHONE)
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Sarah HABERT, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Localité 4]
représentée par Mme [D] [H] (Inspecteur juridique), munie d’un pouvoir régulier

DÉBATS : À l’audience publique du 04 Juin 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : DEPARIS Eric, Vice-Président

Assesseurs : JAUBERT Caroline
MURRU Jean-Philippe

Lors des débats : ELGUER Christine, Greffier

À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 31 Octobre 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSE DES FAITS

Par décision du 03 juin 2009, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des Bouches-du-Rhône (ci-après CPCAM des Bouches-du-Rhône) a attribué à Monsieur [L] [P] une pension d’invalidité d’un montant brut annuel de 14 587, 22 Euros, soit un montant brut mensuel de 1 215, 60 Euros, à compter du 03 aout 2009, calculé sur la base des éléments suivants :

– Catégorie : 2
– Taux de calcul : 50 %
– Salaire annuel moyen de base : 29 174, 44 Euros
– Montant annuel de la pension de base théorique : 14 587, 22 Euros

Par courrier du 28 mars 2019, Monsieur [L] [P] a informé la CPCAM des Bouches-du-Rhône de la mise à jour par la Caisse d’Assurance Retraite et de la Santé Au Travail (ci-après CARSAT) de son relevé de carrière. Du fait de la mise à jour du relevé de carrière de Monsieur [L] [P], le salaire de l’année 2006, pris en compte pour le calcul de la pension, a été porté de 21 313 Euros à 24 114 Euros.

Par notification rectificative du 17 avril 2019, Monsieur [L] [P] a été informé qu’en raison de ce nouvel élément, le montant brut annuel la pension s’élève désormais à 16 347,68 Euros à compter du 03 aout 2009, soit un montant brut mensuel de 1 362, 31 Euros calculé à partir des éléments suivants :

– Catégorie 2
– Taux de calcul : 50 %
– Salaire annuel moyen de base : 30 080 Euros
– Montant annuel de la pension de base théorique : 16 347, 68 Euros

Par un versement du 03 mai 2019, la somme de 3 798, 55 € a été servie à Monsieur [P], se décomposant comme suit :

– Une régularisation de la période d’arrérages sur 5 années, soit du 1er avril 2014 au 31 mars 2019 pour un montant de 2 436, 24 Euros
Et
– Au service des arrérages de pension d’invalidité pour la période du 1er avril 2019 au 30 avril 2019, pour un montant de 1 362, 31 Euros

Monsieur [P] a saisi la commission de recours amiable d’une requête en contestation, considérant que la régularisation devait s’opérer à compter du 3 aout 2019.

Par décision du 05 novembre 2019, la commission de recours amiable a rejeté la contestation de Monsieur [P].

Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 06 janvier 2020, Monsieur [P] a saisi le Pôle Social du Tribunal de Grande Instance de Marseille, devenu le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Marseille, d’un recours à l’encontre de la décision de rejet de la commission de recours amiable.

Après une phase de mise en état, l’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 04 juin 2024.
Monsieur [P], représenté par son conseil reprenant oralement ses écritures, demande au Tribunal de :

– Juger que Monsieur [P] n’est pas prescrit dans son action,
– Faire droit à la demande de rappel de pension d’invalidité à compter du mois d’aout 2009,
– Condamner la CPAM au paiement de la somme de 22 759, 85 Euros, somme à parfaire, au titre du rappel d’indemnité de pension d’invalidité.

A l’appui de ses demandes, Monsieur [P] fait valoir qu’il n’est pas prescrit dans son action puisque la prescription quinquennale court à compter de la date à laquelle il a été informé de l’erreur de la CARSAT, soit à compter du 28 mars 2019.

La CPCAM des Bouches-du-Rhône, représentée par une inspectrice juridique, demande au Tribunal de débouter Monsieur [P] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

Au soutien de ses demandes, la CPCAM des Bouches-du-Rhône expose que la pension d’invalidité étant une créance périodique, chaque échéance mensuelle fait courir un délai de prescription de 5 ans qui lui est propre.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties, pour un plus ample exposé de leurs moyens et de leurs prétentions.

L’affaire a été mise en délibéré au 31 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

L’article 2224 du Code civil, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, applicable au litige dispose :

« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

Il ressort de l’article 2233 alinéa 3 du Code civil que s’agissant des créances à termes, la prescription commence à courir à compter de l’arrivée du terme.

Enfin, il résulte des articles R. 341-13 et R. 355-2 du Code de la sécurité sociale que les arrérages de la pension d’invalidité sont servis mensuellement et à terme échu par la caisse primaire d’assurance maladie dont relève l’assuré.

En l’absence de dispositions spécifiques, le délai de prescription extinctive de droit commun de 5 ans prévu par l’article 2224 du Code civil s’applique dans les relations entre les caisses et les assurés sociaux, et concernent notamment l’action aux fins de paiement d’arrérages de prestations d’invalidité.

Dans le présent cas d’espèce, l’assuré soutient que la prescription court à compter du jour où il a connu son droit, soit en l’occurrence à compter du jour où il a été avisé par la CARSAT de la rectification concernant l’année 2006, et qu’il est fondé dans le respect du délai butoir de vingt ans fixé par l’article 2232 du Code civil, à solliciter le paiement du rappel de pension d’invalidité pour sa totalité et donc à compter d’aout 2009.

Il convient d’objecter à l’assuré à la lumière des articles R. 341-13 et R. 355-2 précités que la dette de la Caisse ne s’analyse non pas comme une dette unique et portant sur une somme globale mais comme une dette payable par termes successifs. Or il est de jurisprudence constante qu’à l’égard d’une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l’égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance.

C’est donc à bon droit que la Caisse a procédé à la régularisation de la pension d’invalidité de Monsieur [P] sur une période de 5 ans, soit du 1er avril 2014 au 31 mars 2019.
Par ailleurs, sans être contredite par l’assuré, la Caisse justifie du montant payé le 03 mai 2019, soit la somme de 3798,55 €, en indiquant avoir revalorisé la pension dans les conditions prévues à l’article L.341-6 du Code de la sécurité sociale, c’est à dire chaque année au 1er avril par application du coefficient mentionné à l’article L.165-25 du Code de la sécurité sociale.

Il résulte de ce qui précède qu’il convient de débouter Monsieur [P] de l’ensemble de ses demandes.

Sur les demandes accessoires

Compte tenu de l’issue du litige, Monsieur [P], partie succombante, sera débouté de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et condamné aux dépens conformément à l’article 696 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

DÉBOUTE Monsieur [L] [P] de l’intégralité de ses demandes ;

CONDAMNE Monsieur [L] [P] aux dépens de l’instance ;

RAPPELLE que la présente décision est susceptible d’appel dans le délai d’un mois à compter de sa notification.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2024.

Notifié le :

LA GREFFIÈRE LE PRESIDENT


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