Régime juridique des sondages d’opinion

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Régime juridique des sondages d’opinion

Le régime juridique des sondages d’opinion est encadré par la loi n°77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d’opinion. Ce régime s’applique à la publication et la diffusion de tout sondage d’opinion ayant un rapport direct ou indirect avec un référendum, une élection présidentielle ou l’une des élections réglementées par le code électoral ainsi qu’avec l’élection des représentants au Parlement européen.

Les opérations de simulation de vote réalisées à partir de sondages d’opinion sont assimilées à des sondages d’opinion. La loi ne s’applique qu’aux sondages publiés ou diffusés au sens de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Les mentions impératives

La publication et la diffusion de tout sondage d’opinion doit être accompagnée des indications suivantes, établies sous la responsabilité de l’organisme qui l’a réalisé :

Le nom de l’organisme ayant réalisé le sondage ;

Le nom et la qualité de l’acheteur du sondage ;

Le nombre des personnes interrogées ;

La ou les dates auxquelles il a été procédé aux interrogations ;

Une mention indiquant le droit de toute personne à consulter la notice du sondage (voir ci-dessous).

Par ailleurs, lors de la publication et de la diffusion de tout sondage d’opinion, les données relatives aux réponses des personnes interrogées doivent être accompagnées du texte intégral des questions posées.

L’obligation de dépôt de la notice du sondage

De façon générale, nul ne peut réaliser des sondages d’opinion destinés à être publiés ou diffusés, s’il ne s’est engagé, par une déclaration préalablement adressée à la commission des sondages, à appliquer les dispositions de la loi du 19 juillet 1977 et de ses textes d’application.

Avant la publication ou la diffusion d’un sondage d’opinion, l’organisme qui l’a réalisé doit procéder au dépôt auprès de la commission des sondages (1) d’une notice précisant notamment :

L’objet du sondage ;

La méthode selon laquelle les personnes interrogées ont été choisies, le choix et la composition de l’échantillon ;

Les conditions dans lesquelles il a été procédé aux interrogations ;

Le texte intégral des questions posées ;

La proportion des personnes n’ayant pas répondu à chacune des questions ;

Les limites d’interprétation des résultats publiés ;

S’il y a lieu, la méthode utilisée pour en déduire les résultats de caractère indirect qui seraient publiés.

La commission des sondages peut ordonner la publication par ceux qui ont procédé à la publication ou à la diffusion d’un sondage des indications figurant dans la notice qui l’accompagne ou de certaines d’entre elles seulement. Toute personne a le droit de consulter auprès de la commission des sondages cette notice.

La commission opère un réel contrôle sur le sondage, elle s’assure notamment de la qualité de l’échantillon et notammentde sa taille et de sa structure géographique. le contrôle porte aussi sur les modalités des questions posées et leur contenu.

Des « redressements » des résultats bruts peuvent intervenir pour garantir la représentativité de l’échantillon utilisé.

L’organisme ayant réalisé le sondage doit tenir à la disposition de la commission des sondages, tous les documents sur la base desquels le sondage a été publié ou diffusé.

Le principe d’interdiction

La loi interdit la publication, la diffusion ou le commentaire de tout sondage la veille et le jour de chaque tour de scrutin. Cette interdiction est également applicable aux sondages ayant fait l’objet d’une publication, d’une diffusion ou d’un commentaire avant la veille de chaque tour de scrutin.

Pour les élections partielles, législatives, sénatoriales, régionales, cantonales ou municipales, l’interdiction légale ne s’applique pas aux opérations qui ont pour objet de donner une connaissance immédiate des résultats de chaque tour de scrutin et qui sont effectuées entre la fermeture du dernier bureau de vote en métropole et la proclamation des résultats.

Ce délai, à l’origine d’une semaine, a été raccourci par la loi du 19 février 2002. Cette réforme est intervenue suite à la décision de la Cour de cassation du 4 septembre 2001 qui avait jugé qu’en «  interdisant la publication, la diffusion et le commentaire par quelque moyen que ce soit de tout sondage d’opinion en relation avec les consultations visées par l’article 1er de la loi du 19 juillet 1977, les textes fondant la poursuite instaurent une restriction à la liberté de recevoir et de communiquer des informations qui n’est pas nécessaire à la protection des intérêts légitimes énumérée par l’article 10.2 de la convention susvisée « … étant incompatibles avec ces dispositions conventionnelles, ils ne sauraient servir de fondement à une condamnation pénale « .

La loi interdit de donner les résultats chiffrés d’un sondage non publié avant la date limite mais aussi, selon la Commission des sondages « d’indiquer une tendance qui serait révélée par un tel sondage, de diffuser des précisions chiffrées qui apparaîtraient comme les résultats d’un sondage. Et ce, même si des résultats de sondages nouveaux venaient à être divulgués à l’étranger ».

Nota : l’interdiction ne vise pas la publication et la diffusion en France de sondages réalisés hors de France au sujet d’opérations électorales intéressant un pays étranger. Des déclarations orales faites en public (réunions publiques …) peuvent, si ces déclarations ou ces tracts mentionnent les résultats de sondage, être considérés comme des modes de diffusion des résultats.

Quid des enquêtes sur Internet ?

La commission des sondages a été saisie du problème des simulations de vote opérées, notamment par certains journaux gratuits, sur des panels d’internautes. Les enquêtes de ce type qui ne sont pas menés auprés d’échantillons représentatifs de la population « ne constituent pas des sondages entrant dans le champ de la loi du 19 juillet 1977. Il est donc impératif que ces enquêtes soient accompagnées de précautions de présentation faisant clairement apparaître qu’il ne s’agit pas de sondages au sens de la loi de 1977 et, par voie de conséquence, appelant l’attention des lecteurs sur la prudence avec laquelle il convient d’en interpréter les résultats ».

Les sanctions

Conformément à l’article 12 de la loi du 19 juillet 1977, le non respect des dispositions légales peut être sanctionné par une amende de 75 000 euros. Sont notamment sanctionnés :

Ceux qui auront publié ou diffusé un sondage qui ne serait pas assorti de l’une ou plusieurs des indications légales obligatoires ;

Ceux qui auront laissé publier ou diffuser un sondage assorti d’indications présentant un caractère mensonger ;

Ceux qui auront publié ou diffusé ou laissé publier ou diffuser un sondage alors que n’auront pas été respectées les règles et clauses élaborées par la commission des sondages ;

Ceux qui, pour la réalisation des sondages auront procédé à des actes anti-concurrentiels. A ce titre, la Commission des sondages s’assure que les personnes ou organismes réalisant des sondages destinés à être publiés ou diffusés ne procèdent pas par actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites, ou coalitions sous quelque forme et pour quelque cause que ce soit, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d’empêcher ou de restreindre la même activité par d’autres personnes ou organismes ;

Ceux qui auront contrevenu à l’interdiction de publier un sondage la veille d’un scrutin ;

Ceux qui auront refusé de publier les mises au point demandées par la commission des sondages.

La commission des sondages ne dispose pas de pouvoir de sanction. Elle dispose néanmoins d’un pouvoir de mise au point (mises en garde à titre préventif ou réserves). Les communiqués de presse de la Commission peuvent à tout moment, être programmés et diffusés par les chaînes de télévision.
Applications jurisprudentielles

Selon une décision de la commission des sondages du 12 avril 2006 : « Un “sondage” relatif à l’aménagement d’une halle de centre-ville n’a pas été regardé par la commission comme relevant de l’article 1er de la loi, dans la mesure où, quelle que soit l’influence de la réalisation de cet aménagement pour des élections à venir, cette enquête d’opinion ne résume pas le débat électoral’.

Par décision de la commission des sondages le 22 septembre 2006 : « Les sondages relatifs à une consultation portant sur une fusion entre deux communes, à la différence des « referendum » ne sont pas visées par la lo du 19 juillet 1977 ».

Un sondage, comportant des questions qui demandent aux personnes interrogées ce qu’elles pensent d’une personnalité, ne donnent pas à l’application de la loi du 6 janvier 1978 au profit de la personnalité concernée (droit d’opposition non applicable). (CE 9 juillet 1997 Syntec).

Sont illicites les sondages qui induisent en erreur les personnes interrogées par la Société Ipsos qui orientent les réponses des personnes « il ressort des pièces du dossier que la principale question des sondages consistait à demander aux personnes consultées pour qui elles voteraient si, le jour même, avait lieu le premier tour de l’élection présidentielle ; qu’elles pouvaient indiquer la personnalité de leur choix, sans liste préétablie de candidats ; qu’ainsi cette question appelait une réponse fondée davantage sur la notoriété ou sur la popularité des personnalités que sur les intentions réelles de vote » (CE 11 décembre 1987 IPSOS).

Conformément à la décision de la commission des sondages du 23 mars 2009 : « Pour les sondages publiés avant le premier tour, s’il est souhaitable que les instituts envisagent, dans la mesure du possible, plusieurs hypothèses de second tour, la commission admet toutefois qu’une seule hypothèse soit testée dès lors que ce choix est cohérnt avec les résultats obtenus s’agissant du premier tour ».

Sur la taille d’un échantillon, la mise au point du 21 septembre 2006 précise « qu’eu égard à la taille fort réduite du sous-échantillon de sympathisants socialistes, les résultats obtenus doivent être interprétés en tenant compte de la marge d’erreur importante qui les affecte ».

Sur la qualité du travail des instituts de sondage, le Conseil d’Etat (CE, 13 décembre 1985, Société Indice) a jugé qu’un sondage effectué dans la rue, en une seule journée, auprès de 600 personnes, à raison de 30 interrogations ou plus par enquêteur, comporte des risques d’erreurs difficilement maîtrisables.

Doit être déclarée irrégulière la publication des données brutes d’un sondage, faite sans l’aval de l’institut qui a réalisé le sondage, avant tout redressement, même avec l’indication qu’il s’agit de chiffres bruts. Le redressement est une nécessité (le public est gravement induit en erreur). .

Selon la décision de la commission des sondages du 9 janvier 2007, aucun texte n’exige la mention du nombre des personnes interrogées qui ne se sont pas prononcées.

Toute contestation devant la Commission des sondages doit impérativement être formulée par lettre recommandée, le courrier électronique n’est pas un mode de saisine valide.

La publication d’une mise au point de la Commission des sondages adressée à un journal imprimé (Valeurs actuelles) ne porte pas atteinte à la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (CE 22 décembre 1982 Orcival)

La commission des sondages ne peut valablement délibérer que si la majorité, soit 5 de ses membres titulaires ou suppléants, sont présents (CE 5 juillet 1985 Sarl IPSOS).

(1) Créée par la loi du 19 juillet 1977, la Commission des sondages est chargée d’étudier et de proposer des règles tendant à assurer dans le domaine de la prévision électorale l’objectivité et la qualité des sondages publiés ou diffusés.


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