Refus du salarié de participer à une vidéo promotionnelle de l’employeur
Refus du salarié de participer à une vidéo promotionnelle de l’employeur
Ce point juridique est utile ?

Le refus du salarié de participer à une vidéo promotionnelle de l’employeur n’est pas un fait fautif.  Dans cette affaire, il a été jugé que quand bien même le refus du salarié de participer à cette opération était établi, l’employeur ne justifiait ni de l’irrespect allégué ni que les faits étaient antérieurs de moins de deux mois à l’engagement de la procédure de licenciement.

______________________________________________________________

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT DU 07 JUILLET 2022

Rôle N° RG 19/07227 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEGTB

SARL SANTA LUCIA CONTROLE

C/

[F] [C]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CANNES en date du 28 Mars 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 18/00163.

APPELANTE

SARL SANTA LUCIA CONTROLE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Caroline KUBIAK, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIME

Monsieur [F] [C], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Gordana TEGELTIJA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2022

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL Santa Lucia Contrôle (la société) exerce une activité de contrôle technique.

M. [C] (le salarié) a été engagé par la société par contrat à durée indéterminée du 25 octobre 2012 en qualité de chef de centre, échelon 9, moyennant une rémunération brute mensuelle de 2347,58 euros comprenant 17,33 heures supplémentaires structurelles outre des avantages en nature, notamment un véhicule de fonction, pour 169 heures.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective de l’automobile.

La société employait habituellement moins de 11 salariés au moment du licenciement.

Le salarié a été convoqué par lettre remise en mains propres le 7 novembre 2016 à un entretien préalable à licenciement, fixé le 15 novembre 2016.

Par lettre du 23 novembre 2016 la société lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse en ces termes :

‘Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs de fautes.

En effet, alors que vous avez déjà fait l’objet d’un rapport accablant des services de la DREAL lors d’ un contrôle diligenté le 16 juin 2016 qui a révélé plusieurs non-conformités quant au respect des procédures qui vous incombent en votre qualité de chef de centre, et malgré nos nombreux rappels à l’ordre relatifs à votre comportement, nous avons d’abord recueillis depuis le début du mois d’octobre 2016 différentes plaintes de clients qui dénoncent votre attitude désagréable et votre manque de considération à leur égard.

Ensuite, nous constatons que, sous prétexte de votre statut de contrôleur agréé, vous ne tenez pas compte de nos instructions et de vos obligations contractuelles, n’hésitant pas à nous traiter de « capricieux» à la moindre remarque.

Ainsi, vous ne respectez pas l’horaire quotidien qui vous a été attribué, savoir: 8 h 00 – 12 h 00 et 14 h 00 – 18 h 00 (terminant 1 heure plus tôt le vendredi), ayant décrété de votre propre chef que votre horaire serait finalement le suivant: 8 h 20 – 12 h 20 et 13 h 40 – 17 h 40, au détriment des besoins de notre clientèle.

Vous avez récemment refusé de participer à une vidéo promotionnelle de notre centre, vous montrant discourtois avec les réalisateurs et nous déclarant: « vous faîtes n’importe quoi, il faut faire de la pub dans la VAR MATIN ».

De même, vous avez déposé à l’accueil de l’entreprise à destination de notre clientèle des cartes de visite d’un membre de votre famille exerçant une activité de travaux en bâtiment, sans solliciter notre accord.

Vous ne procédez pas à l’entretien et au nettoyage de la piste de contrôle. Au cours du mois d’octobre 2016, la signalisation extérieure (drapeaux, panneau publicitaire) a été renversée par une rafale de vent et vous n’ avez pas daigné la remettre en place.

Votre bureau est en désordre permanent, véhiculant une mauvaise image de l’entreprise. A cet égard, nous observons également qu’un des volets du bureau d’accueil est toujours clos derrière lequel vous avez entreposé des affaires personnelles (lits bébé, landau, casque… ), une fois de plus sans la moindre autorisation.

Vous ne nous avez toujours pas fourni de justificatif concernant votre absence du jeudi 10 novembre 2016 au matin.

Vous utilisez le véhicule de fonction mis à votre disposition presque exclusivement pour vos déplacements privés, allant même jusqu’à installer un siège-bébé sur le fauteuil passager, sans le moindre accord de notre part et alors que ledit véhicule vous a été alloué pour assurer le transport de nos clients entre leur domicile et l’entreprise lors des contrôles ou pour aller récupérer chez nos partenaires, en particulier la concession PEUGEOT, les véhicules soumis à visite, missions que vous persistez à ne pas exécuter. De surcroît, votre comportement inadmissible expose notre société à un refus de prise en charge par notre assurance en cas de sinistre dès lors que l’usage professionnel de votre voiture de service n’est pas respecté.

Enfin, lors de l’entretien du 15 novembre 2016 qui n’a pas permis de modifier notre appréciation des faits, vous n’avez pas hésité à proférer des menaces et calomnies à notre encontre, déclarant que vous alliez nous dénoncer auprès de l’administration et faire fermer notre centre.

Nous vous informons que nous avons en conséquence décidé de vous licencier pour cause réelle et sérieuse’.

Le salarié a saisi le 30 avril 2018 le conseil de prud’hommes de Cannes d’une contestation de la cause réelle et sérieuse du licenciement et de dommages et intérêts subséquents.

Par jugement du 28 mars 2019 le conseil de prud’hommes de Cannes a :

— jugé que le licenciement de Monsieur [C] a fait l’objet d’un licenciement sans cause

réelle et sérieuse;

En conséquence,

— condamné la société Santa Lucia Contrôle à verser Monsieur [C] la somme de l0 000€ de dommages et intérêts ;

— condamné la société Santa Lucia Contrôle à verser Monsieur [C] la somme de 1 000€ sur le fondement de l’article 700 du CPC outre les dépens;

— débouté la partie demanderesse du surplus de ses demandes;

— débouté la partie défenderesse de ses demandes;

La société a interjeté appel du jugement par acte du 29 avril 2019 énonçant:

‘Objet/Portée de l’appel: Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués en ce qu’il a :

Jugé que Mr [C] a fait l’objet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Condamné la société Santa Lucia Contrôle à la somme de 10.000 € de dommages et intérêts outre celle de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 CPC ainsi qu’aux dépens

Débouté la société Santa Lucia Contrôle de ses demandes dont celle de 2.500 € au titre de l’article CPC ainsi qu’aux dépens’.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 30 mars 2022 la SARL Santa Lucia Contrôle, appelante, demande de :

Vu l’article L 1235-1 du code du travail ne faisant supporter à aucune des parties la charge particulière de la preuve et prescrivant qu’en cas de litige, il appartient au juge, à défaut d’accord, d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués,

Vu l’article L. 1222-1 du Code du travail imposant l’exécution de bonne foi du contrat de travail et le respect de l’obligation de loyauté,

Vu l’article L 1235-5 du code du travail (ancien) applicable au cas d’espèce puisque l’Ordonnance du 22.07.2017, publiée le 23.09.2017, est postérieure au licenciement de Mr [C],

Vu le principe de fixation du montant de l’indemnisation en fonction du préjudice subi,

INFIRMER ET/OU REFORMER partiellement le jugement du Conseil de prud’hommes de

Cannes du 28 mars 2019 de chefs de jugement suivants:

— Juge que le licenciement de Mr [C] a fait l’objet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse

— Condamne la société Santa Lucia Contrôle à la somme de 10.000 € de dommages et intérêts outre celle de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 CPC ainsi qu’ aux dépens.

— Déboute la société Santa Lucia Contrôle de ses demandes de 2.500 € au titre de l’article CPC ainsi qu’aux dépens

En conséquence, DEBOUTER monsieur [F] [C] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

DEBOUTER Mr [C] de son appel partiel incident

Et, Statuant à nouveau:

DIRE ET JUGER le licenciement fondé sur un ensemble de fautes constituant une cause réelle et sérieuse.

REJETER les demandes indemnitaires qui ne reposent sur aucun fondement juridique ni préjudice établi au profit de monsieur [F] [C]

Le CONDAMNER au paiement d’une somme de 5.000 € au titre de l’article 700 CPC de 1ère

instance et d’appel ainsi qu’aux entiers dépens de ces deux instances.

A titre subsidiaire, et si par impossible le licenciement était requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

REFORMER néanmoins le jugement et débouter Monsieur [C] de sa demande de dommages-intérêts pour laquelle il ne justifie d’aucun préjudice en application de l’article L 1235-5 du code du travail

S’ENTENDRE CONDAMNER monsieur [C] au paiement d’une somme de 3.000 euros au titre de l’art.700 CPC ainsi qu’aux entiers dépens tant de 1ère instance que d’appel.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 9 janvier 2020 M. [C], intimé, demande de :

Vu l’article 9 du code civil,

Vu notamment le articles L 1232-1, L 1232-3, L 1235-1, I 1332-4 du code du travail,

Vu le contrat de travail,

Il est demandé à la cour de CONFIRMER dans toutes ses disposition le jugement rendu le 28 mars 2019 par le Conseil de Prud’homme de Cannes sauf à porter à la somme de 20 000 Euros le montant des dommages-intérêts qui ont été accordés à Monsieur [C] en réparation de son préjudice résultant de son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse·

Y ajoutant:

CONDAMNER la société Santa Lucia Contrôle à payer à Monsieur [C] la somme de 2 000 Euros au titre de l’article 700 du CPC;

CONDAMNER la société aux entiers dépens.

Vu l’article 455 du code de procédure civile,

L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 avril 2022.

SUR CE

Sur le licenciement

Aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

En application de l’article L.1235-1 du code du travail, il revient à la cour d’apprécier, au vu des éléments apportés aux débats par l’une et l’autre parties, le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement et ce telle qu’elle résulte des motifs énoncés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.

Les motifs de faute doivent contenir des griefs précis, objectifs et matériellement vérifiables.

Aux termes de l’article L.1332-4 du code du travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Le délai de prescription porte sur l’agissement fautif isolé de sorte que lorsque la faute s’inscrit dans un phénomène répétitif se poursuivant dans le délai de deux mois, aucune prescription n’est acquise.

Lorsque les faits sanctionnés sont commis plus de deux mois après l’engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement de ces poursuites.

En l’espèce il ressort de la lettre de licenciement dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société énonce les motifs suivants :

1- le non-respect des procédures imposées par la réglementation applicable aux centres de contrôle technique dont la mise en oeuvre lui incombait en sa qualité de chef de centre;

2- une attitude désagréable et un manque de considération à l’égard de la clientèle, en dépit de rappels à l’ordre, ayant donné lieu à des plaintes de clients à compter d’octobre 2016;

3- le non respect de l’horaire quotidien 8h-12h, 14h-18h en ce qu’il a décidé unilatéralement de modifier ses horaires de travail;

4- le refus de participer à une vidéo promotionnelle et le dénigrement du choix marketing de l’employeur;

5- le dépôt des cartes de visite professionnelles d’un membre de sa famille sans recueil préalable de l’accord de l’employeur;

6- des manquements dans l’entretien et la tenue des locaux;

7- une absence injustifiée la matinée du 10 novembre 2016;

8- l’utilisation à des fins exclusivement personnelles du véhicule de fonction au détriment de l’usage professionnel.

Sur le premier grief reposant sur le non respect des procédures imposées par la réglementation applicable aux centres de contrôle technique, la société invoque les non-conformités relevées par la DREAL et fait valoir que les faits s’inscrivent dans une continuité en ce que le salarié a persévéré dans l’inexécution de ses obligations professionnelles en ne mettant pas en oeuvre les correctifs requis pour régulariser la situation comme le démontre l’audit Autobilan.

La société produit :

— le rapport d’inspection de l’installation de contrôle technique de la DREAL en date du 1er juillet 2016 suite à la visite de contrôle du 16 juin 2016 pointant des non-conformités au titre du Système qualité mal connu ou mal maîtrisé (‘L’utilisation de l’application qualité informatique est mal maîtrisé, vous avez eu de grosses difficultés à rechercher par exemple des SRN le traitement des compteurs d’exception’), de la comptabilité d’exploitation et/ou statistiques d’activité au minimum mensuelles absente ou incomplète ou suivi de l’activité des contrôleurs non assuré ( ‘Votre analyse des compteurs d’exception n’est pas satisfaisante. Les compteurs sont incomplets et mal analysés. Je vous demande de nous fournir votre analyse détaillée par compteur et pour chaque véhicule des mois d’avril et mai 2016.’), d’une rubrique Divers (‘Les statistiques de l’O.T.C. indiquent pour l’année 2015 un nombre important de visite avec corrections manuelles, 42 visites au 2e semestre 2015. Je vous demande d’analyser ces données, de m’en faire part et de m’indiquer les mesures correctives mises en place’.)

— le courrier de la société signé de la gérante et du salarié du 11 juillet 2016 à la DREAL présentant les explications et correctifs suivants :

‘Fiche 1 : Comme expliqué lors de la visite de surveillance, une panne de liaison au niveau du réglophare a généré une quarantaine de saisies manuelles courant octobre {voir registre des compteurs a-joint}. Le problème a été définitivement résolu après le remplacement du boîtier de communication. Vous trouverez ci-joint la fiche d’intervention relative au dépannage de la liaison informatique de l’appareil.

Fiche 2: Les modalités d’accès aux documents qualité et réglementaire ainsi que l’utilisation des principales fonctions de l’application de gestion de la Qualité ont été revues avec notre prestataire.

Fiche 3 : Vous trouverez ci-joint comme demandé, l’analyse de nos indicateurs et compteurs OTC sur la période d’avril- mai 2016. De plus, le traitement de l’ensemble des compteurs du premier semestre 2016 a été repris avec notre prestataire qualité, afin de pérenniser l’amélioration de leur analyse. Des compteurs dont le traitement n’était pas satisfaisant ont effectivement été détectés et corrigés’;

— la réponse de la DREAL par lettre du 28 septembre 2016 indiquant que la mise en place effective et l’efficacité des actions correctives décrites feront l’objet d’une vérification lors d’une prochaine visite;

— six fiches de non-conformité établies par la société Auto Bilan Systems lors d’un audit réglementaire effectué le 2 juin 2006, une fiche de non-conformité lors de l’audit réglementaire du 20 juillet 2017.

Le salarié oppose d’une part la prescription des faits reposant sur les non-conformités identifiées par la DREAL en ce que l’employeur en a eu connaissance dès le mois de juin 2016 et y a répondu le 11 juillet 2016 sans pouvoir se prévaloir d’une persistance ou une réitération de faits de même nature qui ne sont pas visés dans la lettre de licenciement, d’autre part fait valoir que le grief est injustifié dès lors que les non-conformités sont fréquentes dans la profession et que des correctifs ont justement été apportés.

Il produit une attestation de son nouvel employeur, M. [T], louant ses qualités professionnelles et donnant des explications peu explicites sur ‘les compteurs d’exception’ imposés par la réglementation et constituant selon lui un moyen d’auto- vérification, à visée purement informative, en grande partie non liés à la qualité du travail effectué.

A l’analyse des pièces du dossier la cour relève que le non-respect des procédures est fondé sur les non-conformités révélées par le rapport de la DREAL, adressé à la société le 1er juillet 2016 et auquel celle-ci y a précisément répondu en signant le courrier en réponse du 11 juillet 2016 de sorte qu’à cette date elle avait une connaissance exacte des faits susceptibles d’être reprochés au salarié.

La cour relève ensuite que non seulement la lettre de licenciement n’énonce pas de grief portant sur l’absence de correctif apporté aux anomalies identifiées par ce rapport mais que les pièces produites par l’employeur ne démontrent pas une persistance du comportement fautif en ce que le salarié aurait négligé de remédier aux non-conformités identifiées par la DREAL. A cet égard les fiches de non-conformité établies par l’audit de la société Auto Bilan Systems sont soit antérieures (2 juin 2016), soit inopérantes pour ne pas être de nature à être imputables au salarié (20 juillet 2017) et les anomalies qui y sont relevées sont distinctes de celles identifiées par la DREAL. Par ailleurs la société ne produit aucun élément de nature à contredire la réalisation des correctifs qu’elle a elle-même affirmé avoir apportés dans sa réponse à la DREAL par lettre du 11 juillet 2016.

Ainsi dès lors que la société ne justifie nullement que le non-respect par le salarié des procédures applicables au centres de contrôles techniques se soit poursuivi ou répété jusqu’à l’engagement de la procédure de licenciement le 7 novembre 2016, le fait énoncé dans la lettre de licenciement est prescrit et ne pouvait être sanctionné.

Sur le deuxième grief reposant sur son attitude à l’égard des clients, la société affirme justifier de la réalité de plaintes de clients dénonçant le comportement inapproprié du salarié et réfute tout pertinence aux attestations de complaisance produites par le salarié, en ce que ces témoignages ne traduisent que ‘leur reconnaissance’ pour leur avoir fait bénéficier de prix anormalement bas ou le concours de la propre compagne du salarié puisque certains le désignent sous le nom patronymique de celle-ci.

La société verse aux débats :

— neuf attestations de clients auxquelles sont jointes pour sept d’entre elles les factures de contrôle technique correspondant datées de 2015 à octobre 2016;

— les factures correspondant à treize des vingt sept attestations de clients.

Le salarié conteste le grief et produit :

— vingt sept attestations de clients rapportant leur satisfaction de l’accueil et de la prestation réalisée par le salarié;

— des encarts publicitaires présentant des promotions sur les contrôles techniques.

A l’analyse des pièces du dossier la cour relève qu’il ne ressort d’aucune pièce de rappel à l’ordre préalable sur le comportement du salarié et que huit des témoignages versés par la société se limitent à des appréciations subjectives de l’attitude du salarié, exprimées dans des termes généraux en ce qu’il a été ‘désagréable’, ‘peu sympathique’, ‘pas accueillant’, ‘son non professionnalisme et sa non amabilité’, ‘j’avais l’impression de l’exaspérer’ ,’le sentiment d’ennuyer le contrôleur’ et dont ils se sont plaints à l’employeur.

Seule l’attestation de [B] assortie d’une facturation datée du 6 octobre 2016 indique que ‘lorsque je suis revenu chercher ma voiture, j’ai eu la maladresse de m’appuyer sur le comptoir, là le contrôleur m’a dit qu’il en avait marre que tout le monde pousse son comptoir, le décèle du mur, qu’il ne fallait pas toucher son comptoir (dit d’un ton colérique). J’ai obtempéré et lors du compte rendu verbal du contrôle, j’ai de nouveau poussé le comptoir (sans le faire exprès) et là le contrôleur a changé de visage et m’a demandé si je me foutais de sa ‘gueule’. Je me suis excusé et ironiquement j’ai posé le trousseau de clés sur le comptoir en lui disant si les clés je pouvais les poser, je lui ai fait remarquer qu’il était particulièrement désagréable. Sur ces mots il me répondit qu’il s’en ‘foutait’. J’ai mis fin à la conversation pour ne pas envenimer les choses en lui disant que j’allais me plaindre à son patron, sur ce il me répondit de nouveau qu’il s’en ‘foutait. Je lui ai dit au revoir sans perdre mon sans froid et me rendit voir sa patronne qui elle s’est excusée pour le comportement de son employé’.

La cour relève que les attestations produites par le salarié, quand bien même il ne peut en être tiré de conclusion à partir du montant de leur facture, en particulier en l’état de l’existence d’opérations de promotions, présentent les mêmes caractères de subjectivité et d’imprécision et que celles de M. [R], M. [U] et M. [X] sont dénuées de valeur probante par leur désignation du salarié sous un autre patronyme.

Ainsi après analyse des pièces versées de part et d’autre, la cour dit que seul est établi un fait isolé à l’encontre de M. [B] le 6 octobre 2016 en ce que le salarié a tenu à l’égard de ce client, par la grossièreté du langage et la réprimande adressée, des propos manifestement contraires aux obligations inhérentes aux fonctions en lien avec une clientèle.

Sur le troisième grief reposant sur le non respect des horaires fixés par l’employeur de 8h-12h, 14h-18h au profit d’horaires aménagés par le salarié lui-même de 8h20-12h20, 13h40-17h40, la société qui réfute tout accord en ce sens, fait valoir que l’organisation imposée par le salarié qui a profité de l’indisponibilité de la gérante en raison de l’état de santé de son époux, a perduré jusqu’à l’engagement de la procédure de licenciement et impacté le chiffre d’affaires.

Elle produit :

— une photographie d’un affichage des horaires et des tarifs;

— une attestation du cabinet d’expertise comptable faisant état d’un chiffre d’affaires de 114 277 euros sur l’exercice 2015, de 94 388 euros sur l’exercice 2016 et de 79 291,94 euros pour la période du 1er janvier au 31 août 2017;

— une attestation d’un client M. [G] qui déclare qu”arrivé à 8h du matin devant le contrôle, personne alors qu’il est indiqué ouvert à 8h, à 8h30 une personne très désagréable à mon encontre m’a indiqué que sans rendez-vous ce n’était pas possible’;

— un certificat médical du docteur [S] du 22 septembre 2017 concernant la dégradation de l’état général de l’époux de la gérante depuis juillet 2016.

Le salarié fait valoir que le premier juge a exactement retenu que les faits étaient prescrits sans toutefois développer d’observations sur la prescription et sur le fond que cette modification de ses horaires de travail, effective depuis la mi-mai 2016 pour lui permettre d’amener et de rechercher son enfant à la crèche, était connue et tacitement acceptée par l’employeur qui n’avait formulé aucun reproche durant six mois.

Il produit :

— une attestation de la directrice de la crèche Les Coccinelles selon laquelle le salarié dépose sa fille le matin à 8h et vient la rechercher à 18h depuis le 2 mai 2016;

— un cliché photographique représentant la proximité immédiate des locaux de la société et de ceux du garage exploité par l’époux de la gérante;

— une capture d’écran de la page internet de la société le 13 novembre 2016 mentionnant les horaires 8h20-12h20, 13h40-17h40 du lundi au vendredi;

— des captures d’écran du compte facebook de la gérante faisant apparaître M. [G] comme ‘ami’.

La cour dit d’abord que la persistance du non-respect des horaires reproché au salarié jusqu’à l’engagement de la procédure de licenciement écarte toute prescription.

A l’analyse des écritures et des pièces du dossier, la cour relève ensuite que si les horaires de travail du salarié n’étaient pas contractuellement fixés, la matérialité d’une modification de ceux-ci à l’initiative du salarié avec pour effet de modifier les heures d’ouverture et de fermeture de la société, est établie par les éléments produits et n’est au demeurant pas contestée.

La cour relève encore qu’aucune pièce n’établit l’existence d’un accord exprès de l’employeur auquel il revient dans le cadre de son pouvoir de direction de décider des horaires de travail.

Toutefois il ressort des pièces produites que cet état de fait était effectif depuis plusieurs mois sans que la société ne verse de pièce de nature à établir son opposition à des horaires présentés même sur la page internet de la société pour la prise de rendez-vous, pas plus qu’elle ne démontre de lien entre la modification horaire et la baisse du chiffre d’affaires.

Il s’ensuit que le non respect des horaires de travail invoqué, limité à un décalage horaire sans réduction du temps de travail, ne revêt pas de caractère fautif.

La cour dit en conséquence que le grief n’est pas établi.

Sur le quatrième grief reposant sur le refus de participer à une vidéo promotionnelle et la critique irrespectueuse du choix marketing de l’employeur, le salarié oppose la prescription des faits en ce que cet événement est intervenu, sans être démenti, au cours de l’été 2016 et réfute les propos qui lui sont prêtés par l’employeur.

Quand bien même le refus du salarié de participer à cette opération est établi en ce qu’il n’est pas contesté, la cour relève à l’analyse des pièces du dossier qu’aucune pièce n’est produite de sorte que la société ne justifie ni de l’irrespect allégué ni que les faits sont antérieurs de moins de deux mois à l’engagement de la procédure de licenciement

La cour dit en conséquence que le grief ne peut être retenu.

Sur le cinquième grief reposant sur la liberté prise par le salarié de disposer sur la banque d’accueil de la société des cartes professionnelles d’un membre de sa famille sans accord préalable, la cour relève que sa matérialité est établie comme n’étant pas contestée par le salarié qui en réfute le caractère fautif en se prévalant d’une pratique courante, admise par l’employeur et même partagée par celui-ci qui présentait pour sa part les cartes de visite du garage de l’époux de la gérante.

Dans ses écritures le salarié cite ce grief dans ses développements sur la prescription

sans toutefois faire d’observations sur celle-ci ni prétendre qu’il aurait retiré ces cartes de visites dans le délai de deux mois précédant l’engagement de la procédure de licenciement.

Le fait continu n’encourt aucune prescription.

Les parties produisent des clichés photographiques pour étayer respectivement leurs affirmations.

Après analyse des pièces et écritures, la cour dit qu’il ressort bien du pouvoir de direction de l’employeur de fixer les règles et usages en vigueur dans l’entreprise. Toutefois il ne résulte d’aucune note, règlement intérieur, consigne ou rappel à l’ordre, d’interdiction que le salarié aurait enfreint et le fait n’est pas contraire aux règles régissant l’activité. Dans ces conditions la société ne justifie ni n’explicite en quoi le fait constitue un manquement du salarié à ses obligations contractuelles ou à la discipline en vigueur dans l’entreprise.

En conséquence la cour dit que le fait établi ne revêt pas de caractère fautif de sorte que le grief n’est pas établi.

Sur le sixième grief reposant sur l’entretien et la tenue des locaux, la société invoque le désordre permanent de son bureau, l’encombrement sans autorisation par ses affaires personnelles du bureau d’accueil dont il laisse un volet fermé en façade, l’absence de nettoyage de la piste de contrôle et de remise en place de la signalisation extérieure après une rafale de vent en octobre 2016. Il réfute tout enlèvement par le salarié de ses affaires personnelles durant l’été 2016 en se faisant valoir que la lettre de licenciement mentionne l’invitation à venir récupérer ses effets personnels entreposés dans l’entreprise.

La société produit :

— en pièce 25 un cliché photographique non daté d’une pièce aux volets fermés montrant des sacs, un lit et un landau d’enfant et celui d’une armoire basse ouverte avec du matériel et des objets non identifiables;

— en pièce 26 deux clichés photographiques non datés de la façade du bâtiment dont le volet d’une porte fenêtre est abaissé;

— en pièce 27 deux clichés photographiques d’une pièce d’eau, poubelle pleine et objets divers posés sur un meuble bas et le lavabo;

— en pièce 28 un cliché photographique de l’intérieur du meuble bas précédent dont les étagères sont remplies de matériel d’entretien et d’éléments en lien avec les repas, un cliché d’une étagère sur laquelle sont posés des fruits, mouchoirs, plastiques;

— en pièce 29 des vues d’un local de grande hauteur supportant au plafond des toiles d’araignées;

— l’attestation de Mme [D] qui indique, sans précision de date, que venant apporter son véhicule au centre de contrôle technique ‘j’ai tout d’abord fait presque demi-tour en arrivant en ayant l’impression que l’établissement était fermé (volet du bureau complètement baissé)’.

Le salarié oppose la prescription des faits relatifs à la présence d’objets personnels pour les avoir retirés au cours de l’été 2016 et conteste les griefs en ce que qu’ils ne sont ni sérieux ni fautifs.

Après analyse des pièces produites la cour relève d’une part que la société ne produit aucun élément de nature à établir les faits reposant sur le défaut de remise en place de la signalisation extérieure après une rafale de vent en octobre 2016, d’autre part qu’aucun des instantanés fournis par l’employeur ne permet de vérifier la réalité des faits allégués, de même que leur caractère constant et antérieur de moins de deux mois à l’engagement de la procédure de licenciement et la mention figurant dans la lettre de licenciement ne peut en tenir lieu.

En conséquence la cour dit que le fait relatif à la signalisation extérieure n’est pas établi et que pour le surplus des faits, ceux-ci sont prescrits et ne peuvent donc pas être retenus.

Sur le septième grief reposant sur une absence injustifiée la matinée du 10 novembre 2016, la société se réfère aux dispositions contractuelles prévoyant une demande d’autorisation préalable à toute absence prévisible et une information immédiate ainsi qu’un justificatif pour les absences résultant d’une maladie ou d’un accident et au bulletin de salaire sur lequel figure une retenue.

Le salarié admet son absence mais soutient avoir prévenu et sollicité l’autorisation de son employeur pour amener sa fille malade chez le pédiatre.

Il produit un extrait du carnet de santé de l’enfant faisant figurer un examen médical du 9ème mois le 10 novembre 2016 et la mention dans l’examen somatique d’un vomissement durant la nuit.

A l’analyse des écritures et des pièces du dossier, la cour relève que la matérialité de l’absence est établie et que le salarié, qui ne conteste pas la retenue opérée pour les 4h de la matinée, ne démontre pas avoir produit à l’employeur de justificatif de son absence et verse aux débats une pièce qui n’atteste que d’un seul examen de l’enfant à cette date.

En conséquence la cour dit que le grief est établi.

Sur le huitième grief reposant sur l’utilisation personnelle du véhicule de fonction qu’il avait notamment équipé d’un siège enfant, au détriment de son usage professionnel, la société fait valoir que la mise à disposition du véhicule deux places ne constituait pas contractuellement un avantage en nature, que l’usage qui en était fait n’était pas couvert par l’assurance du véhicule et qu’il a obligé l’employeur à se déplacer lui-même chez les concessionnaires pour prendre les véhicules à contrôler.

Elle verse l’attestation de M. [V], chef des ventes au sein de la concession Gemy Peugeot Fréjus, selon lequel ‘à partir de septembre 2016, seule Mme [E] [Y] venait chercher les véhicules chez Gemy Peugeot Fréjus en vue de réaliser les contrôles techniques’.

Le salarié conteste le caractère fautif de l’utilisation du véhicule de fonction dont l’usage pouvait être à la fois privé et professionnel et dont l’employeur n’avait pas critiqué jusqu’au licenciement l’aménagement avec un siège enfant.

Il ressort du contrat de travail que l’article 5 ‘Rémunération’ stipule qu’à la rémunération mensuelle du salarié ‘s’ajouteront les avantages en nature, notamment ceux prévus pour un véhicule de fonction’.

Ainsi quand bien même, le véhicule de fonction n’a pas suivi le régime applicable aux avantages en nature, la société s’était contractuellement engagée à mettre à disposition de son salarié un véhicule de fonction, ce qui l’autorisait à en faire un usage privé.

Par ailleurs l’appropriation alléguée du véhicule à des fins privées au détriment de son usage professionnel n’est pas démontrée par la production de l’attestation de M. [V], qui rend seulement compte de ce que la gérante accomplissait des tâches sans expliciter en quoi cette situation résultait de l’usage que faisait le salarié de son véhicule de fonction.

En conséquence la cour dit que le grief n’est pas établi.

En définitive, il résulte de l’ensemble de ces énonciations que seuls sont établis et non prescrits les griefs reposant sur le comportement fautif du salarié à l’encontre de M. [B] le 6 octobre 2016 et l’absence injustifiée le matin du 10 novembre 2016.

Cependant la cour dit que ces deux seuls griefs dont la réalité est établie au cours d’une relation contractuelle de quatre ans dénuée de tout antécédent disciplinaire, ne sont pas suffisamment sérieux pour justifier à eux seuls la rupture du contrat de travail.

Par conséquent la cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières de la rupture

Le salarié qui était employé dans une entreprise occupant habituellement moins de onze salariés peut prétendre en application de l’article L.1235-5 du code du travail dans sa rédaction applicable à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi du fait de la perte de l’emploi.

Eu égard au montant de la rémunération mensuelle brute perçue par le salarié (2383,32 euros), de son ancienneté au sein de l’entreprise et de son préjudice tel qu’il résulte des explications et des pièces fournies en ce qu’il a perçu un revenu de remplacement du 15 mars au 30 septembre 2017 et retrouvé un emploi à compter du 9 octobre 2017, la cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a exactement fixé à la somme de 10 000 euros le montant des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

En ajoutant au jugement déféré la cour dit que la somme allouée est exprimée en brut.

Sur les dispositions accessoires

La cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société aux dépens de première instance et alloué au salarié une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société succombant est condamnée à supporter les dépens d’appel.

En application de l’article 700 du code de procédure civile il est équitable que l’employeur contribue aux frais irrépétibles que le salarié a exposés en cause d’appel. La société sera en conséquence condamnée à lui verser la somme de 2000€ et sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit que la somme allouée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est exprimée en brut,

Condamne la SARL Santa Lucia Contrôle à verser à M. [C] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais d’appel,

Condamne la SARL Santa Lucia Contrôle à supporter les dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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