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Un titre de presse ne peut refuser l’insertion d’un droit de réponse que si les demanderesses ne sont pas titulaires de ce droit de réponse, ou que si le contenu du droit de réponse est contraire aux lois, aux bonnes mœurs, à l’intérêt légitime des tiers ou à l’honneur du journaliste, ou s’il portait sur un objet différent de celui traité dans l’article.
Pour être titulaire d’un droit de réponse, la personne physique ou morale doit être nommée dans l’article litigieux ou désignée et être aisément identifiable par les lecteurs du journal, et ce grâce à des éléments factuels suffisamment précis ou se rapportant à l’identité de la personne, ces éléments pouvant se trouver dans l’article, ou ressortir de son contexte immédiat. Toutefois, si les personnes visées (notamment les sociétés) ne sont pas déterminables avec l’évidence requise en référé, l’action est vouée à l’échec. Il résulte de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 que le directeur de la publication sera tenu d’insérer dans les trois jours de leur réception, les réponses de toute personne nommée ou désignée dans le journal ou écrit périodique quotidien sous peine de 3.750 euros d’amende sans préjudice des autres peines et dommages-intérêts auxquels l’article pourrait donner lieu. Il est précisé qu’en ce qui concerne les journaux ou écrits périodiques non quotidiens, le directeur de la publication, sous les mêmes sanctions, sera tenu d’insérer la réponse dans le numéro qui suivra le surlendemain de la réception. Il est indiqué que cette insertion devra être faite à la même place et en mêmes caractères que l’article qui l’aura provoquée, et sans aucune intercalation. Après des indications sur la longueur de la réponse, il est mentionné que la réponse sera toujours gratuite et ne sera exigible que dans l’édition ou les éditions où aura paru l’article. Il résulte du texte sus-cité que le droit de réponse est un droit général et absolu, destiné à assurer la protection de la personnalité, mais que comme il constitue une limite à la liberté d’expression puisqu’il conduit un directeur de la publication à faire publier un texte contre sa volonté, il doit, en application de l’article 10 paragraphe 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, être strictement limité à ce qui est nécessaire la défense de cette personnalité. Ce droit de réponse ne peut par conséquent tendre à devenir une tribune libre pour défendre des thèses. Celui qui en use est seul juge de la teneur, de l’étendue, de l’utilité et de la forme de la réponse dont il requiert l’insertion. Le refus d’insérer ne se justifie que si la réponse est contraire aux lois, aux bonnes mœurs, à l’intérêt légitime des tiers ou à l’honneur du journaliste ou si elle porte sur un objet différent de celui qui a été traité dans l’article, étant rappelé que la réponse est indivisible et que le directeur de la publication ne peut en retrancher le moindre élément. |
→ Résumé de l’affaireL’affaire concerne une assignation en référé délivrée par la société SOMAREP et la société [R] à [F] [N], directeur de publication du journal Le Canard enchaîné, et à la société LES EDITIONS MARECHAL – LE CANARD ENCHAINE. Les demanderesses demandent la publication de leur droit de réponse à un article paru dans le journal, qui les met en cause pour des pratiques de racket sur des marchés d’Ile de France. Elles contestent les allégations de l’article et présentent des éléments pour prouver leur bonne gestion des marchés. En réponse, [F] [N] et la société LES EDITIONS MARECHAL – LE CANARD ENCHAINE demandent l’annulation de l’assignation et contestent la légitimité des demandes de droit de réponse. L’affaire a été mise en délibéré pour le 26 avril 2024.
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→ Les points essentielsSur la régularité de l’assignation délivrée le 2 février 2024Il est rappelé que les actions diligentées sur le fondement de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 doivent respecter les formalités de l’article 53 de la même loi pour garantir la liberté d’expression et d’information. L’assignation doit préciser le fait incriminé, indiquer le texte de loi applicable, comporter le texte de la réponse et individualiser clairement l’article ou les propos faisant l’objet de la demande de réponse. Les défendeurs contestent la validité de l’assignation en raison de la confusion entre le groupe [R] Somarep et les sociétés le composant ayant envoyé des droits de réponse distincts. Les demanderesses soutiennent que l’assignation est régulière car elle vise le groupe [R] Somarep et non une société spécifique. L’assignation introductive d’instance a été délivrée le 2 février 2024 et respecte les exigences de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881. Il est conclu que l’assignation est régulière et que l’exception de nullité soulevée par les défendeurs est rejetée. Sur la publication litigieuseLes sociétés SOMAREP et [R] interviennent dans la gestion des marchés d’approvisionnement et sont présentées de manière critique dans un article du journal Le Canard enchaîné. Les droits de réponse envoyés n’ont pas été publiés par le directeur de publication. Les demanderesses soutiennent que le refus d’insérer leur droit de réponse constitue un trouble manifestement illicite. Les défendeurs affirment que le refus était légitime car les sociétés n’étaient pas visées dans l’article et que les réponses portaient atteinte aux droits des tiers. Il est rappelé que le juge des référés peut prescrire des mesures conservatoires pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Le droit de réponse doit être strictement limité à la défense de la personnalité et ne peut devenir une tribune libre. Il est conclu que les demanderesses n’ont pas établi que le refus d’insertion de leur droit de réponse constitue un trouble manifestement illicite. Sur la demande de dommages et intérêts présentée par [F] [N]La demande de dommages et intérêts présentée par [F] [N] est rejetée car les demanderesses n’ont pas abusé de leur droit d’agir en justice. Les sociétés SOMAREP et [R] sont condamnées à verser des sommes en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens. Les montants alloués dans cette affaire: – [F] [N] et la société LES EDITIONS MARECHAL – LE CANARD ENCHAINE : 1.000 euros chacun
– SOCIETE DES MARCHES DE LA REGION PARISIENNE – SOMAREP et la société [R] : dépens |
→ Réglementation applicable– Article 13 de la loi du 29 juillet 1881
– Article 53 de la loi du 29 juillet 1881 – Article 835 du code de procédure civile – Article 32-1 du code de procédure civile – Article 700 du code de procédure civile Texte de l’Article 13 de la loi du 29 juillet 1881: Texte de l’Article 53 de la loi du 29 juillet 1881: Texte de l’Article 835 du code de procédure civile: Texte de l’Article 32-1 du code de procédure civile: Texte de l’Article 700 du code de procédure civile: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Gilles GOLDNADEL, avocat au barreau de PARIS – #C1773
– Me Antoine COMTE, avocat au barreau de PARIS – #A0638 |
→ Mots clefs associés & définitions– Motifs
– Assignation – Loi du 29 juillet 1881 – Droit de réponse – Liberté d’expression – Convention européenne des droits de l’homme – Nullité – Sociétés SOMAREP et [R] – Groupe [R] Somarep – Directeur de publication – Article de presse – Refus d’insertion – Trouble manifestement illicite – Contestation sérieuse – Mesures conservatoires – Code de procédure civile – Amende – Dommages et intérêts – Abus de droit – Equité – Dépens – Motifs: Raisons ou justifications qui expliquent une décision ou une action.
– Assignation: Acte par lequel une personne est convoquée à comparaître devant un tribunal. – Loi du 29 juillet 1881: Loi française sur la liberté de la presse. – Droit de réponse: Droit pour une personne mise en cause dans un article de presse de répondre à ces accusations. – Liberté d’expression: Droit fondamental permettant à chacun de s’exprimer librement. – Convention européenne des droits de l’homme: Traité international protégeant les droits de l’homme en Europe. – Nullité: Annulation d’un acte juridique en raison d’un vice de forme ou de fond. – Sociétés SOMAREP et [R]: Entreprises impliquées dans un litige ou une affaire. – Groupe [R] Somarep: Ensemble des sociétés appartenant au groupe [R]. – Directeur de publication: Personne responsable du contenu d’un média. – Article de presse: Texte publié dans un journal ou un magazine. – Refus d’insertion: Rejet d’un contenu publicitaire ou éditorial par un média. – Trouble manifestement illicite: Situation clairement contraire à la loi et susceptible de causer un préjudice. – Contestation sérieuse: Argumentation solide remettant en cause une décision ou une action. – Mesures conservatoires: Décisions prises pour protéger les intérêts des parties en attendant une décision définitive. – Code de procédure civile: Ensemble des règles régissant la procédure judiciaire en matière civile. – Amende: Sanction pécuniaire imposée par un tribunal. – Dommages et intérêts: Somme d’argent versée à une personne pour compenser un préjudice subi. – Abus de droit: Utilisation d’un droit de manière excessive ou contraire à son but initial. – Equité: Principe de justice et d’équité dans les décisions judiciaires. – Dépens: Frais engagés lors d’une procédure judiciaire et pouvant être mis à la charge de la partie perdante. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
■
N° RG 24/50966 – N° Portalis 352J-W-B7I-C37O4
N° : 1/MM
Assignation du :
02 Février 2024
[1]
[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 26 avril 2024
par Sophie COMBES, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier.
DEMANDERESSES
S.A.S. SOCIETE DES MARCHES DE LA REGION PARISIENNE – SOMAREP
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Gilles GOLDNADEL, avocat au barreau de PARIS – #C1773
S.A.S. [R]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Gilles GOLDNADEL, avocat au barreau de PARIS – #C1773
DEFENDEURS
Monsieur [F] [N], ès qualités de Directeur de la publication du CANARD ENCHAÎNÉ,
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Antoine COMTE, avocat au barreau de PARIS – #A0638
S.A.S. LES EDITIONS MARECHAL – LE CANARD ENCHAINE
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Antoine COMTE, avocat au barreau de PARIS – #A0638
DÉBATS
A l’audience du 12 Mars 2024, tenue publiquement, présidée par Sophie COMBES, Vice-Présidente, assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier,
Après avoir entendu les conseils des parties,
Vu l’assignation en référé délivrée par acte d’huissier le 2 février 2024, dénoncée au ministère public par acte du 26 février 2024, à la requête de la société SOCIETE DES MARCHES DE LA REGION PARISIENNE – SOMAREP (ci-après SOMAREP) et de la société [R] à [F] [N], directeur de publication du journal Le Canard enchaîné, et à la société LES EDITIONS MARECHAL – LE CANARD ENCHAINE, éditrice, au visa des articles 13 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, 834 et 835 du code de procédure civile, afin de faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de la non insertion dans le journal de leur droit de réponse respectif à l’article “Les “pourboires obligatoires” gangrènent les marchés d’Ile de France” paru le 13 septembre 2023 dans le numéro 5366 du journal,
Vu les conclusions déposées et soutenues à l’audience du 12 mars 2024, auxquelles il convient de se reporter pour un plan ample exposé des moyens et prétentions, par lesquelles les sociétés SOMAREP et [R] demandent au juge des référés :
– de rejeter les demandes présentées par [F] [N] et la société LES EDITIONS MARECHAL – LE CANARD ENCHAINE,
– d’ordonner la publication – au même lieu, place et caractères que la publication mise en cause et sous astreinte journalière de 750 euros à compter du surlendemain de la parution du numéro qui suivra le prononcé de l’ordonnance à intervenir – des deux droits de réponse sollicités, à savoir :
1. “L’article du 13 septembre 2023 intitulé “Les “ pourboires obligatoires” gangrènent les marchés d’Ile de France” met gravement en cause la société [R] en la présentant comme employant des placiers rackettant en toute impunité des commerçants sur le marché d’[Localité 5] dont elle a la gestion.
Selon l’article, M. [C] aurait été “ viré” en 2022 après avoir arrêté de “raquer” et M. [G] aurait été gravement menacé et interdit de déballer car il n’aurait pas suffisamment donné de pourboire.
La société [R] réfute l’existence de racket sur le marché d’[Localité 5] qu’elle gère depuis 2014 avec la même équipe expérimentée de placiers.
Aucun fait de racket ne lui a été signalé ni par la ville, qui est représentée sur le terrain, ni par les commerçants.
M. [C] était commerçant abonné dans la halle Héloïse depuis 2016. Outre ses factures impayées, la société [R] lui a adressé de nombreux courriers – photos à l’appui – car son étal était dans un état de délabrement avancé et faisait peser un risque sanitaire sur la clientèle et les autres commerçants. Ses engagements écrits d’effectuer des travaux n’ont jamais trouvé d’effet et il a été exclu du marché par arrêté municipal du 10 août 2022 après une procédure contradictoire.
Quant à M. [G], celui-ci a fait l’objet de la même sanction après avoir eu des comportements inappropriés.
Ces exclusions sont parfaitement documentées et les intéressés sont libres de les contester judiciairement.
Ainsi, les témoignages recueillis sont ceux de deux commerçants sanctionnés.
Depuis la parution de cet article mettant en cause sa gestion, la société [R] a reçu un soutien extrêmement massif et spontané des commerçants.
Ainsi, 294 commerçants du marché d’[Localité 5] ont récemment signé une pétition dans laquelle ils déclarent ne rencontrer aucune difficulté avec les placiers.
La société [R] a, par ailleurs, été destinataire de plusieurs dizaines d’attestations de commerçants lui apportant spontanément leur soutien. A titre d’exemple, elle a reçu un courriel du 27 octobre 2023 d’un commerçant abonné sur le marché Héloïse assurant que les accusations formulées contre ses placiers ne correspondent pas à la réalité du terrain.
Le président du syndicat des commerçants des marchés d’[Localité 5] s’est également manifesté par courrier daté du 6 novembre 2023 pour contester les déclarations de MM. [G] et [C].
Outre les mesures internes de surveillance menées par la société [R], la ville d’[Localité 5] est largement représentée sur le terrain et contrôle, elle aussi, le comportement de nos placiers.
Selon cet article, certains de nos placiers à [Localité 5] seraient « d’anciens voyous prompts à l’intimidation » ou « des ex-taulards au casier bien garni ».
Au-delà de leur caractère extrêmement général, de telles assertions ne reflètent en rien la réalité du terrain.
En outre, la société [R] n’a pas le droit de demander le casier judiciaire des salariés qu’elle recrute. Si certains ont des antécédents judiciaires, il ne lui appartient pas de les empêcher de se réinsérer.
Enfin, en ce qui concerne le Val Fourré, il s’agit d’une affaire initiée en 2013 par une lettre anonyme dénonçant les agissements de placiers employés par la ville.
La gestion de ce marché n’a été confiée à la société [R] qu’à partir d’avril 2018 à la condition qu’une partie de l’équipe de placiers en place soit reprise.
L’information judiciaire a permis d’établir que la société [R] n’avait pas connaissance des infractions commises à son préjudice et au préjudice des commerçants. Lorsque des signalements ont été reçus, nous avons diligenté des enquêtes internes que nous avons transmises aux enquêteurs pour la manifestation de la vérité.
Par jugement du 16 janvier 2023, la société [R] a été reconnue comme victime par la justice dans cette affaire.
Le tribunal correctionnel de Versailles a retenu que « les [anciens placiers] avaient détourné une partie des recettes du marché au préjudice de la société [R] » et les a condamnés solidairement à réparer ses préjudices matériel et moral.
Créée en 1869, la société [R] a une expérience plus que centenaire. Elle organise et gère des marchés d’approvisionnement regroupant plus de 8.000 commerçants en France.
[B] [R]
Directrice générale de la société [R]”
2. “ L’article du 13 septembre 2023 intitulé “Les “pourboires obligatoires” gangrènent les marchés d’Ile de France” met gravement en cause la société Somarep en la présentant comme employant des placiers rackettant en toute impunité des commerçants sur des marchés de [Localité 6] et [Localité 9] dont elle a la gestion.
Ainsi, selon M. [M] cité par l’article, la “pratique du racket [serait] bien ancrée” à [Localité 6] et les “pourboires obligatoires pourraient représenter jusqu’à 700.000 euros” par an sur ce marché.
La société Somarep conteste avec la plus grande vigueur de telles allégations.
Elle gère le marché de [Localité 6] depuis 2016 et a été reconduite en 2022 avec la même équipe expérimentée de placiers.
Aucun fait de racket ne lui a été signalé ni par la ville, qui est représentée sur le terrain, ni par les commerçants.
Les pratiques rapportées par M. [M] (qui n’a d’ailleurs déposé aucune plainte pour racket) et son chiffre de 700.000 euros n’existent que dans son imagination, celui-ci ayant été exclu par arrêté municipal en raison de plusieurs signalements d’infractions au règlement du marché.
Pour tenter de se faire justice par lui-même, M. [M] n’a pas craint de menacer la société Somarep de divulguer des informations prétendument compromettantes pour lui nuire si celle-ci ne lui versait pas sans délai la somme de 300.000 euros.
Loin de céder à de telles intimidations, la société Somarep a porté plainte pour tentative de chantage le 14 novembre 2023 et a transmis immédiatement le dossier à son avocat qui a signalé ces faits au Procureur de la République.
Ainsi, le témoignage recueilli est celui d’un commerçant sanctionné et peu scrupuleux.
Sur des sujets plus accessoires, l’article indique qu’à [Localité 9], un boucher et une restauratrice réclameraient en vain le détail de leurs factures d’eau et d’électricité. La société Somarep n’a jamais reçu de telles demandes mais tient ces éléments à leur disposition.
Certains de nos placiers à [Localité 6] seraient par ailleurs “d’anciens voyous prompts à l’intimidation » ou « des ex-taulards au casier bien garni”.
Au-delà de leur caractère extrêmement général, de telles assertions ne reflètent en rien la réalité du terrain.
En outre, la société Somarep n’a pas le droit de demander le casier judiciaire des salariés qu’elle recrute. Si certains avaient des antécédents judiciaires, il ne lui appartient pas de les empêcher de se réinsérer.
[B] [R]
Directrice générale de la société Somarep”
– de condamner solidairement [F] [N], en qualité de directeur de la publication du Canard enchaîné, et la société LES EDITIONS MARECHAL – LE CANARD ENCHAINE, en qualité de civilement responsable, à verser aux sociétés SOMAREP et [R] la somme de 1.800 euros chacune au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens,
Vu les conclusions déposées et soutenues à l’audience du 12 mars 2024, auxquelles il convient de se reporter pour un plan ample exposé des moyens et prétentions, par lesquelles [F] [N] et la société LES EDITIONS MARECHAL – LE CANARD ENCHAINE, demandent au juge des référés :
– d’annuler l’assignation délivrée le 2 février 2024 dès lors qu’elle ne respecte pas les dispositions de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881,
– subsidiairement, de dire n’y avoir lieu à référé dès lors que le directeur de publication pouvait valablement refuser l’insertion des droits de réponse des demanderesses, les conditions de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 n’étant pas remplies et le groupe [R] Somarep, visé dans l’article, n’étant pas l’auteur des droits de réponse,
– de condamner les demanderesses à verser chacune la somme de 1.800 euros à [F] [N] pour procédure abusive,
– de condamner les demanderesses à verser chacune la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens,
Lors de l’audience du 12 mars 2024, les conseils des parties ont oralement soutenu leurs écritures.
A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 26 avril 2024, par mise à disposition au greffe.
Sur la régularité de l’assignation délivrée le 2 février 2024
Il sera en premier lieu rappelé que les actions diligentées sur le fondement de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881, tendant à faire cesser le trouble manifestement illicite résultant du refus injustifié d’insérer un droit de réponse, doivent se conformer aux dispositions de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 relatives aux formalités que doit respecter, à peine de nullité, l’acte introductif d’instance, y compris en matière civile et devant le juge des référés, et ce afin de garantir la liberté d’expression et d’information, protégée par l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme.
Il résulte de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 que la citation, à laquelle est assimilée l’assignation introductive d’instance, précisera et qualifiera le fait incriminé, qu’elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite. A ce titre, s’agissant d’une action fondée sur le refus d’insertion d’un droit de réponse, l’assignation devra comporter le texte de la réponse et individualiser sans équivoque l’article ou les propos faisant l’objet d’une demande de réponse. Elle contiendra de même élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et sera notifiée tant au défendeur qu’au ministère public, et ce avant la première comparution des parties devant le juge. Il est précisé que ces formalités doivent être observées à peine de nullité de l’acte introductif d’instance.
Les défendeurs soutiennent en l’espèce que l’assignation serait nulle au motif qu’alors que l’article litigieux vise le groupe [R] Somarep, lequel, inscrit au RCS, dispose de la personnalité morale (leurs pièces n°1 et 2), ce sont deux sociétés le composant qui ont chacune fait parvenir un droit de réponse distinct. Ils estiment que cette situation est source de confusion pour le directeur de publication qui n’est pas à même de déterminer quel est le texte qu’il doit examiner et le cas échéant insérer, ce qui est contraire aux dispositions de l’article 53 sus-cité.
Les demanderesses concluent au rejet de l’exception de nullité ainsi soulevée. Elles expliquent que l’article vise le “groupe [R] Somarep”, ensemble de personnes morales les incluant et sans personnalité juridique propre, et non la société Groupe [R] Somarep, holding dépourvue d’activité commerciale (leurs pièces n°1, 2, 3 et 10). Elles ajoutent que le fait que chacune d’elle ait envoyé un droit de réponse distinct ne saurait être source de confusion dès lors que, ne gérant pas les mêmes marchés, elles sont concernées par des passages distincts de l’article.
L’assignation introductive d’instance a été délivrée le 2 février 2024 à la requête des sociétés SOMAREP et [R], dont les coordonnées et formes sociales sont précisées en première page, et ce au visa de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881.
L’objet social de chacune des sociétés est précisé en page 5, la société SOMAREP étant présentée comme gérant, par le biais d’une délégation de service public, les marchés de [Localité 6] et de [Localité 9], et la société [R] comme gérant les marchés d’[Localité 5]. Il est précisé que ces sociétés appartiennent au même groupe, le groupe [R] Somarep, dirigé par [V] [W].
Il est ensuite indiqué que l’article intitulé “Les “pourboires obligatoires” gangrènent les marchés d’Ile de France”, publié dans le journal Le Canard enchaîné paru le 13 septembre 2023, viserait notamment les demanderesses qui ont chacune adressé au directeur de publication de l’hebdomadaire un droit de réponse, par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 1er décembre 2023 reçues les 4 et 5 décembre suivants, qui n’a pas été publié. Tant l’article de presse que le texte des droits de réponse sont reproduits dans l’assignation, laquelle mentionne en outre les dispositions de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 au visa duquel l’action est initiée. Les demanderesses précisent que le trouble manifestement illicite qu’elles souhaitent voir cesser résulte du refus d’insertion des deux droits de réponse.
Il apparaît au vu de ces éléments que l’assignation précise le fait incriminé, en décrivant le trouble manifestement illicite résultant du refus d’insertion des deux droits de réponse, dont les textes sont reproduits, à un article dont la teneur est rappelée, tout comme le texte fondant la poursuite. Il ne peut donc résulter de cet acte aucune confusion dans l’esprit des défendeurs sur ce qui leur est reproché.
Il convient par conséquent de considérer que l’assignation est régulière, le moyen soulevé par les défendeurs, qui tient à la difficulté pour le directeur de publication de déterminer s’il était tenu ou non de publier les textes adressés par les demanderesses au regard des critères posés par l’article 13 déjà cité, relevant en réalité d’une appréciation au fond du litige.
L’exception de nullité ainsi soulevée sera par conséquent rejetée.
Sur la publication litigieuse
Les sociétés SOMAREP et [R] indiquent intervenir pour le compte de collectivités dans toutes les phases de gestion des marchés d’approvisionnement et avoir respectivement en charge, par délégation de service public, la gestion des marchés de [Localité 6] et [Localité 9] pour la première et celle des marchés d’[Localité 5] pour la seconde (leurs pièces n°1, 2, 8 et 9). Elles précisent appartenir au “groupe [R] Somarep” dirigé par [V] [W] (leur pièce n°3).
[F] [N] est le directeur de publication de l’hebdomadaire Le Canard enchaîné édité par la société LES EDITIONS MARECHAL – LE CANARD ENCHAINE.
Il est établi que, le 13 septembre 2023, a été publié dans l’hebdomadaire un article intitulé “Les “pourboires obligatoires” gangrènent les marchés d’Ile-de-France”.
L’article débute par la citation de propos prêtés à [I] [M], “marchand de primeurs à [Localité 6]”, selon qui les commerçants sont obligés de “rajouter 10-15 euros” au prix de la place pour les donner aux placiers, “chargés d’installer et de faire payer les commerçants” sur les marchés. Il est alors indiqué “A écouter [I] [M] (…) la pratique du racket est bien ancrée sur l’immense marché de l’Horloge (…). Les placiers (…) sont employés du groupe [R] Somarep, concessionnaire de dizaines d’étals municipaux en région parisienne. (…) Selon son mode de calcul, les “pourboires obligatoires” pourraient représenter jusqu’à 700 000 euros par an à [Localité 6]”. Il est précisé que les placiers sont “quasiment toujours” payés en liquide, [I] [M] ayant commencé à rencontrer “des problèmes lors de ce jour de 2020 où il a décidé de régler par chèque” ce que les placiers n’auraient pas apprécié selon lui. Il est alors précisé qu’[I] [M] a été exclu à titre temporaire du marché en juin 2023 par la mairie de [Localité 6] à la suite “d’un rapport des placiers qui l’accusaient de “retard d’emballage” et de “non-port du masque” durant la pandémie”, et qu’il a déposé une plainte pour harcèlement.
Il est ensuite indiqué que “des histoires similaires au cas de [M] courent sur d’autres marchés gérés par le roi des étals”. Sont ici rapportés les témoignages de deux marchands, [X] [C] et [H] [G], exerçant à [Localité 5].
L’article indique ensuite qu’à “[Localité 5] et à [Localité 6], des commerçants décrivent certains encaisseurs comme “d’anciens voyoux” prompts à l’intimidation” et ajoute “la récolte des taxes est parfois confiée à des ex-taulards au casier bien garni”.
Le journaliste rapporte ensuite “la réponse curieuse” de [S] [D], maire d’[Localité 5], interrogé à ce sujet lors d’un conseil municipal, le maire indiquant : “On souffre d’argent liquide qui passe un peu trop, ça sert à certains à faire du blanchiment, à ne pas laisser de trace (…) Des enquêtes sont en cours, mais, attention, rien n’a été prouvé”.
Il indique ensuite avoir contacté “[V] [W], le directeur général de [R]” qui indique réfuter les accusations et précise qu’à [Localité 5], les commerçants lui en veulent car “ils magouillaient avec l’ancien délégataire”.
L’article précise alors que “les soupçons de racket ne sont pourtant pas inédits” et rappelle qu’en janvier 2023, “trois placiers de [R] ont pris de la tôle ferme pour avoir soutiré 2,5 millions d’euros”, [V] [W] soulignant être sorti “en héros de cette histoire” et que les placiers concernés lui avaient été imposés par la mairie de [Localité 8].
L’article conclut en indiquant que “malgré la concurrence, [R] n’éprouve guère de difficultés pour faire renouveler ses concessions”. Il précise ainsi :“A [Localité 6], en avril 2022, six entreprises ont fait acte de candidature (…) l’une d’elles a vu sa demande rejetée, et quatre autres ont “spontanément” renoncé à la leur. [R], qui restait seul en piste a donc pu rafler tranquillou ce contrat de 2,5 millions d’euros. Le talent, ça aide…”.
Au soutien de leurs prétentions, les sociétés [R] et SOMAREP communiquent une copie des courriers recommandés adressés à [F] [N], directeur de publication du journal Le Canard enchaîné, en date du 1er décembre 2023, reçus respectivement le 4 décembre et le 5 décembre 2023 (pièces n°5 et 6 en demande), dans lesquelles elles sollicitaient, au visa de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881, la publication des droits de réponse ci-dessus reproduits.
[F] [N] n’a pas donné suite aux courriers sollicitant l’insertion des droits de réponse.
Sur le trouble manifestement illicite résultant de la non-insertion des réponses
Les sociétés demanderesses soutiennent que le refus d’insérer leur droit de réponse constitue un trouble manifestement illicite dès lors que l’article ci-dessus décrit les met gravement en cause en les présentant comme employant des placiers rackettant les commerçants sur les marchés d’[Localité 5], de [Localité 6] et de [Localité 9]. Elles précisent à cet égard que le “groupe [R] Somarep” cité dans l’article ne doit pas être confondu avec la société holding “Groupe [R] Somarep”, et que ce sont bien elles qui sont visées à travers la désignation des marchés qu’elles gèrent. Elles rappellent être seules juges de l’utilité, de la forme et de la teneur de la réponse. Elles font aussi valoir que la désignation de tiers est en l’espèce nécessaire pour apporter des précisions sur ce qui est indiqué dans l’article, sous peine de voir leur réponse tronquée, et est commandée par la nécessité de leur défense. Elles soulignent avoir joint aux courriers comportant les réponses les pièces étayant les propos concernant les tiers cités afin que le directeur de publication en ait connaissance (leurs pièces n°5 et 6).
Les défendeurs affirment que le refus du directeur de publication d’insérer les droits de réponse était légitime dès lors que les sociétés [R] et SOMAREP ne sont pas visées dans l’article qui mentionne le “groupe [R] Somarep”, lequel est doté de la personnalité juridique contrairement à ce que soutiennent les demanderesses. Ils ajoutent que le texte des réponses portent atteinte aux droits des tiers en leur imputant divers comportements susceptibles d’être diffamatoires à leur égard, et notamment exploiter un étal dont l’état fait courir un risque sanitaire aux clients, avoir des comportement inappropriés ou de s’être livré à une tentative d’extorsion ou de chantage.
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Il résulte de l’article 835 du code de procédure civile que le juge des référés peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Il est précisé que dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Il résulte de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 que le directeur de la publication sera tenu d’insérer dans les trois jours de leur réception, les réponses de toute personne nommée ou désignée dans le journal ou écrit périodique quotidien sous peine de 3.750 euros d’amende sans préjudice des autres peines et dommages-intérêts auxquels l’article pourrait donner lieu. Il est précisé qu’en ce qui concerne les journaux ou écrits périodiques non quotidiens, le directeur de la publication, sous les mêmes sanctions, sera tenu d’insérer la réponse dans le numéro qui suivra le surlendemain de la réception. Il est indiqué que cette insertion devra être faite à la même place et en mêmes caractères que l’article qui l’aura provoquée, et sans aucune intercalation. Après des indications sur la longueur de la réponse, il est mentionné que la réponse sera toujours gratuite et ne sera exigible que dans l’édition ou les éditions où aura paru l’article.
Il résulte du texte sus-cité que le droit de réponse est un droit général et absolu, destiné à assurer la protection de la personnalité, mais que comme il constitue une limite à la liberté d’expression puisqu’il conduit un directeur de la publication à faire publier un texte contre sa volonté, il doit, en application de l’article 10 paragraphe 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, être strictement limité à ce qui est nécessaire la défense de cette personnalité. Ce droit de réponse ne peut par conséquent tendre à devenir une tribune libre pour défendre des thèses. Celui qui en use est seul juge de la teneur, de l’étendue, de l’utilité et de la forme de la réponse dont il requiert l’insertion. Le refus d’insérer ne se justifie que si la réponse est contraire aux lois, aux bonnes mœurs, à l’intérêt légitime des tiers ou à l’honneur du journaliste ou si elle porte sur un objet différent de celui qui a été traité dans l’article, étant rappelé que la réponse est indivisible et que le directeur de la publication ne peut en retrancher le moindre élément.
Il n’est ici pas contesté que les courriers comportant les textes de droit de réponse adressés au directeur de publication du journal le 1er décembre 2023 respectent les conditions de forme et de délai prévues aux articles 13 et 65 de la loi du 29 juillet 1881.
[F] [N] ne pouvait dès lors refuser leur publication que si les demanderesses n’étaient pas titulaires de ce droit de réponse, ou que si le contenu du droit de réponse était contraire aux lois, aux bonnes mœurs, à l’intérêt légitime des tiers ou à l’honneur du journaliste, ou s’il portait sur un objet différent de celui traité dans l’article.
Il sera rappelé en premier lieu, en application des textes et principes rappelés ci-dessus, que pour être titulaire d’un droit de réponse, la personne physique ou morale doit être nommée dans l’article litigieux ou désignée, id est aisément identifiable par les lecteurs du journal, et ce grâce à des éléments factuels suffisamment précis ou se rapportant à l’identité de la personne, ces éléments pouvant se trouver dans l’article, ou ressortir de son contexte immédiat.
Il apparaît en l’espèce, au vu de l’article ci-dessus décrit, qu’y sont d’abord évoquées les pratiques “de racket” prêtées par des commerçants des marchés de [Localité 6] aux placiers “employés du groupe [R] Somarep, concessionnaire de dizaines d’étals municipaux en région parisienne”. Ce “groupe” est ensuite désigné par l’expression “le roi des étals” pour indiquer que d’autres “histoires similaires” à celle relatée par [I] [M], marchand à [Localité 6], courent sur “d’autres marchés gérés par le roi des étals”. Sont alors évoqués les marchés de [Localité 9] et [Localité 5]. Il est ensuite fait part, face aux critiques des commerçants de ces différents marchés, de la réaction de “[V] [W], le directeur général de [R]”. Après un rappel d’une précédente condamnation concernant “trois placiers de [R]” et de la position “d’[W]” à ce sujet, l’article se conclut en mentionnant que “[R]” a pu obtenir le renouvellement de la concession pour les marchés de [Localité 6].
Il sera en premier lieu relevé que la société SOMAREP n’est pas nommée autrement que dans le dénomination du “groupe [R] Somarep” présenté comme l’employeur unique des placiers sur tous les marchés mentionnés dans l’article. Il apparaît en outre que si la dénomination “[R]” est citée, elle est liée à [V] [W] présenté par les demanderesses comme le dirigeant non de la société [R], mais comme celui du Groupe [R] Somarep. Il apparaît de plus que si sont évoquées les situations de plusieurs marchés respectivement gérés, selon les pièces produites en demande, par les sociétés SOMAREP et [R], l’article présente comme étant concernés indifféremment par ces marchés le “groupe [R] Somarep” ou “[R]”, et ce y compris pour l’annonce du renouvellement des concessions portant sur les marchés de [Localité 6] en principe gérés par la société SOMAREP.
Il apparaît, au vu des ces élements qui entretiennent une confusion entre les marchés, les personnes morales gérant les dits marchés et employant les placiers, que le lecteur n’est pas à même d’identifier avec aisance les différentes personnes morales effectivement désignées à travers la référence à la localisation des marchés concernés, ou à travers les dénominations “groupe [R] Somarep” et “[R]”, ces expressions semblant au surplus désigner la même entité dans l’article. Il sera en outre souligné que le contexte immédiat de l’article n’apporte aucun élément factuel complémentaire de nature à faciliter la compréhension du lecteur sur ce point. S’il peut être considéré que le site internet www.[07].fr, présenté par les demanderesses comme étant celui du groupe auxquelles elles appartiennent, est de nature à éclairer le lecteur, il apparaît, au vu de l’extrait communiqué par celles-ci (leur pièce n°3), que sous l’intitulé “[R] Somarep”, le “Groupe [R]” est décrit comme intervenant “pour le compte de nombreuses collectivités (…) dans toutes les phases de gestion des marchés d’approvisionnement” et comme “gérant des marchés couverts et découverts”. Dès lors, ces données en accès libre ne permettent pas de déterminer quelle serait la personne morale désignée à travers l’activité de gestion des marchés et les expressions “groupe [R] Somarep” et “[R]”.
Il apparaît en outre, au vu des extraits K-bis communiqués par les parties, que le “Groupe [R] Somarep” est effectivement une personne morale, dotée de la personnalité juridique, présidée par “[R] GROUP”, dont la directrice générale est [B] [R] et le directeur général délégué est “[A] [W] [E]” (pièces n°1 et 2 en défense). Il apparaît de même que les sociétés SOMAREP et [R] sont présidées par le Groupe [R] Somarep et ont comme directrice générale [B] [R], aucune référence à “[A] [W] [E]” ne figurant sur les extraits K-bis les concernant (pièces n°1 et 2 en demande). Ainsi, à la confusion résultant pour le lecteur des éléments ci-dessus décrits, s’ajoute le fait que les documents communiqués par les parties révèlent une structure juridique complexe unissant le groupe [R] Somarep, doté de la personnalité juridique, et les sociétés demanderesses.
Il résulte de ces différents éléments que la ou les personnes morales titulaires du droit de réponse à raison de l’article litigieux ne sont pas déterminables avec l’évidence requise en référé, de sorte que les demanderesses n’établissent pas que le refus d’insertion de leur droit de réponse respectif constitue un trouble manifestement illicite relevant de l’appréciation du juge des référés.
Il convient par conséquent de dire n’y avoir lieu à référé sur les demandes présentées par les sociétés SOMAREP et [R].
Sur la demande de dommages et intérêts présentée par [F] [N]
Il résulte de l’article 32-1 du code de procédure civile que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10.000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
Les demanderesses, dont les noms figurent dans l’article, ayant pu se méprendre sur l’étendue de leurs droits, il ne peut être considéré qu’elles ont abusé de leur droit d’agir en justice en initiant la présente action.
La demande présentée de ce chef par [F] [N] sera par conséquent rejetée.
Sur les autres demandes
Eu égard à l’équité, les sociétés SOMAREP et [R] seront condamnées in solidum à verser à [F] [N] et à la société LES EDITIONS MARECHAL – LE CANARD ENCHAINE la somme de 1.000 euros chacun en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Minas MAKRISSophie COMBES