RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 31 JANVIER 2020
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 18/20506 – n° Portalis 35L7-V-B7C-B6LCG
Décision déférée à la Cour : jugement du 02 juillet 2018 – Tribunal de commerce de PARIS – 15e chambre – RG n°2016063971
APPELANTE
S.A.R.L. HORS CONCEPTS CONSULTING, agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé
[…]
[…]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 804 806 347
Représentée par Me Matthieu GUILLOT de l’AARPI BG LAW, avocat au barreau de PARIS, toque C 1981
INTIMEE
[…], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[…]
[…]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 809 479 025
Représentée par Me D-Sophie LIGETI, avocat au barreau de PARIS, toque P 346
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 novembre 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme D-E F, Présidente, en présence de Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport
Mmes D-E F et Laurence LEHMANN ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme D-E F, Présidente
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère
Mme Françoise BARUTEL, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme D-E F, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire rendu le 2 juillet 2018 par le tribunal de commerce de Paris,
Vu l’appel interjeté le 30 août 2018 par la société Hors Concepts Consulting (HC Consulting),
Vu les dernières conclusions récapitulatives remises au greffe et notifiées, par voie électronique le 25 septembre 2019 par la société HC Consulting, appelante,
Vu les dernières conclusions (conclusions n°3) remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 26 septembre 2019 par la société Mikmak studio (Mikmak), intimée,
Vu l’ordonnance de clôture du 26 septembre 2019.
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Il sera simplement rappelé que la société Mikmak est une agence de communication constituée en société unipersonnelle, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Paris depuis le 9 février 2015, dont l’unique associé est M. X Y. Elle indique avoir une forte expérience en communication digitale, son activité consiste à refondre l’identité d’une marque, à s’occuper de la création, du design et de la conception de sites internet ou encore à créer des applications mobiles.
La société HC Consulting est une agence de communication spécialisée dans l’événementiel et inscrite au registre du commerce et des sociétés de Paris depuis le 25 septembre 2014, dont le gérant est M. Z A.
En 2015, les deux sociétés se sont rapprochées pour mettre en commun leurs expertises respectives et elles ont convenues de créer une société commune dénommée HC Consulting groupe. Ces deux sociétés ont débuté leur association sans avoir formalisé encore leur accord dans des documents signés en raison de leur relation de confiance.
De janvier à septembre 2015, les deux parties ont collaboré étant associées de fait. Les projets réalisés par l’une ou l’autre des sociétés donnaient lieu à une facturation par la société HC Consulting qui reversait ensuite à la société Mikmak le montant de ses prestations. La société Mikmak s’était installée dans les locaux de la société HC Consulting.
Chaque partie a finalement considéré en septembre 2015 que son partenaire ne remplissait pas sa part du contrat et l’association a pris fin en novembre 2015.
Le 6 février 2016, la société HC Consulting demandait par courrier électronique à la société Mikmak de procéder au retrait de l’application UTOPIK du compte Apple Developer de la société HC Consulting, de supprimer toute référence à la société ST Dupont en tant qu’éditeur de l’application mobile UTOPIK et de lui transférer la maîtrise de son compte Apple Developer.
Au mois d’octobre 2016, la société HC Consulting qui aurait constaté que, malgré ce qui avait été annoncé, la société Mikmak n’avait accompli aucune diligence efficace en vue notamment du transfert à son profit de son compte Apple Developer, lequel se trouvait alors désactivé, l’a faite assigner, par acte d’huissier de justice du 27 octobre 2016, devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 20 000 euros pour concurrence déloyale et parasitaire et négligences fautives.
Par jugement dont appel, le tribunal de commerce a débouté la société HC Consulting de ses demandes. Il retient que les faits incriminés n’ont eu que des conséquences peu significatives et que seules des attestations rédigées par des salariés de sociétés clientes sont produites en l’absence de courrier officiel ou mail confirmant l’existence du préjudice. Le tribunal a en revanche condamné la société HC Consulting à verser à la société Mikmak la somme de 5.000 euros à titre de réparation du préjudice subi du fait de l’abus de procédure et 3.500 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile.
La société HC Consulting sollicite l’infirmation du jugement et maintient sa demande de dédommagement à hauteur de 20 000 euros en réparation de l’ensemble de son préjudice commercial et à tout le moins moral, qu’elle décompose dans sa motivation comme suit :
— 5 000 euros au titre de la résistance de la société Mikmak dans son refus de lui transférer, sans aucun juste motif, la maîtrise de son compte Apple Developer,
— 5 000 euros au titre de l’impossibilité dans laquelle elle s’est trouvée de conduire librement son activité,
— 7 000 euros au titre de la perte de chance de participer aux marchés et opérations notamment pour le compte des sociétés ST Dupont, Conde Nast et […],
— 3 000 euros au titre des actes de parasitisme dont s’est rendue coupable la société Mikmak en tentant de se placer dans son sillage sans bourse délier et, pire, en utilisant frauduleusement sa carte bleue dans la conduite de son activité.
Elle sollicite également la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Mikmak conteste les fautes qui lui sont reprochées et argue en tout état de cause d’une absence de préjudice subi. Elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et d’y ajouter une nouvelle condamnation de 10 000 euros pour procédure abusive et de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de dire que les condamnations prononcées porteront intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir.
Sur les fautes alléguées
Sur la possession des codes du compte Apple Developer de HC Consulting par Mikmak
La société HC Consulting reproche à la société Mikmak d’avoir, par négligence fautive, refusé de procéder au transfert de son propre compte Apple Developer, lui interdisant ainsi d’être en mesure de se positionner sur des projets qui lui étaient proposés par ses clients, étant précisé qu’une société ne peut disposer que d’un seul et unique compte Apple Developer et que seule la personne physique «TEAM AGENT» peut agir sur le compte.
La société Mikmak indique que pendant les 10 mois qui ont suivi la rupture, la société HC Consulting n’a jamais cherché à avoir accès à son compte Apple Store (hormis dans le cadre de la publication de l’application UTOPIKDESIGN), et que c’est elle-même qui le 28 juin 2016 l’aurait avertie de la nécessité de renouveler sa cotisation faute notamment de rendre inaccessible l’application Dupont ST qu’elle avait développée et mise en ligne sur l’Apple Store de la société HC Consulting. Elle n’aurait reçu que le 20 juillet 2016 puis le 29 juillet une demande émanant de l’avocat de l’appelante sollicitant le transfert au profit de sa cliente de son compte.
Le 29 août 2016, au retour des congés d’été le nécessaire a été fait pour le transfert du compte et une invitation a été adressée à une dénommée B C de HC Consulting pour rejoindre le compte de développement d’Apple, invitation qui n’a pas été acceptée.
La société HC Consulting répond que B C n’est pas informaticienne et n’a pas de fonction de représentation, la cour observe pour autant qu’elle était la signataire de courriers adressés à la société Mikmak et notamment du courrier du 6 février 2016 susvisé et avait le poste de directrice de production.
En cause d’appel, la société HC Consulting produit un email en provenance de la société Apple du 9 octobre 2018, qui démontre qu’elle a pris attache, à cette date, avec cette société pour connaître les démarches à effectuer pour reprendre la maîtrise de son compte mais ne justifie d’aucune diligence entre 2016 et 2018.
Dès lors aucune faute de la société Mikmak, ni aucun préjudice de la société HC Consulting imputable à une faute à la société Mikmak ne seront retenus de ce chef.
Sur la création d’une application mobile via le compte de la société HC Consulting
La société Mikmak a créé au mois de février 2016 une application UTOPIK via le compte Apple Store de la société HC Consulting. Elle ne conteste pas les faits mais énonce qu’il s’agit d’une erreur de sa part à laquelle elle a rapidement remédié dès qu’elle en a été informée par le mail de la société HC concept du 6 février 2016.
Néanmoins la cour constate que l’utilisation de ce compte Apple Store qui avait été créé au nom de la société HC Consulting lors de l’opération relative au lancement d’une opération de briquets à l’effigie «Rolling Stones» pour la société Dupont apparaît comme une négligence fautive susceptible d’entraîner une confusion entre les deux opérations et entre la société Mikmak et la société HC Consulting.
Sur la revendication par la société Mikmak de l’opération «Dupont-Rolling Stones»
La société HC Consulting reproche à la société Mikmak de se prévaloir sur son site internet d’avoir conçu et développé une application mobile à l’occasion du lancement international de la collection Dupont-Rolling Stones sans avoir été autorisée ni par elle-même, ni par la société Dupont de s’en prévaloir, ni d’utiliser les marques de la société Dupont.
Elle reproche les mêmes faits à la directrice commerciale de la société Mikmak.
Pour autant, la cour constate que ni la société Dupont, ni la dite directrice commerciale ne sont parties à la procédure de sorte que ni les faits préjudiciables à la société Dupont, ni ceux imputables à la directrice commerciale ne pourront être pris en compte.
De plus, il n’est pas contesté que cette opération a été menée en collaboration par les sociétés Mikmak et HC Consulting du temps de leur entente et que dès lors aucune faute préjudiciable à la société appelante ne peut être retenue à l’encontre de la société Mikmak.
Sur l’utilisation de la carte bleue de HC Consulting par la société Mikmak
La société HC Consulting reproche aussi à la société Mikmak d’avoir utilisé sa carte bancaire sur le site internet UPWORK, plateforme de mise en relation des travailleurs indépendants et de clients pour un paiement de 94,50 euros qui lui a été débité en février 2016.
La société Mikmak reconnaît cette utilisation en expliquant que suite à une anomalie de paiement sur cette plateforme avec sa carte bancaire habituelle, le site a automatiquement débité les fonds, par défaut, avec la carte précédemment enregistrée, qui était celle de HC Consulting et indique avoir remboursé immédiatement la société HC Consulting et retiré la carte bancaire du compte dès qu’elle en a été informée.
Il appartenait à la société Mikmak de faire le nécessaire pour qu’un tel incident ne se produise pas et cet incident même s’il n’a pas causé de préjudice financier à la société HC Consulting lui a causé un préjudice matériel et moral qui doit être réparé.
Sur les manquements allégués de la société Mikmak à l’égard des clients de la société HC Consulting
La société HC Consulting fait encore grief à la société Mikmak de manquements dans l’exécution des missions qui lui avaient été confiées du temps de leur collaboration et qui auraient gravement porté atteinte aux relations d’affaires entretenues par elle avec ses clients dont les sociétés ST Dupont, Conde Nast et […].
Pour autant les éléments apportés aux débats par la société HC Consulting ne permettent pas à la cour de retenir de telles allégations qui n’avaient d’ailleurs pas fait l’objet de discussions ni de critiques au moment de la rupture des relations des deux sociétés en 2015.
La société HC Consulting sera déboutée de ses demandes de ce chef.
Sur la réparation des préjudices
Les fautes, constitutives de négligences fautives et non de concurrence déloyale et parasitaire, retenues à l’encontre de la société Mikmak lors de la création d’une application mobile via le compte de la société HC Consulting et par l’utilisation de la carte bancaire de la société HC Consulting pour un paiement lui incombant ont causé un préjudice à la société appelante qu’il convient de réparer.
La cour est à même, au vu des éléments de la procédure, de fixer à la somme totale de 2 000 euros la réparation de l’entier préjudice ainsi subi par la société HC Consulting.
Le jugement qui a débouté la société HC Consulting de l’ensemble de ses demandes sera infirmé et la société Mikmak sera condamnée à lui payer la somme de 2 000 euros pour négligences fautives.
Sur la procédure abusive, les frais et dépens,
La société Mikmak condamnée pour négligences fautives ne justifie pas d’un abus de procédure de la société HC Consulting.
Le jugement sera également infirmé de ce chef sans qu’il ne soit nécessaire de prononcer expressément une condamnation à restituer les sommes perçues réglées au titre de l’exécution provisoire, une telle obligation de restituer découlant nécessairement de l’infirmation prononcée.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté la société Hors Concepts Consulting de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire,
Et statuant à nouveau dans cette limite,
Condamne la société Mikmak Studio à payer la somme de 2 000 euros à la société Hors Concepts Consulting en réparation du préjudice subi pour négligences fautives,
Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation,
Condamne la société Mikmak Studio aux dépens de première instance et d’appel, et vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à verser à ce titre à la société Hors Concepts Consulting une somme de 1 500 euros.
La Greffière La Présidente